Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_8/LAM149
Alphonse de LAMARTINE
JOCELYN
1836
NOUVEL ÉPILOGUE
VARIANTE
Là, sans doute la mortavait fermé le livre. 6+6 a
Je voulus engagerla servante à me suivre, 6+6 a
Elle me répondit,en me montrant du doigt 6+6 b
L'arbuste enracinédans les fentes du toit : 6+6 b
5 « A ces murs, comme lui,ma vie a pris racines ; 6+6 a
« On me laissera bienvieillir sous ces ruines. 6+6 a
« Qu'est-ce qui soigneraitce seuil abandonné ? 6+6 b
« On m'y rapporterale pain que j'ai donné ! » 6+6 b
Je sifflai vainementle chien du jeune prêtre ; 6+6 a
10 Il s'émut à la voixde l'ami de son mtre, 6+6 a
Mais flairant le sentierqui menait au cercueil, 6+6 b
Sans faire un pas plus loin,il me suivit de l'œil ; 6+6 b
Les oiseaux affranchisrevinrent à leur cage ; 6+6 a
Et je n'emportai riende son pauvre héritage, 6+6 a
15 Que sur sa croix de boisson vieux Christ de laiton, 6+6 b
Ces feuillets déchirés,sa Bible et son bâton. 6+6 b
Six mois après, au temps l'on coupe les seigles, 6+6 a
Je vins herboriseraux montagnes des Aigles, 6+6 a
Et, de mon pauvre amile récit à la main, 6+6 b
20 De la grotte, en lisant,je cherchais le chemin. 6+6 b
Du drame de ses joursj'explorais le théâtre, 6+6 a
Lorsque je rencontraipar hasard le vieux pâtre ; 6+6 a
Je m'assis près de lui,sur l'herbe, au bord des flots : 6+6 b
Nous causâmes ensembleà peu près en ces mots : 6+6 b
LE PÂTRE.
Qui cherchez-vous, monsieur,dans ces déserts ?
MOI.
25 La place 6+6 a
D'une histoire d'amourque ce livre retrace, 6+6 a
La grotte deux enfans,sous les yeux du Seigneur, 6+6 b
Eurent tant d'innocenceavec tant de bonheur ; 6+6 b
Montrez-moi le tombeaude la dame inconnue. 6+6 a
LE PÂTRE.
30 Quoi ! cette histoire aussijusqu'à vous est venue ? 6+6 a
MOI.
J'étais le seul amide l'un des deux amans, 6+6 b
(En lui montrant le manuscrit.)
Et j'ai là le récitde tous leurs sentimens. 6+6 b
LE PÂTRE.
Je voudrais bien savoirsi ce livre me nomme ? 6+6 a
MOI.
Vous ?
LE PÂTRE.
Oui, moi.
MOI.
Et comment ?
LE PÂTRE.
Je ne suis qu'un pauvre homme, 6+6 a
35 Et c'est moi qui fus cause,hélas ! sans le savoir, 6+6 b
De leur bonheur trop courtet de leur désespoir. 6+6 b
MOI.
Quoi ! vous seriez ?…
LE PÂTRE.
C'est moiqui leur montrai la route 6+6 a
De la grotte, et deux ansles cachai sous sa vte ; 6+6 a
C'est moi qui les nourris,elle et lui, de mon pain. 6+6 b
40 Tenez, voyez là-haut,au-dessus du sapin, 6+6 b
A droite, un peu plus basque cette aiguille blanche, 6+6 a
Vous suivrez le ravincomblé par l'avalanche ; 6+6 a
Par une gorge étroite,après, vous descendrez 6+6 b
Jusqu'aux rives du lacbordé de petits prés ; 6+6 b
45 Et là, près de la grève son écume flotte, 6+6 a
Vous verrez trois tombeauxà deux pas d'une grotte. 6+6 a
MOI.
Trois tombeaux ? Le récitne parle que de deux, 6+6 b
Le proscrit et Laurence.
LE PÂTRE.
Et leur ami près d'eux. 6+6 b
MOI.
Quoi ! Jocelyn ici ?Vous vous trompez.
LE PÂTRE.
Lui-même. 6+6 a
50 Il repose en ces lieuxauprès de ce qu'il aime. 6+6 a
Instruite, on ne sait tropcomment, des grands secrets, 6+6 b
Quand Marthe eut tout trahipar des mots indiscrets, 6+6 b
Ses pauvres paroissiens,par pitié pour son âme, 6+6 a
Rapportèrent son corpsau tombeau de la dame, 6+6 a
55 Et depuis deux saisonsils sont couchés tous trois 6+6 b
Aux lieux qu'ils ont aiméset sous la même croix. 6+6 b
MOI.
Ah ! vers ces trois tombeaux,berger, menez-moi vite ; 6+6 a
J'aime à fouler le solque sa dépouille habite, 6+6 a
Comme on aime à s'asseoirsur le bloc attiédi 6+6 b
60 le rayon du jourà peine est refroidi. 6+6 b
Allons ! le jour encoreéclaire la montagne ! 6+6 a
LE PÂTRE.
N'attendez pas, monsieur,que je vous accompagne ; 6+6 a
Pour la dernière foisj'ai foulé ces sommets, 6+6 b
Allez-y seul ; mes piedsn'y monteront jamais ! 6+6 b
MOI.
65 Avez-vous donc, berger,peur de ce coin de terre ? 6+6 a
LE PÂTRE.
Il se passe, monsieur,là-haut quelque mystère 6+6 a
Que l'homme encor pécheurprofane en regardant ; 6+6 b
C'est comme un Dieu cachédans un buisson ardent. 6+6 b
MOI.
Qu'avez-vous vu ? Parlez !
LE PÂTRE.
Oh ! des choses étranges 6+6 a
70 Et faites seulementpour les regards des anges ! 6+6 a
MOI.
Ne m'ouvrez pas ainsivotre cœur à demi ; 6+6 b
Je crois en Dieu, berger,et j'étais leur ami ! 6+6 b
LE PÂTRE.
Vous voulez donc, monsieur,que je vous le raconte ? 6+6 a
Dieu sait si je vous mens,et pourtant j'en ai honte. 6+6 a
75 Vous direz, c'est un rêve !et je ne dormais pas ! 6+6 b
Un jour, près des tombeauxj'avais porté mes pas ; 6+6 b
Pour ces trois chers défuntsj'avais dit mes prières, 6+6 a
Fait trois signes de croixet baisé leurs trois pierres ; 6+6 a
Puis, les yeux par mes pleursencor tout obscurcis, 6+6 b
80 Non loin, au bord du lac,pensif, j'étais assis. 6+6 b
Aucun vent n'en frôlaitla surface limpide, 6+6 a
L'eau profonde y dormait,transparente et sans ride, 6+6 a
Et je laissais mes yeux,qui regardaient sans voir, 6+6 b
Avec distractionflotter sur ce miroir. 6+6 b
85 La cime des glaciersavec ses neiges blanches, 6+6 a
La grotte et ses tombeaux,les chênes et leurs branches, 6+6 a
Et le dôme sereind'un pan de firmament, 6+6 b
Tout s'y réfléchissait,clair, dans l'éloignement ; 6+6 b
Soudain l'onde immobile, mon regard se plonge, 6+6 a
90 S'illumine ; et je vois,comme l'on voit en songe, 6+6 a
Deux figures sortirdu ciel resplendissant, 6+6 b
Aux cimes du glacierdescendre en s'embrassant, 6+6 b
Et, comme deux oiseauxdont l'aile est éclairée, 6+6 a
S'abattre sur la grotteet planer à l'entrée. 6+6 a
95 Ébloui des clartésque l'eau semblait darder, 6+6 b
Sans haleine, j'osaisà peine regarder ; 6+6 b
Mais l'image dans l'eaus'éclairant à mesure,' 6+6 a
Je reconnus, monsieur,l'une et l'autre figure. 6+6 a
MOI.
Et c'était ?…
LE PÂTRE.
Jocelyn !et Laurence avec lui ! 6+6 b
100 Si j'avais pu marcherje me serais enfui ; 6+6 b
Mais je restai clouéde terreur à ma place, 6+6 a
Et mes yeux, malgré moi,les voyaient dans la glace. 6+6 a
Vêtus d'air et de jourau lieu de vêtemens, 6+6 b
Se tenant par la mainainsi que deux amans ; 6+6 b
105 Sur l'herbe qui frémitleurs pieds joints s'arrêtèrent, 6+6 a
Et, de là, sans parler,leurs regards se portèrent] 6+6 a
Sur les sites, les eaux,les arbres du beau lieu 6+6 b
Comme quand on arrive,ou qu'on va dire adieu ; 6+6 b
Tour à tour l'un à l'autre,ils se montraient du geste, 6+6 a
110 Du temps de leurs amours,hélas ! le peu qui reste, 6+6 a
Les plantes, les rochers,les chênes éclaircis, 6+6 b
La mousse au bord du lac l'on s'était assis, 6+6 b
La source extravaséeet les nids d'hirondelles, 6+6 a
Et la plume par terrearrachée à leurs ailes ; 6+6 a
115 Puis ils se regardaient,souriant, elle et lui, 6+6 b
Comme quelqu'un qui voitson idée en autrui ; 6+6 b
Et Laurence, abaissantune main jusqu'aux herbes, 6+6 a
Des mille fleurs des préscueillait de grosses gerbes, 6+6 a
Feuille à feuille, au hasard,nuançait leurs couleurs, 6+6 b
120 Et de la tête aux piedsse vêtissait de fleurs, 6+6 b
Comme une aurore au cielse revêt de la nue ; 6+6 a
Et l'amant embaumés'enivrait de sa vue. 6+6 a
Et comme pour venirassister à leurs jeux, 6+6 b
Tout ce qu'ils appelaientressuscitait pour eux, 6+6 b
125 Et les plantes croissaientà leur seule pensée, 6+6 a
Et la biche accouraitlécher leur main baissée, 6+6 a
Et le chien au soleilse couchait à leurs piés, 6+6 b
Et les pigeons enfuisde leurs nids effrayés 6+6 b
Par Laurence nommésrevenaient d'un coup d'aile 6+6 a
130 Becqueter son épauleet planer autour d'elle ; 6+6 a
Et puis je vis venird'en haut, monter d'en bas, 6+6 b
Hommes, femmes, enfans,que je ne connus pas ; 6+6 b
A ces noces du ciel,foule que Dieu convie, 6+6 a
Qui viennent retraceret bénir une vie ! 6+6 a
135 Jocelyn, lui du moins,tous les reconnaissait, 6+6 b
Car par son nom mortelchacun le bénissait ; 6+6 b
Et deux anges de Dieusur l'herbe descendirent ; 6+6 a
Sur le couple bénileurs ailes s'étendirent, 6+6 a
Et ces ailes formaientcomme un grand dôme bleu 6+6 b
140 Pour ombrager leurs frontsd'un invisible feu ; 6+6 b
Et j'entendis les voixd'un million de génies 6+6 a
Se répandre sur l'ondeen vagues d'harmonies ; 6+6 a
Et pendant qu'ils chantaient,les anges du Seigneur, 6+6 b
Aux doigts des deux amans,rougissant de bonheur, 6+6 b
145 Passaient le double anneaudes noces éternelles, 6+6 a
Et sur leurs fronts baissés,ouvrant un peu leurs ailes, 6+6 a
Laissaient percer du cielun rayon de l'amour : 6+6 b
Et mes yeux, foudroyésde ce céleste jour, 6+6 b
Virent les deux amansne former qu'un seul être 6+6 a
150 l'un ne pouvait plusde l'autre se conntre, 6+6 a
Et dans un lumineuxévanouissement 6+6 b
Fondre comme une étoileau jour du firmament ! 6+6 b
Et comme, pour mieux voir,je détournais la tête, 6+6 a
Tout le lac frissonnadu vol de la tempête, 6+6 a
155 Et roula dans ses bruits,avec solennité, 6+6 b
Laurence ! Jocelyn !amour ! éternité ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université