Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_8/LAM147
Alphonse de LAMARTINE
JOCELYN
1836
NEUVIÈME ÉPOQUE
O nid dans la montagne mon âme s'abrite ! 6+6 a
Me voici donc rentrépour jamais dans mon gîte, 6+6 a
Comme le passereausans ailes pour courir 6+6 a
Qui dans un trou du murs'abrite pour mourir ? 6+6 a
5 Oh ! d'un peu de reposque mon âme pressée 6+6 a
Y devançait de loinmes pas par ma pensée ! 6+6 a
Que l'ombre des grands montsse noyant dans les cieux, 6+6 a
Quand je fus à leurs pieds,fut amie à mes yeux ! 6+6 a
Comme je respirais,en montant leurs collines, 6+6 a
10 Les vents harmonieuxexhalés des ravines, 6+6 a
Ces vents qui du mélèzeau rameau dentelé 6+6 a
Sortent comme un soupirà demi consolé ! 6+6 a
Que du premier sapinl'écorce me fut douce ! 6+6 a
Que je m'étendis laset triste sur la mousse ! 6+6 a
15 Que j'y collai ma boucheen silence et longtemps ! 6+6 a
N'entendant que les coupsen ma tempe battans, 6+6 a
Et l'assaut orageuxde mes mille pensées 6+6 a
En larmes plus qu'en motssur les herbes versées ! 6+6 a
Combien de fois je busdans le creux de ma main 6+6 a
20 Un peu d'eau du torrentqui borde le chemin ! 6+6 a
Que souvent mon oreilleà ses flots attentive 6+6 a
Crut reconntre un cridans ses bonds sur sa rive, 6+6 a
Et d'un frisson glacéme ridant tout entier, 6+6 a
M'arrêta palpitantsur le bord du sentier ! 6+6 a
25 Enfin, le soir, je visnoircir entre les cimes 6+6 a
Des arbres, mes murs grisau revers des abîmes. 6+6 a
Les villageois éparssur leurs meules de foin 6+6 a
Du geste et du regardme saluaient de loin. 6+6 a
L'œil fixé sur mon toitsans bruit et sans fumée 6+6 a
30 J'approchais, le cœur gros,de ma porte fermée ; 6+6 a
Là, quand mon pied poudreuxheurta mon pauvre seuil, 6+6 a
Un tendre hurlementfut mon unique accueil ; 6+6 a
Hélas ! c'était mon chiencouché sous ma fenêtre 6+6 a
Qu'avait maigri trois moisle souci de son mtre. 6+6 a
35 Marthe filait assiseen haut sur le palier ; 6+6 a
Son fuseau de sa mainroula sur l'escalier ; 6+6 a
Elle leva sur moison regard sans mot dire ; 6+6 a
Et comme si son œildans mon cœur t pu lire, 6+6 a
Elle m'ouvrit ma chambreet ne me parla pas. 6+6 a
40 Le chien seul en jappants'élança sur mes pas, 6+6 a
Bondit autour de moide joie et de tendresse, 6+6 a
Se roula sur mes piedsenchnés de caresse, 6+6 a
Léchant mes mains, mordantmon habit, mon soulier, 6+6 a
Sautant du seuil au lit,de la chaise au foyer, 6+6 a
45 Fêtant toute la chambre,et semblant aux murs même, 6+6 a
Par ses bonds et ses cris,annoncer ce qu'il aime, 6+6 a
Puis sur mon sac poudreuxà mes pieds étendu 6+6 a
Me couva d'un regarddans le mien suspendu. 6+6 a
Me pardonnerez-vous,vous qui n'avez sur terre 6+6 a
50 Pas même cet amidu pauvre solitaire ? 6+6 a
Mais ce regard si doux,si triste de mon chien 6+6 a
Fit monter de mon cœurdes larmes dans le mien. 6+6 a
J'entourai de mes brasson cou gonflé de joie ; 6+6 a
Des gouttes de mes yeuxroulèrent sur sa soie ; 6+6 a
55 O pauvre et seul ami,viens, lui dis-je, aimons-nous ! 6+6 a
Car partout Dieu mitdeux cœurs, s'aimer est doux ! 6+6 a
Hélas ! rentrer tout seuldans sa maison déserte 6+6 a
Sans voir à votre approcheune fenêtre ouverte, 6+6 a
Sans qu'en apercevantson toit à l'horizon 6+6 a
60 On dise : Mon retourréjouit ma maison ; 6+6 a
Une sœur, des amis,une femme, une mère 6+6 a
Comptent de loin les pasqui me restent à faire ; 6+6 a
Et dans quelques momens,émus de mon retour, 6+6 a
Ces murs s'animerontpour m'abriter d'amour ! 6+6 a
65 Rentrer seul, dans la course glisser en silence 6+6 a
Sans qu'au-devant du vôtreun pas connu s'avance, 6+6 a
Sans que de tant d'échosqui parlaient autrefois 6+6 a
Un seul, un seul au moinstressaille à votre voix ! 6+6 a
Sans que le sentimentamer qui vous inonde 6+6 a
70 Déborde hors de vousdans un seul être au monde, 6+6 a
Excepté dans le cœurdu vieux chien du foyer 6+6 a
Que le bruit de vos paserrans fait aboyer ! 6+6 a
N'avoir que ce seul cœurà l'unisson du vôtre 6+6 a
ce que vous sentezse reflète en un autre, 6+6 a
75 Que cet œil qui vous voitpartir ou demeurer, 6+6 a
Qui sans savoir vos pleursvous regarde pleurer, 6+6 a
Que cet œil sur la terre votre œil se repose, 6+6 a
A qui, si vous manquiez,manquerait quelque chose, 6+6 a
Ah ! c'est affreux peut-être !eh bien ! c'est encor doux ! 6+6 a
80 O mon chien ! Dieu seul saitla distance entre nous, 6+6 a
Seul il sait quel degréde l'échelle de l'être 6+6 a
Sépare ton instinctde l'âme de ton mtre ; 6+6 a
Mais seul il sait aussipar quel secret rapport 6+6 a
Tu vis de son regardet tu meurs de sa mort, 6+6 a
85 Et par quelle pitiépour nos cœurs il te donne 6+6 a
Pour aimer encoreencor ceuxque n'aime plus personne. 6+6 a
Aussi, pauvre animal,quoique à terre couché, 6+6 a
Jamais d'un sot dédainmon pied ne t'a touché, 6+6 a
Jamais d'un mot brutalcontristant ta tendresse 6+6 a
90 Mon cœur n'a repousséta touchante caresse. 6+6 a
Mais toujours, ah ! toujours,en toi j'ai respecté 6+6 a
De ton mtre et du mienl'ineffable bonté, 6+6 a
Comme on doit respectersa moindre créature, 6+6 a
Frère à quelque degréqu'ait voulu la nature ! 6+6 a
95 Ah ! mon pauvre Fido,quand, tes yeux sur les miens, 6+6 a
Le silence comprendnos muets entretiens ; 6+6 a
Quand, au bord de mon lit,épiant si je veille, 6+6 a
Un seul souffle inégalde mon sein te réveille ; 6+6 a
Que lisant ma tristesseen mes yeux obscurcis 6+6 a
100 Dans les plis de mon fronttu cherches mes soucis, 6+6 a
Et que pour la distraireattirant ma pensée, 6+6 a
Tu mords plus tendrementma main vers toi baissée ; 6+6 a
Que, comme un clair miroir,ma joie ou mon chagrin 6+6 a
Rend ton œil fraternelinquiet ou serein ; 6+6 a
105 Que l'âme en toi se lèveavec tant d'évidence, 6+6 a
Et que l'amour encorpasse l'intelligence ; 6+6 a
Non tu n'es pas du cœurlà vaine illusion, 6+6 a
Du sentiment humainune dérision, 6+6 a
Un corps organiséqu'anime une caresse, 6+6 a
110 Automate trompeurde vie et de tendresse ! 6+6 a
Non ! quand ce sentiments'éteindra dans tes yeux, 6+6 a
Il se ranimeradans je ne sais quels cieux. 6+6 a
De ce qui s'aima tant,la tendre sympathie, 6+6 a
Homme ou plante, jamaisne meurt anéantie : 6+6 a
115 Dieu la brise un instant,mais pour la réunir ; 6+6 a
Son sein est assez grandpour nous tous contenir ! 6+6 a
Oui, nous nous aimeronscomme nous nous aimâmes. 6+6 a
Qu'importe à ses regardsdes instincts ou des âmes ? 6+6 a
Partout l'amitiéconsacre un cœur aimant, 6+6 a
120 Partout la natureallume un sentiment, 6+6 a
Dieu n'éteindra pas plussa divine étincelle, 6+6 a
Dans l'étoile des nuitsdont la splendeur ruisselle, 6+6 a
Que dans l'humble regardde ce tendre épagneul 6+6 a
On conduisait l'aveugleet meurt sur son cercueil !!! 6+6 a
125 Oh ! viens, dernier amique mon pas réjouisse, 6+6 a
Ne crains pas que de toidevant Dieu je rougisse ; 6+6 a
Lèche mes yeux mouillés !mets ton cœur près du mien, 6+6 a
Et, seuls à nous aimer,aimons-nous, pauvre chien ! 6+6 a
Oh ! que l'année est lenteet que le jour s'ennuie 6+6 a
130 Pendant ces mois d'hiver la sonore pluie, 6+6 a
Par l'ouragan fouettéeet battant les vitraux, 6+6 a
Du verre ruisselantobscurcit les carreaux' ; 6+6 a
Que l'horizon voilépar les brunies glacées, 6+6 a
Ainsi que mes regards,rétrécit mes pensées, 6+6 a
135 Et que je n'entends rienque le vent noir du nord 6+6 a
Sifflant par chaque fenteun gémissant accord, 6+6 a
Des cascades d'hiverla chute monotone, 6+6 a
L'avalanche en lambeauxqui bondit et qui tonne, 6+6 a
Et quelques gloussemensde poules dans la cour, 6+6 a
140 Et Marthe à son rouetqui file tout le jour. 6+6 a
Alors ! ah ! c'est alorsque mon âme isolée, 6+6 a
Par tous les élémensdans mon sein refoulée, 6+6 a
Comme un foyer sans airse dévorant en moi, 6+6 a
Veut se fuir elle-mêmeet cherche autour de soi, 6+6 a
145 Et seul l'ennui de vivreentrer par chaque pore, 6+6 a
Et regarde bien loinsi quelqu'un l'aime encore, 6+6 a
S'il est un seul vivantqui, par quelque lien, 6+6 a
M'adresse un souveniret se rattache au mien ; 6+6 a
Et, ne voyant partoutqu'indifférence et tombe, 6+6 a
150 Dans son vide sans bordde tout son poids retombe. 6+6 a
Tel par la caravaneau désert oublié 6+6 a
L'homme cherche de l'œilla trace d'un seul pié, 6+6 a
Et regarde, aussi, loinque peut porter sa vue, 6+6 a
S'il voit à l'horizonquelque point qui remue, 6+6 a
155 Quelque tente qui fume,ou quelque palmier vert 6+6 a
Qui rompe à son regardla ligne du désert, 6+6 a
Mais qui, n'apercevantque des sables arides 6+6 a
Dont le vent du simouna labouré les rides, 6+6 a
Sans espoir qu'aucun piedvienne le secourir 6+6 a
160 Ferme les yeux au jouret s'assied pour mourir ! 6+6 a
Puis comme un cœur briséqu'un mot touchant ranime, 6+6 a
Et criant vers le cieldu fond de mon abîme, 6+6 a
Je jette à Dieu mon âme,et je me dis : En lui 6+6 a
J'ai les eaux de ma soif,la fin de mon ennui ; 6+6 a
165 J'ai l'ami dont le cœurde tout amour abonde, 6+6 a
La famille immortelleet l'invisible monde ! 6+6 a
Et je prie, et je pleure,et j'espère, et je sens 6+6 a
L'eau couler dans mon cœuraride, et je descends 6+6 a
Dans mon jardin trempépar les froides ondées 6+6 a
170 Visiter un momentmes plantes inondées ; 6+6 a
Je regarde à mes piedssi les bourgeons en pleurs 6+6 a
Ont de mes perce-neigeépanoui les fleurs, 6+6 a
Je relève sous l'eaules tiges abattues, 6+6 a
Je secoue au soleilles cœurs de mes laitues, 6+6 a
175 J'appelle par leurs nomsmes arbres en chemin, 6+6 a
Je touche avec amourleurs branches de la main ; 6+6 a
Comme de vieux amisde cœur je les aborde, 6+6 a
Car dans l'isolementmon âme qui déborde 6+6 a
De ce besoin d'aimer,sa vie et son tourment, 6+6 a
180 Au monde végétals'unit par sentiment ; 6+6 a
Et si Dieu réduisaitles plantes en poussière, 6+6 a
J'embrasserais le solet j'aimerais la pierre !… 6+6 a
Je caresse, en rentrant,sur la mur de ma cour 6+6 a
L'aile de mes pigeonstout frissonnans d'amour, 6+6 a
185 Ou je passe et repasseune main sur la soie 6+6 a
De mon chien, dont le poilse hérisse de joie ; 6+6 a
Ou s'il vient un rayonde blanc soleil, j'entends 6+6 a
Gazouiller mes oiseauxqui rêvent le printemps ! 6+6 a
Et, répandant ainsimon âme à ce qui m'aime, 6+6 a
190 Sur mon isolementje me trompe moi-même, 6+6 a
Et l'abîme cachéde mon ennui profond 6+6 a
Se comble à la surface,et le vide est au fond ! 6+6 a
Le pauvre colporteurest mort la nuit dernière ; 6+6 a
Nul ne voulait donnerdes planches pour sa bière ; 6+6 a
195 Le forgeron lui-mêmea refusé son clou : 6+6 a
« C'est un Juif, disait-il,venu je ne sais d', 6+6 a
« Un ennemi du Dieuque notre terre adore, 6+6 a
« Et qui, s'il revenait,l'outragerait encore ; 6+6 a
« Son corps infecteraitun cadavre chrétien. 6+6 a
200 « lux crevasses du roctrnons-le comme un chien. 6+6 a
« La croix ne doit point d'ombreà celui qui la nie, 6+6 a
« Et ce n'est qu'à nos osque la terre est bénie. » 6+6 a
Et la femme du juifet ses petits enfans 6+6 a
Imploraient vainementla pitié des passans, 6+6 a
205 Et disputant le corpsau dégt populaire 6+6 a
Retenaient par les piedsle mort sous le suaire. 6+6 a
Du scandale inhumainaverti par hasard, 6+6 a
J'accourus, j'écartaila foule du regard ; 6+6 a
Je tendis mes deux maisaux enfans, à la femme ; 6+6 a
210 Je fis honte aux chrétiensde leur dureté d'âme, 6+6 a
Et, rougissant pour eux,pour qu'on l'ensevelît : 6+6 a
« Allez, dis-je, et prenezles planches de mon lit ! » 6+6 a
Puis pour leur enseignerun peu de tolérance, 6+6 a
La première vertude l'humaine ignorance, 6+6 a
215 Et comment le soleilet Dieu luisent pour tous, 6+6 a
Et comment ses bienfaitss'épanchent malgré nous, 6+6 a
Je leur ai racontéla simple et courte histoire 6+6 a
Qui dans mon cœur alorstomba de ma mémoire. 6+6 a
Au temps les humainsse cherchaient un séjour, 6+6 a
220 Des hommes près du Nils'établirent un jour ; 6+6 a
Amoureux et jalouxdu cours qui les abreuve, 6+6 a
Ces hommes ignoransfirent un dieu du fleuve. 6+6 a
Il donnera la vieà ceux qui le boiront, 6+6 a
Dirent-ils ; et c'est nous !et les autres mourront ! 6+6 a
225 Et lorsque par hasardd'errantes caravanes 6+6 a
Voulaient en puiser l'eaudans leurs outres profanes, 6+6 a
Ils les chassaient du bordavec un bras jaloux, 6+6 a
Et se disaient entre eux :L'eau du ciel n'est qu'à nous ! 6+6 a
On ne vit qu'en nos champs,on ne boit qu' nous sommes : 6+6 a
230 Ceux-là ne boivent pas,et ne sont pas des hommes. 6+6 a
Or, l'ange du Seigneur,entendant ces discours, 6+6 a
Disait : Que les pensersde ces hommes sont courts ! 6+6 a
Et pour leur enseignerà leurs dépens que l'onde 6+6 a
Du ciel qui la répandcoule pour tout le monde, 6+6 a
235 Il amena de loinun peuple et ses chameaux 6+6 a
Qui voulaient, en passantle Nil, boire à ses eaux ; 6+6 a
Et pendant que du dieules défenseurs stupides 6+6 a
Interdisaient son ondeà leurs rivaux avides, 6+6 a
L'ange, du ciel fermérouvrant le réservoir, 6+6 a
240 Sur l'une et l'autre arméeà torrens fit pleuvoir ; 6+6 a
Et le peuple étrangerbut au lac des tempêtes, 6+6 a
Et l'ange dit à l'autre :Insensés que vous êtes, 6+6 a
La nue abreuve au loinceux que vous refusez, 6+6 a
Et sa source est plus hautque celle vous puisez. 6+6 a
245 Allez voir l'univers :chaque race a son fleuve, 6+6 a
Qui descend de ses bois,la féconde et l'abreuve ; 6+6 a
Et ces mille torrensviennent du même lieu, 6+6 a
Et toute onde se puiseà la grâce de Dieu ! 6+6 a
Il la verse à son heureet selon sa mesure, 6+6 a
250 En fleuves, en ruisseaux,plus bourbeuse ou plus pure. 6+6 a
Si les vôtres, mortels,sont plus clairs et plus doux, 6+6 a
Gardez-vous d'être fiers,et moins encor jaloux ; 6+6 a
Sachez que vous avezdes frères sur la terre ; 6+6 a
Que celui qui n'a pasce qui vous désaltère 6+6 a
255 A la pluie en hiver,la rosée en été, 6+6 a
Que Dieu lui-même puiseau lac de sa bonté, 6+6 a
Et qu'il donne ici-bassa goutte à tout le monde, 6+6 a
Car tout peuple est son peupleet toute onde est son onde. 6+6 a
Cette religionqui nous enorgueillit, 6+6 a
260 C'est ce fleuve fait dieudont on venge le lit ; 6+6 a
Vous croyez posséderseul les clartés divines, 6+6 a
Vous croyez qu'il fait nuitderrière vos collines, 6+6 a
Qu'à votre jour celuiqui ne s'éclaire pas 6+6 a
Marche aveugle et sans cieldans l'ombre du trépas ! 6+6 a
265 Or, sachez que Dieu seul,source de la lumière, 6+6 a
La répand sur toute âmeet sur toute paupière ; 6+6 a
Que chaque homme a son jour,chaque âge sa clarté, 6+6 a
Chaque rayon d'en hautsa part de vérité, 6+6 a
Et que lui seul il saitcombien de jour ou d'ombre 6+6 a
270 Contient pour ses enfansce rayon toujours sombre ! 6+6 a
Le vôtre est plus limpideet plus tiède à vos yeux ; 6+6 a
Marchez à sa lueuren rendant grâce aux cieux ! 6+6 a
Mais n'interposez pasentre l'astre et vos frères 6+6 a
L'ombre de vos orgueils,la main de vos colères ; 6+6 a
275 Pour faire à leurs regardsluire la vérité, 6+6 a
Réfléchissez son jourdans votre charité : 6+6 a
Car l'ange qui de Dieuviendra faire l'épreuve 6+6 a
Juge le culte au cœurcomme à l'onde le fleuve ! 6+6 a
L'arc-en-ciel que Dieu peintest de toute couleur, 6+6 a
280 Mais l'éclat du rayonse juge à sa chaleur ! 6+6 a
Cette morale en dramea retourné leur âme, 6+6 a
Et l'on se disputaitles enfans et la femme. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
(Ici manquaient plusieurs feuilles du manuscrit.)
LES LABOUREURS.
Quelquefois dès l'aurore,après le sacrifice, 6+6 a
Ma bible sous mon bras,quand le ciel est propice, 6+6 a
285 Je quitte mon égliseet mes murs jusqu'au soir, 6+6 a
Et je vais par les champsm'égarer ou m'asseoir, 6+6 a
Sans guide, sans chemin,marchant à l'aventure, 6+6 a
Comme un livre au hasardfeuilletant la nature ; 6+6 a
Mais partout recueilli ;car j'y trouve en tout lieu 6+6 a
290 Quelque fragment écritdu vaste nom de Dieu. 6+6 a
Oh ! qui peut lire ainsiles pages du grand livre 6+6 a
Ne doit ni se lasserni se plaindre de vivre ! 6+6 a
La tiède attractiondes rayons d'un ciel chaud 6+6 a
Sur les monts ce matinm'avait mené plus haut, 6+6 a
295 J'atteignis le sommetd'une rude colline 6+6 a
Qu'un lac baigne à sa baseet qu'un glacier domine, 6+6 a
Et dont les flancs boisésaux penchans adoucis 6+6 a
Sont tachés de sapinspar des prés éclaircis. 6+6 a
Tout en haut seulementdes bouquets circulaires 6+6 a
300 De châtaigniers croulans,de chênes séculaires, 6+6 a
Découpant sur le cielleurs dômes dentelés, 6+6 a
Imitent les vieux mûrsdes donjons crénelés, 6+6 a
Rendent le ciel plus beaupar leur contraste sombre, 6+6 a
Et couvrent à leurs piedsquelques champs de leur ombre. 6+6 a
305 On voit en se penchantluire entre leurs rameaux 6+6 a
Le lac dont les rayonsfont scintiller les eaux, 6+6 a
Et glisser sous le ventla barque à l'aile blanche, 6+6 a
Comme une aile d'oiseaupassant de branche en branche ; 6+6 a
Mais plus près, leurs longs brassur l'abîme penchés, 6+6 a
310 Et de l'humide nuitgoutte à goutte étanchés, 6+6 a
Laissaient pendre leur feuilleet pleuvoir leur rosée 6+6 a
Sur une étroite enceinteau levant exposée, 6+6 a
Et que d'autres troncs noirsenfermaient dans leur sein, 6+6 a
Comme un lac de cultureen son étroit bassin ; 6+6 a
315 J'y pouvais, adosséle coude a leurs racines, 6+6 a
Tout voir, sans être vu,jusqu'au fond des ravines. 6+6 a
Déjà tout près de moij'entendais par momens 6+6 a
Monter des pas, des voixet des mugissemens : 6+6 a
C'était le paysande la haute chaumine 6+6 a
320 Qui venait labourerson morceau de colline, 6+6 a
Avec son soc plaintiftrné par ses bœufs blancs, 6+6 a
Et son mulet portantsa femme et ses enfans ; 6+6 a
Et je pus, en lisantma bible ou la nature, 6+6 a
Voir tout le jour la scèneet l'écrire à mesure ; 6+6 a
325 Sous mon crayon distraitle feuillet devint noir. 6+6 a
Oh ! nature, on t'adoreencor dans ton miroir. 6+6 a
———————
Laissant souffler ses bœufs,le jeune homme s'appuie 6+6 a
Debout, au tronc d'un chêne,et de sa main essuie 6+6 a
La sueur du sentiersur son front mâle et doux ; 6+6 a
330 La femme et les enfanstout petits, à genoux 6+6 a
Devant les bœufs privésbaissant leur corne à terre, 6+6 a
Leur cassent des rejetsde frêne et de fougère, 6+6 a
Et jettent devant euxen verdoyans monceaux 6+6 a
Les feuilles que leurs mainsémondent des rameaux ; 6+6 a
335 Ils ruminent en paixpendant que l'ombre obscure, 6+6 a
Sous le soleil montant,se replie à mesure, 6+6 a
Et laissant de la glèbeattiédir la froideur, 6+6 a
Vient mourir et borderles pieds du laboureur. 6+6 a
Il rattache le joug,sous la forte courroie, 6+6 a
340 Aux cornes qu'en pesantsa main robuste ploie ; 6+6 a
Les enfans vont cueillirdes rameaux découpés, 6+6 a
Des gouttes de roséeencore tout trempés ; 6+6 a
Au joug avec la feuilleen verts festons les nouent, 6+6 a
Que sur leurs fronts voilésles fiers taureaux secouent, 6+6 a
345 Pour que leur flanc qui batet leur poitrail poudreux 6+6 a
Portent sous le soleilun peu d'ombre avec eux ; 6+6 a
Au joug de bois polile limon s'équilibre, 6+6 a
Sous l'essieu gémissantle soc se dresse et vibre, 6+6 a
L'homme saisit le manche,et sous le coin tranchant 6+6 a
350 Pour ouvrir le sillonle guide au bout du champ. 6+6 a
———————
 O travail, sainte loi du monde, 8 a
 Ton mystère va s'accomplir ; 8 b
 Pour rendre la glèbe féconde, 8 a
 De sueur il faut l'amollir ! 8 b
355  L'homme, enfant et fruit de la terre, 8 a
 Ouvre les flancs de cette mère 8 a
 Qui germe les fruits et les fleurs ; 8 a
 Comme l'enfant mord la mamelle 8 b
 Pour que le lait monte et ruisselle 8 b
360  Du sein de sa nourrice en pleurs ! 8 a
———————
La terre, qui se fendsous le soc qu'elle aiguise, 6+6 a
En tronçons palpitanss'amoncelle et se brise ; 6+6 a
Et tout en s'entr'ouvrantfume comme une chair 6+6 a
Qui se fend et palpiteet fume sous le fer. 6+6 a
365 En deux monceaux poudreuxles ailes la renversent. 6+6 a
Ses racines à nu,ses herbes se dispersent ; 6+6 a
Ses reptiles, ses vers,par le soc déterrés, 6+6 a
Se tordent sur son seinen tronçons torturés ; 6+6 a
L'homme les foule aux pieds,et, secouant le manche, 6+6 a
370 Enfonce plus avantle glaive qui les tranche ; 6+6 a
Le timon plonge et tremble,et déchire ses doigts ; 6+6 a
La femme parle aux bœufsdu geste et de la voix ; 6+6 a
Les animaux, courbéssur leur jarret qui plie, 6+6 a
Pèsent de tout leur frontsur le joug qui les lie ; 6+6 a
375 Comme un cœur généreuxleurs flancs battent d'ardeur ; 6+6 a
Ils font bondir le soljusqu'en sa profondeur. 6+6 a
L'homme presse ses pas,la femme suit à peine ; 6+6 a
Tous au bout du sillonarrivent hors d'haleine, 6+6 a
Es s'arrêtent ; le bœufrumine, et les enfans 6+6 a
380 Chassent avec la mainles mouches de leurs flancs. 6+6 a
———————
 Il est ouvert, il fume encore 8 a
 Sur le sol, ce profond dessin ! 8 b
 O terre ! tu vis tout éclore 8 a
 Du premier sillon dé ton sein ; 8 b
385  Il fut un Éden sans culture, 8 a
 Mais il semble que la nature, 8 a
 Cherchant à l'homme un aiguillon, 8 a
 Ait enfoui pour lui sous terre 8 b
 Sa destinée et son mystère 8 b
390  Cachés dans son premier sillon ! 8 a
 Oh ! le premier jour la plaine 8 a
 S'entr'ouvrant sous sa forte main, 8 b
 But la sainte sueur humaine 8 a
 Et reçut en dépôt le grain ; 8 b
395  Pour voir la noble créature 8 a
 Aider Dieu, servir la nature, 8 a
 Le ciel ouvert roula son pli, 8 a
 Les fibres du sol palpitèrent, 8 b
 Et les anges surpris chantèrent 8 b
400  Le second prodige accompli ! 8 a
 Et les hommes ravis lièrent 8 a
 Au timon les bœufs accouplés, 8 b
 Et les coteaux multiplièrent 8 a
 Les grands peuples comme les blés, 8 b
405  Et les villes, ruches trop pleines, 8 a
 Débordèrent au sein des plaines, 8 a
 Et les vaisseaux, grands alcyons, 8 a
 Comme à leurs nids les hirondelles, 8 b
 Portèrent sur leurs larges ailes 8 b
410  Leur nourriture aux nations ! 8 a
 Et pour consacrer l'héritage 8 a
 Du champ labouré par leurs mains, 8 b
 Les bornes firent le partage 8 a
 De la terre entre les humains, 8 b
415  Et l'homme, à tous les droits propice, 8 a
 Trouva dans son cœur la justice 8 a
 Et grava son code en tout lieu, 8 a
 Et pour consacrer ses lois même, 8 b
 S'élevant à la loi suprême, 8 b
420  Chercha le juge et trouva Dieu ! 8 a
 Et la famille, enraciné e 8 a
 Sur le coteau qu'elle a planté, 8 b
 Refleurit d'année en année, 8 a
 Collective immortalité ! 8 b
425  Et sous sa tutèle chérie 8 a
 Naquit l'amour de la patrie, 8 a
 Gland de peuple au soleil germé 8 a
 Semence de force et de gloire 8 b
 Qui n'est que la sainte mémoire 8 b
430  Du champ par ses pères semé ! 8 a
 Et les temples de l'invisible 8 a
 Sortirent des flancs du rocher, 8 b
 Et par une échelle insensible, 8 a
 L'homme de Dieu put s'approcher ; 8 b
435  Et les prières qui soupirent, 8 a
 Et les vertus qu'elles inspirent, 8 a
 Coulèrent du cœur des mortels. 8 a
 Dieu dans l'homme admira sa gloire, 8 b
 Et pour en garder la mémoire 8 b
440  Reçut l'épi sur ses autels ! 8 a
———————
Un moment suspendu,les voilà qui reprennent 6+6 a
Un sillon parallèle,et sans fin vont et viennent 6+6 a
D'un bout du champ à l'autre,ainsi qu'un tisserand, 6+6 a
Dont la main tout le joursur son métier courant, 6+6 a
445 Jette et retire à soile lin qui se dévide 6+6 a
Et joint le fil au filsur sa trame rapide. 6+6 a
La sonore valléeest pleine de leurs voix ; 6+6 a
Le merle bleu s'enfuiten sifflant dans les bois, 6+6 a
Et du chêne à ce bruitles feuilles ébranlées 6+6 a
450 Laissent tomber sur euxles gouttes distillées. 6+6 a
Cependant le soleildarde à nu, le grillon 6+6 a
Semble crier de feusur le dos du sillon. 6+6 a
Je vois flotter, courirsur la glèbe embrasée 6+6 a
L'atmosphère palpable nage la rosée 6+6 a
455 Qui rejaillit du solet qui bout dans le jour, 6+6 a
Comme une haleine en feude la gueule d'un four ; 6+6 a
Des bœufs vers le sillonle joug plus lourd s'affaisse ; 6+6 a
L'homme passe la mainsur son front, sa voix baisse ; 6+6 a
Le soc glissant vacilleentre ses doigts nerveux ; 6+6 a
460 La sueur, de la femmeimbibe les cheveux ; 6+6 a
Ils arrêtent le charà moitié de sa course ; 6+6 a
Sur les flancs d'une rocheils vont lécher la source, 6+6 a
Et, la lèvre colléeau granit humecté, 6+6 a
Savourent sa frcheuret son humidité. 6+6 a
———————
465  Oh ! qu'ils boivent dans cette goutte 8 a
 L'oubli des pas qu'il faut marcher ; 8 b
 Seigneur, que chacun sur sa route 8 a
 Trouve son eau dans le rocher ; 8 b
 Que ta grâce les désaltère ; 8 a
470  Tous ceux qui marchent sur la terre 8 a
 Ont soif à quelque heure du jour ; 8 a
 Fais à leur lèvre desséchée 8 b
 Jaillir de ta source cachée 8 b
 La goutte de paix et d'amour ! 8 a
475  Ah ! tous ont cette eau de leur âme : 8 a
 Aux uns c'est un sort triomphant ; 8 b
 A ceux-ci le cœur d'une femme ; 8 a
 A ceux-là le front d'un enfant ! 8 b
 A d'autres l'amitié secrète, 8 a
480  Ou les extases du poëte ; 8 a
 Chaque ruche d'homme a son miel. 8 a
 Ah ! livre à leur soif assouvie 8 b
 Cette eau des sources de la vie ! 8 b
 Mais ma source à moi n'est qu'au ciel. 8 a
485  L'eau d'ici-bas n'a qu'amertume 8 a
 Aux lèvres qui burent l'amour, 8 b
 Et de la soif qui me consume 8 a
 L'onde n'est pas dans ce séjour ; 8 b
 Elle n'est que dans ma pensée 8 a
490  Vers mon Dieu sans cesse élancée, 8 a
 Dans quelques sanglots de ma voix, 8 a
 Dans ma douceur à la souffrance ; 8 b
 Et ma goutte à moi d'espérance 8 b
 C'est dans mes pleurs que je la bois ! 8 a
———————
495 Mais le milieu du jourau repas les rappelle ; 6+6 a
Ils couchent sur le solle fer ; l'homme dételle 6+6 a
Du joug tiède et fumantles bœufs, qui vont en paix 6+6 a
Se coucher loin du socsous un feuillage épais ; 6+6 a
La mère et les enfans,qu'un peu d'ombre rassemble, 6+6 a
500 Sur l'herbe, autour du père,assis, rompent ensemble 6+6 a
Et se passent entre euxde la main à la main 6+6 a
Les fruits, les œufs durcis,le laitage et le pain ; 6+6 a
Et le chien, regardantle visage du père, 6+6 a
Suit d'un œil confiantles miettes qu'il espère. 6+6 a
505 Le repas achevé,la mère, du berceau 6+6 a
Qui repose couchédans un sillon nouveau, 6+6 a
Tire un bel enfant nuqui tend ses mains vers elle, 6+6 a
L'enlève et, suspendu,l'emporte à sa mamelle, 6+6 a
L'endort en le beantdu sein sur ses genoux, 6+6 a
510 Et s'endort elle-mêmeun bras sur son époux. 6+6 a
Et sous le poids du jourla famille sommeille 6+6 a
Sur la couche de terre,et le chien seul les veille ; 6+6 a
Et les anges de Dieud'en haut peuvent les voir, 6+6 a
Et les songes du cielsur leurs têtes pleuvoir ! 6+6 a
———————
515  Oh ! dormez sous le vert nuage 8 a
 De feuilles qui couvrent ce nid, 8 b
 Homme, femme, enfans leur image, 8 a
 Que la loi d'amour réunit ! 8 b
 O famille, abrégé du monde, 8 a
520  Instinct qui charme et qui féconde 8 a
 Les fils de l'homme en ce bas lieu, 8 a
 N'est-ce pas toi qui nous rappelle 8 b
 Cette parenté fraternelle 8 b
 Des enfans dont le père est Dieu ! 8 a
525  Foyer d'amour cette flamme 8 a
 Qui circule dans l'univers 8 b
 Joint le cœur au cœur, l'âme à l'âme, 8 a
 Enchne les sexes divers, 8 b
 Tu resserres et tu relies 8 a
530  Les générations, les vies 8 a
 Dans ton mystérieux lien ; 8 a
 Et l'amour qui du ciel émane, 8 b
 Des voluptés culte profane, 8 b
 Devient vertu s'il est le tien ! 8 a
535  Dieu te garde et te sanctifie : 8 a
 L'homme te confie à la loi, 8 b
 Et la nature purifie 8 a
 Ce qui serait impur sans toi ! 8 b
 Sous le toit saint qui te rassemble 8 a
540  Les regards, les sommeils ensemble, 8 a
 Ne souillent plus ta chasteté, 8 a
 Et sans qu'aucun limon s'y mêle, 8 b
 Là source humaine renouvelle 8 b
 Les torrens de l'humanité. 8 a
———————
545 Ils ont quitté leur arbreet repris leur journée ; 6+6 a
Du matin au couchantl'ombre déjà tournée 6+6 a
S'allonge au pied du chêneet sur eux va pleuvoir ; 6+6 a
Le lac, moins éclatant,se ride au vent du soir ; 6+6 a
De l'autre bord du chample sillon se rapproche ; 6+6 a
550 Mais quel son a vibrédans les feuilles ? la cloche, 6+6 a
Comme un soupir des eauxqui s'élève du bord, 6+6 a
Répand dans l'air émul'imperceptible accord, 6+6 a
Et par des mains d'enfansau hameau balancée 6+6 a
Vient donner de si loinson coup à la pensée ; 6+6 a
555 C'est l'angélus qui tinteet rappelle en tout lieu 6+6 a
Que le matin des jourset le soir sont à Dieu. 6+6 a
A ce pieux appelle laboureur s'arrête, 6+6 a
Il se tourne au clocher,il découvre sa tête, 6+6 a
Joint ses robustes mainsd' tombe l'aiguillon, 6+6 a
560 Élève un peu son âmeau-dessus du sillon, 6+6 a
Tandis que les enfans,à genoux sur la terre, 6+6 a
Joignent leurs petits doigtsdans les mains de leur mère. 6+6 a
———————
 Prière ! ô voix surnaturelle 8 a
 Qui nous précipite à genoux, 8 b
565  Instinct du ciel qui nous rappelle 8 a
 Que la patrie est loin de nous, 8 b
 Vent qui souffle sur l'âme humaine 8 a
 Et de la paupière trop pleine 8 a
 Fait déborder l'eau de ses pleurs, 8 a
570  Comme un vent qui par intervalles 8 b
 Fait pleuvoir les eaux virginales 8 b
 Du calice incliné des fleurs ! 8 a
 Sans toi que serait cette fange ? 8 a
 Un monceau d'un impur limon 8 b
575   l'homme après la brute mange 8 a
 Les herbes qu'il tond du sillon ! 8 b
 Mais par toi son aile cassée 8 a
 Soulève encore sa pensée 8 a
 Pour respirer au vrai séjour, 8 a
580  La désaltérer dans sa course 8 b
 Et lui faire boire à sa source 8 b
 L'eau de la vie et de l'amour ! 8 a
 Le cœur des mères te soupire, 8 a
 L'air sonore roule ta voix, 8 b
585  La lèvre d'enfant te respire, 8 a
 L'oiseau t'écoute aux bords des bois ; 8 b
 Tu sors de toute la nature 8 a
 Comme un mystérieux murmure 8 a
 Dont les anges savent le sens ; 8 a
590  Et ce qui souffre, et ce qui crie, 8 b
 Et ce qui chante, et ce qui prie, 8 b
 N'est qu'un cantique aux mille accens. 8 a
———————
 O saint murmure des prières, 8 a
 Fais aussi dans mon cœur trop plein, 8 b
595  Comme des ondes sur dès pierres, 8 a
 Chanter mes peines dans mon sein ! 8 b
 Que le faible bruit de ma vie 8 a
 En extase intime ravie 8 a
 S'élève en aspirations, 8 a
600  Et fais que ce cœur que tu brises, 8 b
 Instrument dès célestes brises, 8 b
 Éclate en bénédictions. 8 a
———————
Un travail est fini,l'autre aussitôt commence : 6+6 a
Voilà partout la terreouverte à la semence ; 6+6 a
605 Aux corbeilles de joncpuisant à pleine main 6+6 a
En nuage poudreuxla femme épand le grain ; 6+6 a
Les enfans, enfonçantles pas dans son ornière, 6+6 a
Sur sa trace, en jouant,ramassent là poussière 6+6 a
Que de leur main étroiteils laissent retomber 6+6 a
610 Et que les passereauxviennent leur dérober. 6+6 a
Le froment répandu,l'homme attelle la herse, 6+6 a
Le sillon raboteuxla cahote et la berce ; 6+6 a
En groupe sur ce charles enfans réunis 6+6 a
Effacent sous leur poidsles sillons aplanis ; 6+6 a
615 Le jour tombe, et le soirsur les herbes s'essuie ; 6+6 a
Et les vents chauds d'automneamèneront la pluie, 6+6 a
Et les neiges d'hiversous leur tiède tapis 6+6 a
Couvriront d'un manteaude duvet les épis ; 6+6 a
Et les soleils dorésen jauniront les herbes, 6+6 a
620 Et les filles des champsviendront nouer les gerbes, 6+6 a
Et tressant sur leurs frontsles bluets, les pavots, 6+6 a
Iront danser en chœurautour des tas nouveaux ; 6+6 a
Et la meule brrale froment sous les pierres ; 6+6 a
Et choisissant la fleur,la femme des chaumières, 6+6 a
625 Levée avant le jourpour battre le levain, 6+6 a
De ses petits enfansaura pétri le pain ; 6+6 a
Et les oiseaux du ciel,le chien, le misérable, 6+6 a
Ramasseront en paixles miettes de la table, 6+6 a
Et tous béniront Dieudont les fécondes mains 6+6 a
630 Au festin de la terreappellent les humains ! 6+6 a
———————
 C'est ainsi que ta providence 8 a
 Sème et cueille l'humanité, 8 b
 Seigneur, cette noble semence 8 a
 Qui germe pour l'éternité. 8 b
635  Ah ! sur les sillons de la vie 8 a
 Que ce pur froment fructifie ! 8 a
 Dans les vallons de ses douleurs. 8 a
 O Dieu, verse-lui ta rosée ; 8 b
 Que l'argile fertilisée 8 b
640  Germe des hommes et des fleurs ! 8 a
———————
(Ici plusieurs dates perdues.)
Deux frères aujourd'huise disputaient un champ 6+6 a
Dont la borne s'étaitdéplacée en bêchant ; 6+6 a
Ils ont remis tous deuxleur cause à ma parole, 6+6 a
Et je les ai jugésdans cette parabole. 6+6 a
645 Au premier temps du monde, tout était commun, 6+6 a
Deux frères, comme vous,avaient deux champs en un. 6+6 a
Comme l'un prenait moinset l'autre davantage, 6+6 a
Ils vinrent un matinborner leur héritage ; 6+6 a
Un seul arbre plantévers le sommet du champ, 6+6 a
650 Dominait les sillonsdu côté du couchant ; 6+6 a
Un frère à l'autre dit :L'extrémité de l'ombre 6+6 a
De nos sillons égauxcoupe juste le nombre, 6+6 a
Que l'ombre nous partage !Ainsi fut convenu. 6+6 a
Or l'ombre s'allongeaquand le soir fut venu, 6+6 a
655 Et jusqu'au bout du champ,en rampant descendue, 6+6 a
Fit un seul possesseurde toute l'étendue. 6+6 a
Vite il alla chercherles témoins de la loi, 6+6 a
Et leur dit : Regardez,toute l'ombre est à moi ; 6+6 a
Et les juges humains,en hommes, le jugèrent, 6+6 a
660 Et le champ tout entierau seul frère adjugèrent, 6+6 a
Et l'autre, par le cieldépouillé de son bien, 6+6 a
Accusa le soleilet s'en fut avec rien. 6+6 a
L'hiver vint, l'ouraganque la saison déchne 6+6 a
S'engouffrant une nuitdans les branches du chêne, 6+6 a
665 Et le combattant, seul,sans frère et sans appui, 6+6 a
Le balaya de terreet son ombre avec lui. 6+6 a
Le frère dépouillévoyant l'autre sans titre, 6+6 a
Descendant à son tour,alla chercher l'arbitre, 6+6 a
Et dit : Voyez… plus d'ombre !ainsi tout est à moi ! 6+6 a
670 Et le juge, prenantla lettre de la loi, 6+6 a
Jugea comme le vent,et le soleil et l'ombre ; 6+6 a
Et des sillons du champsans égaler le nombre, 6+6 a
Lui donna l'héritageavec tout son contour, 6+6 a
Et tous deux eurent tropou trop peu tour à tour ; 6+6 a
675 Et descendant du champ la borne ainsi glisse, 6+6 a
Ils disaient dans leur cœur : donc est la justice ? 6+6 a
Or un sage, passantpar là, les entendit, 6+6 a
Écouta leurs raisonsen souriant, et dit : 6+6 a
On vous a mal jugés ;mais jugez-vous vous-même. 6+6 a
680 Votre borne flottanteest de vos lois l'emblème : 6+6 a
La borne des mortelsn'est jamais au milieu ; 6+6 a
Mesurez la collineà la toise de Dieu. 6+6 a
Elle n'est, mes amis,dans l'arbre ni la haie, 6+6 a
Ni dans l'ombre que l'heureou prolonge ou balaie, 6+6 a
685 Ni dans la pierre droiteavec ses deux garans, 6+6 a
Que renverse le socou roulent les torrens, 6+6 a
Ni dans l'œil des témoins,ni dans la table écrite, 6+6 a
Ni dans le doigt levédu juge qui limite : 6+6 a
La justice est en vous,que cherchez-vous ailleurs ? 6+6 a
690 La borne de vos champs !plantez-la dans vos cœurs, 6+6 a
Rien ne déplacerala sienne ni la vôtre ; 6+6 a
Chacun de vous aurasa part dans l'œil de l'autre. 6+6 a
Les deux frères, du sageécoutant le conseil, 6+6 a
Ne divisèrent pluspar l'ombre ou le soleil ; 6+6 a
695 Mais, dans leur équitéplaçant leur confiance, 6+6 a
Partagèrent leur champavec leur conscience, 6+6 a
Et devant l'invisibleet fidèle témoin 6+6 a
Nul ne fit son sillonni trop près ni trop loin. 6+6 a
Quelquefois le passantinsulte encor le prêtre ; 6+6 a
700 J'accepte en bénissantcomme mon divin mtre, 6+6 a
Et ce soir, pardonnantau sarcasme moqueur, 6+6 a
J'essayais dans ces versde soulager mon cœur. 6+6 a
Peut-être il était beauquand Rome reine et mère, 6+6 a
De l'empire du mondeévoquant la chimère, 6+6 a
705 Posait son pied d'airainsur la nuque des rois, 6+6 a
Lançait du Capitoleune foudre bénie, 6+6 b
Et tentait d'allongersa double tyrannie 6+6 b
 Jusqu' va l'ombre de la croix ; 8 a
Quand ces pontifes-rois,distributeurs du monde, 6+6 a
710 Marquaient du doigt les partssur une mappemonde, 6+6 a
Donnaient ou retiraientles royaumes donnés, 6+6 a
Citaient les fils d'Hapsbourgau ban du Janicule, 6+6 b
Et tendaient à baiserla poudre de leur mule 6+6 b
 A leurs esclaves couronnés ; 8 a
715 Quand ces pêcheurs, quittantla barque évangélique, 6+6 a
Tendaient sur l'universleur filet politique, 6+6 a
Au lieu d'âmes péchantdes domaines de rois ; 6+6 a
Et, pour combler le fiscd'une oisive opulence, 6+6 b
Jetaient l'or ou le ferdans la sainte balance 6+6 b
720   Jésus avait mis ses poids ; 8 a
Lorsque dans leurs palais,regorgeant de délices, 6+6 a
Tout l'or des nationscoulait avec leurs vices ; 6+6 a
Que le Tibre, souilléde profanations, 6+6 a
S'étonnait de revoirdes mains sacerdotales 6+6 b
725 Mener le grand triompheou d'autres saturnales 6+6 b
 Sur les tombeaux des Scipions ; 8 a
Il était beau peut-être,avec Pétrarque ou Dante, 6+6 a
D'allumer son courrouxcomme une lampe ardente, 6+6 a
De jeter sur l'autelsa sinistre lueur, 6+6 a
730 Et du temple avilidéchirant les saints voiles, 6+6 b
De montrer sa souillureau soleil, aux étoiles, 6+6 b
 Et de crier sur lui : Malheur ! 8 a
Lorsque du cavalierla main rude et farouche 6+6 a
Tourmente un mors d'acieret fait saigner sa bouche, 6+6 a
735 L'obéissant coursierpeut parfois tressaillir ; 6+6 a
Quand on souffle longtempsle charbon sous le vase, 6+6 b
L'eau dormante à la fin,comme un cœur qui s'embrase, 6+6 b
 Peut se soulever et bouillir. 8 a
Alors quelque périlhonorait quelque audace ; 6+6 a
740 Alors le fer sacré,plus prompt que la menace, 6+6 a
Cimentait dans le sangle dogme universel, 6+6 a
Ou l'interdit vengeur,ce Dieu tonnant de Rome, 6+6 b
Grondait sur le blasphème,arrachait l'homme à l'homme, 6+6 b
 Maudissait le pain et le sel !… 8 a
745 Mais aujourd'hui, grand Dieu !que la ville éternelle 6+6 a
Voit ses mornes désertss'élargir autour d'elle, 6+6 a
Qu'en pleurs elle s'asseoit,veuve, entre deux tombeaux, 6+6 a
Que le vent seul, hélas !soulève sa poussière, 6+6 b
Et que le Tibre nuvoit tomber pierre à pierre 6+6 b
750  Sa ville morte dans ses eaux ! 8 a
Quand les martyrs du Christ,se levant de leurs tombes, 6+6 a
Ont ramené deux foisson peuple aux catacombes, 6+6 a
Et retrempé ses mainsdans son sang répandu ; 6+6 a
Quand l'ire du Seigneur,rude mais salutaire, 6+6 b
755 A courbé du genousa tête jusqu'à terre 6+6 b
 Pour redresser l'arc détendu ! 8 a
Quand deux fois en dix ansles Gaulois, dans la poudre, 6+6 a
Ont par leurs cheveux blancstrné ces dieux sans foudre, 6+6 a
Et mis le temple à nudet l'autel à l'encan, 6+6 a
760 Et que de ces vieillards,qu'outrage encor la haine, 6+6 b
L'un mourut sans tombeau,l'autre possède à peine 6+6 b
 L'ombre courte du Vatican ! 8 a
Quand le monde affranchinage en paix dans son doute, 6+6 a
Que la croix du Clocherredescend sous la vte, 6+6 a
765 Et que si nous venonspour prier au saint lieu 6+6 a
On ferme à deux battansles portes de l'église, 6+6 b
De peur que des soupirsl'écho ne scandalise 6+6 b
 Ceux qui craignent l'ombre d'un Dieu ! 8 a
De l'insulte à nos frontslancer l'écume amère, 6+6 a
770 Ah ! c'est noyer l'agneaudans le lait de sa mère, 6+6 a
C'est fouetter l'innocentde son crime expié ; 6+6 a
La malédictionrevient sur le prophète, 6+6 b
Et le trait que l'injurea lancé sur sa tête 6+6 b
 Retombe et lui perce le pié ! 8 a
775 Viens voir, jeune étranger,viens voir dans ma cabane 6+6 a
Si mon luxe sacrébrille d'un or profane ; 6+6 a
Tu n'y trouveras rien,dans son triste abandon, 6+6 a
Qu'un bâton, un pain noirque le pauvre partage, 6+6 b
Un livre que j'épelleaux enfans d'un village, 6+6 b
780  Un Christ qui m'apprend le pardon ! 8 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Si pour vos soifs sans eau,l'esprit de l'Évangile 6+6 a
Est un baume enfermédans un vase d'argile, 6+6 a
Homme ! sans le briser,transvasez la liqueur ; 6+6 a
Collez pieusementla lèvre à l'orifice, 6+6 b
785 Et recueillez les eauxde ce divin calice 6+6 b
 Goutte à goutte dans votre cœur : 8 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Un mendiant trouvades médailles en terre ; 6+6 a
Dans une langue obscureon y lisait : Mystère ! 6+6 a
Méprisant l'effigie,il jeta son trésor ; 6+6 a
790 Insensé, lui dit-on,quelle erreur est la tienne ! 6+6 b
Qu'importe l'effigieou profane ou chrétienne ? 6+6 b
 O mendiant, c'était de l'or ! 8 a
Et j'instruis les enfansdu village, et les heures 6+6 a
Que je passe avec euxsont pour moi les meilleures ; 6+6 a
795 Elles ouvrent le jouret terminent le soir. 6+6 a
Oh ! par un ciel d'étéqui n'aimerait à voir 6+6 a
Cette école en plein champ leur troupe est assise ? 6+6 a
Il est deux vieux noyersaux portes de l'église 6+6 a
Avec ses fondemensen terre enracinés, 6+6 a
800 Qui penchent leur feuillageet leurs troncs inclinés 6+6 a
Sur un creux vert de mousse dans le cailloutage 6+6 a
S'échappe en bouillonnantla source du village. 6+6 a
De gros blocs de granit,que son onde polit, 6+6 a
Blanchis par son écume,interrompent son lit. 6+6 a
805 Sur ce tertre, glissantde colline en colline, 6+6 a
L'œil embrasse au matinl'horizon qu'il domine ; 6+6 a
Et regarde, à traversles branches de noyer, 6+6 a
Les lacs lointains bleuiret la plaine ondoyer. 6+6 a
C'est là qu'aux jours sereins,rassemblés tous, leur troupe 6+6 a
810 Selon l'âge et le sexeen désordre se groupe. 6+6 a
Les uns au tronc de l'arbreadossés deux ou trois ; 6+6 a
Les autres garnissantles marches de la croix ; 6+6 a
Ceux-là sur les rameaux,ceux-ci sur les racines 6+6 a
Du noyer qui serpenteau niveau des ravines ; 6+6 a
815 Quelques-uns sur la tombeet sur les tertres verts 6+6 a
Dont les morts du printempssont déjà recouverts, 6+6 a
Comme des blés nouveauxreverdissant sur l'aire 6+6 a
des épis battusont germé dans la terre. 6+6 a
Cependant au milieude ces fils du hameau, 6+6 a
820 Ma voix grave se mêleau murmure de l'eau, 6+6 a
Pendant que leurs brebisbroutent l'herbe nouvelle 6+6 a
Sur la couche des morts ;que l'agile hirondelle 6+6 a
Rase les bords de l'onde,attrapant dans son vol 6+6 a
L'insecte qui se joueau rayon sur le sol, 6+6 a
825 Et que les passereaux,instruits par l'habitude, 6+6 a
Enhardis par leur calmeet par leur attitude, 6+6 a
Entourent les enfanset viennent sous leur main 6+6 a
S'abattre et s'attrouperpour émietter leur pain. 6+6 a
Je me pénètre biende ce sublime rôle 6+6 a
830 Que sur ces cœurs d'enfansexerce ma parole ; 6+6 a
Je me dis que je vaisdonner à leur esprit 6+6 a
L'immortel alimentdont l'ange se nourrit, 6+6 a
La vérité, de l'hommeincomplet héritage, 6+6 a
Qui descend jusqu'à nousde nuage en nuage, 6+6 a
835 Flambeau d'un jour plus pur,que les traditions 6+6 a
Passent de mains en mainsaux générations ; 6+6 a
Que je suis un rayonde cette âme éternelle 6+6 a
Qui réchauffe la terreet qui la renouvelle, 6+6 a
L'étincelle de Dieuqui, brillant à son tour, 6+6 a
840 Dans la nuit de ces cœursdoit allumer son jour. 6+6 a
Et, la main sur leurs frontsbaissés, je lui demande 6+6 a
De préparer mon cœurpour qu'un Verbe y descende ! 6+6 a
D'élever mon esprità la simplicité 6+6 a
De ces esprits d'enfans,aube de vérité ! 6+6 a
845 De mettre assez de jourpour eux dans mes paroles, 6+6 a
Et de me révélerces claires paraboles 6+6 a
le mtre, abaisséjusqu'au sens des humains, 6+6 a
Faisait toucher le cielaux plus petites mains ! 6+6 a
Puis je pense tout hautpour eux ; le cercle écoute, 6+6 a
850 Et mon cœur dans leurs cœursse verse goutte à goutte. 6+6 a
Je ne surcharge pasleur sens et leur esprit 6+6 a
Du stérile savoirdont l'orgueil se nourrit ; 6+6 a
Bien plus que leur raisonj'instruis leur conscience : 6+6 a
La nature et leurs yeux ;c'est toute ma science ! 6+6 a
855 Je leur ouvre ce livre,et leur montre en tout lieu 6+6 a
L'espérance de l'hommeet la bonté de Dieu. 6+6 a
Pour leur enseigner Dieu,son culte et ses prodiges, 6+6 a
Je ne leur conte pasces vulgaires prestiges 6+6 a
Qui, confondant l'erreuravec la vérité, 6+6 a
860 Font d'une foi célesteune crédulité, 6+6 a
Honte au Dieu trois fois saintprouvé par l'imposture ! 6+6 a
Son témoin éternel,à nous, c'est sa nature ! 6+6 a
Son prophète éternel,à nous, c'est sa raison ! 6+6 a
Ses cieux sont assez clairspour y lire son nom ! 6+6 a
865 Avec eux chaque jourje déchiffre et j'épelle 6+6 a
De ce nom infiniquelque lettre nouvelle, 6+6 a
Je leur montre ce Dieu,tantôt dans sa bonté 6+6 a
Mûrissant pour l'oiseaule grain qu'il a compté ; 6+6 a
Tantôt, dans sa sagesseet dans sa providence, 6+6 a
870 Gouvernant sa natureavec tant d'évidence ! 6+6 a
Tantôt… Mais aujourd'huic'était dans sa grandeur : 6+6 a
La nuit tombait ; des cieuxla sombre profondeur 6+6 a
Laissait plonger les yeuxdans l'espace sans voiles 6+6 a
Et dans l'air constellécompter les lits d'étoiles 6+6 a
875 Comme à l'ombre du bordon voit sous des flots clairs 6+6 a
La perle et le corailbriller au fond des mers. 6+6 a
Celles-ci, leur disais-je,avec le ciel sont nées : 6+6 a
Leur rayon vient à noussur des millions d'années ! 6+6 a
Des mondes, que peut seulpeser l'esprit de Dieu, 6+6 a
880 Elles sont les soleils,les centrés, le milieu ; 6+6 a
L'océan de l'Étherles absorbe en ses ondes 6+6 a
Comme des grains de sable,et chacun de ces mondes 6+6 a
Est lui-même un milieupour des mondes pareils, 6+6 a
Ayant ainsi que nousleur lune et leurs soleils, 6+6 a
885 Et voyant comme nousdes firmamens sans terme 6+6 a
S'élargir devant Dieusans que rien le renferme !… 6+6 a
Celles-là, décrivantdes cercles sans compas, 6+6 a
Passèrent une nuit,ne repasseront pas. 6+6 a
Du firmament entierla page intarissable 6+6 a
890 Ne renfermerait pasle chiffre incalculable 6+6 a
Des siècles qui serontécoulés jusqu'au jour 6+6 a
leur orbite immenseaura fermé son tour. 6+6 a
Elles suivent la courbe Dieu les a lancées ; 6+6 a
L'homme, de son néant,les suit par ses pensées !… 6+6 a
895 Et ceci, mes enfans,suffit pour vous prouver 6+6 a
Que l'homme est un esprit,puisqu'il peut s'élever 6+6 a
De ce point de poussière,et des ombres humaines, 6+6 a
Jusqu'à ces cieux sans fondet ces grands phénomènes ; 6+6 a
Car voyez, mesurez,interrogez vos corps ! 6+6 a
900 Pour monter à ces feuxfaites tous vos efforts ! 6+6 a
Vos pieds ne peuvent pasvous porter sur ces ondes ; 6+6 a
Votre main ne peut pastoucher, peser ces mondes ; 6+6 a
Dans les replis des cieuxquand ils sont disparus, 6+6 a
Derrière leur rideauvotre œil ne les voit plus ; 6+6 a
905 Nulle oreille n'entendsur la mer infinie 6+6 a
De leurs vagues d'Étherl'orageuse harmonie ; 6+6 a
Le souffle de leur volne vient pas jusqu'à vous ; 6+6 a
Sous le dais de la nuitils vous semblent des clous ; 6+6 a
Et l'homme cependantarpente cette vte ; 6+6 a
910 D'avance, à l'avenir,nous écrivons leur route ; 6+6 a
Nous disons à celuiqui n'est pas encor né 6+6 a
Quel jour au point du cieltel astre ramené 6+6 a
Viendra de sa lueuréclairer l'étendue, 6+6 a
Et rendre au firmamentson étoile perdue. 6+6 a
915 Et qu'est-ce qui le sait ?et qu'est-ce qui l'écrit ? 6+6 a
Ce ne sont pas vos sens,enfans ! c'est donc l'esprit ; 6+6 a
C'est donc cette âme immense,infinie, immortelle, 6+6 a
Qui voit plus que l'étoileet qui vivra plus qu'elle !… 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ces sphères, dont l'Étherest le bouillonnement, 6+6 a
920 Ont emprunté de Dieuleur premier mouvement ! 6+6 a
Avez-vous calculéparfois dans vos pensées 6+6 a
La force de ce brasqui les a balancées ? 6+6 a
Vous ramassez souventdans la fronde ou la main 6+6 a
La noix du vieux noyer,le caillou du chemin, 6+6 a
925 Imprimant votre effortau poignet qui les lance ; 6+6 a
Vous mesurez, enfans,la force à la distance : 6+6 a
L'une tombe à vos pieds,l'autre vole à cent pas, 6+6 a
Et vous dites : Ce brasest plus fort que mon bras. 6+6 a
Eh bien ! si par leurs jetsvous comparez vos frondes, 6+6 a
930 Qu'est-ce donc que la mainqui lançant tous ces mondes, 6+6 a
Ces mondes dont l'espritne peut porter le poids 6+6 a
Comme le jardinierqui sème aux champs ses pois, 6+6 a
Les fait fendre le videet tourner sur eux-même 6+6 a
Par l'élan primitifsorti du bras suprême, 6+6 a
935 Aller et revenir,descendre et remonter 6+6 a
Pendant des temps sans finque lui seul sait compter, 6+6 a
De l'espace et du poids,et des siècles se joue, 6+6 a
Et fait qu'au firmamentces mille chars sans roue 6+6 a
Sont portés sans ornièreet tournent sans essieu ? 6+6 a
940 Courbons-nous, mes enfans !c'est la force de Dieu !… 6+6 a
Maintenant cherchez-vousquelle est l'intelligence 6+6 a
Qui croise tous les filsde cette trame immense, 6+6 a
Et les fait l'un vers l'autreà jamais graviter 6+6 a
Sans que dans leur orbiteils aillent se heurter ? 6+6 a
945 Enfans, quand vous allezptre au loin vos génisses 6+6 a
Aux flancs de la montagne,aux bords des précipices. 6+6 a
Et qu'assis sur un rocvous avez sous vos pas 6+6 a
Ce lac bleu comme un cielqui se déploie en bas, 6+6 a
Vous voyez quelquefoisl'essaim des blanches voiles 6+6 a
950 Disséminé sur l'eaucomme au ciel les étoiles, 6+6 a
De tous les points du lacse détacher des bords, 6+6 a
Sortir des golfes vertsou rentrer dans les ports, 6+6 a
Ou, se groupant en cercle,avec la proue écrire 6+6 a
Des évolutionsque le regard admire ; 6+6 a
955 Et vous ne craignez pas,mes amis, cependant, 6+6 a
Que ces frêles esquifs,l'un l'autre s'abordant, 6+6 a
Se submergent sous l'onde,ou que leurs blanches ailes, 6+6 a
Se froissant dans leur vol,se déchirent entre elles ; 6+6 a
Car quoique sous la voileon ne distingue rien 6+6 a
960 Dans cet éloignement,pourtant vous savez bien 6+6 a
Que de chaque nacelleun pêcheur tient la rame, 6+6 a
Que chacun des bateauxa son œil et son âme, 6+6 a
Qui gouverne à son grésa course de la main 6+6 a
Et lui fait discerneret choisir son chemin. 6+6 a
965 Eh bien ! pour dirigersur l'eau cette famille, 6+6 a
S'il faut une penséeà la frêle coquille, 6+6 a
Ces mondes que de Dieul'effort seul peut brider 6+6 a
N'en auraient-ils pas uneaussi pour se guider ? 6+6 a
Ils en ont, mes enfans !Dieu même est leur pilote ! 6+6 a
970 C'est lui qui dans son ciela fait cingler leur flotte ; 6+6 a
Chacun de ces soleils,éclairé par son œil, 6+6 a
Sait sur ces océansson port ou son écueil ; 6+6 a
Tous ont reçu de luile signal et la route, 6+6 a
Pour partre à son heure,à leur point de sa vte. 6+6 a
975 L'œuvre de chaque globeà son appel monté 6+6 a
Est de glorifiersa sainte volonté, 6+6 a
De suivre avec amourle sentier qu'il lui trace, 6+6 a
Et de refléter Dieudans le temps et l'espace ! 6+6 a
Et tous obéissans,de rayon en rayon, 6+6 a
980 Se transmettent son ordreet font luire son nom, 6+6 a
Et sa gloire en jaillitde système en système, 6+6 a
Et tout ce qu'il a faitlui rend gloire de même, 6+6 a
Et sans acceptionson œil monte et descend 6+6 a
De l'orbe des soleilsaux cheveux de l'enfant ! 6+6 a
985 Et jusqu'au battementde l'insensible artère 6+6 a
De l'insecte qui rampeà vos pieds sur la terre !… 6+6 a
Et ne vous troublez pasdevant cette grandeur, 6+6 a
Ne craignez pas jamaisque dans la profondeur 6+6 a
Des êtres, dont la fouleobscurcit sa paupière, 6+6 a
990 L'ombre de ces grands corpsvous cache sa lumière ! 6+6 a
Ne dites pas, enfans,comme d'autres ont dit : 6+6 a
Dieu ne me connt pas,car je suis trop petit ; 6+6 a
Dans sa créationma faiblesse me noie ; 6+6 a
Il voit trop d'universpour que son œil me voie. 6+6 a
995 L'aigle de la montagneun jour dit au soleil : 6+6 a
Pourquoi luire plus basque ce sommet vermeil ? 6+6 a
A quoi sert d'éclairerces prés, ces gorges sombres, 6+6 a
De salir tes rayonssur l'herbe dans ces ombres ? 6+6 a
La mousse imperceptibleest indigne de toi !… 6+6 a
1000 Oiseau, dit le soleil,viens et monte avec moi !… 6+6 a
L'aigle, avec le rayons'élevant dans la nue, 6+6 a
Vit la montagne fondreet baisser à sa vue, 6+6 a
Et quand il eut atteintson horizon nouveau, 6+6 a
A son œil confondutout parut de niveau. 6+6 a
1005 Eh bien ! dit le soleil,tu vois, oiseau superbe, 6+6 a
Si pour moi la montagneest plus haute que l'herbe. 6+6 a
Rien n'est grand ni petitdevant mes yeux géans : 6+6 a
La goutte d'eau me peintcomme les oans ; 6+6 a
De tout ce qui me voitje suis l'astre et la vie, 6+6 a
1010 Comme le cèdre altierl'herbe me glorifie ; 6+6 a
J'y chauffe la fourmi,des nuits j'y bois les pleurs, 6+6 a
Mon rayon s'y parfumeen trnant sur les fleurs ! 6+6 a
Et c'est ainsi que Dieu,qui seul est sa mesure, 6+6 a
D'un œil pour tous égalvoit toute sa nature !… 6+6 a
1015 Chers enfans, bénissez,si votre cœur comprend, 6+6 a
Cet œil qui voit l'insecteet pour qui tout est grand ! 6+6 a
(Plusieurs dates manquent ici.)
Je suis le seul pasteurde ce pays sauvage ; 6+6 a
Pauvre troupeau sans guide !Un homme tout en nage 6+6 a
Est monté jusqu'icid'un village lointain ; 6+6 a
1020 Il a marché toujoursdepuis le grand matin ; 6+6 a
Dans un petit hameaudu chemin d'Italie, 6+6 a
Une femme maladeest, dit-il, recueillie ; 6+6 a
Jeune, belle et mourante,à ses derniers instans 6+6 a
Elle demande un prêtre :arriverai-je à temps ? 6+6 a
1025 Une lampe éclairaitseule la chambre obscure. 6+6 a
Et l'ombre des rideauxme cachait la figure ; 6+6 a
Je ne distinguais riendans cette obscurité 6+6 a
Qu'un front pâle et mourantsur l'oreiller jeté, 6+6 a
Et de longs cheveux blondsrépandus en désordre 6+6 a
1030 Que sur un sein, deux mainsd'albâtre semblaient tordre, 6+6 a
Et qui, lorsque ses mainsles laissaient s'épancher, 6+6 a
Roulaient des bords du litjusque sur le plancher. 6+6 a
« Mon père, » murmuratout bas la voix de femme 6+6 a
L'accent de cette voixalla jusqu'à mon âme 6+6 a
1035 Je ne sais d'une voixquel vague souvenir 6+6 a
Y vibrait ; je ne pusqu'à demi retenir 6+6 a
Un cri que le respectrefoula dans ma bouche, 6+6 a
Et je m'assis tremblantau chevet de la couche. 6+6 a
« Mon père, pardonnez,reprit la même voix ; 6+6 a
1040 « Les chemins sont mauvais,les j ours courts, les temps froids ! 6+6 a
« Je vous ai fait venirde loin, bien loin peut-être ; 6+6 a
« Mais vous vous souvenezque votre divin mtre, 6+6 a
« Sans craindre de souillerses pieds ni ses habits, 6+6 a
« Rapportait sur son coula moindre des brebis ! 6+6 a
1045 « Hélas ! de sa bonténulle ne fut moins digne : 6+6 a
« Pourtant je fus marquéeautrefois de son signe, 6+6 a
« Et je veux, en quittantce vallon de douleur, 6+6 a
« Revenir et mouriraux pieds du bon pasteur ! 6+6 a
« J'ai tant perdu sa voieet rejeté ses grâces 6+6 a
1050 « Qu'il a depuis longtempsabandonné mes traces ! 6+6 a
« Mais avant de jugermes fautes dans la foi, 6+6 a
« Comme homme, comme ami,mon père, écoutez-moi ! 6+6 a
« Vous conntrez bientôtcelles dont je m'accuse : 6+6 a
« Plus mes péchés sont grands,plus j'ai besoin d'excuse ! 6+6 a
1055 « Ma mère, qui mouruten me donnant le jour, 6+6 a
« Me retira trop tôtl'ombre de son amour ; 6+6 a
« Mon père, qui m'aimaitavec trop de tendresse, 6+6 a
« Ne m'a jusqu'à quinze ansnourri que de caresse ; 6+6 a
« J'étais libre avec luicomme l'oiseau des champs, 6+6 a
1060 « Et toutes mes vertusn'étaient que mes penchans. 6+6 a
« L'âme va comme l'onde sa pente l'incline : 6+6 a
« Je ne savais qu'aimer.A quinze ans orpheline, 6+6 a
« Dirai-je mon bonheur ?ou mon malheur ? hélas ! 6+6 a
« Fit descendre du cielun ami sur mes pas. 6+6 a
1065 « Un jeune homme au front d'ange,et tel qu'un cœur de femme 6+6 a
« En rapporte en naissantl'image dans son âme, 6+6 a
« Tel que plus tard, hélas !son cœur en rêve en vain ! 6+6 a
« Fier, tendre, à l'œil de flamme,au sourire divin, 6+6 a
« Météore qui donneà l'âme un jour céleste, 6+6 a
1070 « Et de la vie aprèsdécolore le reste ! 6+6 a
« En un désert deux ansle sort nous enferma : 6+6 a
« Je l'aimai sans penserque j'aimais ; il m'aima 6+6 a
« Sans distinguer l'amourd'une amitié plus pure, 6+6 a
« Car des habits trompeursdéguisaient ma figure ; 6+6 a
1075 « Et notre grotte vitles amours innocens 6+6 a
« De ce ciel l'amourn'a pas besoin des sens. 6+6 a
« Il m'aima ! pardonnez,ô mon père, à mes larmes ! 6+6 a
« Pour ma bouche expirante,oui, ce mot a des charmes ! 6+6 a
« Il m'aima ! lui ? moi ?… lui !… ce mot fait mon orgueil ! 6+6 a
1080 « Il résonne encor douxau bord de mon cercueil ! 6+6 a
« Quels que soient les remordsdont ma vie est semée, 6+6 a
« Dieu me regarderapuisque j'en fus aimée !… » 6+6 a
Son accent s'élevait,mais je n'entendais plus. 6+6 a
Laurence !… c'était elle !un bruit sourd et confus 6+6 a
1085 Tintait dans mon oreilleet grondait dans ma tête ; 6+6 a
Mon front, mon cœur, mon sangn'étaient qu'une tempête ; 6+6 a
Les objets s'effaçaientsous mon regard errant ; 6+6 a
Mes pensers dans mon frontroulaient comme un torrent, 6+6 a
Et mon esprit flottantsur toutes, sur aucune, 6+6 a
1090 En vain comme un éclairvoulait en saisir une ; 6+6 a
Chacune tour à tourfuyait et m'entrnait ; 6+6 a
Dans mon chaos d'esprittout croulait, tout tournait ; 6+6 a
Si je parlais, ma voixme ferait reconntre ; 6+6 a
Avant le saint pardonje la tûrais peut-être ! 6+6 a
1095 Indiscret confident,si je n'osais parler 6+6 a
Ses douloureux secretsallaient se révéler ; 6+6 a
Coupable de parler,coupable de me taire, 6+6 a
J'allais trahir sa vieou mon saint ministère ! 6+6 a
Pouvais-je, homme de Dieu,me récuser ? oh non ! 6+6 a
1100 Oh ! qui lui donneraitmieux le divin pardon ? 6+6 a
De quel cœur plus amila brûlante prière 6+6 a
Appellerait la paixde Dieu sur sa paupière ? 6+6 a
Quels pleurs s'uniraient plusà ses pleurs ? quelle main 6+6 a
Du festin de la mortlui romprait mieux le pain ? 6+6 a
1105 Et quel adieu plus tendre,à ce départ suprême, 6+6 a
L'accompagnerait mieuxque cette voix qu'elle aime ? 6+6 a
Oh ! sans doute c'étaitDieu qui me l'envoyait, 6+6 a
Et qui par ce seul jouren une heure payait 6+6 a
De mon amour vaincule si long sacrifice : 6+6 a
1110 Il m'avait réservéce jour dans sa justice ! 6+6 a
Me rapportant Laurenceà son dernier moment. 6+6 a
Sa grâce du pardonme faisait l'instrument ! 6+6 a
J'allais donner le cieldans l'auguste mystère 6+6 a
A celle à qui j'auraisvoulu donner la terre ! 6+6 a
1115 Et j'allais envoyerm'attendre dans les cieux 6+6 a
Le souffle de mon sein,le rayon de mes yeux ! 6+6 a
Dans la confusionde ce doute terrible, 6+6 a
J'étais sans mouvementcomme un bloc insensible. 6+6 a
Le trouble de mes sensenfin s'atténua ; 6+6 a
1120 Sa voix reprit son timbre ;elle continua : 6+6 a
« Hélas ! de lui, mon père,à peine séparée, 6+6 a
« Le monde sait jusqu'je me suis égarée ; 6+6 a
« L'époux à qui mon sortsans mon cœur fut uni, 6+6 a
« Du crime de m'aimerpar mon cœur fut puni ; 6+6 a
1125 « Mon dégt lui rendaiten horreur ses tendresses, 6+6 a
« Et voyait un opprobreen ses moindres caresses : 6+6 a
« Il mourut d'amertume,hélas ! en m'adorant ; 6+6 a
« Je ne lui pardonnaide m'aimer qu'en mourant !… 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Veuve et libre à vingt ans,et déjà renommée 6+6 a
1130 « Pour ma beauté partoutavec mon nom semée, 6+6 a
« Des flots d'adorateursroulèrent sur mes pas ; 6+6 a
« Je les laissai m'aimer,mais moi, je n'aimai pas : 6+6 a
« L'ombre de mon ami,m'entourant d'un nuage, 6+6 a
« Toujours entre eux et moijetait sa chère image ; 6+6 a
1135 « Et d'un œil attendriquand je leur souriais, 6+6 a
« Hélas ! les insensés !c'est lui que je voyais ! 6+6 a
« Tant d'un éclat trop purl'âme jeune éblouie 6+6 a
« Ternit toute autre choseensuite dans la vie ! 6+6 a
« Ah ! malheur à qui voitdevant ses yeux passer 6+6 a
1140 « Une apparitionqui ne peut s'effacer ! 6+6 a
« Le reste de ses joursest bruni par une ombre : 6+6 a
« Après un jour divin,mon père, tout est sombre !… 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Pourtant lasse du vide mon cœur se perdait, 6+6 a
« Ivre du souvenirbrûlant qui débordait, 6+6 a
1145 « J'essayai quelquefoisde me tromper moi-même. 6+6 a
« De regarder un frontet de dire : Je l'aime ! 6+6 a
« J'écoutais comme simon coeur avait aimé ; 6+6 a
« Mais froide au sein du feuque j'avais allumé, 6+6 a
« Je sentais tout à coupdéfaillir ma pensée, 6+6 a
1150 « Transir mon cœur brûlantsous une main glacée ; 6+6 a
« Je repoussais l'objetindigne loin de moi, 6+6 a
« Je disais en courroux :Va-t'en ! ce n'est pas toi !… 6+6 a
« Et cherchant au hasardparmi ce qui m'adore 6+6 a
« Une autre illusion,je la chassais encore ! 6+6 a
1155 « D'un angélique amourl'ineffaçable odeur, 6+6 a
« Au moment de tomber,me remontait au cœur ; 6+6 a
« Et la goutte du ciel,sur mes lèvres restée, 6+6 a
« Rendait toute autre coupeamère et détestée ; 6+6 a
« Aussi, bien que tant d'ombreait terni ma beauté, 6+6 a
1160 « Bien qu'un monde, témoinde ma légèreté, 6+6 a
« Sur mes gts fugitifsmesurant mes faiblesses, 6+6 a
« M'ait mise au rang honteuxdes grandes pécheresses ; 6+6 a
« Bien que j'eusse voulu,du mal faisant mon bien, 6+6 a
«Venger sur d'autres cœursles tortures du mien, 6+6 a
1165 « Ou payer de ma vieou de ma renommée 6+6 a
« La puissance d'aimercomme j'étais aimée ; 6+6 a
« Quoique ne regardantque d'un cœur ennemi 6+6 a
« Le Dieu qui m'arrachaitmon frère et mon ami, 6+6 a
« Je le dis devant vous,devant ce Dieu lui-même, 6+6 a
1170 « Devant la véritéqui luit au jour suprême, 6+6 a
« Devant le cher fantômeet le saint souvenir 6+6 a
« De celui qu'en mentantje craindrais de ternir, 6+6 a
« Non par ma force, hélas !mais par mon impuissance, 6+6 a
« Par mépris, par dégt,plus que par innocence, 6+6 a
1175 « Mon cœur est resté viergeet pur jusqu'à ce jour ! 6+6 a
« Oui, mon âme est encorvierge à force d'amour, 6+6 a
« Et rapporte au tombeau,sans l'avoir altérée, 6+6 a
« L'image de celuiqui l'avait consacrée ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Et cependant mes jours,brûlés par la douleur, 6+6 a
1180 « S'en allaient desséchéset pâlis dans leur fleur ; 6+6 a
« Et je sentais ma vie,à sa source blessée, 6+6 a
« Mourir, toujours mouriraux coups d'une pensée ! 6+6 a
« Comme un arbre au printempsque le ver pique au cœur, 6+6 a
« Mon front jeune cachaitma mortelle langueur, 6+6 a
1185 « Mais je voyais la mort,là tout près, sur ma voie, 6+6 a
« Et j'en avais dans l'âmeune féroce joie ! 6+6 a
« C'était le seul remèdeà mon mal sans espoir ; 6+6 a
« Pourtant avant la mortje voulus encor voir 6+6 a
« Le lieu de notre exil,ces monts, ce point de terre 6+6 a
1190 « Qui fut de mon bonheurdeux ans le sanctuaire, 6+6 a
« Et retrouver, en songeau moins, dans ce séjour, 6+6 a
« Ma première innocenceet mon céleste amour ; 6+6 a
« Je revis le désertet la roche escarpée, 6+6 a
« Et là du dernier coupmon âme fut frappée. 6+6 a
1195 « Tout mon bonheur passése leva sous mes pas ; 6+6 a
« Je pressai mille foisson ombre dans mes bras ; 6+6 a
« Chaque pan de rocher,du lac, des précipices, 6+6 a
« Ramenèrent pour moides heures de délices ; 6+6 a
« Ce cœur qui les cherchaitn'a pu les soutenir : 6+6 a
1200 « Comme on meurt de douleur,il meurt de souvenir ! 6+6 a
« Et l'on me rapportade la grotte, éperdue, 6+6 a
« Et mourant d'une mortque j'ai trop attendue ! » 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Elle se tut ; ses dentsgrinçaient ; puis reprenant : 6+6 a
« Vous savez qui je fus,jugez-moi maintenant ! » 6+6 a
1205 Sur sa couche incliné,l'œil au ciel, les mains hautes, 6+6 a
Je la bénis du cœuret j'entendis ses fautes ! 6+6 a
Quand elle eut achevé,je lui ; dis quelques mots, 6+6 a
Tout étouffés de pleurs,tout brisés de sanglots, 6+6 a
l'accent altéréde ma voix trop émue, 6+6 a
1210 A son oreille encorla laissait inconnue. 6+6 a
Je cherchais — dans mon cœurces trésors de pardon 6+6 a
Dont pour la dernière heureun Dieu nous a fait don ; 6+6 a
Puis avant de verserl'innocence à son âme : 6+6 a
« Vous en repentez-vousde ces péchés, madame ? 6+6 a
1215 « Je tiens sur votre frontl'indulgence en suspens ; 6+6 a
« Dieu n'attend que ce mot !» — « Oh ! oui, je me repens 6+6 a
« De tout ce que mon cœurreproche à ma pensée, 6+6 a
« De mes jours prodigués,de ma vie insensée, 6+6 a
« D'avoir tant soupirépour ramener ailleurs 6+6 a
1220 « Ce que Dieu n'allumaqu'une fois dans deux cœurs, 6+6 a
« De cet oubli du cieldont je fus prévenue 6+6 a
« Par cette grâce même,hélas ! qui m'a perdue ! 6+6 a
« De ce temps en soupirspour du vent consumé ! 6+6 a
« Je me repens de tout,hors de l'avoir aimé ! 6+6 a
1225 « Et si devant ce Dieumon amour est coupable, 6+6 a
« Que dans l'éternitésa vengeance m'accable ! 6+6 a
« Je ne puis m'arracherdu cœur, même aujourd'hui, 6+6 a
« Le seul être ici-basqui m'ait fait croire en lui ! 6+6 a
« Et dans mes yeux mouransson image est si belle, 6+6 a
1230 « Que je ne comprends pasle ciel même sans elle ! 6+6 a
« Oh ! s'il était là, lui !si Dieu me le rendait ! 6+6 a
« Même à travers la mort,oh ! s'il me regardait ! 6+6 a
« Si cette heure à ma viet été réservée ! 6+6 a
« Si j'entendais sa voix,je me croirais sauvée ! 6+6 a
1235 « Sa voix m'adouciraitjusqu'au lit du tombeau ! » 6+6 a
« Laurence ! entendez-la !» criai-je. Le flambeau 6+6 a
Jeta comme un éclairdu ciel dans l'ombre obscure ; 6+6 a
Elle se soulevapour fixer ma figure : 6+6 a
« Dieu ! c'est bien lui,» dit-elle.« Oui, Laurence ! oui, c'est moi ! 6+6 a
1240 « Ton frère, ton ami,là, vivant devant toi ! 6+6 a
« C'est moi que le Seigneurau jour de grâce envoie 6+6 a
« Pour te rendre la mainet t'aplanir la voie, 6+6 a
« Pour laver plus que toites péchés dans mes pleurs ! 6+6 a
« Tes fautes, mon enfant,ne sont que tes malheurs ; 6+6 a
1245 « C'est moi seul qui jetaile trouble dans ta vie ; 6+6 a
« Tes péchés sont les miens,et je t'en justifie ! 6+6 a
« Peines, crimes, remords,sont communs entre nous ; 6+6 a
« Je les prends tous sur moipour les expier tous ; 6+6 a
« J'ai du temps, j'ai des pleurs,et Dieu, pour innocence, 6+6 a
1250 « Va te compter là-hautma dure pénitence ! 6+6 a
« Ah ! reçois de ce cœurau tien prédestiné 6+6 a
« Le plus tendre pardonqu'il ait jamais donné ! 6+6 a
« Reçois de cette main,que Dieu seul t'a ravie, 6+6 a
« Ta précoce couronneet l'éternelle vie ! 6+6 a
1255 « Réunis à l'entrée,au terme du chemin, 6+6 a
« Tous les dons du Seigneurt'attendaient dans ma main. 6+6 a
« Aime-la pour ces donsde Dieu ! crois, aime, espère ! 6+6 a
« Laurence, cette maint'absout au nom du Père ! » 6+6 a
Et comme j'achevaisle signe de la croix, 6+6 a
1260 Et que les mots sacrésexpiraient dans ma voix, 6+6 a
Je sentis ses doigts froidssaisir ma main contrainte, 6+6 a
L'attirer sur sa boucheen une ardente étreinte ; 6+6 a
Et quand à ce transportje voulus m'opposer, 6+6 a
Son âme avait passédans ce dernier baiser ! 6+6 a
1265 Et ma main que serraitencor sa main raidie, 6+6 a
Resta toute la nuitdans sa main refroidie ; 6+6 a
Jusqu'à ce que le cielcommençant à pâlir, 6+6 a
Les femmes du hameauvinrent l'ensevelir !… 6+6 a
Ouvert le testament.C'est à moi qu'elle donne 6+6 a
1270 Tous ses biens ; qu'en ferais-je ?Elle prie, elle ordonne 6+6 a
Qu'au tombeau paternelson corps soit rapporté 6+6 a
La nuit, par un seul prêtre,à la fosse, escorté, 6+6 a
Pour que son cœur mortels'endorme et ressuscite 6+6 a
Au seul lieu d'ici-basque sa pensée habite ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1275 Ah ! Laurence ! ah ! c'est moi,moi qui t'y coucherai ; 6+6 a
Dans ta tombe, ô ma sœur,c'est moi qui t'étendrai ! 6+6 a
De cette voix jadissi chère à ton oreille, 6+6 a
Oh ! que ce soit aussimoi seul qui l'y réveille ! 6+6 a
Ce corps je le reçois,mais ces biens je les rends, 6+6 a
1280 Ce n'est que dans le cielque nous sommes parens ! 6+6 a
Mon nom, dans cet écrit,que le feu le dévore : 6+6 a
Dieu le sait, il suffit ;que le monde l'ignore ! 6+6 a
O mon Dieu ! congédieenfin ton serviteur, 6+6 a
Il tombe, il a finison œuvre de douleur ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1285 Quatre hommes des chalets,sur des branches de saules, 6+6 a
Étaient venus chercherle corps sur leurs épaules ; 6+6 a
Nous partîmes la nuit,eux, un vieux guide et moi. 6+6 a
Je marchais le dernier,un peu loin du convoi, 6+6 a
De peur que le sanglot,que j'étouffais à peine, 6+6 a
1290 Ne trahît dans le prêtreune douleur humaine, 6+6 a
Et que sur mon visageen pleurs, on ne pût voir 6+6 a
Lutter la foi divineavec le désespoir. 6+6 a
C'était une des nuitssauvages de novembre 6+6 a
Dont la rigueur saisitl'homme par chaque membre, 6+6 a
1295 sur le sol qui meurtd'âpres sensations, 6+6 a
Tout frissonne ou gémitdans des convulsions. 6+6 a
Les sentiers creux, glissans,sous une fine pluie, 6+6 a
Buvaient les brouillards froidsque la montagne essuie ; 6+6 a
Les nuages rasaientles arbres dans leur vol, 6+6 a
1300 La feuille en tourbillonondoyait sur le sol ; 6+6 a
Les vents lourds de l'hiver,qui soufflaient par rafales, 6+6 a
Échappés des ravins,hurlaient par intervalles, 6+6 a
Secouaient le cercueildans les bras des porteurs, 6+6 a
Et détachant du drapla couronne de fleurs 6+6 a
1305 Qu'avaient mise au linceulles femmes du village, 6+6 a
M'en jetaient en sifflantles feuilles au visage : 6+6 a
Symbole affreux du sort,qui jette avec mépris 6+6 a
Au front de l'homme heureuxson bonheur en débris ! 6+6 a
La lune, qui couraitentre les pâles nues, 6+6 a
1310 Tantôt illuminaitles pins des avenues, 6+6 a
Et tantôt, retirantdans le ciel sa clarté, 6+6 a
Nous laissait à tâtonspercer l'obscurité ; 6+6 a
Et moi, pour accomplirmon cruel ministère, 6+6 a
Sous mon front mort et froidrenfermant mon mystère, 6+6 a
1315 J'essayais de chanter,dans un saignant effort, 6+6 a
Quelques notes des chantsconsacrés à la mort ; 6+6 a
Et ma voix chaque fois,dans mon sein repoussée, 6+6 a
Se brisait en tronquantl'antienne commencée, 6+6 a
Et mes pleurs dans mes chantsravalés à grands flots, 6+6 a
1320 Sortant avec mes cris,les changeaient en sanglots. 6+6 a
O chant de paix des mortsque démentait mon âme ! 6+6 a
Chœur funèbre chantépendant l'horreur du drame ! 6+6 a
Ah ! vous n'êtes jamaissorti des voix d'un chœur, 6+6 a
En faisant éclaterplus de fibres du cœur ! 6+6 a
1325 Et cependant, mon Dieu !faut-il que je l'avoue ? 6+6 a
Un éclair quelquefoissouriait sur ma joue, 6+6 a
Une amère douceurvenait me soulager, 6+6 a
Comme un homme qui sentson fardeau plus léger. 6+6 a
Je me disais de l'âme,en m'excitant moi-même : 6+6 a
1330 Allons, je n'ai donc plusqu'à suivre ce que j'aime ! 6+6 a
Plus rien derrière moisur ce bord du tombeau ! 6+6 a
Plus rien dans cet exilà regretter de beau ! 6+6 a
Tout ce qu'aima mon œila déserté la terre ! 6+6 a
J'y suis encor, Seigneur,mais j'y suis solitaire, 6+6 a
1335 Et je n'ai plus iciqu'à m'asseoir un instant. 6+6 a
Et qu'à tendre les mainsvers ces mains qu'on me tend ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De temps en temps, lassésde leur funèbre charge, 6+6 a
Les porteurs s'arrêtaient,et sur la verte marge 6+6 a
Des sentiers parcourusdéposant leur fardeau, 6+6 a
1340 S'éloignaient altéréspour chercher un peu d'eau ; 6+6 a
Seul alors, je restaisun moment en prière, 6+6 a
A genoux, et le frontsur le front de la bière, 6+6 a
Et laissant sur le boismes lèvres se poser, 6+6 a
De l'éternel amourchaste et secret baiser ! 6+6 a
1345 Puis je me relevaiset reprenais ma course, 6+6 a
Comme si j'avais bumoi-même à quelque source ! 6+6 a
Déjà le crépusculeet son pâle rayon 6+6 a
Dévoilait par degrésà mes yeux l'horizon. 6+6 a
Comme un homme qui rêveà demi dans un rêve 6+6 a
1350 Un fantôme adoréqui de l'ombre se lève. 6+6 a
Chaque place parlaitde Laurence à mes yeux : 6+6 a
C'était la roche creuse le berger pieux 6+6 a
Venait cacher pour nousle pain de nos délices ; 6+6 a
C'était l'onde écumanteau fond des précipices, 6+6 a
1355 L'arche le premier jourje l'avais apeu, 6+6 a
La rive sur mon cœurmes bras l'avaient reçu, 6+6 a
La neige je croyaisvoir encor goutte à goutte 6+6 a
Le sang d'un père, hélas !qui nous traçait la route ; 6+6 a
Puis le vallon remplipour nous de tant de jours 6+6 a
1360 D'innocente amitié,de célestes amours ; 6+6 a
Le lac ridant ses eauxcomme un tissu de soie, 6+6 a
Dont les vagues, pour nous,semblaient bondir de joie ; 6+6 a
Les cinq chênes, sur l'herbeétendant leurs bras noirs, 6+6 a
Ces lieux de nos bonheurset de nos désespoirs, 6+6 a
1365 le drame divinde tout notre jeune âge 6+6 a
Avait à chaque siteattaché son image ! 6+6 a
Et nous la déposionsquelquefois, par hasard, 6+6 a
A la place, au soleil,sur l'herbe, mon regard 6+6 a
Se souvenait soudainde l'avoir vue assise 6+6 a
1370 Avec moi sur les fleurs,fleurs que son cercueil brise ! 6+6 a
Et son rire et ses dents,ses yeux, son front, sa voix, 6+6 a
Me rentraient dans le cœurcomme un coin dans le bois ! 6+6 a
Et je me détournaisun peu vers le rivage 6+6 a
Pour que le vent du lacme séchât le visage !… 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1375 Enfin près du sépulcreà son père creusé, 6+6 a
Pour la dernière foisle corps fut déposé ; 6+6 a
Le front dans mes deux mains,je m'assis près de l'onde, 6+6 a
Pendant que l'on ouvraitdans la terre profonde 6+6 a
Le lit de son sommeil j'allais la coucher ; 6+6 a
1380 Chaque coup dans le solque j'entendais bêcher 6+6 a
Faisait évanouirune de ces images 6+6 a
Qui me montaient au cœurà l'aspect de ces plages, 6+6 a
Les brisait tour à tourcomme un flot sur l'écueil, 6+6 a
Et toutes les menaits'abîmer au cercueil ! 6+6 a
1385 Quand il fut préparé,dans le sillon suprême 6+6 a
Je voulus sur mes brasla recevoir moi-même, 6+6 a
Afin que ce beau corpssous ma main endormi, 6+6 a
S'appuyât, même là,contre ce cœur ami ! 6+6 a
La pressant sur mon seincomme une pauvre mère 6+6 a
1390 Qui pose en son berceauson fruit dormant, à terre, 6+6 a
Sur le sol aplani,muet, je l'étendis ; 6+6 a
Et tirant doucementle sable, j'entendis 6+6 a
La terre sous mes pieds,par le pâtre jetée, 6+6 a
Tomber et retentirà sourde pelletée, 6+6 a
1395 Jusqu'à ce que la tombeexhaussant son niveau 6+6 a
Me rendît au grand jourles pieds sur son tombeau ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Alors pour passer seultout ce jour de mystère, 6+6 a
Feignant d'avoir encorquelque saint ministère, 6+6 a
Je dis négligemmentaux hommes du convoi 6+6 a
1400 De descendre à pas lentsla montagne sans moi ; 6+6 a
Et je demeurai seulpour pleurer en silence 6+6 a
L'heure, l'heure sans finde l'éternelle absence ! 6+6 a
Oh ! ce qui se passadans ces veilles de deuil 6+6 a
Entre cette âme et moicouché sur ce cercueil, 6+6 a
1405 Ce qui se soulevad'amour et d'espérance 6+6 a
Du fond de cette fosse m'appelait Laurence, 6+6 a
Si ma main le pouvait,je ne l'écrirais pas ! 6+6 a
Il est des entretiensde la vie au trépas, 6+6 a
Il est des mots sacrésque l'âme peut entendre, 6+6 a
1410 Que nulle langue humaineen accens ne peut rendre, 6+6 a
Qui brûleraient la mainqui les aurait écrits, 6+6 a
Et qu'il faut, même à soi,mourir sans avoir dits ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Quand j'eus seul devant Dieupleuré toutes mes larmes, 6+6 a
Je voulus sur ces lieuxsi pleins de tristes charmes, 6+6 a
1415 Attacher un regardavant que de mourir, 6+6 a
Et je passai le soirà les tous parcourir. 6+6 a
Oh ! qu'en peu de saisonsles étés et les glaces 6+6 a
Avaient fait du vallonévanouir nos traces ! 6+6 a
Et que sur ces sentierssi connus de mes piés, 6+6 a
1420 La terre en peu de joursnous avait oubliés ! 6+6 a
La végétation,comme une mer de plantes, 6+6 a
Avait tout recouvertde ses vagues grimpantes. 6+6 a
La liane et la ronceentravaient chaque pas ; 6+6 a
L'herbe que je foulaisne me connaissait pas ; 6+6 a
1425 Le lac, déjà souillépar les feuilles tombées, 6+6 a
Les rejetait partoutde ses vagues plombées ; 6+6 a
Rien ne se reflétaitdans son miroir terni, 6+6 a
Et son écume morteaux bords avait jauni ; 6+6 a
Des chênes qui couvraientl'antre de leurs racines, 6+6 a
1430 Deux, hélas ! n'étaient plusque de mornes ruines, 6+6 a
Leurs troncs couchés A terreétaient noirs et pourris ; 6+6 a
Les lézards de leurs cœurss'étaient déjà nourris ; 6+6 a
Un seul encor debout,mais tronqué par l'orage, 6+6 a
Étendait vers la grotteun long bras sans feuillage, 6+6 a
1435 Comme ces noirs poteauxqu'on plante avec la main 6+6 a
Pour surmonter la neigeet marquer un chemin ; 6+6 a
Ah ! je connaissais tropcette fatale route ; 6+6 a
Mes genoux fléchissantm'entrnaient vers la vte ; 6+6 a
J'y marchais pas à passur des monceaux mouvans 6+6 a
1440 De feuillages d'automneentassés par les vents ; 6+6 a
En foulant ces débrisque le temps décompose, 6+6 a
J'entendis résonneret craquer quelque chose 6+6 a
Sous mon pied ; vers le soljauni je me baissai ; 6+6 a
C'étaient des ossemens,et je les ramassai ; 6+6 a
1445 Je reconnus, aux pieds,notre pauvre compagne, 6+6 a
Notre biche oubliéeen quittant la montagne, 6+6 a
Et qui, morte sans douteou de faim ou de deuil, 6+6 a
Avait laissé ses osblanchis sur notre seuil ! 6+6 a
J'entrai sans respirerdans la grotte déserte, 6+6 a
1450 Comme un mort, dont les siensont oublié la perte, 6+6 a
Rentrerait inconnudans sa propre maison 6+6 a
Dont les murs qu'il bâtitne savent plus son nom ! 6+6 a
Mon regard d'un coup d'œilen parcourut l'enceinte, 6+6 a
Et retomba glacécomme une lampe éteinte ; 6+6 a
1455 O temple d'un bonheursur la terre inconnu, 6+6 a
Hélas ! en peu de tempsqu'étiez-vous devenu ? 6+6 a
Le sable et le limon,qui comblaient la poterne, 6+6 a
Ne laissaient plus entrerqu'un jour blafard et terne ; 6+6 a
Le lierre, épaississantses ténébreux réseaux, 6+6 a
1460 Interceptait la briseet le reflet des eaux ; 6+6 a
La vase, amonceléeau canal de la source, 6+6 a
Dans le creux de la rocheavait changé sa course ; 6+6 a
Et la coupe de pierre,aux éternels accords, 6+6 a
N'avait plus qu'une moussearide sur ses bords ; 6+6 a
1465 Nul oiseau n'y buvaitou n'y lavait ses ailes ; 6+6 a
Les nids de nos pigeonset de nos hirondelles, 6+6 a
Par la dent des renardsdétachés et mordus, 6+6 a
Flottaient contre la vteà leurs fils suspendus, 6+6 a
Avec leurs blancs duvets,leurs plumes, leurs écailles, 6+6 a
1470 Qui jonchaient le terrainou souillaient les murailles ; 6+6 a
Dans ce séjour de paix,d'amour, d'affection, 6+6 a
Tout n'était que ruineet profanation ; 6+6 a
A la place Laurenceavait dormi naguère 6+6 a
Ses doux sommeils d'enfantsur son lit de fougère, 6+6 a
1475 La bête fauve avaitdans l'ombre amoncelé 6+6 a
Son repaire d'épineaux broussailles mêlé ; 6+6 a
Et des os décharnés,des carcasses livides, 6+6 a
Débris demi rongéspar ses petits avides, 6+6 a
Avec des poils sanglansrépandus à l'entour, 6+6 a
1480 Souillaient ce seuil sacréd'innocence et d'amour. 6+6 a
Je reculai d'horreur !O vil monceau de boue, 6+6 a
O terre qui produistes fleurs et qui t'en joue ! 6+6 a
Oh ! voilà donc aussice que tu fais de nous ! 6+6 a
Nos pas sur tes vallons,tu les laboures tous ! 6+6 a
1485 Tu ne nous permets pasd'imprimer sur ta face 6+6 a
Même de nos regretsla fugitive trace ; 6+6 a
Nous retrouvons la joie nous avons pleuré, 6+6 a
La brute souille l'antre l'ange a demeuré ! 6+6 a
L'ombre de nos amours,au ciel évanouie, 6+6 a
1490 Ne plane pas deux jourssur notre point de vie ; 6+6 a
Nos cercueils, dans ton sein,ne gardent même pas 6+6 a
Ce peu de cendre aimée nous trnent nos pas. 6+6 a
Nos pleurs, cette eau du cielque versent nos paupières, 6+6 a
En lavant les tombeauxse trompent de poussières ; 6+6 a
1495 Le sol boit au hasardla moelle de nos yeux. 6+6 a
Va, terre, tu n'es rien !ne pensons plus qu'aux cieux 6+6 a
Je me relevai fortde ce cri de colère. 6+6 a
Quand je sortis de l'antreet retrouvai la terre, 6+6 a
L'avalanche, d'en haut,au lac avait roulé, 6+6 a
1500 Un blanc tapis de neigeavait tout nivelé, 6+6 a
La tombe n'était plusqu'un léger monticule 6+6 a
Pareil au blanc monceauqu'un enfant accumule ; 6+6 a
L'ouragan balayaitces ondoyans sillons, 6+6 a
Et luttant au-dessuscontre ses tourbillons, 6+6 a
1505 (Ah ! je les reconnus), deux pauvres tourterelles, 6+6 a
Dont la poudre glacéeembarrassait les ailes, 6+6 a
Cherchant à s'échapperde ce tombeau mouvant, 6+6 a
Tournoyaient, s'abattaientensemble sous le vent ; 6+6 a
J'appelai par leurs nomsces oiseaux, nos symboles, 6+6 a
1510 Mais l'ouragan de glaceemportait mes paroles, 6+6 a
Puis, sans penser ni voir,je descendis en bas, 6+6 a
Et comme si du plombt entrné mes pas ! 6+6 a
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ÉCRIT SUR UNE PAGE DE L'IMITATION DE JÉSUS-CHRIST.
Quand celui qui vouluttout souffrir pour ses frères, 6+6 a
Dans sa coupe sanglanteeut vidé nos misères, 6+6 a
1515 Il laissa dans le vaseune âpre volupté ; 6+6 a
Et cette mort du cœurqui jouit d'elle-même, 6+6 b
Cet avant-gt du cieldans la douleur suprême, 6+6 b
O mon Dieu ! c'est ta volonté ! 8 a
J'ai trouvé comme luidans l'entier sacrifice, 6+6 a
1520 Cette perle cachéeau fond de mon calice, 6+6 a
Celle voix qui bénità tout prix, en tout lieu ! 6+6 a
Quand l'homme n'a plus rienen soi qui s'appartienne, 6+6 b
Quand de la volontéta grâce a fait la sienne ! 6+6 b
Le corps est homme, et l'âme est Dieu ! 8 a
1525 Hélas ! depuis six moisj'avais cessé d'écrire ; 6+6 a
Mon âme chaque jourde mille morts expire. 6+6 a
Depuis que la misèreet les contagions 6+6 a
Montent pour décimerces hautes régions, 6+6 a
Qu'importait à mes yeuxce miroir de ma vie ! 6+6 a
1530 Mes yeux sont tout trempésdes larmes que j'essuie ; 6+6 a
Le loisir du matinne va pas jusqu'au soir, 6+6 a
Je n'ai ni le désir,ni l'heure de m'asseoir ; 6+6 a
Le chevet des mouransest ma place assidue : 6+6 a
A leur longue agonieun peu de paix rendue, 6+6 a
1535 Le signe de la croixtenu devant leurs yeux, 6+6 a
Un serrement de main,un geste vers les cieux, 6+6 a
Les saints honneurs rendusà leur pauvre suaire, 6+6 a
C'est le seul bien, hélas !que je puisse leur faire. 6+6 a
Grâce à moi, sous leur chaumeils ne meurent pas seuls, 6+6 a
1540 L'un après l'autre ils onttous mes draps pour linceuls, 6+6 a
Et le sol, que mes mainsont creusé pour leur bière, 6+6 a
Ouvre à chacun son litd'argile au cimetière. 6+6 a
Depuis deux ou trois jourscependant le fléau 6+6 a
Commence à s'amortirdans mon pauvre hameau. 6+6 a
1545 Hélas ! il était temps !que de toits sans fumées ! 6+6 a
Que de champs sans semenceet de portes fermées ! 6+6 a
A la ville, au contraire,il s'accrt tous les jours. 6+6 a
Les pauvres qu'il choisity meurent sans secours, 6+6 a
Les hôpitaux sont pleinsd'infirmes qu'il entasse, 6+6 a
1550 Et les morts aux mouransne font pas assez place ; 6+6 a
Les temples trop étroitssont encombrés ; leur seuil 6+6 a
Des cadavres pressésrepousse le cercueil ; 6+6 a
Le bras des fossoyeursà bêcher se fatigue ; 6+6 a
Une place au sépulcreest un don que l'on brigue ; 6+6 a
1555 Les morts vont au tombeaupar immenses convois, 6+6 a
pour mille cercueilsne marche qu'une croix. 6+6 a
La populationse jette aux gémonies, 6+6 a
Les prêtres décimésmanquent aux agonies, 6+6 a
Leur pied fraie aux mouransles sentiers du tombeau, 6+6 a
1560 Et, comme le pasteurmarche après le troupeau, 6+6 a
Les y mènent le soir,le lendemain les suivent : 6+6 a
A peine jusqu'icitrois ou quatre survivent, 6+6 a
Et pour les assisterdans leur pieux devoir, 6+6 a
Je descends chaque jouret reviens chaque soir. 6+6 a
1565 Oh ! que mon pied court viteau chemin de la tombe ! 6+6 a
Quelle grâce d'en haut,mon Dieu, si je succombe ! 6+6 a
Si moi qui donneraispour rien mes jours flétris, 6+6 a
Pour mes frères sauvésvous leur donniez un prix ! 6+6 a
Oh ! pour rendre, Seigneur,un époux à la femme, 6+6 a
1570 Une mère à l'enfant,prenez âme pour âme ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ce soir je remontaispour descendre demain, 6+6 a
Le cœur saignant, les piedstout meurtris du chemin, 6+6 a
L'esprit anéantidu poids de leur misère, 6+6 a
Comme Jésus montantsous la croix son Calvaire ; 6+6 a
1575 Je récitais tout basles psaumes consacrés 6+6 a
Pour les âmes de ceuxque j'avais enterrés. 6+6 a
La nuit enveloppaitles muettes campagnes ; 6+6 a
Seulement, en montant,les crêtes des montagnes, 6+6 a
Que la lune tardiveallait bientôt franchir, 6+6 a
1580 D'une écume de jourcommençaient à blanchir. 6+6 a
Elle parut enfincomme un charbon de braise 6+6 a
Qu'on tire, avant le jour,du creux de la fournaise, 6+6 a
Et glissant sur la penteen ruisseau de clarté, 6+6 a
M'éclaira mon sentierde tout autre écarté : 6+6 a
1585 Dur sentier suspendusur le bord des abîmes, 6+6 a
S'enfonçant dans la gorgeet remontant les cimes ; 6+6 a
Puis enfin, contournantla pente du rocher, 6+6 a
Allant avec mes yeuxaboutir au clocher. 6+6 a
J'avais monté longtemps ;mon front à large goutte 6+6 a
1590 Découlait de sueurdont je lavais ma route. 6+6 a
Quand je fus à peu prèsà moitié du chemin, 6+6 a
Au pas , le sentiercoupé par le ravin, 6+6 a
L'arche du petit pont, le torrent dégorge, 6+6 a
Joint une rive à l'autreau creux noir de la gorge, 6+6 a
1595 Sur le pied de la croixqui s'élève au milieu 6+6 a
Je m'assis un momentpour respirer un peu, 6+6 a
Un silence completendormait la nature ; 6+6 a
Le torrent desséchés'étendait sans murmure ; 6+6 a
Je comptais les rochersde son lit peu profond, 6+6 a
1600 Par la lune baignés,blanchissans jusqu'au fond ; 6+6 a
Et dans l'air de la nuit,sans haleine et sans voiles, 6+6 a
On aurait entendupalpiter les étoiles. 6+6 a
Je fus tiré du seinde ma réflexion 6+6 a
Par un étrange bruitde respiration ; 6+6 a
1605 J'écoutai : c'était bienune pénible haleine 6+6 a
Qui sortait sous le pontd'une poitrine humaine, 6+6 a
Et qu'au fond du ravin,de moment en moment, 6+6 a
Entrecoupait un faibleet sourd gémissement. 6+6 a
Je refuse un instantle souffle à ma poitrine ; 6+6 a
1610 Au bas du parapet,l'œil tendu, je m'incline' ; 6+6 a
Je regarde, j'appelle,et rien ne me répond. 6+6 a
Par le lit du torrentje descends sous le pont. 6+6 a
La lune en inondaitl'arche basse et profonde, 6+6 a
ses rayons tremblaientsur le sable au lieu d'onde, 6+6 a
1615 Et, répandant assezde jour pour l'éclairer, 6+6 a
Laissaient l'œil et les paslibres d'y pénétrer. 6+6 a
De ronces et de joncsécartant quelque tige, 6+6 a
J'entrai d'un pas tremblantsous cette arche : que vis-je ! 6+6 a
Un jeune homme, le corpssur le sable étendu, 6+6 a
1620 Le frisson de la mortsur sa peau répandu, 6+6 a
Sans regard et sans voix,le bras sur quelque chose 6+6 a
De long, d'étroit, de blanc,qui près de lui repose, 6+6 a
Et que dans son instinct,sa main ouverte encor, 6+6 a
Semblait contre son cœurpresser comme un trésor. 6+6 a
1625 Je recule d'un pas,la pitié me rapproche ; 6+6 a
Recueillant un peu d'eaudans le creux d'une roche, 6+6 a
J'en baigne avec la mainson front évanoui ; 6+6 a
Il rouvre un œil mourant,par la lune ébloui, 6+6 a
Jette un regard confussur mon habit, regarde 6+6 a
1630 Si rien n'a déplacéle long fardeau qu'il garde, 6+6 a
Cherche en vain dans sa voixun mot pour me bénir, 6+6 a
Se met sur son séant,et ne peut s'y tenir… 6+6 a
Je lui fis, avec peine,avaler une goutte 6+6 a
D'un flacon de vin vieuxque j'avais pour ma route, 6+6 a
1635 Et quand il eut reprisses forces à demi : 6+6 a
« Que faites-vous ici,lui dis-je, mon ami, 6+6 a
« Sous cette arche, à cette heure ?Êtes-vous un coupable 6+6 a
« Que son crime poursuit,ou quelque misérable 6+6 a
« Qui, n'ayant plus de toitpour abriter son front, 6+6 a
1640 « Pendant les nuits d'hiverse cache sous le pont ? 6+6 a
« Coupable ou malheureux,vous n'avez rien à taire : 6+6 a
« Pardonner, soulager,c'est tout mon ministère ; 6+6 a
« Je suis l'œil et la mainet l'oreille de Dieu, 6+6 a
« Sa providence à tous,le curé de ce lieu 6+6 a
1645 Un éclair, à ce nom,parcourut son visage ; 6+6 a
Il joignit ses deux mains :« Le curé du village ? 6+6 a
« Vous ! vous ! s'écria-t-il,ne me trompez-vous pas ? 6+6 a
« Ah ! c'est Dieu qui nous ajetés là sous vos pas ; 6+6 a
« O bon Samaritain,c'est lui qui vous envoie ! 6+6 a
1650 « Arriver jusqu'à vous,puis mourir avec joie ! » — 6+6 a
« Qu'attendez-vous de moi ?lui dis-je. » — « Hélas ! voyez, 6+6 a
« Voyez ce qu'en tombantje dépose à vos piés ! » 6+6 a
Et retirant son corpsqui projetait une ombre 6+6 a
Sur le côté de l'archeet du fardeau plus sombre, 6+6 a
1655 Je vis sur la poussièreun grand coffre de bois : 6+6 a
Un lambeau de lin blancen couvrait les parois ; 6+6 a
Une croix de drap noir,petite, inapeue, 6+6 a
Du côté le plus largeau lin était cousue ; 6+6 a
Une image de sainte,au bas, avec des lis, 6+6 a
1660 Comme le pauvre peupleen suspend à ses lits ; 6+6 a
Un rameau de buis sec,plus haut une couronne 6+6 a
De ces fleurs de papierqu'aux fiançailles l'on donne, 6+6 a
Que tresse un fil de cuivreaux oripeaux d'argent, 6+6 a
Pauvre luxe fanéde l'amour indigent ! 6+6 a
1665 A ces signes, hélas !si présens à mon âme, 6+6 a
Je reconnus soudainle cercueil d'une femme ! 6+6 a
« Malheureux ! m'écriai-jeen un premier transport, 6+6 a
« Parlez, que faisiez-vous ?profaniez-vous la mort ? 6+6 a
« Vouliez-vous déroberau tombeau son mystère ? 6+6 a
1670 « Osiez-vous disputersa dépouille à la terre ? » 6+6 a
Son front à ce souonse redressa d'effroi, 6+6 a
Il joignit ses deux mainssur le cercueil : « Ah ! moi ! 6+6 a
« Moi profaner la mortet dépouiller la tombe ! 6+6 a
« Ah ! si depuis deux jourssous ce poids je succombe, 6+6 a
1675 « C'est pour n'avoir pas pudes vivans obtenir 6+6 a
« Une main de l'autelqui voulût la bénir, 6+6 a
« Une prière à part,hélas ! pour sa pauvre âme ! 6+6 a
« Cette bière est à moi,cette morte est ma femme ! » 6+6 a
— « Expliquez-vous, lui dis-je,et sur ce cher linceul, 6+6 a
1680 « S'il est vrai, mon enfant,vous ne prîrez pas seul ; 6+6 a
« Mes larmes tomberontdu cœur avec les vôtres, 6+6 a
« Je n'en ai plus pour moi,mais j'en ai pour les autres. » 6+6 a
Je m'assis près du corps,dans le lit du torrent. 6+6 a
« J'étais, monsieur, dit-il,un pauvre tisserand. 6+6 a
1685 « A celle que j'aimaismarié de bonne heure, 6+6 a
« De travail et d'espoirdans notre humble demeure 6+6 a
« Nous vivions ; nos amoursavaient été bénis 6+6 a
« D'un enfant de trois ansvienne la Saint-Denis. 6+6 a
« Que nous étions heureuxtous trois, toujours ensemble, 6+6 a
1690 « Autour de ce métier la tâche rassemble ! 6+6 a
« Que de chants, de regards,de sourires d'amour, 6+6 a
« Sur la trame, entre nous,s'échangeaient tout le jour ! 6+6 a
« Ma femme, à mes côtés,travaillant à l'aiguille, 6+6 a
« Me passant la navette,et la petite fille 6+6 a
1695 « De mon métier déjàcomprenant les outils, 6+6 a
« Garnissant les fuseaux,ou dévidant les fils ; 6+6 a
« Et le soir, quand le linreposait sur la trame, 6+6 a
« Quel plaisir de nous voir,assis avec ma femme, 6+6 a
« Auprès de là fenêtre, quelques pots de fleurs, 6+6 a
1700 « D'iris, de réséda,nous soufflaient les odeurs ; 6+6 a
« Regarder en reposle soleil, qui se couche, 6+6 a
« De ses longs rayons d'orjouant sur notre couche ; 6+6 a
« Manger sur nos genouxnos fruits et notre pain, 6+6 a
« Nous agacer du coudeou nous prendre la main, 6+6 a
1705 « Pendant que l'un de nous,de son pied qu'il soulève, 6+6 a
« Beait dans son berceaul'enfant riant d'un rêve ! 6+6 a
« Ah ! monsieur, il me sembleencor que je les vois ! 6+6 a
« Celte image me tueet me coupe la voix ! 6+6 a
« Le travail allait bienalors ; chaque semaine, 6+6 a
1710 « Le travail assidusuffisait à la peine ; 6+6 a
« La toile ne manquaitjamais sur le métier, 6+6 a
« Et nous pouvions mangernotre pain tout entier : 6+6 a
« Nous n'avions au bon Dieuque des grâces à rendre ! 6+6 a
« Combien l'amour heureuxrend la prière tendre ! 6+6 a
1715 « Et combien dans nos yeuxde larmes de bonheur, 6+6 a
« De ses dons tous les soirsrendaient grâce au Seigneur ! 6+6 a
« Hélas ! ce temps fut court ;Dieu du fond de l'abîme 6+6 a
« Fit souffler dans les airsle mal qui nous décime ; 6+6 a
« Nos voisins tour à toursuccombaient à ses coups, 6+6 a
1720 « Et d'étage en étageil monta jusqu'à nous. 6+6 a
« Respirant la premièreune fièvre brûlante, 6+6 a
« Comme un tendre bourgeonqui gèle avant la plante, 6+6 a
« Notre enfant entre nousmourut en un clin d'œil. 6+6 a
« Je vendis sa croix d'orpour avoir un cercueil ; 6+6 a
1725 « Sa mère de ses mainslui mit sa robe blanche, 6+6 a
« La para pour la mortcomme pour un dimanche, 6+6 a
« Et, la couvrant cent foisde baisers et de pleurs, 6+6 a
« Jonchant ses beaux pieds jointsdes débris de nos fleurs, 6+6 a
« De son dernier bijoului fit le sacrifice, 6+6 a
1730 « Pour qu'avec les grands mortson lui fît un service ; 6+6 a
« Moi-même, dépouillantmon unique trésor, 6+6 a
« Arrachant de mon doigt,hélas ! mon anneau d'or, 6+6 a
« J'achetai du gardiende la funèbre enceinte 6+6 a
« La fosse de trois piedscreusée en terre sainte !… 6+6 a
1735 « Le mal dans la maisonune fois introduit, 6+6 a
« Ma femme entre mes brasmourut la même nuit ; 6+6 a
« Sans or, sans médecin,sans prêtre, sans remède, 6+6 a
« Je ne pus qu'appelertous les saints à son aide, 6+6 a
« Réchauffer ses pieds froids,de mon corps, dans mes bras ; 6+6 a
1740 « La disputer longtemps,souffle à souffle, au trépas. 6+6 a
« Souvent, dans cette nuitde l'angoisse mortelle, 6+6 a
« En me serrant la main :Promets-moi, me dit-elle, 6+6 a
« Que tu ne laisserasjamais jeter mon corps 6+6 a
« Sans bière et sans tombeaudans le fossé des morts ; 6+6 a
1745 « Mais que tu feras faireun service à l'église, 6+6 a
« Pour que plus vite au cielnotre ange nous conduise, 6+6 a
« Et que plus près de Dieu,pour toi priant là-haut, 6+6 a
« Nous puissions à nous deuxte rappeler plus tôt ! 6+6 a
« Je lui promis, mon père,et sur cette promesse 6+6 a
1750 « Son âme s'en allatout heureuse en caresse. 6+6 a
« Hélas ! je promettais ;je croyais obtenir 6+6 a
« Plus qu'en ces jours si dursje ne pouvais tenir ! 6+6 a
« Par la longue misèreou par la maladie, 6+6 a
« La charité publiqueétait tout attiédie. 6+6 a
1755 « Je cherchai vainementparmi nos froids amis 6+6 a
« De quoi faire accomplirce que j'avais promis : 6+6 a
« Des planches, un linceulet des clous pour la bière, 6+6 a
« Une messe à son âme,un coin au cimetière !… 6+6 a
« Je revins morne et seulprès d'un cierge m'asseoir, 6+6 a
1760 « Le regardant brûlerd'un œil de désespoir. 6+6 a
« Quand il fut consumé,dans un transport féroce, 6+6 a
« Je lui fis un linceulde sa robe de noce ; 6+6 a
« J'arrachai, je clouailes planches de son lit, 6+6 a
« Dans ce cercueil d'amourma main l'ensevelit ; 6+6 a
1765 « Puis, attendant cette heure dans la matinée 6+6 a
« Au service des mortsla messe est destinée, 6+6 a
« Et chargeant sur mon dosce cher et sacré poids, 6+6 a
« J'allai prendre mon rang,seul, au bout des convois. 6+6 a
« Mais, de tous les quartierséloignés de la ville, 6+6 a
1770 « Les tombereaux venaients'encombrer à la file, 6+6 a
« Hélas ! et dans leur mort,comme de leur vivant, 6+6 a
« Les plus riches, monsieur,passaient encor devant. 6+6 a
« Repoussé le dernier,toujours de bière en bière, 6+6 a
« Courbé sous mon fardeau,je me trnais derrière ; 6+6 a
1775 « L'église était déjàremplie, et le cercueil, 6+6 a
« Sans cortège et sans pleurs,fut repoussé du seuil ! 6+6 a
« Deux jours entiers, monsieur,d'églises en églises, 6+6 a
« Je tentai d'obtenirles prières promises, 6+6 a
« Ou de surprendre au moins,saintement importun, 6+6 a
1780 « La bénédictionque l'on donne en commun ; 6+6 a
« Et deux jours, mendianten vain la sépulture, 6+6 a
« Dans la chambre sans lit,sans feu, sans nourriture, 6+6 a
« Je rapportai plus lourdmon fardeau de douleur… 6+6 a
« Enfin, Dieu me fit ntreune pensée au cœur. 6+6 a
1785 « Allons, dis-je en moi-même,à la montagne ; un prêtre 6+6 a
« Là-haut par charitéla recevra peut-être, 6+6 a
« Et, prenant en pitiéma misère et mon vœu, 6+6 a
« Lui bénira gratissa place au champ de Dieu. 6+6 a
« Je repris sur mon dosma charge raffermie ; 6+6 a
1790 « Je sortis dans la nuitde la ville endormie, 6+6 a
« Comme un voleur furtif,tremblant au moindre bruit, 6+6 a
« Par l'ange de ma femmeà mon insu conduit ; 6+6 a
« M'enfonçant au hasarddans la gorge inconnue, 6+6 a
« Me guidant sur le sondes cloches dans la nue, 6+6 a
1795 « Sous le poids de mon âmeet de trois jours de mort 6+6 a
« Pliant à chaque pas,succombant sous,l'effort, 6+6 a
« Me relevant un peu,me trnant sous la bière, 6+6 a
« Les genoux et les mainsdéchirés par la pierre. 6+6 a
« Enfin, sentant mon cœurme défaillir ici, 6+6 a
1800 « Et craignant qu'avant l'heure l'air est éclairci, 6+6 a
« Le pied du voyageurnous heurtât dans sa marche, 6+6 a
« J'ai tiré mon fardeausous l'abri de cette arche. 6+6 a
« Déjà mort, à vos soinsmon regard s'est rouvert ; 6+6 a
« La grâce du Seigneurà vous m'a découvert !…» 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1805 « O mon frère, lui dis-je,ô modèle de l'homme !… 6+6 a
« De quelque nom obscurque la terre vous nomme, 6+6 a
« Oh ! quelle chariténe rougit devant vous ? 6+6 a
« Ah ! sous tant de fléauxqui s'acharnent sur nous, 6+6 a
« Quand l'homme que l'on jetteet trne sur la claie 6+6 a
1810 « N'est plus qu'un vil fumierqu'un fossoyeur balaie, 6+6 a
« A qui la terre mêmea fermé le tombeau, 6+6 a
« Pour le cœur contristé,qu'il est doux, qu'il est beau 6+6 a
« De voir l'humanitédans une classe obscure, 6+6 a
« Par de semblables traitsrévéler sa nature, 6+6 a
1815 « Conserver à la morttant de fidélité, 6+6 a
« Ne voir dans le cercueilque l'immortalité ! 6+6 a
« Et combien on est fier,dans ce poids de misère, 6+6 a
« D'être homme avec cet hommeet de le nommer frère ! 6+6 a
« Ah ! venez avec moi,courage ! levez-vous ! 6+6 a
1820 « L'ange de vos amoursmarchera devant nous ; 6+6 a
« A la terre de Dieuje porterai moi-même 6+6 a
« Ce corps, dont l'âme au cielvous regarde et vous aime ; 6+6 a
« Je creuserai sa fosseà l'ombre du Seigneur, 6+6 a
« Je ferai pour ses oscomme pour une sœur. 6+6 a
1825 « Mais, ô mon cher enfant !consolez-vous ; son âme 6+6 a
« N'a pas besoin là-hautque ma voix la réclame ; 6+6 a
« Aux regards de celuiqu'un soupir satisfait, 6+6 a
« Quelle prière vautce que vous avez fait ? 6+6 a
« Quel office, ô mon fils,que cette nuit mortelle, 6+6 a
1830 « Cette route, ce sang,cette sueur pour elle ! 6+6 a
« Ah ! dans son saint trésorDieu n'a jamais compté 6+6 a
« De tribut qui vers luiplus suave ait monté ! 6+6 a
« Venez, nous n'avons plusqu'à la rendre à la terre ; 6+6 a
« La nuit baisse, et le jour…cachons-lui ce mystère. » 6+6 a
1835 Et prenant un côtédu cercueil sous mon bras, 6+6 a
Le jeune homme prit l'autre,et, mesurant nos pas, 6+6 a
Par ces rudes sentierslentement nous montâmes ; 6+6 a
Nos membres fléchissanss'appuyaient sur nos âmes ; 6+6 a
Nos deux fronts inondaientle cercueil de sueur ; 6+6 a
1840 Et le matin jetaitsa première lueur, 6+6 a
Quand sur le seuil désertde l'église fermée 6+6 a
Je remis le mourantet sa dépouille aimée. 6+6 a
J'ornai secrètementl'autel, sans réveiller 6+6 a
Marthe, l'enfant de chœur,ni le vieux marguillier ; 6+6 a
1845 Je célébrai du jourle solennel service ; 6+6 a
Des morts dans le Seigneur,seul je chantai l'office, 6+6 a
Et la voix de l'époux,du seuil du saint enclos, 6+6 a
Aux psaumes de la mortrépondait en sanglots ; 6+6 a
Puis creusant de mes mainsla fosse au cimetière, 6+6 a
1850 J'y descendis, pleurant,pour y coucher la bière ; 6+6 a
J'y jetai le premierla terre ; et puis l'époux ; 6+6 a
Ma pelle refermala couche en peu de coups, 6+6 a
Et la croix surmontale lit du dernier somme. 6+6 a
Quand tout fut accompli,l'infortuné jeune homme, 6+6 a
1855 Triomphant dans ses pleurs,s'assit sur le tombeau, 6+6 a
Comme un homme arrivés'asseoit sur son fardeau. 6+6 a
Il est mort ce matin.O paix à sa pauvre âme ! 6+6 a
Je rouvrirai pour luila couche dort sa femme ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au lit mystérieuxque referme la mort, 6+6 a
1860 Heureux l'œil qui se clôtet le front qui s'endort 6+6 a
Sur l'oreiller divind'une sainte espérance ! 6+6 a
O sommeil ! ô réveil !ô ma mère ! ô Laurence ! 6+6 a
Le moment tant priéserait-il donc venu ? 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Je me sens un besoinde repos inconnu, 6+6 a
1865 Un voile sur mes yeux,des ombres dans ma chambre, 6+6 a
Des ailes dans le cœur,du plomb dans chaque membre ; 6+6 a
D'un air plus attendrimon chien lèche ma main, 6+6 a
Prévoirait-il ma mort ?ah ! si c'était demain !… 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
(Le journal, interrompu par une maladie longue et douloureuse, ne fut jamais repris.)
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