Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_7/LAM93
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE PREMIER
HARMONIE V
BÉNÉDICTION DE DIEU DANS LA SOLITUDE
D' me vient, ô mon Dieu,cette paix qui m'inonde ? 6+6 a
D' me vient cette foidont mon cœur surabonde ? 6+6 a
A moi qui tout à l'heureincertain, agité, 6+6 b
Et sur les flots du douteà tout vent ballotté, 6+6 b
5 Cherchais le bien, le vrai,dans les rêves des sages, 6+6 a
Et la paix dans des cœursretentissants d'orages, 6+6 a
A peine sur mon frontquelques jours ont glissé, 6+6 b
Il me semble qu'un siècleet qu'un monde ont passé ; 6+6 b
Et que, séparé d'euxpar un abîme immense, 6+6 a
10 Un nouvel homme en moirent et recommence. 6+6 a
Ah ! c'est que j'ai quittépour la paix du désert 6+6 b
La foule toute paixse corrompt ou se perd ; 6+6 b
C'est que j'ai retrouvédans mon vallon champêtre 6+6 a
Les soupirs de ma sourceet l'ombre de mon hêtre, 6+6 a
15 Et ces monts, bleus piliersd'un cintre éblouissant, 6+6 b
Et mon ciel étoiléd' l'extase descend ! 6+6 b
C'est que l'âme de l'hommeest une onde limpide 6+6 a
Dont l'azur se ternità tout vent qui la ride, 6+6 a
Mais qui, dès qu'un momentle vent s'est endormi, 6+6 b
20 Repolit la surface le ciel a frémi ; 6+6 b
C'est que d'un toit de chaumeune faible fumée, 6+6 a
Un peu d'herbe le soirpar le pâtre allumée, 6+6 a
Suffit pour obscurcirtout le ciel d'un vallon 6+6 b
Et dérober le jourau plus pur horizon ! 6+6 b
25 Qu'un vent vienne à soufflerdu soir ou de l'aurore, 6+6 a
Le nuage flottants'entr'ouvre et s'évapore ; 6+6 a
L'ombre sur les gazonsse séparant du jour, 6+6 b
Rend à tous les objetsleur teinte et leur contour ; 6+6 b
Le rayon du soleil,comme une onde éthérée. 6+6 a
30 Rejaillit de la terreà sa source azurée ; 6+6 a
L'horizon resplenditde joie et de clarté, 6+6 b
Et ne se souvient plusd'un peu d'obscurité ! 6+6 b
Ah ! loin de ces cités les bruits de la terre 6+6 a
Étouffent les échosde l'âme solitaire, 6+6 a
35 Que faut-il, ô mon Dieu !pour nous rendre ta foi ? 6+6 b
Un jour dans le silenceécoulé devant toi, 6+6 b
Regarder et sentir,et respirer, et vivre ; 6+6 a
Vivre, non de ce bruitdont l'orgueil nous enivre, 6+6 a
Mais de ce pain du jourqui nourrit sobrement, 6+6 b
40 De travail, de prièreet de contentement ; 6+6 b
Se laisser emporterpar le flux des journées, 6+6 a
Vers cette grande mer roulent nos années, 6+6 a
Comme sur l'Océanla vague au doux roulis, 6+6 b
Beant du jour au soirune algue dans ses plis, 6+6 b
45 Porte et couche à la finau sable de la rive 6+6 a
Ce qui n'a point de rame,et qui pourtant arrive : 6+6 a
Notre âme ainsi vers Dieugravite dans son cours, 6+6 b
Pour le cœur plein de luique manque-t-il aux jours ? 6+6 b
Voici le gai matinqui sort humide et pâle 6+6 a
50 Des flottantes vapeursde l'aube orientale, 6+6 a
Le jour s'éveille avecles zéphyrs assoupis, 6+6 b
La brise qui soulèveou couche les épis, 6+6 b
Avec les pleurs sereinsde la tiède rosée 6+6 a
Remontant perle à perle la nuit l'a puisée, 6+6 a
55 Avec le cri du coqet le chant des oiseaux. 6+6 b
Avec les bêlementsprolongés des troupeaux. 6+6 b
Avec le bruit des eauxdans le moulin rustique. 6+6 a
Les accords de l'airaindans la chapelle antique, 6+6 a
La voix du laboureurou de l'enfant joyeux 6+6 b
60 Sollicitant le pasdu bœuf laborieux. 6+6 b
Mon cœur à ce réveildu jour que Dieu renvoie. 6+6 a
Vers un ciel qui sourits'élève sur sa joie. 6+6 a
Et de ces dons nouveauxrendant grâce au Seigneur, 6+6 b
Murmure en s'éveillantson hymne intérieur ; 6+6 b
65 Demande un jour de paix,de bonheur, d'innocence, 6+6 a
Un jour qui pèse entierdans la sainte balance. 6+6 a
Quand la main qui les pèseà ses poids infinis. 6+6 b
Retranchera du tempsceux qu'il n'a pas bénis ! 6+6 b
Puis viennent à leur tourles soins de la journée. 6+6 a
70 L'herbe à tondre du pré,la gerbe moissonnée 6+6 a
A coucher sur les chars,avant que, descendu, 6+6 b
Le nuage encor loinque l'éclair a fendu 6+6 b
Ne vienne enfler l'épides gouttes de sa pluie, 6+6 a
Ou de ses blonds tuyauxternir l'or qui s'essuie ; 6+6 a
75 Les fruits tombés de l'arbreà relever ; l'essaim 6+6 b
Débordant de la rucheà rappeler soudain ; 6+6 b
La branche à soulagerdu fardeau qui l'accable, 6+6 a
Ou la source égaréeà chercher sous le sable ; 6+6 a
Puis le pauvre qui vienttendre à vide sa main 6+6 b
80 tombe au nom de Dieuson obole ou son pain ; 6+6 b
La veuve qui demande,aux cœurs exempts d'alarmes. 6+6 a
Cette aumône du cœur,une larme à ses larmes, 6+6 a
L'ignorant un conseilque l'espoir embellit, 6+6 b
L'orphelin du travailet le malade un lit ; 6+6 b
85 Puis sous l'arbre, à midi,dont l'ombre les rassemble. 6+6 a
Mtres et serviteursqui consultent ensemble 6+6 a
Sur le ciel qui se couvreou le vent qui frchit, 6+6 b
Sur le nuage épaisque la grêle blanchit. 6+6 b
Les rameaux tout noircispar la dent des chenilles 6+6 a
90 Ou la ronce aux cent brasqui trompe les faucilles ; 6+6 a
Puis montent des enfantsà qui, seule au milieu, 6+6 b
La mère de familleapprend le nom de Dieu, 6+6 b
Enseigne à murmurerles mots dans son symbole, 6+6 a
A fixer sous leurs doigtsle nombre et la parole, 6+6 a
95 A filer les toisonsdu lin ou des brebis. 6+6 b
Et du fil de leur veilleà tisser leurs habits. 6+6 b
De labeur en labeur,l'heure à l'heure enchnée, 6+6 a
Vous porte sans secousseau bout de la journée ; 6+6 a
Le jour plein et légertombe, et voilà le soir : 6+6 b
100 Sur le tronc d'un vieux ormeau seuil on vient s'asseoir ; 6+6 b
On voit passer des charsd'herbe verte et trnante, 6+6 a
Dont la main des glaneurssuit la roue odorante. 6+6 a
On voit le chevrierqui ramène des bois 6+6 b
Ses chèvres dont les piss'allongent sous leur poids, 6+6 b
105 Le mendiant, chargédes dons de la vallée. 6+6 a
Rentrer le col pliantsous sa besace enflée ; 6+6 a
On regarde descendreavec un œil d'amour, 6+6 b
Sous les monts, dans les mers,l'astre poudreux du jour ; 6+6 b
El selon que son disque,en se noyant dans l'ombre, 6+6 a
110 Creuse une ornière d'orou laisse un sillon sombre, 6+6 a
On sait si dans le ciell'aurore de demain 6+6 b
Doit ramener un journébuleux ou serein, 6+6 b
Comme à l'œil du chrétienle soir pur d'une vie 6+6 a
Présage un jour plus beaudont la mort est suivie ; 6+6 a
115 On entend l'angélustinter, et d'un saint bruit 6+6 b
Convoquer les espritsqui bénissent la nuit. 6+6 b
Tout avec l'horizons'obscurcit ; l'âme est noire, 6+6 a
Le souvenir des mortsrevient dans la mémoire,- 6+6 a
On songe à ses amisdont l'œil ne doit plus voir, 6+6 b
120 Dans le jour éternel,de matin ni de soir ; 6+6 b
On sonde avec tristesseau fond de sa pensée 6+6 a
La place vide encorque leur mort a laissée, 6+6 a
Et pour combler un peul'abîme douloureux. 6+6 b
On y jette un soupir,une larme pour eux ! 6+6 b
125 Enfin quand sur nos frontsl'étoile des nuits tremble, 6+6 a
On remonte au foyer,on cause, on lit ensemble 6+6 a
Un de ces testamentssublimes, immortels, 6+6 b
Que des morts vertueuxont légués aux mortels, 6+6 b
Sur les âges lointainsphares qu'on aime à suivre . 6+6 a
130 Homère, Fénélon,et surtout ce grand livre 6+6 a
les secrets du cielet de l'humanité 6+6 b
Sont écrits en deux mots :Espoir et Charité ! 6+6 b
Et quelquefois, enfin,pour enchanter nos veilles^ 6+6 a
D'une chaste harmonieenivrant nos oreilles, 6+6 a
135 Nous répétons les versde ces hommes divins 6+6 b
Qui, dérobant des sonsaux luths des séraphins, 6+6 b
Ornent la véritéde nombre et de mesure, 6+6 a
Et parlent par imageainsi que la nature. 6+6 a
Mais le sommeil, doux fruitdes jours laborieux, 6+6 b
140 Avant l'heure tardiveappesantit nos yeux ; 6+6 b
Comme aux jours de Rachella prière rustique 6+6 a
Rassemble devant Dieula tribu domestique. 6+6 a
Et pour que son encenssoit plus pur et plus doux, 6+6 b
C'est la voix d'un enfantqui l'élève pour tous. 6+6 b
145 Cette voix virginaleet qu'attendrit encore 6+6 a
La présence du Dieuqu'à genoux elle implore, 6+6 a
Invoque sur les nuitssa bénédiction ; 6+6 b
On murmure un des chantsdes harpes de Sion, 6+6 b
On y répond en chœur ;et la voix de la mère, 6+6 a
150 Douce et tendre, et l'accentmâle et grave du père, 6+6 a
Et celui des vieillardsque les ans ont baissé. 6+6 b
Et celui des pasteursque les champs ont cassé, 6+6 b
Bourdonnant sourdementla parole divine, 6+6 a
Forment avec les sonsde la voix enfantine 6+6 a
155 Un contraste de troubleet de sérénité. 6+6 b
Comme une heure de paixdans un jour agité ; 6+6 b
Et l'on croirait, aux sonsde cette voix qui change, 6+6 a
Entendre des mortelsinterroger un ange. 6+6 a
Ainsi coule la vieen paisibles soleils : 6+6 b
160 Quelle foi peut manquerà des moments pareils ? 6+6 b
Qu'importe ce vain fluxd'opinions mortelles 6+6 a
Se brisant l'une l'autreen vagues éternelles, 6+6 a
Et ne répandant riensur l'écueil de la nuit, 6+6 b
Que leur brillante écume,et de l'air et du bruit ? 6+6 b
165 La vie est courte et pleineet suffit à la vie, 6+6 a
De ces soins innocentsl'âme heureuse et remplie 6+6 a
Ne doute pas du Dieuqu'elle porte avec soi ; 6+6 b
C'est sous d'humbles vertusqu'il a caché sa foi ; 6+6 b
Un regard en sait plusque les veilles des sages ; 6+6 a
170 Un beau soir qui s'endortdans son lit de nuages, 6+6 a
Une nuit découvrantdans son immensité 6+6 b
L'infini qui rayonne,et l'espace habité, 6+6 b
Un matin qui s'éveilleétincelant de joie, 6+6 a
Ce poids léger du tempsque le travail emploie, 6+6 a
175 Ce doux repos du cœurqui suit un saint soupir, 6+6 b
Ces troubles que d'un motton nom vient assoupir. 6+6 b
Mon Dieu, donnent à l'âmeignorante et docile 6+6 a
Plus de foi dans un jourqu'il n'est besoin pour mille ; 6+6 a
Plus de miel qu'il n'en tientdans la coupe du sort. 6+6 b
180 Plus d'espoir qu'il n'en fautpour embellir la mort. 6+6 b
Conserve-nous, mon Dieu,ces jours de ta promesse, 6+6 a
Ces labeurs, ces doux soins,cette innocente ivresse 6+6 a
D'un cœur qui flotte en paixsur les vagues du temps, 6+6 b
Comme l'aigle endormisur l'aile des autans, 6+6 b
185 Comme un navire en merqui ne voit qu'une étoile, 6+6 a
Mais le nautonnierchante en paix sous sa voile ! 6+6 a
Conserve-nous ces cœurset ces heures de miel, 6+6 b
Et nous croirons en toi,comme l'oiseau du ciel, 6+6 b
Sans emprunter aux motsleur stérile évidence. 6+6 a
190 En sentant le printempscroit à ta Providence ; 6+6 a
Comme le soir doréd'un jour pur et serein 6+6 b
S'endort dans l'espéranceet croit au lendemain ; 6+6 b
Comme un juste mourantet fier de son supplice 6+6 a
Espère dans la mortet croit à ta justice ; 6+6 a
195 Comme la vertu croità l'immortalité, 6+6 b
Comme l'œil croit au jour,l'âme à la vérité. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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