Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_6/LAM88
Alphonse de LAMARTINE
LE CHANT DU SACRE
1825
LE CHANT DU SACRE
ou
LA VEILLE DES ARMES
Orielur in diehus ejus justicia et abundantia pacis
PSALM.
La nuit couvre de Reims | l'antique cathédrale ; 6+6 a
Mille flambeaux semant | la voûte triomphale, 6+6 a
De colonne en colonne | et d'arceaux en arceaux. 6+6 b
Étendent sous la nef | leurs lumineux réseaux, 6+6 b
5 Et, se réfléchissant | sur le. bronze ou la pierre, 6+6 a
Font serpenter au loin | des ruisseaux de lumière. 6+6 a
De soie et de velours | les parvis sont tendus ; 6+6 b
Les écussons royaux | aux piliers suspendus. 6+6 b
Flottant par intervalle | au souffle de la brise, 6+6 a
10 Font de soixante rois | ondoyer la devise. 6+6 a
L'autel est ombragé | d'armes et d'étendards ; 6+6 b
Ceux que la Palestine | a vus sur ses remparts, 6+6 b
Ceux qu'enleva Philippe | aux plaines de Bovines, 6+6 a
Et ceux qui d'Orléans | sauvèrent les ruines. 6+6 a
15 Ce panache d'Ivry | que fit flotter un roi. 6+6 b
Ceux que ravit Condé | sous les feux de Rocroi, 6+6 b
Ceux enfin qui, guidant | les fils de la victoire. 6+6 a
Du Tage au Borysthène | ont porté notre gloire. 6+6 a
Et n'ont rien rapporté | de Vienne et d'Austerlitz 6+6 b
20 Que cent noms immortels | sur leurs lambeaux écrits 6+6 b
Noirs, souillés, mutilés, | teints de sang et de poudre, 6+6 a
Déchirés par le sabre | ou percés par la foudre. 6+6 a
Pendent du haut des murs ; | entre leurs plis mouvants 6+6 b
De ce dôme sonore | emprisonnent les vents, 6+6 b
25 Et semblent murmurer, | en roulant sur leur lance : 6+6 a
« Voilà l'ombre qui sied | au front d'un roi de France ! » 6+6 a
🙘🙚
Le temple est vide encore : | aux marches de l'autel. 6+6 a
Un pontife vêtu | de l'éphod solennel 6+6 a
Semble attendre le jour, | l'heure, l'instant suprême. 6+6 b
30 Par la voix de l'airain, | frappé dans le ciel même : 6+6 b
Cent lévites, couverts | de vêtements sacrés. 6+6 a
Du brillant sanctuaire | entourent les degrés ; 6+6 a
Le regard suit au loin | leurs onduleuses files ; 6+6 b
Debout, l'œil attentif, | en silence, immobiles. 6+6 b
35 Ils tiennent d'une main | les encensoirs flottants, 6+6 a
L'autre, pressant la chaîne | aux anneaux éclatants. 6+6 a
Semble prête à lancer | vers la voûte enflammée 6+6 b
L'urne, où déjà l'encens | monte en flots de fumée. 6+6 b
On n'entend aucun bruit | sous les divins arceaux 6+6 a
40 Qu'un léger cliquetis | du fer dans les faisceaux, 6+6 a
Ou le tintement sourd | des gothiques armures 6+6 b
Qui jettent par moments | d'aigres et longs murmures. 6+6 b
L'ombre déjà blanchit, | tout est prêt, qu'attend-on ? — 6+6 a
Entendez-vous là-haut | rouler ce vaste son, 6+6 a
45 Qui, comme un bruit des vents | dans des forêts plaintives. 6+6 b
Gronde avec majesté | d'ogives en ogives. 6+6 b
Par les sacrés échos | répété douze fois. 6+6 a
Du dôme harmonieux | fait vibrer les parois. 6+6 a
Et, tandis qu'à ses coups | la voûte tremble encore, 6+6 b
50 Semble sortir du marbre | et rendre l'air sonore ? 6+6 b
C'est l'airain de la tour | qui murmure minuit : 6+6 a
Minuit ! l'heure sacrée ! | Écoutez ! A ce bruit. 6+6 a
Les lourds battants d'airain, | brisant leurs gonds antiques, 6+6 b
Ouvrent du temple saint | les immenses portiques ; 6+6 b
55 On entend au dehors | l'acier heurter l'acier. 6+6 a
Le marbre frissonner | sous le fer du coursier. 6+6 a
Ou le pas des guerriers, | dont le bruit monotone 6+6 b
Ébranle, à temps égaux, | le caveau qui résonne. 6+6 b
Cent chevaliers couverts | de l'éclatant cimier 6+6 a
60 Entrent. Quel est celui | qui marche le premier ? 6+6 a
Son port majestueux | sur la foule s'élève ; 6+6 a
L'or fait étinceler | le pommeau de son glaive ; 6+6 a
Flottante à son côté, | son écharpe à longs plis 6+6 b
Balaye en retombant | les marches du parvis ; 6+6 b
65 De longs éperons d'or | embrassent sa chaussure, 6+6 a
Et sur l'écu royal | qui couvre son armure. 6+6 a
Du sanctuaire en feu | tout l'éclat reflété 6+6 b
Jette au loin sur ses pas | des gerbes de clarté. 6+6 b
De son casque superbe | il lève la visière ; 6+6 a
70 Son panache éclatant | flotte et penche en arrière. 6+6 a
Et laisse contempler | au regard enchanté 6+6 b
D'un front mâle et serein | la douce dignité. 6+6 b
Comme un sommet battu | des coups de la tempête. 6+6 a
Dont les neiges d'automne | ont parsemé le faîte, 6+6 a
75 Avant les jours d'hiver | déjà ses cheveux blancs 6+6 b
Ont empreint sur ce front | la sainteté des ans, 6+6 b
Et leur boucle d'argent, | qui s'échappe avec grâce, 6+6 a
A son panache blanc | se confond et s'enlace ; 6+6 a
Son œil superbe et doux | brille d'un sombre azur ; 6+6 b
80 Son regard élevé, | mais franc, sincère et pur. 6+6 b
Lançant sous sa visière | un long rayon de flamme. 6+6 a
Semble à chaque coup d'œil | communiquer son âme : 6+6 a
Dans ce regard sévère | et clément à la fois, 6+6 b
La nature avant l'homme | avait écrit ses droits ; 6+6 b
85 Il semble accoutumé, | dès sa première aurore, 6+6 a
A regarder d'en haut | un peuple qui l'implore ; 6+6 a
Sa bouche, que relève | une mâle fierté. 6+6 b
Imprime à son visage | un air de majesté ; 6+6 b
Mais sa lèvre entr'ouverte, | où la grâce respire. 6+6 a
90 Tempère à chaque instant | l'effroi par un sourire ; 6+6 a
Et cette main qu'il ouvre, | et qu'il tend comme Henri, 6+6 b
Tout annonce le Roi ! |… La nef tremble à ce cri : 6+6 b
Mais d'un geste à la foule | il impose silence. 6+6 a
Et d'un pas recueilli | vers l'autel il s'avance. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
D'où viens-tu ?
LE ROI.
De l'exil. |
L'ARCHEVÊQUE.
Qu'apportes-tu ?
LE ROI.
95 Mon nom. 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Quel est ce nom sacré ? |
LE ROI.
CHARLES DIX, et BOURBON. 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Que viens-tu demander ? |
LE ROI.
Le sceptre et la couronne. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Au nom de qui ?
LE ROI.
Du Dieu | qui les ôte et les donne ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Pourquoi ?
LE ROI.
Pour imposer | à mon nom, à mes droits. 6+6 b
100 Le sceau majestueux | du Dieu qui fait les rois ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Connais-tu les devoirs | que ce titre t'impose ? 6+6 a
Oses-tu les jurer ? |
LE ROI.
Que Dieu m'aide, et je l'ose. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Quels sont-ils ?
LE ROI.
Proclamer | et défendre la loi. 6+6 b
Récompenser, punir, | vivre et mourir en roi ! 6+6 b
105 Aimer et gouverner | comme un pasteur fidèle 6+6 a
Ce saint troupeau que Dieu | confie à ma tutelle. 6+6 a
Être de mes sujets | le père et le vengeur ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Où les as-tu trouvés, | ces devoirs ?
LE ROI.
Dans mon cœur ! 6+6 b
Mon front connut le poids | de ces grandeurs humaines, 6+6 a
110 Et c'est la royauté | qui coule dans mes veines ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Où sont les saints garants | de tes serments ?
LE ROI.
Aux cieux ! 6+6 b
Les mânes couronnés | de mes soixante aïeux : 6+6 b
Ce Charles qui fonda, | des ruines de Rome, 6+6 a
Un empire trop grand | pour l'âme d'un autre homme ; 6+6 a
115 Ces princes tour à tour | redoutés et chéris, 6+6 b
Ces Louis, ces François, | ces généreux Henris ! 6+6 b
Et si de ces héros | tu récuses la gloire, 6+6 a
J'en ai d'autres encore | en qui le ciel peut croire ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Où sont-ils, ces témoins | des paroles des rois ? 6+6 b
Où sont tes douze pairs ? |
LE ROI.
(montrant les douze Pairs.)
120 Pontife, tu les vois ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Nomme-les.
LE ROI.
Reggio ! | Ce nom, à son aurore, 6+6 a
Du saint vernis des temps | n'est pas couvert encore ; 6+6 a
Mais ses titres d'honneur | sont partout déroulés. 6+6 b
Regarde avec respect | ses membres mutilés ! 6+6 b
125 Ce nom, comme les noms | des Dunois, des Xaintrailles, 6+6 a
A germé tout à coup | sur vingt champs de batailles : 6+6 a
J'aime mieux, pour orner | le bandeau qui me ceint, 6+6 b
Un grand nom qui surgit | qu'un vieux nom qui s'éteint. 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Quel est ce maréchal | qui d'une main frappée 6+6 a
130 Cherche en vain à presser | le pommeau d'une épée ? 6+6 a
L'étoile des héros | étincelle sur lui. 6+6 b
Et son bâton d'azur | semble être son appui. 6+6 b
LE ROI.
C'est le second BAYARD ! | c'est VICTOR ! c'est BELLUNE ! 6+6 a
Plus brave que son nom, | plus grand que sa fortune ! 6+6 a
135 Partout où la patrie | a des coups à pleurer, 6+6 b
Son corps, criblé de balle, | est là pour les parer, 6+6 b
Et, fidèle au malheur | encor plus qu'à la gloire. 6+6 a
Ses revers ont toujours | l'éclat d'une victoire ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Et celui qui soutient | de son bras triomphant 6+6 b
140 Les pas tremblants encor | de ce royal enfant, 6+6 b
Et qui d'un œil de père, | en regardant son maître. 6+6 a
Semble dire en son cœur : | « C'est moi qui l'ai vu naître ! 6+6 a
Quel est-il ?
LE ROI.
Un soldat : | le nom d'ALBUFÉRA 6+6 b
Illustre encor celui | que l'Espagne pleura 6+6 b
145 Quand, brisant dans Madrid | le joug de la victoire. 6+6 a
Pour unique dépouille | il rapporta sa gloire. 6+6 a
Sauveur du beau pays | qu'il avait combattu, 6+6 b
Il a ravi son nom… | mais c'est par sa vertu ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Mais quel est ce vieillard ? | Sa blanche chevelure 6+6 a
150 Couvre à flocons d'argent | l'acier de son armure ; 6+6 a
Par la trace des ans | son front paraît terni… 6+6 b
LE ROI.
C'est MONCEY ! des combats | le bruit l'a rajeuni. 6+6 b
Malgré ses traits flétris | sous les glaces de l'âge, 6+6 a
Les camps l'ont reconnu… | mais c'est à son courage ! 6+6 a
155 Comme un soldat d'hier | il marcha pour son roi ; 6+6 b
Il serait mort pour lui ! | qu'il vieillisse pour moi ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Et celui qui brillant | d'un long reflet de gloire ?… 6+6 a
LE ROI.
La Trémouille !
Il suffit : | ce nom vaut une histoire ! 6+6 a
Et celui qui, le front | sur le marbre incliné, 6+6 b
160 Aux degrés de l'autel | humblement prosterné^ 6+6 b
Les mains jointes, les yeux | fixes comme la pierre. 6+6 a
Semble exhaler pour toi | sa fervente prière, 6+6 a
Quel est ce chevalier | chrétien ?
LE ROI.
MONTMORENCY ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
L'œil, s'il n'y brillait pas, | le chercherait ici. 6+6 b
LE ROI.
165 Servant le même Dieu, | fidèle au même maître, 6+6 a
Ses aïeux, à ces traits, | pourraient le reconnaître. 6+6 a
Modèle du sujet, | du héros, du chrétien. 6+6 b
Son nom, de siècle en siècle, | est un écho du mien 6+6 b
Et partout où la France | à besoin de son glaive. 6+6 a
170 Ou le roi d'un ami, | Montmorency se lève. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Ce guerrier qui soutient | l'étoile des guerriers. 6+6 b
Où l'image d'Henri | brille entre des lauriers ? 6+6 b
LE ROI.
MACDONALD ! des héros | le juge et le modèle. 6+6 a
Sous un nom étranger | il porte un cœur fidèle ; 6+6 a
175 Dans nos sanglants revers, | moderne Xénophon, 6+6 b
La France et l'avenir | ont adopté son nom, 6+6 b
Et son bras, dans les champs | d'Arcole et d'Ibérie, 6+6 a
En sauvant les Français | a conquis sa patrie ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Ce sage revêtu | de la toge à longs plis 6+6 b
180 Où l'on voit enlacés | des cyprès et des lis, 6+6 b
Et qui tient dans ses mains | ton glaive et ta balance ? 6+6 a
LE ROI.
Arrête ! ce nom seul | fait incliner la France ! 6+6 a
C'est DESÉZE ! C'est lui | dont l'éloquente voix 6+6 b
S'éleva pour sauver | le pur sang de ses rois, 6+6 b
185 Quand au fer des bourreaux, | impatients du crime, 6+6 a
Disputant sans espoir | la royale victime, 6+6 a
Il fallait un martyr | pour défendre un Bourbon ! 6+6 b
Lui seul de ce grand meurtre | a lavé son beau nom. 6+6 b
Louis à l'avenir | a légué sa mémoire. 6+6 a
190 Et ces deux noms unis | sont scellés dans l'histoire. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Et ce preux chevalier | qui sur l'écu d'airain 6+6 b
Porte au milieu des lis | la croix du pèlerin, 6+6 b
Et dont l'œil, rayonnant | de gloire et de génie, 6+6 a
Contemple du passé | la pompe rajeunie ? 6+6 a
LE ROI.
195 CHATEAUBRIAND ! Ce nom | à tous les temps répond ; 6+6 b
L'avenir au passé | dans son cœur se confond ; 6+6 b
Et la France des preux | et la France nouvelle 6+6 a
Unissent sur son front | leur gloire fraternelle. 6+6 a
Soutien de la Couronne | et de la Liberté, 6+6 b
200 Il lègue un double titre | à la postérité ; 6+6 b
Et, pour briser naguère | une force usurpée, 6+6 a
La plume entre ses mains | nous valut une épée. 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Nomme encor ce vieillard | qui, de pleurs inondé. 6+6 b
LE ROI.
Ne m'interroge pas ! | c'est le dernier CONDÉ !!! 6+6 b
205 Il pleure un fils absent, | ne troublons pas ses larmes ! 6+6 a
L'ARCHEVÊQUE.
Et ce prince appuyé | sur ses brillantes armes, 6+6 a
Qui, les yeux attachés | sur ce groupe d'enfants, 6+6 b
Contemple avec orgueil | cet espoir ?…
LE ROI.
D'ORLÉANS. 6+6 b
Ce grand nom est couvert | du pardon de mon frère 6+6 a
210 Le fils a racheté | les crimes de son père ; 6+6 a
Et, comme les rejets | d'un arbre encor fécond. 6+6 b
Sept rameaux ont caché | les blessures du tronc ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Nomme enfin ce héros, | dont la tête inclinée 6+6 a
Semble porter le poids | de tant de destinée, 6+6 a
Et dont le front chargé | de palmes…
LE ROI.
215 C'est mon fils. 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Qu'a-t-il fait pour ce nom ? |
LE ROI.
Demandez à Cadix ! 6+6 b
L'ARCHEVÊQUE.
Il suffit : ces témoins | répondent de ta vie. 6+6 a
Tout siècle les verrait | avec un œil d'envie. 6+6 a
Charles ! réjouis-toi ! | Lequel de tes aïeux 6+6 b
220 A pu citer jamais | des noms plus glorieux ? 6+6 b
🙘🙚
Mais, silence ! Le Roi, | le front contre la pierre, 6+6 a
Murmure à demi voix | sa touchante prière. 6+6 a
Et ses vœux, en soupirs | de son cœur échappés, 6+6 b
S'exhalent lentement | à mots entrecoupés : 6+6 b
🙘🙚
225 « Dieu des astres, Dieu des armées ! 8 a
Dieu qui conduis de l'œil | les sphères enflammées ! 6+6 a
Dieu des empires. Roi des rois ! 8 b
Au bruit d'un peuple entier | qui pousse un cri de fête. 6+6 c
Du bronze et de l'airain | qui grondent sur ma tète, 6+6 c
230 Voici l'heure ! écoute ma voix ! 8 b
« Errant, sans trône et sans patrie. 8 d
Triste objet de pitié | comme autrefois d'envie, 6+6 d
J'ai mangé le pain de douleur ; 8 e
Et, d'exil en exil | traînant mon titre illustre, 6+6 f
235 Je n'avais à montrer, | pour conserver son lustre, 6+6 f
Que la majesté du malheur ! 8 e
« Adorant tes rigueurs divines. 8 a
Dans les murs d'Édimbourg | j'habitai ces ruines 6+6 a
Pleines du destin des Stuarts : 8 b
240 Ces palais écroulés, | ces tours d'herbes couvertes, 6+6 c
Et ces portes sans garde, | et ces salles désertes, 6+6 c
Sympathisaient à mes regards. 8 b
« Là, victime du rang suprême. 8 a
Une reine voyait | son sacré diadème 6+6 a
245 Jouet de l'amour et du sort. 8 b
Et, du haut de ces tours | où triomphaient ses charmes, 6+6 c
En regardant la mer, | implorait par ses larmes 6+6 c
L'obscurité de l'autre bord. 8 b
« Que de fois sous le dôme sombre 8 a
250 Où je cherchais sa trace, | hélas ! je vis cette ombre 6+6 a
Mêler ses soupirs à ma voix, 8 b
Et m'apprendre en pleurant | sur quelle onde incertaine 6+6 c
Le vent capricieux | de la fortune humaine 6+6 c
Fait flotter le destin des rois ! 8 b
255 « Victime, pleurant des victimes, 8 a
Trop connu du malheur, | de ces leçons sublimes. 6+6 a
Hélas ! je n'avais pas besoin ! 8 b
Quel siècle fut jamais | plus fertile en ruines ? 6+6 c
Mon Dieu ! pour contempler | tes justices divines. 6+6 c
260 Fallait-il regarder si loin ?… 8 b
« N'ai-je pas vu ce diadème. 8 a
Par le glaive arraché | de la tête suprême, 6+6 a
Rouler dans la poussière | aux pieds des factions ? 6+6 b
De la poudre des camps | relevé par la gloire. 6+6 c
265 Joué, gagné, perdu, | ravi par la victoire, 6+6 c
Passer avec les nations ? 8 b
« Hélas ! sur ce sable où nous sommes, 8 a
Quand tout mugit encor | de ces tempêtes d'hommes, 6+6 a
Qui pourrait envier | ce sceptre des humains ? 6+6 b
270 C'est la foudre du ciel | que porte un bras timide ! 6+6 c
Qui toucherait sans crainte | à cette arme perfide 6+6 c
Prête d'éclater dans nos mains ? 8 b
« Par un ciel d'exil profanées, 8 a
L'infortune a doublé | le poids de mes journées, 6+6 a
275 Je descends la pente des ans ; 8 b
A peine si mon front, | que leur souffle moissonne. 6+6 c
Portera sans fléchir | le poids de la couronne 6+6 c
Qui va parer ces cheveux blancs ! 8 b
« La tombe avertit ma paupière ; 8 a
280 L'espoir à son aspect | retournant en arrière 6+6 a
Ferme l'avenir devant moi ; 8 b
Je mourrai ; de la mort | l'égalité fatale 6+6 c
Mêlera quelque jour | à la cendre banale 6+6 c
La poussière qui fut un roi ! 8 b
285 « Mais ma faiblesse en vain murmure ; 8 a
Le cri d'un peuple entier, | l'ordre de la nature, 6+6 a
Du ciel sont l'arrêt souverain ! 8 b
Hélas ! il faut régner ! | Régner ? quel mot suprême ! 6+6 c
Être ici-bas ton ombre ! | ô mon Dieu ! viens toi-même 6+6 c
290 Tenir le sceptre dans ma main ! 8 b
« Que l'onction qu'on va répandre 8 a
Me donne la vertu | de craindre et de défendre 6+6 a
Ce trône où je suis condamné ! 8 b
Et que l'huile sacrée | en coulant sur ma tête 6+6 c
295 Me prépare au combat | que cette heure m'apprête. 6+6 c
Comme un athlète couronné 8 b
« Que jamais mon œil ne sommeille ! 8 a
Que tes anges, Seigneur, | portent à mon oreille 6+6 a
Ces soupirs, les remords des rois ! 8 b
300 Que mon nom luise égal | sur mes vastes provinces ! 6+6 c
Que le denier du pauvre | et le trésor des princes 6+6 c
Y soient pesés du même poids ! 8 b
« Que, s'élevant en ma présence. 8 a
Les cris de l'opprimé, | les pleurs de l'innocence 6+6 a
305 M'apportent les besoins | du dernier des mortels ! 6+6 b
Que l'orphelin tremblant, | que la veuve qui pleure. 6+6 c
Près de mon trône admis, | l'embrassent à toute heure 6+6 c
Comme les marches des autels ! 8 b
« Aux conquérants livre la gloire ! 8 a
310 Qu'aux cœurs de mes sujets | ma paisible mémoire 6+6 a
Ne soit qu'un tendre souvenir ! 8 b
Que mes fastes heureux | n'aient qu'une seule page ! 6+6 c
Que la borne posée | à mon noble héritage 6+6 c
Passe immobile à l'avenir ! 8 b
315 « De ma race auguste patronne, 8 a
Toi qui, pour les Français | effeuillant ta couronne, 6+6 a
A leurs drapeaux prêtas tes lis, 8 b
Étoile du bonheur, | sois l'astre de la France, 6+6 c
Et conserve à jamais | ta bénigne influence 6+6 c
320 Aux premiers soldats de ton fils !» 8 b
🙘🙚
La première lueur | de la naissante aurore, 6+6 a
A travers les vitraux | où le jour se colore, 6+6 a
Comme l'aube obscurcit | les étoiles des nuits, 6+6 b
Fait pâlir de la nef | les feux évanouis, 6+6 b
325 Et la double clarté | qui se combat dans l'ombre 6+6 a
Se mêle, en avançant, | sous la voûte moins sombre. 6+6 a
A ce jour progressif, | de ces dômes sacrés 6+6 b
L'œil suit dans le lointain | les contours éclairés, 6+6 b
Et, de la basilique | embrassant l'étendue. 6+6 a
330 Découvre à ses arceaux | la foule suspendue : 6+6 a
Les tribunes, longeant | les courbes des piliers. 6+6 b
Croisent dans tous les sens | leurs immenses sentiers ; 6+6 b
Sous leur poids orageux | le cintre ébranlé gronde ; 6+6 a
Un long torrent de peuple | à grands flots les inonde, 6+6 a
335 En déborde, et, couvrant | les arcs, les monuments, 6+6 b
Des dômes découpés | les hauts entablements. 6+6 b
Aux voûtes de la nef | se suspend en arcades, 6+6 a
S'enlace comme un lierre | aux fûts des colonnades. 6+6 a
Du parvis à la frise | et d'arceaux en arceaux, 6+6 b
340 Se déroule en guirlande | ou se groupe en faisceaux, 6+6 b
Et, du pilier gothique | embrassant le feuillage. 6+6 a
Tremble comme l'acanthe | au souffle de l'orage. 6+6 a
De ses noirs fondements | jusqu'au sommet des tours, 6+6 b
Un peuple tout entier | tapissant ses contours. 6+6 b
345 Pressé comme les flots | de l'antique poussière, 6+6 a
Semble avoir du vieux temple | animé chaque pierre. 6+6 a
🙘🙚
L'airain guerrier résonne, | et les enfants de Mars 6+6 a
Se rangent en silence | autour des étendards : 6+6 a
Là, ceux dont le regard, | que le calcul éclaire 6+6 b
350 Dans les champs des combats, | est l'aigle du tonnerre, 6+6 b
Et qui, d'une étincelle | échappée à leurs mains. 6+6 a
Font voler à son but | la foudre des humains ; 6+6 a
Là, ces géants coiffés | de sauvages crinières 6+6 b
Dont le poil fauve et noir | tombe sur leurs paupières ; 6+6 b
355 Ces centaures brillants, | messagers des combats. 6+6 a
Qui traînent à grand bruit | leurs sabres sur leurs pas ; 6+6 a
Et ceux qui font rouler | sur le fer d'une lance 6+6 b
Ces légers étendards | où la mort se balance ; 6+6 b
Et ceux dont au soleil | les casques éclatants 6+6 a
360 Font ondoyer encor | des panaches flottants ; 6+6 a
Et ceux qui, revêtus | de leurs brillantes mailles, 6+6 b
N'offrent qu'un mur d'airain | sur leur front de batailles. 6+6 b
Et dont le pied, pressant | les flancs d'un noir coursier. 6+6 a
Résonne sur le sol | comme un faisceau d'acier ! 6+6 a
365 DIGEON, VALIX, MAUBOURG, | dirigent leurs courages. 6+6 b
Enfants des deux drapeaux, | braves de tous les âges, 6+6 b
Ces preux autour du Roi | n'ont qu'un cœur et qu'un rang ; 6+6 a
L'Espagne a confondu | les couleurs dans leur sang. 6+6 a
Là ce jeune guerrier, | ce débris de deux guerres, 6+6 b
370 Dont le laurier s'unit | au cyprès de deux frères ; 6+6 b
Ce sang, dont la Vendée | a vu couler les flots. 6+6 a
N'épuisa point en lui | la source des héros*. 6+6 a
Mais, sur ce dais où l'or | en longs plis se déroule, 6+6 b
Quel populaire instinct | porte l'œil de la foule ? 6+6 b
375 Ah ! c'est le sang royal | qui parle aux cœurs français !… 6+6 a
A l'ombre de ces lis | entourés de cyprès, 6+6 a
Dont la tige sur elle | avec amour s'incline, 6+6 b
Voilà l'ange exilé ! | la royale Orpheline ! 6+6 b
Son front, que des bourreaux | le fer a respecté, 6+6 a
380 Garde de la douleur | la noble majesté. 6+6 a
On sent à son aspect | que, digne de sa mère, 6+6 b
Le ciel lui fit une âme | égale à sa misère. 6+6 b
A ces pompes du trône | on la ramène en vain. 6+6 a
Son cœur désenchanté | les goûte avec dédain ; 6+6 a
385 Et peut-être, au moment | où son œil les contemple, 6+6 b
Son âme, s'envolant | dans les cachots du Temple, 6+6 b
Rêve aux jours de l'enfance | où, sous ces murs affreux 6+6 a
Que la main des bourreaux | obscurcissait pour eux, 6+6 a
Un rayon du soleil | à travers une grille 6+6 b
390 Était la seule pompe, | hélas ! de sa famille !… 6+6 b
La veuve de HENRI, | des couleurs du cercueil. 6+6 a
Couvre son front mêlé | d'espérance et de deuil ; 6+6 a
Ses longs cheveux épars, | se dénouant d'eux-mème, 6+6 b
Semblent en retombant | pleurer un diadème ; 6+6 b
395 Son regard, effleurant | le faste de ces lieux, 6+6 a
N'y voit qu'un vide immense | et se reporte aux cieux. 6+6 a
Hélas ! le sort, voilant | l'aube de sa jeunesse, 6+6 b
A brisé dans ses mains | une coupe d'ivresse… 6+6 b
Le coup qu'elle a reçu | répond à tous les cœurs ; 6+6 a
400 Ses yeux dans tous les yeux | ont retrouvé ses pleurs. 6+6 a
Là, deux sœurs ; un exil, | un palais les rassemble** ; 6+6 b
Le malheur, la pitié, | les invoquent ensemble ; 6+6 b
Le siècle les admire | et ne les connaît pas, 6+6 a
Le pauvre les regarde | et les nomme tout bas. 6+6 a
405 Mais quel est cet enfant ? | — L'avenir de la France !!! 6+6 a
La promesse de Dieu | qu'embellit l'espérance ! 6+6 a
De ses seuls cheveux blonds | son beau front couronné 6+6 b
Ignore encor le rang | pour lequel il est né ; 6+6 b
Libre encor des liens | de sa haute origine, 6+6 a
410 Il sourit au fardeau | que le temps lui destine ; 6+6 a
Ses yeux bleus, où le ciel | aime à se retracer, 6+6 b
Sur ces pompes du sort | s'égarent sans penser ; 6+6 b
Il ne voit que l'éclat | dont le trône étincelle, 6+6 a
La vapeur de l'encens | qui monte ou qui ruisselle, 6+6 a
415 Le reflet des flambeaux | répété dans l'acier, 6+6 b
Ou l'aigrette flottant | sur le front du guerrier ; 6+6 b
Et, comme Astyanax | dans les bras de sa mère, 6+6 a
Sa main touche en jouant | aux armes de son père. 6+6 a
🙘🙚
Le pontife est debout : | le nard aux flots dorés 6+6 a
420 Semble prêt à couler | de ses doigts consacrés ; 6+6 a
CHARLE, a genoux, baissant | son front sans diadème, 6+6 b
Offre ses blancs cheveux | aux parfums du saint-chrême ; 6+6 b
Et le prêtre, élevant | la couronne en ses mains, 6+6 c
Parle, au nom du seul maître, | au maître des humains. 6+6 c
L'ARCHEVÊQUE
425 Si nous étions encore | aux siècles des miracles, 6+6 a
La colombe, planant | sur les saints tabernacles, 6+6 a
T'apporterait du ciel | le chrême de Clovis, 6+6 b
Et les anges eux-même, | aux accents d'un prophète. 6+6 c
Poseraient sur ta tête 6 c
430 La couronne de lis ! 6 b
Mais les temps ne sont plus ! | le passé les emporte ; 6+6 a
Le ciel parle a la terre | une langue plus forte : 6+6 a
C'est la seule raison | qui l'explique à la foi ! 6+6 b
Les grands événements, | voilà les grands prestiges ! 6+6 c
435 Tu cherches les prodiges : 6 c
Le prodige, c'est toi ! 6 b
C'est toi ! Roi sans sujets ! | fugitif sans asile ! 6+6 a
Proscrit du trône ingrat | d'où l'Europe t'exile. 6+6 a
Tu vas traîner des rois | l'indélébile affront, 6+6 b
440 Puis, au moment marqué | par le maître suprême. 6+6 c
Tu reviens : de lui-même 6 c
Le bandeau ceint ton front ! 6 b
Tu reviens sans trésors, | sans alliés, sans armes, 6+6 a
Toucher du pied royal | cette terre de larmes, 6+6 a
445 Cette terre de feu | qui dévorait les rois ! 6+6 b
Comme un homme trompé | par un funeste rêve, 6+6 c
On s'éveille, on se lève. 6 c
On s'élance à ta voix. 6 b
Le voila ! » — Ce seul mot | a reconquis la France ; 6+6 a
450 Tout un peuple enivré | de zèle et d'espérance 6+6 a
Te porte dans ses bras | au palais paternel. 6+6 b
Le soldat des Germains | ne compte plus le nombre, 6+6 c
Et se désarme à l'ombre 6 c
De ton trône éternel ! 6 b
455 Les villes à tes pieds | portent leurs clefs fidèles ; 6+6 a
Les soldats étonnés, | ouvrant leurs citadelles, 6+6 a
Comme un salut royal | déchargent leur canon ; 6+6 b
Ces drapeaux que jamais, | aux éclairs de la poudre. 6+6 c
Ne fit baisser la foudre, 6 c
460 S'abaissent à ton nom. 6 b
La Liberté superbe, | à ta voix assouplie, 6+6 a
Sous un joug volontaire | avec amour se plie ; 6+6 a
Tu souris au pardon, | sur la force appuyé ! 6+6 b
Trente ans comme un seul jour | s'effacent : ta mémoire 6+6 c
465 Se souvient de la gloire ; 6 c
Le crime est oublié ! 6 b
Il semble qu'un esprit | de grâce et d'harmonie 6+6 a
Aux cœurs de tes sujets | ait soufflé ton génie, 6+6 a
Que du royal martyr | le vœu soit accompli. 6+6 b
470 Et que chaque Français, | comme une sainte offrande, 6+6 c
Devant tes pas répande 6 c
L'espérance et l'oubli ! 6 b
Viens donc ! élu du ciel | que sa force accompagne, 6+6 a
Viens ! — Par la majesté | du divin Charlemagne ! 6+6 a
475 La valeur de Martel | ou du soldat d'Ivri ! 6+6 b
Par la vertu du roi | qu'a couronné l'Église ! 6+6 c
Par la noble franchise 6 c
Du quatrième Henri ! 6 b
Par les brillants surnoms | de cette race auguste : 6+6 a
480 Le Sage, le Vainqueur, | le Bon, le Saint, le Juste ; 6+6 a
La grâce de Philippe | ou de François premier ! 6+6 b
Par l'éclat de ce roi | dont l'ascendant suprême 6+6 c
Imposa son nom même 6 c
Au siècle tout entier ! 6 b
485 Par ce martyr des rois | qui mourut pour nos crimes ! 6+6 a
Par le sang consacré | de cent mille victimes ! 6+6 a
Par ce pacte éternel | qui rajeunit tes droits ! 6+6 b
Par le nom de Celui | dont tout sceptre relève ! 6+6 c
Par l'amour qui t'élève, 6 c
490 Sur ce nouveau pavois ! 6 b
Au nom du seul puissant, | du seul saint, du seul sage, 6+6 a
Dont l'espace et le temps | sont le vaste héritage. 6+6 a
Dont le regard s'étend | à tout siècle, à tout lieu, 6+6 b
Sois sacré ! tu deviens | par ce royal mystère 6+6 c
495 Le maître de la terre, 6 c
Le serviteur de Dieu ! 6 b
Règne ! juge ! combats ! | venge ! punis ! pardonne ! 6+6 a
Conduis ! règle ! soutiens ! | commande ! impose ! ordonne ! 6+6 a
Par la vertu d'en haut | sois couronné ! sois Roi ! 6+6 b
500 Ta main, dès cet instant, | peut frapper, peut absoudre ; 6+6 c
Ton regard est la foudre. 6 c
Ta parole est la loi ! 6 b
🙘🙚
Il dit : un seul cri part ; | l'air mugit, l'airain sonne ; 6+6 a
Les drapeaux déroulés | flottent ; le canon tonne, 6+6 a
505 Et l'ardent TE DEUM, | ce cantique des rois, 6+6 b
S'élance d'un seul cœur | et de cent mille voix. 6+6 b
🙘🙚
« Que la terre et les cieux | et les mers te bénissent ! 6+6 a
Qu'au chœur des chérubins | les séraphins s'unissent 6+6 a
Pour célébrer le Dieu, | le Dieu qui nous sauva ! 6+6 b
510 Saint, Saint, Saint est son nom ! | Que la foudre le gronde, 6+6 c
Que le vent le murmure, | et l'abîme réponde : 6+6 c
Jéhovah ! Jéhovah ! 6 b
« Qu'il gouverne à jamais | son antique héritage ! 6+6 a
Sur les fils de nos fils | qu'il règne d'âge en âge ! 6+6 a
515 Nos cris l'ont invoqué, | sa foudre a répondu ! 6+6 b
De toute majesté | c'est la source et le père ! 6+6 c
Le peuple qui l'attend, | le siècle qui l'espère 6+6 c
N'est jamais confondu ! 6 b
« Qu'il est rare, ô mon Dieu, | que ta main nous accorde 6+6 a
520 Ces temps, ces temps de grâce | et de miséricorde, 6+6 a
Où l'homme peut jeter | ce long cri de bonheur, 6+6 b
Sans qu'un soupir, faussant | le cantique d'ivresse, 6+6 c
Vienne en secret mêler | aux concerts d'allégresse 6+6 c
L'accent d'une douleur ! 6 b
525 « Mais béni soit mon temps ! | le monde enfin respire ; 6+6 a
De trente ans de combats | le bruit lointain expire : 6+6 a
La terre enfante l'homme, | et n'a plus soif de sang ; 6+6 b
Sur deux mondes unis | qui marchent en silence 6+6 c
On n'entend que la voix | de la reconnaissance 6+6 c
530 Qui monte et redescend. 6 b
« Les rois ont recouvré | leur divin héritage ; 6+6 a
Les peuples, leur rendant | un légitime hommage. 6+6 a
Ont placé dans leurs mains | le sceptre de la loi ; 6+6 b
Elle brille à leurs yeux | comme un céleste phare, 6+6 c
535 Et dans le temple en deuil | leur piété répare 6+6 c
Les débris de la foi. 6 b
« L'homme voit sur les mers | ses flottes mutuelles 6+6 a
A tous les vents du ciel | ouvrir leurs libres ailes ; 6+6 a
La sueur de son front | ne germe que pour lui ; 6+6 b
540 Et partout dans la loi, | sourde comme la pierre. 6+6 c
Le crime a son vengeur, | la force sa barrière, 6+6 c
Le faible son appui. 6 b
« En génie, en vertu, | la terre encor féconde 6+6 a
Ouvre un champ sans limite | à l'avenir du monde ; 6+6 a
545 Chaque jour à son siècle | apporte son trésor ; 6+6 b
Les éléments soumis | ont reconnu leur maître. 6+6 c
Et l'univers vieilli | rêve qu'il voit renaître 6+6 c
Un dernier âge d'or !…» 6 b
🙘🙚
Et toi qui, relevant | les débris des couronnes, 6+6 a
550 Viens du trône des rois | embrasser les colonnes. 6+6 a
Rêve des nations, | qu'ont vu passer nos yeux, 6+6 b
Que le Christ après lui | fit descendre des cieux. 6+6 b
LIBERTÉ ! dont la Grèce | a salué l'aurore, 6+6 a
Que d'un berceau de feu | ce siècle vit éclore, 6+6 a
555 Viens, le front incliné | sous le sceptre des rois. 6+6 b
Poser le sceau du peuple | au livre de nos lois ! 6+6 b
Trop longtemps l'univers, | lassé de tes orages. 6+6 a
Aux mains des factions | vit flotter tes images ; 6+6 a
Trop longtemps l'imposture, | usurpant ton beau nom. 6+6 b
560 De ses honteux excès | fit rougir la raison : 6+6 b
L'univers cependant, | effrayé de lui-même. 6+6 a
T'invoque et te maudit, | t'adore et te blasphème. 6+6 a
Et, comme un nouveau culte | aux humains inspiré. 6+6 b
Ne peut fixer encor | ton symbole sacré. 6+6 b
565 Je ne sais quel instinct, | plus sûr que l'espérance, 6+6 a
Présage aux nations | ton règne qui s'avance ! 6+6 a
L'opprimé, l'oppresseur, | te rêvent à la fois ; 6+6 b
Un peuple enseveli | ressuscite à ta voix ; 6+6 b
Le voile qui des lois | couvrait le sanctuaire 6+6 a
570 Se déchire, et le jour | de tes yeux les éclaire. 6+6 a
Les partis triomphants, | si prompts à t'oublier, 6+6 b
Se couvrent de ton nom | comme d'un bouclier ; 6+6 b
Chaque peuple à son tour | te possède ou t'espère, 6+6 a
Et ton œil cherche en vain | un tyran sur la terre ! 6+6 a
575 Viens donc ! viens, il est temps, | tardive LIBERTÉ ! 6+6 a
Que ton nom incertain, | par le ciel adopté. 6+6 a
Avec la vérité, | la force et la justice, 6+6 b
Du palais de nos rois | orne le frontispice ! 6+6 b
Que ton nom soit scellé | dans les vieux fondements 6+6 a
580 De ce temple où la foi | veille sur leurs serments ; 6+6 a
Et que l'huile, en coulant | sur leur saint diadème, 6+6 b
Retombe sur ton front | et te sacre toi-même ! 6+6 b
Règne I mais souviens-toi | que l'illustre exilé 6+6 a
Par qui dans ces climats | ton deuil fut consolé. 6+6 a
585 Précurseur couronné | que salua la. France, 6+6 b
T'annonça dans nos maux | comme une autre espérance 6+6 b
Et, t'arrachant lui seul | aux mains des factions. 6+6 a
Fit de tes fers brisés | l'ancre des nations ; 6+6 a
Que ton ombre, régnant | sur un peuple en délire, 6+6 b
590 Et victime bientôt | des fureurs qu'elle inspire, 6+6 b
Fit au monde étonné | regretter les tyrans ; 6+6 a
Que tu fus enchaînée | au char des conquérants ; 6+6 a
Que ton pied traîne encor | les fers de la victoire 6+6 b
A ces anneaux dorés | qu'avait rivés la gloire. 6+6 b
595 Et que, pour affermir | et consacrer tes droits, 6+6 a
Ton temple le plus sûr | est le cœur des bons rois ! 6+6 a
A ROCHEJAQUELEIN.
** LL. AA. RR. madame la duchesse et mademoiselle d'Orléans.
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