Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_2/LAM55
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
SECONDES MÉDITATIONS
1823
QUATORZIÈME MÉDITATION
CONSOLATION
Quand le Dieu qui me frappe, | attendri par mes larmes, 6+6 a
De mon cœur oppressé | soulève un peu sa main, 6+6 b
Et, donnant quelque trêve | à mes longues alarmes, 6+6 a
Laisse tarir mes yeux | et respirer mon sein, 6+6 b
5 Soudain, comme le flot | refoulé du rivage 6+6 a
Aux bords qui l’ont brisé | revient en gémissant, 6+6 b
Ou comme le roseau, | vain jouet de l’orage, 6+6 a
Qui plie et rebondit | sous la main du passant, 6+6 b
Mon cœur revient à Dieu | plus docile et plus tendre, 6+6 a
10 Et, de ses châtiments | perdant le souvenir, 6+6 b
Comme un enfant soumis | n’ose lui faire entendre 6+6 a
Qu’un murmure amoureux | pour se plaindre et bénir. 6+6 b
Que le deuil de mon âme | était lugubre et sombre ! 6+6 a
Que de nuits sans pavots, | que de jours sans soleil ! 6+6 b
15 Que de fois j’ai compté | les pas du temps dans l’ombre, 6+6 a
Quand les heures passaient | sans mener le sommeil ! 6+6 b
Mais loin de moi ces temps ! | que l’oubli les dévore ! 6+6 a
Ce qui n’est plus pour l’homme | a-t-il jamais été ? 6+6 b
Quelques jours sont perdus ; | mais le bonheur encore 6+6 a
20 Peut fleurir sous mes yeux | comme une fleur d’été ! 6+6 b
Tous les jours sont à TOI : | que t’importe leur nombre ? 6+6 a
Tu dis ; le temps se hâte, | ou revient sur ses pas. 6+6 b
Eh ! n’es-tu pas CELUI | qui fit reculer l’ombre 6+6 a
Sur le cadran rempli | d’un roi que tu sauvas ? 6+6 b
25 Si tu voulais, ainsi | le torrent de ma vie, 6+6 a
À sa source aujourd’hui | remontant sans efforts, 6+6 b
Nourrirait de nouveau | ma jeunesse tarie, 6+6 a
Et de ses flots vermeils | féconderait ses bords ; 6+6 b
Ces cheveux dont la neige, | hélas ! argente à peine 6+6 a
30 Un front où la douleur | a gravé le passé, 6+6 b
L’ombrageraient encor | de leur touffe d’ébène, 6+6 a
Aussi pur que la vague | où le cygne a passé ; 6+6 b
L’amour ranimerait | l’éclat de ces prunelles, 6+6 a
Et ce foyer du cœur, | dans les yeux répété, 6+6 b
35 Lancerait de nouveau | ces chastes étincelles 6+6 a
Qui d’un désir craintif | font rougir la beauté. 6+6 b
Dieu ! laisse-moi cueillir | cette palme féconde, 6+6 a
Et dans mon sein ravi | l’emporter pour toujours, 6+6 b
Ainsi que le torrent | emporte dans son onde 6+6 a
40 Les roses de Sarons | qui parfument son cours ! 6+6 b
Quand pourrai-je la voir | sur l’enfant qui repose 6+6 a
S’incliner doucement | dans le calme des nuits ? 6+6 b
Quand verrai-je ses fils, | de leurs lèvres de rose, 6+6 a
Se suspendre à son sein | comme l’abeille aux lis ? 6+6 b
45 À l’ombre du figuier, | près du courant de l’onde, 6+6 a
Loin de l’œil de l’envie | et des pas du pervers, 6+6 b
Je bâtirai pour eux | un nid parmi le monde, 6+6 a
Comme sur un écueil | l’hirondelle des mers. 6+6 b
Là, sans les abreuver | à ces sources amères 6+6 a
50 Où l’humaine sagesse | a mêlé son poison, 6+6 b
De ma bouche, fidèle | aux leçons de mes pères, 6+6 a
Pour unique sagesse | ils apprendront ton nom. 6+6 b
Là, je leur laisserai | le modeste héritage 6+6 a
Qu’aux petits des oiseaux | Dieu donne à leur réveil, 6+6 b
55 L’eau pure du torrent, | un nid sous le feuillage, 6+6 a
Les fruits tombés de l’arbre, | et ma place au soleil. 6+6 b
Alors, le front chargé | de guirlandes fanées, 6+6 a
Tel qu’un vieil olivier | parmi ses rejetons, 6+6 b
Je verrai de mes fils | les brillantes années 6+6 a
60 Cacher mon tronc flétri | sous leurs jeunes festons. 6+6 b
Alors j’entonnerai | l’hymne de ma vieillesse, 6+6 a
Et, convive enivré | des vins de ta bonté, 6+6 b
Je passerai la coupe | aux mains de la jeunesse, 6+6 a
Et je m’endormirai | dans ma félicité. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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