Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_1/LAM7
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
SEPTIÈME MÉDITATION
LE DÉSESPOIR
Lorsque du Créateur la parole féconde 6+6 a
Dans une heure fatale eut enfanté le monde 6+6 a
Des germes du chaos, 6 b
De son œuvre imparfaite il détourna sa face 6+6 c
5 Et, d’un pied dédaigneux le lançant dans l’espace, 6+6 c
Rentra dans son repos. 6 b
Va, dit-il, je te livre a ta propre misère ; 6+6 a
Trop indigne à mes yeux d’amour ou de colère, 6+6 a
Tu n’es rien devant moi : 6 b
10 Roule au gré du hasard dans les déserts du vide ; 6+6 c
Qu’a jamais loin de moi le Destin soit ton guide, 6+6 c
Et le Malheur ton roi ! 6 b
Il dit. Comme un vautour qui plonge sur sa proie, 6+6 a
Le Malheur, à ces mots, pousse, en signe de joie, 6+6 a
15 Un long gémissement ; 6 b
Et, pressant l’univers dans sa serre cruelle, 6+6 c
Embrasse pour jamais de sa rage éternelle 6+6 c
L’éternel aliment. 6 b
Le mal dès lors régna dans son immense empire ; 6+6 a
20 Dès lors tout ce qui pense et tout ce qui respire 6+6 a
Commença de souffrir ; 6 b
Et la terre, et le ciel, et l’âme, et la matière, 6+6 c
Tout gémit ; et la voix de la nature entière 6+6 c
Ne fut qu’un long soupir. 6 b
25 Levez donc vos regards vers les célestes plaines ; 6+6 a
Cherchez Dieu dans son œuvre, invoquez dans vos peines 6+6 a
Ce grand consolateur : 6 b
Malheureux ! sa bonté de son œuvre est absente : 6+6 c
Vous cherchez votre appui ? l’univers vous présente 6+6 c
30 Votre persécuteur. 6 b
De quel nom te nommer, ô fatale puissance ? 6+6 a
Qu’on t’appelle Destin, Nature, Providence, 6+6 a
Inconcevable loi ; 6 b
Qu’on tremble sous ta main, ou bien qu’on la blasphème, 6+6 c
35 Soumis ou révolté, qu’on te craigne ou qu’on t’aime ; 6+6 c
Toujours, c’est toujours toi ! 6 b
Hélas ! ainsi que vous j’invoquai l’Espérance ; 6+6 a
Mon esprit abusé but avec complaisance 6+6 a
Son philtre empoisonneur : 6 b
40 C’est elle qui, poussant nos pas dans les abîmes, 6+6 c
De festons et de fleurs couronne les victimes 6+6 c
Qu’elle livre au Malheur. 6 b
Si du moins au hasard il décimait les hommes, 6+6 a
Ou si sa main tombait sur tous tant que nous sommes 6+6 a
45 Avec d’égales lois ! 6 b
Mais les siècles ont vu les âmes magnanimes, 6+6 c
La beauté, le génie, ou les vertus sublimes, 6+6 c
Victimes de son choix. 6 b
Tel, quand des dieux de sang voulaient en sacrifices 6+6 a
50 Des troupeaux innocents les sanglantes prémices 6+6 a
Dans leurs temples cruels, 6 b
De cent taureaux choisis on formait l’hécatombe, 6+6 c
Et l’agneau sans souillure, ou la blanche colombe, 6+6 c
Engraissaient leurs autels. 6 b
55 Créateur tout-puissant, principe de tout être ; 6+6 a
Toi pour qui le possible existe avant de naître, 6+6 a
Roi de l’immensité, 6 b
Tu pouvais cependant, au gré de ton envie, 6+6 c
Puiser pour tes enfants le bonheur et la vie 6+6 c
60 Dans ton éternité ! 6 b
Sans t’épuiser jamais, sur toute la nature 6+6 a
Tu pouvais à longs flots répandre sans mesure 6+6 a
Un bonheur absolu : 6 b
L’espace, le pouvoir, le temps, rien ne te coûte. 6+6 c
65 Ah ! ma raison frémit ! tu le pouvais sans doute, 6+6 c
Tu ne l’as pas voulu. 6 b
Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ? 6+6 a
L’insensible néant t’a-t-il demandé l’être, 6+6 a
Ou l’a-t-il accepté ? 6 b
70 Sommes-nous, ô hasard, l’œuvre de tes caprices ? 6+6 c
Ou plutôt, Dieu cruel, fallait-il nos supplices 6+6 c
Pour ta félicité ? 6 b
Montez donc vers le ciel, montez, encens qu’il aime, 6+6 a
Soupirs, gémissements, larmes, sanglots, blasphème, 6+6 a
75 Plaisirs, concerts divins ; 6 b
Cris du sang, voix des morts, plaintes inextinguibles, 6+6 c
Montez, allez frapper les voûtes insensibles 6+6 c
Du palais des destins ! 6 b
Terre, élève ta voix ; cieux, répondez ; abîmes, 6+6 a
80 Noir séjour où la mort entasse ses victimes, 6+6 a
Ne formez qu’un soupir ! 6 b
Qu’une plainte éternelle accuse la nature 6+6 c
Et que la douleur donne à toute créature 6+6 c
Une voix pour gémir ! 6 b
85 Du jour où la nature, au néant arrachée, 6+6 a
S’échappa de tes mains comme une œuvre ébauchée, 6+6 a
Qu’as-tu vu cependant ? 6 b
Aux désordres du mal la matière asservie, 6+6 c
Toute chair gémissante, hélas ! et toute vie 6+6 c
90 Jalouse du néant ! 6 b
Des éléments rivaux les luttes intestines ; 6+6 a
Le Temps, qui flétrit tout, assis sur les ruines 6+6 a
Qu’entassèrent ses mains, 6 b
Attendant sur le seuil les œuvres éphémères ; 6+6 c
95 Et la mort étouffant, dès le sein de leurs mères, 6+6 c
Les germes des humains ! 6 b
La vertu succombant sous l’audace impunie, 6+6 a
L’imposture en honneur, la vérité bannie ; 6+6 a
L’errante liberté 6 b
100 Aux dieux vivants du monde offerte en sacrifice ; 6+6 c
Et la force, partout, fondant de l’injustice 6+6 c
Le règne illimité ! 6 b
La valeur sans les dieux décidant les batailles ! 6+6 a
Un Caton libre encor déchirant ses entrailles 6+6 a
105 Sur la foi de Platon ; 6 b
Un Brutus qui, mourant pour la vertu qu’il aime, 6+6 c
Doute au dernier moment de cette vertu même, 6+6 c
Et dit : Tu n’es qu’un nom !… 6 b
La fortune toujours du parti des grands crimes ; 6+6 a
110 Les forfaits couronnés devenus légitimes ; 6+6 a
La gloire au prix du sang ; 6 b
Les enfants héritant l’iniquité des pères ; 6+6 c
Et le siècle qui meurt racontant ses misères 6+6 c
Au siècle renaissant ! 6 b
115 Hé quoi ! tant de tourments, de forfaits, de supplices, 6+6 a
N’ont-ils pas fait fumer d’assez de sacrifices 6+6 a
Tes lugubres autels ? 6 b
Ce soleil, vieux témoin des malheurs de la terre, 6+6 c
Ne fera-t-il pas naître un seul jour qui n’éclaire 6+6 c
120 L’angoisse des mortels ? 6 b
Héritiers des douleurs, victimes de la vie, 6+6 a
Non, non, n’espérez pas que sa rage assouvie 6+6 a
Endorme le Malheur, 6 b
Jusqu’à ce que la Mort, ouvrant son aile immense, 6+6 c
125 Engloutisse à jamais dans l’éternel silence 6+6 c
L’éternelle douleur ! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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