Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM31
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
TRENTE-UNIÈME MÉDITATION
ADIEU
Oui, j’ai quitté ce port tranquille, 8 a
Ce port si longtemps appelé 8 b
Où, loin des ennuis de la ville, 8 a
Dans un loisir doux et facile, 8 a
5 Sans bruit mes jours auraient coulé. 8 b
J’ai quitté l’obscure vallée, 8 a
Le toit champêtre d’un ami ; 8 b
Loin des bocages de Bissy, 8 b
Ma muse, à regret exilée, 8 a
10 S’éloigne, triste et désolée, 8 a
Du séjour qu’elle avait choisi. 8 b
Nous n’irons plus dans les prairies, 8 a
Au premier rayon du matin, 8 b
Égarer, d’un pas incertain, 8 b
15 Nos poétiques rêveries. 8 a
Nous ne verrons plus le soleil, 8 a
Du haut des cimes d’Italie 8 b
Précipitant son char vermeil, 8 a
Semblable au père de la vie, 8 b
20 Rendre à la nature assoupie 8 b
Le premier éclat du réveil. 8 a
Nous ne goûterons plus votre ombre, 8 a
Vieux pins, l’honneur de ces forêts ; 8 b
Vous n’entendrez plus nos secrets ; 8 b
25 Sous cette grotte humide et sombre 8 a
Nous ne chercherons plus le frais ; 8 b
Et le soir, au temple rustique, 8 a
Quand la cloche mélancolique 8 a
Appellera tout le hameau, 8 a
30 Nous n’irons plus, à la prière, 8 b
Nous courber sur la simple pierre 8 b
Qui couvre un rustique tombeau. 8 a
Adieu, vallons ! adieu, bocages ! 8 a
Lac azuré, roches sauvages, 8 a
35 Bois touffus, tranquille séjour, 8 b
Séjour des heureux et des sages, 8 a
Je vous ai quittés sans retour ! 8 b
Déjà ma barque fugitive, 8 a
Au souffle des zéphyrs trompeurs, 8 b
40 S’éloigne à regret de la rive 8 a
Que m’offraient des dieux protecteurs. 8 b
J’affronte de nouveaux orages ; 8 a
Sans doute à de nouveaux naufrages 8 a
Mon frêle esquif est dévoué ; 8 a
45 Et pourtant, à la fleur de l’âge, 8 b
Sur quels écueils, sur quel rivage 8 b
Déjà n’ai-je pas échoué ? 8 a
Mais d’une plainte téméraire 8 a
Pourquoi fatiguer le destin ? 8 b
50 À peine au milieu du chemin, 8 b
Faut-il regarder en arrière ? 8 a
Mes lèvres à peine ont goûté 8 a
Le calice amer de la vie, 8 b
Loin de moi je l’ai rejeté ; 8 a
55 Mais l’arrêt cruel est porté : 8 a
Il faut boire jusqu’à la lie ! 8 b
Lorsque mes pas auront franchi 8 a
Les deux tiers de notre carrière, 8 b
Sous le poids d’une vie entière 8 b
60 Quand mes cheveux auront blanchi, 8 a
Je reviendrai du vieux Bissy 8 c
Visiter le toit solitaire, 8 b
Où le ciel me garde un ami. 8 c
Dans quelque retraite profonde, 8 a
65 Sous les arbres par lui plantés, 8 b
Nous verrons couler comme l’onde 8 a
La fin de nos jours agités. 8 b
Là, sans crainte et sans espérance, 8 a
Sur notre orageuse existence 8 a
70 Ramenés par le souvenir, 8 a
Jetant nos regards en arrière, 8 b
Nous mesurerons la carrière 8 b
Qu’il aura fallu parcourir. 8 a
Tel un pilote octogénaire, 8 a
75 Du haut d’un rocher solitaire, 8 a
Le soir, tranquillement assis, 8 a
Laisse au loin égarer sa vue, 8 b
Et contemple encor l’étendue 8 b
Des mers qu’il sillonna jadis. 8 a
mètre profil métrique : 8
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