Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM26
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
VINGT-SIXIÈME MÉDITATION
LE PASTEUR ET LE PÊCHEUR
FRAGMENT D’ÉGLOGUE MARINE
1826
C’était l’heure chantante | où, plus doux que l’aurore, 6+6 a
Le jour en expirant | semble sourire encore, 6+6 a
Et laisse le zéphyr | dormant sous les rameaux 6+6 b
En descendre avec l’ombre | et flotter sur les eaux ; 6+6 b
5 La cloche dans la tour, | lentement ébranlée, 6+6 a
Roulait ses longs soupirs | de vallée en vallée, 6+6 a
Comme une voix du soir | qui, mourant sur les flots, 6+6 b
Rappelle avant la nuit | la nature au repos. 6+6 b
Les villageois épars | autour de leurs chaumières 6+6 a
10 Cadençaient à ses sons | leurs rustiques prières, 6+6 a
Rallumaient en chantant | la flamme des foyers, 6+6 b
Suspendaient les filets | aux troncs des peupliers, 6+6 b
Ou, déliant le joug | de leurs taureaux superbes, 6+6 a
Répandaient devant eux | l’or savoureux des gerbes ; 6+6 a
15 Puis, assis en silence | au seuil de leurs séjours, 6+6 b
Attendaient le sommeil, | ce doux prix de leurs jours. 6+6 b
Deux enfants du hameau, | l’un pasteur du bocage, 6+6 a
L’autre jeune pêcheur | de l’orageuse plage, 6+6 a
Consacrant à l’amour | l’heure oisive du soir, 6+6 b
20 À l’ombre du même arbre | étaient venus s’asseoir ; 6+6 b
Là, pour goûter le frais | au pied du sycomore, 6+6 a
Chacun avait conduit | la vierge qu’il adore : 6+6 a
Néære et Næala, | deux jeunes sœurs, deux lis 6+6 b
Que sur la même tige | un seul souffle a cueillis. 6+6 b
25 Les deux amants, couchés | aux genoux des bergères, 6+6 a
Les regardaient tresser | les tiges des fougères. 6+6 a
Un tertre de gazon, | d’anémones semé, 6+6 b
Étendait sous la pente | un tapis parfumé ; 6+6 b
La mer le caressait | de ses vagues plaintives ; 6+6 a
30 Douze chênes, courbant | leurs vieux troncs sur ses rives, 6+6 a
Ne laissaient sous leur feuille | entrevoir qu’à demi 6+6 b
Le bleu du firmament | dans son flot endormi. 6+6 b
Un arbre dont la vigne | enlaçait le feuillage 6+6 a
Leur versait la fraîcheur | de son mobile ombrage ; 6+6 a
35 Et non loin derrière eux, | dans un champ déjà mûr, 6+6 b
Où le pampre et l’érable | entrelaçaient leur mur, 6+6 b
Ils entendaient le bruit | de la brise inégale 6+6 a
Tomber, se relever, | gémir par intervalle, 6+6 a
Et, ranimant les airs | par le jour assoupis, 6+6 b
40 Glisser en bruissant | entre l’or des épis. 6+6 b
Ils disputaient entre eux | des doux soins de leur vie ; 6+6 a
Chacun trouvait son sort | le plus digne d’envie : 6+6 a
L’humble berger vantait | les doux soins des troupeaux, 6+6 b
Le pêcheur sa nacelle | et le charme des eaux ; 6+6 b
45 Quand un vieillard leur dit, | avec un doux sourire : 6+6 a
« Chantez ce que les champs | ou l’onde vous inspire ! 6+6 a
» Chantez ! Celui des deux | dont la touchante voix 6+6 b
» Saura mieux faire aimer | les vagues ou les bois, 6+6 b
» Des mains de la maîtresse | à qui sa voix est chère 6+6 a
50 » Recevra le doux prix | de ses accords : Néære, 6+6 a
» Offrant à son amant | le prix des moissonneurs, 6+6 b
» À sa dernière gerbe | attachera des fleurs ; 6+6 b
» Et Næala, tressant | les roses qu’elle noue, 6+6 a
» De l’esquif du pêcheur | couronnera la proue, 6+6 a
55 » Et son mât tout le jour, | aux yeux des matelots, 6+6 b
» De ses bouquets flottants | parfumera les flots. » 6+6 b
Ainsi dit le vieillard. | On consent en silence ; 6+6 a
Le beau pêcheur médite, | et le pasteur commence. 6+6 a
LE PASTEUR
Quand l’astre du printemps, | au berceau d’un jour pur, 6+6 b
60 Lève à moitié son front | dans le changeant azur ; 6+6 b
Quand l’aurore exhalant | sa matinale haleine 6+6 a
Épand les doux parfums | dont la vallée est pleine, 6+6 a
Et, faisant incliner | le calice des fleurs, 6+6 b
De la nuit sur les prés | laisse épancher les pleurs ; 6+6 b
65 Alors que du matin | la vive messagère, 6+6 a
L’alouette quittant | son nid dans la fougère, 6+6 a
Et modulant des airs | gais comme le réveil, 6+6 b
Monte, plane et gazouille | au-devant du soleil : 6+6 b
Saisissant mes taureaux | par leur corne glissante, 6+6 a
70 Je courbe sous le joug | leur tête mugissante ; 6+6 a
Par des nœuds douze fois | sur leurs fronts redoublés, 6+6 b
J’attache au bois poli | leurs membres accouplés ; 6+6 b
L’anneau brillant d’acier | au timon les enchaîne ; 6+6 a
J’entrelace à leur joug | de longs festons de chêne, 6+6 a
75 Dont la feuille mobile | et les flottants rameaux 6+6 b
De l’ardeur du midi | protégent leurs naseaux. 6+6 b
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mètre profil métrique : 6+6
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