Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_1/LAM21
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
VINGT-UNIÈME MÉDITATION
LA FOI
Ô néant ! ô seul dieuque je puisse comprendre ! 6+6 a
Silencieux abîme je vais redescendre, 6+6 a
Pourquoi laissas-tu l’hommeéchapper de ta main ? 6+6 b
De quel sommeil profondje dormais dans ton sein ! 6+6 b
5 Dans l’éternel oublij’y dormirais encore ; 6+6 a
Mes yeux n’auraient pas vuce faux jour que j’abhorre, 6+6 a
Et dans ta longue nuitmon paisible sommeil 6+6 b
N’aurait jamais connuni songes ni réveil. 6+6 b
— Mais puisque je naquis,sans doute il fallait ntre. 6+6 a
10 Si l’on m’t consulté,j’aurais refusé l’être. 6+6 a
Vains regrets ! le destinme condamnait au jour, 6+6 b
Et je viens, ô soleil,te maudire à mon tour. 6+6 b
— Cependant, il est vrai,cette première aurore, 6+6 a
Ce réveil incertaind’un être qui s’ignore, 6+6 a
15 Cet espace infinis’ouvrant devant ses yeux, 6+6 b
Ce long regard de l’hommeinterrogeant les cieux, 6+6 b
Ce vague enchantement,ces torrents d’espérance, 6+6 a
Éblouissent les yeuxau seuil de l’existence. 6+6 a
Salut, nouveau séjour le temps m’a jeté, 6+6 b
20 Globe, témoin futurde ma félicité ! 6+6 b
Salut, sacré flambeauqui nourris la nature, 6+6 a
Soleil, premier amourde toute créature ! 6+6 a
Vastes cieux, qui cachezle Dieu qui vous a faits ! 6+6 b
Terre, berceau de l’homme,admirable palais ! 6+6 b
25 Homme semblable à moi,mon compagnon, mon frère ! 6+6 a
Toi plus belle à mes yeux,à mon âme plus chère ! 6+6 a
Salut, objets, témoins,instruments de bonheur ! 6+6 b
Remplissez vos destins,je vous apporte un cœur… 6+6 b
— Que ce rêve est brillant !mais, hélas ! c’est un rêve. 6+6 a
30 Il commençait alors ;maintenant il s’achève. 6+6 a
La douleur lentementm’entr’ouvre le tombeau : 6+6 b
Salut, mon dernier jour !sois mon jour le plus beau ! 6+6 b
J’ai vécu ; j’ai passéce désert de la vie, 6+6 a
toujours sous mes paschaque fleur s’est flétrie ; 6+6 a
35 toujours l’espérance,abusant ma raison, 6+6 b
Me montrait le bonheurdans un vague horizon ; 6+6 b
du vent de la mortles brûlantes haleines 6+6 a
Sous mes lèvres toujourstarissaient les fontaines. 6+6 a
Qu’un autre, s’exhalanten regrets superflus, 6+6 b
40 Redemande au passéses jours qui ne sont plus, 6+6 b
Pleure de son printempsl’aurore évanouie, 6+6 a
Et consente à revivreune seconde vie : 6+6 a
Pour moi, quand le destinm’offrirait, à mon choix, 6+6 b
Le sceptre du génieou le trône des rois, 6+6 b
45 La gloire, la beauté,les trésors, la sagesse, 6+6 a
Et joindrait à ses donsl’éternelle jeunesse, 6+6 a
J’en jure par la mort,dans un monde pareil, 6+6 b
Non, je ne voudrais pasrajeunir d’un soleil. 6+6 b
Je ne veux pas d’un monde tout change, tout passe ; 6+6 a
50 , jusqu’au souvenir,tout s’use et tout s’efface ; 6+6 a
tout est fugitif,périssable, incertain ; 6+6 b
le jour du bonheurn’a pas de lendemain. 6+6 b
— Combien de fois ainsi,trompé par l’existence, 6+6 a
De mon sein pour jamaisj’ai banni l’espérance ! 6+6 a
55 Combien de fois ainsimon esprit abattu 6+6 b
A cru s’envelopperd’une froide vertu ; 6+6 b
Et, rêvant de Zénonla trompeuse sagesse, 6+6 a
Sous un manteau stoïquea caché sa faiblesse ! 6+6 a
Dans son indifférenceun jour enseveli, 6+6 b
60 Pour trouver le reposil invoquait l’oubli : 6+6 b
Vain repos, faux sommeil !— Tel qu’au pied des collines 6+6 a
Rome sort du seinde ses propres ruines, 6+6 a
L’œil voit dans ce chaos,confusément épars, 6+6 b
D’antiques monuments,de modernes remparts, 6+6 b
65 Des théâtres croulants,dont les frontons superbes 6+6 a
Dorment dans la poussièreou rampent sous les herbes, 6+6 a
Les palais des hérospar les ronces couverts, 6+6 b
Des dieux couchés au seuilde leurs temples déserts, 6+6 b
L’obélisque éternelombrageant la chaumière, 6+6 a
70 La colonne portantune image étrangère, 6+6 a
L’herbe dans les forum,les fleurs dans les tombeaux, 6+6 b
Et ces vieux panthéonspeuplés de dieux nouveaux ; 6+6 b
Tandis que, s’élevantde distance en distance, 6+6 a
Un faible bruit de vieinterrompt ce silence 6+6 a
75 Telle est notre âme aprèsces longs ébranlements : 6+6 b
Secouant la raisonjusqu’en ses fondements, 6+6 b
Le malheur n’en fait plusqu’une immense ruine, 6+6 a
comme un grand débrisle désespoir domine ; 6+6 a
De sentiments éteintssilencieux chaos, 6+6 b
80 Éléments opposés,sans vie et sans repos, 6+6 b
Reste des passionspar le temps effacées, 6+6 a
Combat désordonnéde vœux et de pensées, 6+6 a
Souvenirs expirants,regrets, dégts, remord. 6+6 b
Si du moins ces débrisnous attestaient sa mort ! 6+6 b
85 Mais sous ce vaste deuill’âme encore est vivante ; 6+6 a
Ce feu sans alimentsoi-même s’alimente ; 6+6 a
Il rent de sa cendre,et ce fatal flambeau 6+6 b
Craint de brûler encoreau delà du tombeau. 6+6 b
Âme, qui donc es-tu ?flamme qui me dévore, 6+6 a
90 Dois-tu vivre après moi ?dois-tu souffrir encore ? 6+6 a
Hôte mystérieux,que vas-tu devenir ? 6+6 b
Au grand flambeau du jourvas-tu te réunir ? 6+6 b
Peut-être de ce feutu n’es qu’une étincelle, 6+6 a
Qu’un rayon égaré,que cet astre rappelle ; 6+6 a
95 Peut-être que, mourantlorsque l’homme est détruit, 6+6 b
Tu n’es qu’un suc plus purque la terre a produit, 6+6 b
Une fange animée,une argile pensante 6+6 a
Mais que vois-je ? À ce mottu frémis d’épouvante : 6+6 a
Redoutant le néant,et lasse de souffrir, 6+6 b
100 Hélas ! tu crains de vivreet trembles de mourir. 6+6 b
— Qui te révélera,redoutable mystère ? 6+6 a
J’écoute en vain la voixdes sages de la terre : 6+6 a
Le doute égare aussices sublimes esprits, 6+6 b
Et de la même argileils ont été pétris. 6+6 b
105 Rassemblant les rayonsde l’antique sagesse, 6+6 a
Socrate te cherchaitaux beaux jours de la Grèce, 6+6 a
Platon à Suniumte cherchait après lui : 6+6 b
Deux mille ans sont passés,je te cherche aujourd’hui ; 6+6 b
Deux mille ans passeront,et les enfants des hommes 6+6 a
110 S’agiteront encoreencordans la nuit nous sommes. 6+6 a
La vérité rebelleéchappe à nos regards, 6+6 b
Dieu seul en réunittous les fragments épars. 6+6 b
Ainsi, prêt à fermerles yeux à la lumière, 6+6 a
Nul espoir ne viendraconsoler ma paupière : 6+6 a
115 Mon âme aura passé,sans guide et sans flambeau, 6+6 b
De la nuit d’ici-basdans la nuit du tombeau ; 6+6 b
Et j’emporte au hasard,au monde je m’élance, 6+6 a
Ma vertu sans espoir,mes maux sans récompense. 6+6 a
Réponds-moi, Dieu cruel !S’il est vrai que tu sois, 6+6 b
120 J’ai donc le droit fatalde maudire tes lois ! 6+6 b
Après le poids du jour,du moins le mercenaire 6+6 a
Le soir s’assied à l’ombre,et reçoit son salaire ; 6+6 a
Et moi, quand je fléchissous le fardeau du sort, 6+6 b
Quand mon jour est fini,mon salaire est la mort ! 6+6 b
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125 — Mais tandis qu’exhalantle doute et le blasphème, 6+6 a
Les yeux sur mon tombeau,je pleure sur moi-même, 6+6 a
La foi, se réveillantcomme un doux souvenir, 6+6 b
Jette un rayon d’espoirsur mon pâle avenir, 6+6 b
Sous l’ombre de la mortme ranime et m’enflamme, 6+6 a
130 Et rend à mes vieux joursla jeunesse de l’âme. 6+6 a
Je remonte, aux lueursde ce flambeau divin, 6+6 b
Du couchant de ma vieà son riant matin ; 6+6 b
J’embrasse d’un regardla destinée humaine ; 6+6 a
À mes yeux satisfaitstout s’ordonne et s’enchne ; 6+6 a
135 Je lis dans l’avenirla raison du présent ; 6+6 b
L’espoir ferme après moiles portes du néant, 6+6 b
Et, rouvrant l’horizonà mon âme ravie, 6+6 a
M’explique par la mortl’énigme de la vie. 6+6 a
Cette foi qui m’attendau bord de mon tombeau, 6+6 b
140 Hélas ! il m’en souvient,plana sur mon berceau. 6+6 b
De la terre promiseimmortel héritage, 6+6 a
Les pères à leurs filsl’ont transmis d’âge en âge. 6+6 a
Notre esprit la reçoità son premier réveil, 6+6 b
Comme les dons d’en haut,la vie et le soleil ; 6+6 b
145 Comme le lait de l’âme,en ouvrant la paupière, 6+6 a
Elle a coulé pour nousdes lèvres d’une mère ; 6+6 a
Elle a pénétré l’hommeen sa tendre saison ; 6+6 b
Son flambeau dans les cœursprécéda la raison. 6+6 b
L’enfant, en essayantsa première parole, 6+6 a
150 Balbutie au berceauson sublime symbole ; 6+6 a
Et, sous l’œil maternelgermant à son insu, 6+6 b
Il la sent dans son cœurcrtre avec la vertu. 6+6 b
Ah ! si la véritéfut faite pour la terre, 6+6 a
Sans doute elle a reçuce simple caractère ; 6+6 a
155 Sans doute, dès l’enfanceofferte à nos regards, 6+6 b
Dans l’esprit par les sensentrant de toutes parts, 6+6 b
Comme les purs rayonsde la céleste flamme, 6+6 a
Elle a dû dès l’auroreenvironner notre âme, 6+6 a
De l’esprit par l’amourdescendre dans les cœurs, 6+6 b
160 S’unir au souvenir,se fondre dans les mœurs ; 6+6 b
Ainsi qu’un grain fécondque l’hiver couvre encore, 6+6 a
Dans notre sein longtempsgermer avant d’éclore ; 6+6 a
Et, quand l’homme a passéson orageux été, 6+6 b
Donner son fruit divinpour l’immortalité. 6+6 b
165 Soleil mystérieux,flambeau d’une autre sphère, 6+6 a
Prête à mes yeux mourantsta mystique lumière ! 6+6 a
Pars du sein du Très-Haut,rayon consolateur ! 6+6 b
Astre vivifiant,lève-toi dans mon cœur ! 6+6 b
Hélas ! je n’ai que toi :dans mes heures funèbres, 6+6 a
170 Ma raison qui pâlitm’abandonne aux ténèbres ; 6+6 a
Cette raison superbe,insuffisant flambeau, 6+6 b
S’éteint comme la vieaux portes du tombeau. 6+6 b
Viens donc la remplacer,ô céleste lumière ! 6+6 a
Viens d’un jour sans nuageinonder ma paupière ; 6+6 a
175 Tiens-moi lieu du soleilque je ne dois plus voir, 6+6 b
Et brille à l’horizoncomme l’astre du soir ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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