Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAC_3/LAC245
Auguste LACAUSSADE
Les Épaves
1876
ULTIMA VERBA
STANCES A G. LEOPARDI
La lyre peut chanter tout ce que l'âme rêve.
SOUMET.
O Maître ! longuement | j'ai pensé ta pensée, 6+6 a
Et mon cœur a gémi | ce qu'a gémi ton cœur ; 6+6 b
Revivant après toi | ta souffrance passée, 6+6 a
J'ai de tes jours amers | bu l'amère liqueur. 6+6 b
5 De tes déceptions | la moisson m'est connue ; 6+6 a
Le sort ne me fut pas | et plus qu'à toi léger : 6+6 b
Comme toi j'ai trouvé | la vie et lourde et nue ; 6+6 a
Rien de l'homme ici-bas | n'est à l'homme étranger. 6+6 b
Des maux par nous subis | en nous est la mesure : 6+6 a
10 Plus l'âme est grande, plus | l'âme est apte à souffrir. 6+6 b
Il faut l'horizon vaste | à la vaste envergure ; 6+6 a
Étouffé dans son vol, | l'aigle aspire à mourir. 6+6 b
Le solitaire ennui | fut ta pire souffrance ; 6+6 a
Un idéal trop haut | éblouissait tes yeux. 6+6 b
15 Le réel a tué | dans ton cœur l'espérance : 6+6 a
Trahi par ses dieux, l'homme | est plus grand que ses dieux ! 6+6 b
Le siècle où tu naquis, | le monde et la nature, 6+6 a
Ignorant ton désir, | ignoraient ton tourment : 6+6 b
L'étroitesse des uns | et de tous l'imposture 6+6 a
20 T'ont fait l'altier martyr | de ton isolement. 6+6 b
Être seul, toujours seul, | seul avec sa pensée, 6+6 a
Se nourrir de son cœur | et de son cœur mourir, 6+6 b
Refouler dans son sein | sa tendresse offensée, 6+6 a
O vide ! et que Dieu seul | ici-bas peut remplir. 6+6 b
25 Ce Dieu, tu l'as cherché | sous ses milles symboles, 6+6 a
Gravissant pour l'atteindre | aux plus ardus sommets ; 6+6 b
Dans ses cultes divers, | dogmes et paraboles, 6+6 a
Le percevant toujours, | ne l'atteignant jamais ! 6+6 b
Maître ! dans le fini | l'Infini se limite ; 6+6 a
30 Il s'y montre et s'affirme, | et de son unité 6+6 b
Dévoile à l'âme humaine | où son essence habite, 6+6 a
Ce qu'en peut embrasser | un esprit limité. 6+6 b
Pressentir l'Absolu, | ce n'est point le connaître ; 6+6 a
Mais comment, s'il n'est pas, | comment le pressentir ? 6+6 b
35 Si l'être le conçoit, | c'est qu'il est dans cet être ; 6+6 a
Si l'âme aspire à lui, | c'est qu'elle en dut sortir. 6+6 b
O poète ! ô penseur ! | vers lui tu devais tendre, 6+6 a
Comme l'aimant au pôle, | au foyer le banni. 6+6 b
Il suffit de l'aimer, | tu voulus le comprendre : 6+6 a
40 Le fini peut-il donc | comprendre l'Infini ! 6+6 b
A ton tour tu sondas | du mal le noir problème, 6+6 a
Gouffre où l'âme erre et sombre | et gémit sans témoins. 6+6 b
De l'abîme muet | tu revins morne et blême, 6+6 a
Avec le doute en plus | et l'espérance en moins. 6+6 b
45 Douter ! et notre cœur | nous sollicite à croire ; 6+6 a
Croire ! et notre raison | ne peut justifier 6+6 b
La foi… Des deux côtés | même effort illusoire ! 6+6 a
Affirmer n'est pas plus | de l'homme que nier. 6+6 b
Ton lot est d'ignorer, | ô pauvre intelligence ! 6+6 a
50 Le mot par nous cherché | peut-être est-il ailleurs… 6+6 b
Que faire ? — S'avouant | son humaine indigence, 6+6 a
Attendre… avec l'espoir | d'une aube aux jours meilleurs. 6+6 b
Toi, tu désespéras ! | L'insoluble mystère 6+6 a
Du songeur anxieux | a fait un révolté. 6+6 b
55 A voir l'œuvre du Mal | dans l'homme et sur la terre, 6+6 a
Tu conclus de la vie | à la fatalité. 6+6 b
La vie est-elle un bien | à tant de maux en proie ? 6+6 a
La terre enfante autant | de monstres que de fleurs. 6+6 b
Au prix de quels chagrins | payons-nous une joie ? 6+6 a
60 Quel bonheur expierait | ici-bas nos malheurs ! 6+6 b
Produire incessamment | pour détruire sans cesse, 6+6 a
Travailler pour la Mort, | voilà ton but certain, 6+6 b
O Nature ! Au profit | de la noire déesse, 6+6 a
Tu n'es que l'instrument | aveugle du Destin. 6+6 b
65 Charmé dans ses désirs | par tes beautés complices, 6+6 a
L'être créé devient | à son tour créateur ; 6+6 b
Et, stupide artisan | de ses propres supplices, 6+6 a
En transmettant la vie, | il transmet la douleur. 6+6 b
O songeur, à tes yeux | tel apparut ce monde, 6+6 a
70 Un monde où les vivants, | tristes jouets du sort, 6+6 b
Se dévorent entre eux | dans leur lutte inféconde, 6+6 a
Et, du néant sortis, | y rentrent par la mort. 6+6 b
La plante, l'animal, | l'homme souffre et soupire ; 6+6 a
Dans la création | où donc est la bonté ? 6+6 b
75 Voyant partout le Mal | dont tout subit l'empire, 6+6 a
Tu conclus de son règne | à la fatalité. 6+6 b
Fatalité, néant, | destin, mots creux et vides : 6+6 a
Le mystère y persiste | insondable et cruel. 6+6 b
Le problème divin | dont nos cœurs sont avides, 6+6 a
80 Inexpliqué toujours, | toujours reste éternel. 6+6 b
Le Destin ! Il énerve | en nous les mâles fibres. 6+6 a
Que devient sous son joug | l'humaine volonté ? 6+6 b
Non ! le Destin n'est pas | le Dieu des âmes libres : 6+6 a
De l'homme contre lui | proteste la fierté. 6+6 b
85 Le néant ! — autre énigme | impossible à comprendre. 6+6 a
Certes, j'y voudrais croire | et m'y réfugier ! 6+6 b
Qui donc ayant vécu | ne voudrait y descendre ?… 6+6 a
Oh ! s'éteindre à jamais, | à jamais oublier ! 6+6 b
Oublier ! ne plus voir | les choses qu'on a vues : 6+6 a
90 Iniquité, mensonge, | astuce, trahison ! 6+6 b
Fermer son âme aux deuils | des tendresses déçues, 6+6 a
Clore au dégoût son cœur | et sa lèvre au poison ! 6+6 b
S'affranchir de ces soifs | que rien ne désaltère : 6+6 a
La justice, le vrai, | le beau ! Ne plus mourir 6+6 b
95 Le rêve d'un bonheur | qui n'est pas de la terre ! 6+6 a
Ne plus aimer, ne plus | haïr, ne plus souffrir ! 6+6 b
Échapper à jamais | à ses propres bassesses, 6+6 a
Au mépris de soi-même, | et peut-être au remords ; 6+6 b
Fuir des vivants menteurs | les menteuses promesses ; 6+6 a
100 Ne plus se souvenir, | hélas ! même des morts ! 6+6 b
Se reposer enfin | des hontes de la vie, 6+6 a
Perdre la conscience, | enfin, d'avoir été ! 6+6 b
Si tu l'as ce pouvoir | qui fait que tout s'oublie, 6+6 a
Reprends-moi dans ton sein, | ô Néant ! ô Léthé ! 6+6 b
105 Mais tu n'es, ô Néant ! | toi-même qu'un mensonge, 6+6 a
Par la désespérance | et le doute inventé. 6+6 b
Un invincible instinct | te réprouve et nous ronge : 6+6 a
Tout ce qui vit aspire | à l'immortalité. 6+6 b
Que nous veut ce désir | inné de se survivre ? 6+6 a
110 Si la vie est un mal, | pourquoi la désirer ? 6+6 b
Hélas ! ce lâche instinct | dont rien ne nous délivre, 6+6 a
Ajoute aux autres maux | la douleur d'espérer. 6+6 b
Quand le fini s'éteint, | l'Infini s'en exhale 6+6 a
Et se rallume ailleurs. | — Où ? comment et pourquoi ? 6+6 b
115 Seul il le sait, Celui | dont l'aube virginale, 6+6 a
Succédant à la nuit, | nous révèle la loi, 6+6 b
L'inexorable loi | qui veut que la lumière 6+6 a
Précède et suive l'ombre, | et l'ombre la clarté ; 6+6 b
Qui veut qu'en nous l'esprit | s'accouple à la matière, 6+6 a
120 L'âme au corps, la pensée | à l'animalité. 6+6 b
Pour paraître souffrir, | souffrir pour disparaître, 6+6 a
Entre ces deux moments | penser l'éternité, 6+6 b
Voilà l'homme. — Aspirer | est la fin de notre être ; 6+6 a
Se résigner, le but | de notre liberté. 6+6 b
125 Eh bien, résignons-nous ! | Il se peut que la vie 6+6 a
Soit d'un monde étoilé | la révélation, 6+6 b
L'épreuve méritoire | où le ciel nous convie, 6+6 a
Et de l'âme en travail | la libre ascension. 6+6 b
Ce but vaut qu'on le tente, | ô poète stoïque, 6+6 a
130 Mâle et sincère esprit, | toi le dernier Romain ! 6+6 b
Il était d'un cœur tendre | et d'une âme héroïque 6+6 a
D'étreindre l'Absolu | d'un espoir surhumain. 6+6 b
Cette lutte allait bien | à ton altier courage 6+6 a
D'affronter l'aventure | au port mystérieux, 6+6 b
135 De voir si l'espérance | en nous n'est qu'un mirage, 6+6 a
Ou l'aube dont le jour | doit éblouir nos yeux ; 6+6 b
Si la terre et le ciel, | les mondes, la nature, 6+6 a
Les astres et les fleurs, | si tout cet univers 6+6 b
N'est rien, rien qu'une immense | et splendide imposture, 6+6 a
140 Ou l'Être irradiant | en ses aspects divers. 6+6 b
Atteindre l'Unité | dans son essence même, 6+6 a
Y trouver de la vie | et l'excuse et le prix ; 6+6 b
Attendre jusque-là | pour nier ; — l'anathème 6+6 a
Doit-il donc devancer | l'heure où tous est compris ? — 6+6 b
145 Et librement vouloir, | sous sa clarté sereine, 6+6 a
Ce que veut l'infaillible | et fixe Volonté ; 6+6 b
Voilà l'œuvre imposée | à la pensée humaine, 6+6 a
Voilà sa fin suprême | et sa félicité. 6+6 b
L'attente est longue, et longue | à franchir est la route. 6+6 a
150 Pour distraire et tromper | les longueurs du chemin, 6+6 b
L'un a l'ambition, | le pouvoir qu'on redoute, 6+6 a
Le sceptre sous lequel | paît le bétail humain. 6+6 b
L'autre a la gloire et l'or, | l'autre a la poésie : 6+6 a
Le rêve ou l'action | nous leurre à notre insu. 6+6 b
155 Tel s'oublie aux divins | mensonges d'Aspasie, 6+6 a
Qui gémit au réveil | sur l'idéal déçu. 6+6 b
L'un cherche dans le cloître | et l'autre dans l'étude 6+6 a
Ce repos qui du cœur | des vivants est banni ; 6+6 b
Mais, volupté, pouvoir, | richesse, solitude, 6+6 a
160 Rien ne peut nous guérir | du mal de l'Infini. 6+6 b
Pour l'assoupir en nous | la prodigue Nature 6+6 a
De ses multiples dons | nous offre le secours. 6+6 b
Selon nos appétits | variant la pâture, 6+6 a
Elle occupe et distrait | pour nous l'ennui des jours. 6+6 b
165 Et toi-même, ô poète ! | au plus fort de la lutte, 6+6 a
Pour éprouver ces dons | vides et mensongers, 6+6 b
N'as tu pas eu ton jour, | ton heure, ta minute ? 6+6 a
Ne te plains pas : j'en sais | de moins bien partagés. 6+6 b
Ceux-là dans leur obscur | et dur pèlerinage, 6+6 a
170 Sans trouver l'oasis | au désert ont erré ; 6+6 b
Ils ont marché sans halte | et dès le premier âge : 6+6 a
Rude fut le chemin | à leurs pas mesuré. 6+6 b
Ceux-là n'ont rencontré | sous l'astre qui flamboie 6+6 a
Ni le puits du pasteur, | ni l'ombre du palmier. 6+6 b
175 Tout leur fut refusé ! | — Seule et suprême joie, 6+6 a
Ils sont morts dans leur culte | et leur rêve premier. 6+6 b
Toi, du moins, tu connus | dans la mêlée austère, 6+6 a
A l'heure noire où tout | nous semble sans pitié, 6+6 b
Les deux biens les plus grands | qui soient sur cette terre : 6+6 a
180 La sainte poésie | et la sainte amitié ! 6+6 b
La première à tes yeux | transfigurant les choses, 6+6 a
D'un voile éblouissant | t'en cachait la hideur ; 6+6 b
Épousant ta tristesse | aux jours les plus moroses, 6+6 a
Entre la vie et toi | l'autre avait mis son cœur. 6+6 b
185 D'un double dévoûment | ineffables modèles, 6+6 a
Consolant tour à tour | ton cœur et ton esprit, 6+6 b
Toutes deux à l'envi | te restèrent fidèles 6+6 a
Jusqu'à l'heure où la Mort | dans leurs bras te surprit. 6+6 b
O Poésie ! heureux | qui de ton miel s'abreuve. 6+6 a
190 Et quels que soient ses maux | sous un ciel rigoureux, 6+6 b
Celui qui t'a trouvée | aux heures de l'épreuve, 6+6 a
Celui-là ne peut pas | se dire malheureux. 6+6 b
Il a connu par toi | les plus hautes ivresses 6+6 a
Qu'à l'homme il soit donné | de connaître ici-bas ; 6+6 b
195 De terrestres tu fis | devines ses tendresses, 6+6 a
Et le monde étoilé | s'ouvrit devant ses pas. 6+6 b
Tu consacres l'élu | que ta grâce visite. 6+6 a
De céleste origine | et fille de l'azur, 6+6 b
Tu n'habitas jamais | que les âmes d'élite : 6+6 a
200 L'esprit sincère et droit, | le cœur loyal et pur. 6+6 b
L'impur, le déloyal, | le parjure, le fourbe, 6+6 a
Le traître à l'amitié, | l'ingrat aux instincts bas, 6+6 b
Rimant leurs lâchetés, | peuvent, ignoble tourbe, 6+6 a
Se réclamer de toi, | — tu ne les connais pas ! 6+6 b
205 La sphère est idéale | où se meuvent tes ailes ; 6+6 a
L'Art seul n'y peut atteindre, | et ses rythmes sont vains 6+6 b
A traduire les cœurs | où brûlent de saints zèles : 6+6 a
Ils n'ont d'écho vivant | qu'en tes verbes divins. 6+6 b
Car tu donnes la vie | à tout ce que tu touches, 6+6 a
210 A tout, même à l'erreur | pour sa sincérité ; 6+6 b
Et les doutes amers, | les blasphèmes farouches 6+6 a
Ne tiennent que de toi | leur immortalité. 6+6 b
Immortels sont les cris | où vibre une âme ardente, 6+6 a
Une âme ayant vécu | ses cris désespérés ! 6+6 b
215 Immortels, les défis | altiers d'un autre Dante ! 6+6 a
Absous par toi, ses chants | pour nous restent sacrés. 6+6 b
Et toi, noble Amitié, | toi la réparatrice 6+6 a
Des misères qu'inflige | à l'homme le Destin, 6+6 b
Des muettes douleurs | seule consolatrice, 6+6 a
220 Fidèle au soir brumeux | comme au riant matin ; 6+6 b
Tendresse d'énergie | et de douceur trempée, 6+6 a
Toi des trésors du cœur, | le plus pur diamant, 6+6 b
Franche comme l'acier, | sûre comme l'épée, 6+6 a
Virile passion | faite de dévoûment ; 6+6 b
225 Toi que vendit le juif | Judas, l'âme de boue ; 6+6 a
Toi, foyer pour le cœur | et pour l'esprit flambeau ; 6+6 b
Toi dont le deuil fervent, | de longs pleurs sur la joue, 6+6 a
Ressuscite Lazare | et l'arrache au tombeau ; 6+6 b
Du frère et de la sœur | ineffable mélange, 6+6 a
230 Toi qui domptes la Mort, | qui survis à l'adieu ; 6+6 b
Toi le seul bien qui puisse | à l'homme envier l'ange ; 6+6 a
Toi que possède seul | l'homme béni de Dieu ; 6+6 b
Sois bénie à ton tour, | Amitié, sois bénie ! 6+6 a
La Poésie et toi, | le rêve et la bonté, 6+6 b
235 Vous avez consolé | d'un douloureux génie 6+6 a
Et l'entier désespoir | et l'amère fierté ! 6+6 b
Émules par le zèle | et la sollicitude, 6+6 a
Adoucissant pour lui | les misères du sort, 6+6 b
Vous ne l'avez quitté, | sœurs de sa solitude, 6+6 a
240 Qu'endormi pour toujours | sur le sein de la Mort ; 6+6 b
Sur ce sein virginal | et muet où sa tête 6+6 a
Voulait tant reposer | pour la nuit sans réveil ; 6+6 b
Où tout trouble s'apaise, | où l'homme et le poète 6+6 a
A trouvé le repos | de l'éternel sommeil ! 6+6 b
245 Maître ! aujourd'hui pour toi | les voiles du mystère 6+6 a
Sont tombés, le problème | est enfin résolu. 6+6 b
Des entraves du corps, | des liens de la terre 6+6 a
Libéré, ton esprit | contemple l'Absolu. 6+6 b
Immanente clarté, | la suprême Évidence 6+6 a
250 Te pénètre ; tu sais | et tu comprends, — tu vois ! 6+6 b
Le dieu hasard a fait | place à la Providence : 6+6 a
Les mondes dans leur marche | en proclament les lois. 6+6 b
Le mal, l'erreur, l'orgueil, | le doute, la souffrance, 6+6 a
Ces hôtes d'ici-bas, | sont inconnus ailleurs : 6+6 b
255 Devant la Vérité | fuit avec l'ignorance 6+6 a
Le ténébreux essaim | des terrestres douleurs. 6+6 b
Au fini l'Infini | se fait intelligible ; 6+6 a
Ce que l'âme a songé | peuple les firmaments : 6+6 b
L'esprit plongé dans l'Être, | à l'esprit seul visible, 6+6 a
260 Y voit réalisés | tous ses pressentiments. 6+6 b
Ses aspirations | n'étaient point mensongères : 6+6 a
Le vrai, le beau, le bien, | par qui l'homme est hanté, 6+6 b
Toutes ces visions, | célestes messagères, 6+6 a
Ont leur source et leur fin | dans la Divinité. 6+6 b
265 L'être à la créature | a tenu ses promesses : 6+6 a
Tout ce qu'elle a pensé, | tout ce qu'elle a rêvé, 6+6 b
Le songe qui charmait | et berçait ses tristesses, 6+6 a
Commencé sur la terre, | au ciel est achevé. 6+6 b
Tu t'expliques enfin | et l'épreuve et la lutte : 6+6 a
270 Né libre, l'homme atteste | ainsi sa liberté. 6+6 b
Arbitre de son sort | dans l'audace ou la chute, 6+6 a
Lui-même il fait son mal | ou sa félicité. 6+6 b
Tu comprends désormais | le but de la souffrance : 6+6 a
De l'Idéal par elle | on monte les degrés. 6+6 b
275 O Poète ! aujourd'hui, | tu le vois, l'espérance 6+6 a
N'a point trompé les vœux | par la Muse inspirés. 6+6 b
Le désespoir, la haine | amère, l'ironie 6+6 a
Désunissent les cœurs | que l'amour doit unir. 6+6 b
La voix au timbre d'or | n'est donnée au génie 6+6 a
280 Que pour prier, guider, | consoler et bénir. 6+6 b
Sous le dais sidéral | des demeures heureuses 6+6 a
Où sont les précurseurs, | où sont tes grands aïeux, 6+6 b
Simonide et Virgile | aux voix mélodieuses, 6+6 a
Et Dante ont salué | ta bienvenue aux cieux. 6+6 b
285 Ils accueillent chez toi | le culte à la Patrie, 6+6 a
Le dévoûment au Vrai, | comme à la Liberté ; 6+6 b
Leur âme palpitait | dans ton âme meurtrie : 6+6 a
Ta place est auprès d'eux | dans la sainte Cité. 6+6 b
Baignant dans la lumière | auguste et fraternelle 6+6 a
290 Des yeux que désormais | la Mort ne peut fermer, 6+6 b
Ton esprit goûte enfin | dans la paix éternelle 6+6 a
Le suprême bonheur | de connaître et d'aimer. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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