Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAC_3/LAC139
Auguste LACAUSSADE
Les Épaves
1876
LE POÈTE ET LA VIE
AU MAÎTRE ET À L'AMI
À
MON CHER AUGUSTE BARBIER
CE POÈME EST DÉDIÉ
Thou, Nature, partial Nature, I arraign ;
Of thy caprice maternal I complain
The lion and the bull thy care have found,
One shakes the forests, and one spurns the ground.
Thy minions, kings defend, control, devour,
In all th'omnipotence of rule and power. —
But, oh ! Thou bitter step-mother and hard,
To the poor, fenceless, naked child — the Bard !
BURNS.
Voulez-vous connaître le mécanisme de la pensée
et ses effets, lisez les poètes. Voulez-vous
connaître la morale, la politique, lisez les poètes.
Ce qui vous plaît chez eux, approfondissez-le :
c'est le vrai. Ils doivent être la grande étude du
philosophe qui veut connaître l'homme.
J. JOUBERT.
I
S'il est sous le soleilun être misérable, 6+6 a
Un être au front marquéd'une angoisse incurable, 6+6 a
Un douloureux esprit,un ardent désœuvré, 6+6 b
Un cœur d'amour avideet de bonheur sevré, 6+6 b
5 C'est bien ce fou sublimeaux chimères troublées, 6+6 a
Le fervent sectateurdes Neuf Déguenillées. 6+6 a
Des humaines douleurscumulant les trésors, 6+6 b
Aux maux de l'âme il jointles misères du corps. 6+6 b
Faible et nu, contre luitout s'arme et le torture. 6+6 a
10 Il t'accuse à bon droit,ô marâtre Nature ! 6+6 a
Quel que soit le limondont l'a pétri ta main, 6+6 b
Le poète, à coup sûr,n'est pas ton Benjamin. 6+6 b
Bonne à tous, pour lui seulimprévoyante ou dure, 6+6 a
Tu n'as point en souciles peines qu'il endure ; 6+6 a
15 Ton âme reste sourdeau cri de ses besoins. 6+6 b
Chaque être, cependant,est l'objet de tes soins : 6+6 b
Le loup a la forêt,le lion son repaire ; 6+6 a
D'astuce tu pourvusla femme et la vipère ; 6+6 a
Prodigue aux plus cruels,tu donnas, à leur tour, 6+6 b
20 Sa forte griffe au tigreet son bec au vautour ; 6+6 b
D'un cuir chaud et velutu revêtis l'onagre, 6+6 a
Et d'un manteau brodéle sénateur podagre ; 6+6 a
Dans sa robe de dardss'en va le hérisson ; 6+6 b
Sûr au moins d'un abri,rampe le limaçon ; 6+6 b
25 Quand elle a bu des fruitsla sève parfumée, 6+6 a
Dans sa cellule dortla guêpe envenimée ; 6+6 a
Les rois, tes favoris,un globe dans la main, 6+6 b
Versent en paix le sanget l'or du genre humain ; 6+6 b
Le bureaucrate altiervit de réponses rogues ; 6+6 a
30 L'avocat vend des mots,le docteur vend des drogues ; 6+6 a
Pour piège et pour logisl'araignée a ses fils ; 6+6 b
Diplomate et renardtrament des tours subtils ; 6+6 b
Le lièvre et le poltron,la duègne et la tortue 6+6 a
Broutent tranquillementleurs feuilles de laitue ; 6+6 a
35 Le Juif et le marchand,putois de la cité, 6+6 b
Dans leurs comptoirs infectsvolent en sûreté ; 6+6 b
Et tous, bêtes et gens,race à qui rien ne pèse, 6+6 a
Tout cela dans ton sein,Nature ! est à son aise : 6+6 a
Ouvrant de larges brasà ta postérité, 6+6 b
40 Tu fus clémente à tous,au poète excepté. 6+6 b
II
Partiale Nature !aigre et dure nourrice ! 6+6 a
Aveugle est ton amourou cruel ton caprice. 6+6 a
Et pourtant, si quelqu'unest digne de pitié, 6+6 b
C'est bien ce grand enfant,idiot à moitié, 6+6 b
45 Qui, pensif et distraitaux pièges qu'on lui dresse, 6+6 a
Incapable de ruseou de mondaine adresse, 6+6 a
S'en va, les yeux au ciel,donner à chaque pas 6+6 b
Contre une terre hostileet qu'il ne comprend pas. 6+6 b
Pour esquiver du sortles fantasques colères, 6+6 a
50 Si du lièvre il avait,du moins, les pieds célères ! 6+6 a
Comme le daim vaguantdans l'épaisseur des bois, 6+6 b
Fuyant des envieuxles féroces abois, 6+6 b
S'il pouvait oublierla meute et ses morsures ! 6+6 a
Pour éventrer les chiensles cerfs ont leurs ramures, 6+6 a
55 Mais les siennes, à lui,sont celles dont l'hymen 6+6 b
Pare les plus grands frontsd'une discrète main, 6+6 b
Celles qu'une Béjartplante au front d'un Molière ! 6+6 a
Du superbe Mammonflairant la crasse altière, 6+6 a
Chiens et flatteurs, du moins,ont dos souple et nez fin. 6+6 b
60 Lui, faute de bassesse,il aura froid et faim. 6+6 b
Sa sensibilité,triste objet de risée, 6+6 a
Comme un vivant sans peau,marche à tout exposée : 6+6 a
Au centuple il subitdans son âme et sa chair 6+6 b
Et l'insulte du sotet l'injure de l'air. 6+6 b
65 Couronné, comme Hamlet,de sa fierté souffrante, 6+6 a
Il va trnant partoutson insanie errante. 6+6 a
III
Ô symbole éterneldes plus hautes douleurs, 6+6 b
Déshérité splendideaux navrantes pâleurs, 6+6 b
Ce monde au cœur de fer,que la lyre importune, 6+6 a
70 Jamais ne comprendraton auguste infortune ! 6+6 a
Ne souonnant qu'un fousous ses divins haillons, 6+6 b
Les courtisans laquaisjappent sur ses talons ; 6+6 b
Mais le vieux Claudius,fratricide adultère, 6+6 a
En tout ceci pressentun sinistre mystère : 6+6 a
75 Des lèvres du rêveuril tombe quelquefois 6+6 b
De ces mots ambigus,menaçants pour les rois, 6+6 b
Qui du peuple Midasfont dresser les oreilles. 6+6 a
Depuis lors, il est bruitde choses sans pareilles, 6+6 a
D'un fantôme apparu,de forfaits dévoilés, 6+6 b
80 De crimes triomphantset de droits violés ; 6+6 b
D'une aube expiatoire cette Ombre égorgée 6+6 a
Sortira du cercueilradieuse et vengée ; 6+6 a
D'un Dieu lent à puniret prompt à pardonner, 6+6 b
Mais dont l'heure tardiveà la fin va sonner ; 6+6 b
85 De mille autres proposet rêves fatidiques, 6+6 a
Tels qu'il en doit sortirdes cerveaux lunatiques. 6+6 a
Croire au ciel ! croire à Dieu !pauvre tête à l'envers !… 6+6 b
Sont-ce des mots sans suiteou des dessins pervers ?… 6+6 b
Polonius en rit ;mais Claudius, plus sage, 6+6 a
90 De l'envoyé bizarrea compris le message. 6+6 a
Il aura l'œil sur lui :deux amis, fins limiers, 6+6 b
Épîront ses regards,ses gestes familiers. 6+6 b
Tous les moyens sont pursquand le but est l'empire. 6+6 a
Qui parle ainsi de droitscontre l'État conspire. 6+6 a
95 D'intimes conseillersun collège appelé 6+6 b
A reconnu qu'Hamleta le crâne fêlé, 6+6 b
Que ce visionnaireà verbe de prophète 6+6 a
Pour la ville et la courest un vrai trouble-fête ; 6+6 a
Qu'il se faut défierde ces êtres nerveux 6+6 b
100 Et pâles, et couvantl'éclair sous leurs cheveux ; 6+6 b
Qu'il est temps que l'État,l'arbre aux rameaux utiles, 6+6 a
Sème aux vents de l'exilses branches infertiles, 6+6 a
Et cætera. — Platon,à son tour consulté, 6+6 b
Opine pour qu'il soiten tout honneur traité : 6+6 b
105 « Avant de le bannirde notre République, 6+6 a
De roses couronnonsce front mélancolique, 6+6 a
Dit le sage, et montronsau vulgaire odieux 6+6 b
En quelle estime on tientun possédé des Dieux. » 6+6 b
Accord touchant ! bientôton crie, à son de trompe, 6+6 a
110 Que la foule s'alarmeà tort, et qu'on la trompe ; 6+6 a
Que tous ces bruits de spectreet d'apparitions, 6+6 b
Présages de malheurs,sont folles visions ; 6+6 b
Que les choses vont bien,que Claudius y veille ; 6+6 a
Que l'État mange et boitet digère à merveille ; 6+6 a
115 Que le seigneur Hamlet,l'orgueil de sa maison, 6+6 b
D'amour pour Ophéliea perdu la raison ; 6+6 b
Mais qu'un rhéteur divin,un mage vénérable, 6+6 a
PLATO, n'a point jugéle malade incurable ; 6+6 a
Qu'il le faudrait distraireet faire voyager, 6+6 b
120 Lui montrer ces doux ciels fleurit l'oranger ; 6+6 b
Que l'air des monts, le bruitcadencé de la vague 6+6 a
Ont un charme apaisantpour le front qui divague ; 6+6 a
Que l'abandon, l'exilavec loisir gté, 6+6 b
Le logos opérant,lui rendront la santé. 6+6 b
125 On dit ; et peuple et cour,Gertrude et la patrie, 6+6 a
D'un fratricide épouxla complice flétrie, 6+6 a
Tous hâtent le départ,et l'aube à sa rougeur 6+6 b
Voit sur les flots passerle pâle voyageur… 6+6 b
Mais, pour que tout concoureau succès qu'on espère, 6+6 a
130 L'Esculape royal,l'incestueux beau-père, 6+6 a
A pris soin de pourvoirla flottante prison 6+6 b
Outre l'espionnage,outre la trahison 6+6 b
D'un bourdonnant essaimde guérisseurs critiques. 6+6 a
IV
Ô critiques, salut !ô frères des moustiques 6+6 a
135 Moins les ailes, salut !Éternels dénigreurs 6+6 b
Qui distillez le fauxet qui vivez d'aigreurs, 6+6 b
Coupe-gorge infestantde votre bande armée 6+6 a
Les bois saints de la Museet de la Renommée, 6+6 a
Nous direz-vous un jourquel venimeux bonheur 6+6 b
140 Vous trouvez à tirersur le noble rêveur, 6+6 b
Qui, près de vous passant,de vous n'eut jamais cure ? 6+6 a
Scorpions embusqués,vous vivez de piqûre ! 6+6 a
De vos trompes suçantla moelle des auteurs, 6+6 b
Sans eux que seriez-vous,insectes contempteurs ? 6+6 b
145 Se gorgeant au soleilde chairs en pourriture, 6+6 a
Vit-on jamais les versconspuer leur pâture ? 6+6 a
Et vous, vermiculets,vous criez, vous bavez 6+6 b
Sur ceux dont vous mangez,sur ceux dont vous vivez ! 6+6 b
Parasites rampeurs,habitants des carnières*, 6+6 a
150 Vermines qui souillezdes lions les crinières, 6+6 a
Pour tout mordre et trouer,tarets aux dards jaloux, 6+6 b
sont vos raisons d'être ?à quoi donc servez-vous ? 6+6 b
Le fumier produit ; vous,vous êtes plus arides 6+6 a
Que les silex brûléspar les soleils torrides. 6+6 a
155 D'anxiétés d'eunuqueet de désirs rongés, 6+6 b
De vos stérilitéssur tous vous vous vengez. 6+6 b
Parbleu ! prenez-vous enau ciel qui vous fit ntre 6+6 a
Pour convoiter la Museet non pour la conntre. 6+6 a
À produire impuissants,qu'avez-vous secondé ? 6+6 b
160 Quel noble esprit par vousfut dans sa marche aidé ? 6+6 b
Vit-on jamais sortirl'utile ou la pratique 6+6 a
Je ne dis pas le beaud'un crâne de critique ? 6+6 a
Et le barde est par vousde bon à rien traité, 6+6 b
De fol, de songe-creuxet d'inutilité. 6+6 b
165 Et sur ce, votre voixjuge, approuve ou gourmande ; 6+6 a
Et vous niez la sèveen dévorant l'amande ; 6+6 a
Et régentant la lyre,et tranchant des hautains, 6+6 b
Dogmatisant au nomdes Grecs et des Latins, 6+6 b
Et parlant prose et verssans en savoir la langue, 6+6 a
170 Et pour le diamantprenant toujours sa gangue, 6+6 a
Et promenant sans finvos myopes flambeaux 6+6 b
Du soleil des vivants,à la nuit des tombeaux, 6+6 b
Ricanant à la mort,insultant à la vie, 6+6 a
Et sans cesse ajoutantle cynisme à l'envie, 6+6 a
175 Il ne vous suffit point,acharnés disséqueurs, 6+6 b
De mordre, — vous raillezen déchirant les cœurs ! 6+6 b
Quoi ! la Muse, pour vousquittant ses chastes voiles, 6+6 a
Vous aurait enseignéle verbe des étoiles ; 6+6 a
Dans la sphère de l'âmeet des divinités 6+6 b
180 Vos yeux auraient accès !… Messieurs, vous vous vantez ! 6+6 b
Et que sauriez-vous voirà ces sacrés mystères ? 6+6 a
Pas si haut ! Dieu vous fitpour d'autres ministères, 6+6 a
Ailleurs est votre place !Exercez vos vertus 6+6 b
Du rôle de Zoïleau rôle d'Anytus. 6+6 b
185 En ces siècles d'opprobre règnent les Tibères, 6+6 a
D'un pouvoir souonneuxfaites-vous les Cerbères, 6+6 a
C'est bien ! et, poursuivantles généreux chanteurs, 6+6 b
Jetez sur leurs talonsvos abois délateurs, 6+6 b
C'est bien ! et si l'un deux,la colère dans l'âme, 6+6 a
190 Proteste au nom du droitcontre un Olympe infâme, 6+6 a
Et, sous le dais bravantle crime couronné, 6+6 b
Venge au moins dans ses versson espoir enchné, 6+6 b
Dénoncez aux faux dieuxle fils des Prométhées ! 6+6 a
Accusez-le d'orgueil !c'est très bien
Ô panthées ! 6+6 a
195 Oh ! qu'il est à proposet qu'il vous sied vraiment, 6+6 b
En ces jours de bassesseet d'avilissement 6+6 b
la peur, l'égoïsmeincline aux platitudes, 6+6 a
De flétrir chez autruiles nobles attitudes ! 6+6 a
Sur ce gouffre l'honneursent partout un écueil, 6+6 b
200 Celui qui se tient droit,vous l'accusez d'orgueil. 6+6 b
Ah ! si vous blâmez tantprès de vous le poète 6+6 a
Qui passe, et libre, et triste,et portant haut la tête, 6+6 a
C'est que de l'homme en luimarche la dignité ; 6+6 b
C'est qu'il a su garderintacte sa fierté ; 6+6 b
205 C'est que, fermant son cœuraux lâches défaillances, 6+6 a
Il n'a point, lui, venduni trahi ses croyances ; 6+6 a
C'est que, resté debout,et fidèle à son Dieu, 6+6 b
De ce qu'il a de trop,vous, vous avez trop peu ! 6+6 b
Mais non ! pour tant crieraux ulcères de l'âme, 6+6 a
210 Pour jeter de si hautet l'insulte et le blâme, 6+6 a
Nul doute que, planantloin de nos passions, 6+6 b
Des vertus votre volhante les régions. 6+6 b
Hélas ! ce vol s'arrêteaux ardoises d'un Louvre. 6+6 a
La domesticitéde ses combles vous couvre ! 6+6 a
215 Des lucarnes ! voilàles sublimes hauteurs 6+6 b
D' vous plongez sur nousvos regards scrutateurs. 6+6 b
Voilà de quels sommets,votre main vengeresse 6+6 a
Châtiant des rimeursla tête pécheresse, 6+6 a
Au nom de l'art, au nomdu bien, au nom du ciel, 6+6 b
220 Vous videz sur leurs frontsl'urne de votre fiel ! 6+6 b
Carnarium
V
Ô fronts ceints de laurierset de mélancolie, 6+6 a
Par l'audace des sotspoussés à la folie, 6+6 a
Ces lauriers douloureux,de tant de pleurs mouillés, 6+6 b
Par d'obscurs mécréantsles verriez-vous souillés ?… 6+6 b
225 Oui ! vivre, c'est souffrir.Brisé par la tempête, 6+6 a
Contre la vague en vainse débat le poète. 6+6 a
Inégale est la lutte !inutile est l'effort ! 6+6 b
Autour de lui descendla nuit lourde du sort. 6+6 b
Sur sa poupe, chantaitune jeune Espérance, 6+6 a
230 Planent de noirs oiseaux,la Haine et la Souffrance. 6+6 a
Battu des flots, poussépar le courant fatal, 6+6 b
Quel port voit-il surgirdans l'ombre ? — L'hôpital. 6+6 b
Il y roule épuiséde lutte et de vieillesse. 6+6 a
Dans ce dernier abriqu'un monde amer lui laisse, 6+6 a
235 Saignant, le cœur tordu,jusque dans l'âme atteint, 6+6 b
Sur lui-même affaissé,d'heure en heure il s'éteint, 6+6 b
Impassible à la haineà ses flancs incrustée, 6+6 a
Mort au ressentimentde sa force insultée ! 6+6 a
Succombant à la tâche,en des champs calcinés, 6+6 b
240 Et servant de pâtureaux dogues acharnés, 6+6 b
Ainsi le fier coursier,mort de faim et de peines, 6+6 a
Gît insensible aux dentsde tous ces « fils de chiennes » ! 6+6 a
La mort, soit ! mais subirleurs dents et leurs abois ! 6+6 b
Saurais-tu donc « mourirsans vider ton carquois », 6+6 b
245 Poète ! Ô Pythien,sur l'engeance aux poils rêches 6+6 a
Fais jaillir et bondiret retenir tes flèches ! 6+6 a
Purge l'air ! montre enfinau fétide agresseur 6+6 b
Quelle force reposeau fond de ta douceur ! 6+6 b
Lève-toi, justicier !et prouve à qui te blesse 6+6 a
250 Que la bonté chez toin'est point de la faiblesse ! 6+6 a
Fais sentir aux frelonsque l'abeille a son dard ! 6+6 b
Frappe ! Pour être justeil n'est jamais trop tard ! 6+6 b
Il fut un âge, hélas !, d'accords altérées, 6+6 a
Tes lèvres ignoraientles rimes acérées ; 6+6 a
255 loin du Mal, les yeuxsur tes astres secrets, 6+6 b
Tu n'en souonnais rienen tes dédains distraits ; 6+6 b
Mais son souffle a troubléles hautes solitudes, 6+6 a
Mais le temps est passédes molles quiétudes, 6+6 a
Mais le rêve a fait placeà la réalité, 6+6 b
260 Mais ton œil s'est ouvertà l'âpre vérité, 6+6 b
Mais en face du sot,du lâche aux airs superbes, 6+6 a
De ta lèvre a jaillil'hymne aux mètres acerbes ; 6+6 a
Mais l'âge et la pensée,en mûrissant tes chants, 6+6 b
S'ils t'ont fait humble aux bons,t'ont fait rude aux méchants ; 6+6 b
265 Mais ton cœur, ô poète !ô nature irascible ! 6+6 a
Dieu ne l'a point pétrid'une argile impassible. 6+6 a
Les triomphes du Malrévoltent tes esprits ! 6+6 b
Dans ton âme inflammableaux véhéments mépris 6+6 b
L'horreur du Mal, l'horreurde son œuvre abhorrée 6+6 a
270 Sait allumer du Bienla colère sacrée. 6+6 a
Adieu donc, solitudeaux bois infréquentés, 6+6 b
Calme des jours, bonheurs,hélas ! trop peu gtés ; 6+6 b
Rêves et cordes d'orde la lyre première, 6+6 a
Déserts peuplés d'oiseaux,de brises, de lumière ! 6+6 a
275 Adieu, forêt ! lac vierge l'âme en son vol pur 6+6 b
Cueillait les bleus lotuset les songes d'azur ! 6+6 b
Adieu, printemps du cœur,aube aux clartés vermeilles, 6+6 a
Frais matins de la Museaux sonores abeilles ! 6+6 a
Adieu, miel de l'Hymette !adieu, placidité !… 6+6 b
280 Et toi, fermente en nous,miel de virilité, 6+6 b
Généreuse liqueurdont l'abeille biblique 6+6 a
Emplissait du lionla gueule symbolique ! 6+6 a
Dans le cœur du poèteen proie aux coups du sort, 6+6 b
Coule, ô mâle ambroisie !ô breuvage du fort ! 6+6 b
VI
285 Mais quoi ! voulant chanter,voici que ta voix pleure, 6+6 a
Muse ! Le siècle est sourdet la plainte est un leurre. 6+6 a
Pour moi, je prise peuces lyriques accès : 6+6 b
Donc restons, en nos vers,prosaïque et français. 6+6 b
Ta bonne humeur, voilàtoute ma convoitise, 6+6 a
290 Mère des vrais heureux,frche et grasse Bêtise ! 6+6 a
Tes fils se portent bien ;et, quels que soient les temps, 6+6 b
Et le monde, et la vie,ils sont toujours contents. 6+6 b
Rien ne trouble chez euxl'égalité de l'âme. 6+6 a
Ce sont de bons fourreauxque n'use point la lame. 6+6 a
295 Que sur la terre en pleurss'obscurcissent les cieux, 6+6 b
N'en dînant pas plus mal,ils n'en dorment que mieux. 6+6 b
Contre les maux publicscuirassés d'indolence, 6+6 a
Sourds aux clameurs d'autrui,digérant en silence, 6+6 a
Indifférents couchéssur leurs bonheurs épais, 6+6 b
300 Pareils au bœuf stupide,ils ruminent en paix. 6+6 b
D'un désastre privési le trait les traverse, 6+6 a
En sursaut réveilléspar la fortune adverse, 6+6 a
Ils disent simplement,cœurs patients et doux, 6+6 b
Que le ciel est aveugleet n'a soin que des fous. 6+6 b
305 Si le sort, leur versantles nectars de la terre, 6+6 a
De liquides rubiscouronne leur cratère, 6+6 a
Leur tranquille égoïsmey boit modérément ; 6+6 b
Ils savent être heureuximperturbablement ! 6+6 b
Tant ils sont convaincus,saturés de largesse, 6+6 a
310 Que des dieux leur fortuneatteste la sagesse. 6+6 a
Seulement, pour ces cœursrésignés aux bienfaits 6+6 b
Du ciel, les mécontentssont des esprits mal faits. 6+6 b
Au bord des étangs verts sa pâture grouille, 6+6 a
Le héron mange ainsigravement sa grenouille, 6+6 a
315 Et s'étonne des crisque pousse au fond des airs 6+6 b
L'aigle battu des ventsou brûlé des éclairs ; 6+6 b
Très sage, il en conclut,en savourant sa proie, 6+6 a
Qu'un aigle, quoi qu'on dise,a moins d'esprit qu'une oie. 6+6 a
Dieu juste ! et c'est donc làla vie ! Et le héron, 6+6 b
320 Le satisfait repu,l'égoïste poltron, 6+6 b
Insultera toujoursceux-là qui dans leur voie 6+6 a
S'en vont sous les éclairs ta main les envoie ! 6+6 a
Et ce n'est point assezdes tourmentes du ciel, 6+6 b
Il faut boire l'outrageet l'éponge de fiel, 6+6 b
325 Et s'entendre crierpar des goujats immondes 6+6 a
Que tout est pour le mieuxdans ce meilleur des mondes ! 6+6 a
Quoi ! leurs maux, à tout prendre,ils les ont mérités !… 6+6 b
Ô des biens d'ici-basvous les déshérités, 6+6 b
À ces bâtards du cœuret de l'intelligence 6+6 a
330 Montrez-vous ! Produisezvos titres de naissance ! 6+6 a
À l'astre paternelvotre droit est pareil, 6+6 b
Poètes ! réclamezvotre place au soleil. 6+6 b
VII
Peuple ! le lys des monts,coupe de parfums pleine, 6+6 a
N'eut jamais en méprisla courge de la plaine. 6+6 a
335 Le rossignol, qui vitde tristesse et de chants, 6+6 b
Du pourceau pour les glandsrespectent les penchants. 6+6 b
De la nature, ô peuple !absente est l'ironie. 6+6 a
Rien de vil, rien de grand tout n'est qu'harmonie. 6+6 a
Les monts, comme la plaine,ont leur utilité. 6+6 b
340 N'accuse point d'orgueilou de stérilité. 6+6 b
Ces masses de granit,dont les crêtes chenues 6+6 a
Portent le poids des ventset la fureur des nues. 6+6 a
Dans ces flancs douloureuxque tu crois en repos 6+6 b
S'élabore le fleuve boiront tes troupeaux. 6+6 b
345 Leurs froids sommets veillantsur les sommeils du monde 6+6 a
Annoncent le leverde l'astre qui féconde. 6+6 a
Le poète a, comme eux,l'esprit dans l'avenir : 6+6 b
Il sent en lui gronderles choses à venir ; 6+6 b
Le siècle qui serasur son front se reflète ; 6+6 a
350 Voilà ce qui lui fait,hélas ! l'âme inquiète, 6+6 a
Et lui met sous les doigtsces verbes flamboyants 6+6 b
Dont il couvre à tes yeuxles murs de tes tyrans. 6+6 b
Et pourtant il sait trop,rêvant orgie et fêtes, 6+6 a
Que ton cœur gte peula voix de tes prophètes ; 6+6 a
355 Que tu priserais mieuxles vins de Balthasar, 6+6 b
Toi qui vendis tes dieuxpour du pain à César ! 6+6 b
Il sait trop bien ton cœur,ce cœur prompt au reproche, 6+6 a
Plus mobile que l'ondeet plus dur que la roche ; 6+6 a
Pleurant le joug du Nilaux fertiles engrais, 6+6 b
360 Pour les oignons d'Égypteil connt tes regrets ; 6+6 b
Il connt ton amourpour Néron et la boue ! 6+6 a
Va ! n'attends pas du moinsque jamais il t'en loue. 6+6 a
Le poète sur toine s'est jamais mépris ; 6+6 b
Mais à tes flatteurs seulsil garde ses mépris. 6+6 b
365 Il a vu ce qu'ont faittes rhéteurs et tes prêtres 6+6 a
Pour avilir chez toile sang fier des ancêtres ; 6+6 a
Dans sa tendresse austère,il te traite en enfant : 6+6 b
De ses justes dégtssa pitié te défend ! 6+6 b
VIII
Oui, tu peux oublierou nier ses tendresses, 6+6 a
370 Tu le retrouverasau jour de tes détresses, 6+6 a
Tu le retrouveras,tel qu'il fut autrefois, 6+6 b
Versant pour ton salutson sang après sa voix. 6+6 b
Sa race est lumineuseet remplit tes annales. 6+6 a
Laisse aboyer l'envieaux sottises banales, 6+6 a
375 Interroge l'histoire,ô peuple ! et ton passé. 6+6 b
Par les déserts, son pieds'est-il jamais lassé ? 6+6 b
Quel cœur jamais plus vasteen ses sollicitudes 6+6 a
Prodigua tant d'amourà tant d'ingratitudes ? 6+6 a
Songe à ce bras puissantqui noya dans les mers 6+6 b
380 Pharaon et l'exil,Pharaon et les fers. 6+6 b
Souviens-toi vers le cielde ces mains étendues, 6+6 a
Conjurant du Très-Hautles foudres suspendues ; 6+6 a
De ces ardents labeurspar qui l'humanité 6+6 b
Du vrai Dieu, du vrai culte,a trouvé l'unité. 6+6 b
385 Le poète est la voixsous les éclairs vibrante, 6+6 a
Qui vers le but promisconduit ta vie errante : 6+6 a
Selon les temps, les lieux,qu'il soit législateur, 6+6 b
Ou prophète, ou soldat,il est ton bienfaiteur. 6+6 b
Vengeant ta libertédes tyrans menacée, 6+6 a
390 Glaive en main il combatet tonne avec Alcée. 6+6 a
Quand les Rois, que la haineintestine enhardit, 6+6 b
Sur le sol des aïeuxposent leur pied maudit, 6+6 b
Le poète s'émeut ;de son âme électrique 6+6 a
Jaillit, comme la foudre,un chant patriotique, 6+6 a
395 Ce chant dont l'étincelle,embrasant tout ton cœur, 6+6 b
D'un combat inégalte fait sortir vainqueur : 6+6 b
Souffle dévastateur,l'hymne aux strophes altières 6+6 a
D'une horde barbarea purgé tes frontières ! 6+6 a
IX
Soixante ans sont passés.Une commotion 6+6 b
400 Soudaine a tout chez toiremis en question, 6+6 b
Et la sociétésur ses bases remue ; 6+6 a
Et charte, et trône, et lois,comme un oiseau qui mue, 6+6 a
Elle a tout secoué.Du royal oripeau 6+6 b
Le phénix éternela dévêtu sa peau. 6+6 b
405 D'un monde qui rents'agitent les problèmes, 6+6 a
Et l'Europe s'ébranle,et les rois, faces blêmes, 6+6 a
Tombent à ce grand ventqui souffle de Paris, 6+6 b
Comme d'un arbre morttombent des fruits pourris. 6+6 b
Ce tremblement subitest fait pour tout confondre ; 6+6 a
410 Sous son pied chacun sentle vieux sol qui s'effondre. 6+6 a
Que sera l'avenir ?Nous doit-il, ô terreurs ! 6+6 b
Ramener du passéles tragiques horreurs ? 6+6 b
L'hyène des faubourgsdéjà partout aboie ; 6+6 a
La grande ville au ventde l'épouvante ondoie ; 6+6 a
415 Le pâle citoyenregarde à l'horizon : 6+6 b
Le ciel est noir ; l'angoissehabite sa maison. 6+6 b
C'est l'inconnu qui monte,et l'esprit le plus ferme 6+6 a
Doute aux maux qu'en ses flancsce vaste orage enferme 6+6 a
Un monde est en travail ;sur le chaos qui bout, 6+6 b
420 Chacun cherche des yeuxquel sauveur est debout. 6+6 b
Quel bras saura dompterou guider la tempête ? 6+6 a
Quel homme ? — Il s'est levé !— Quel est-il ? — Un poète ! 6+6 a
D'un unanime élanporté sur le pavois, 6+6 b
Il parle, et la tourmenteobéit. À sa voix, 6+6 b
425 Croule au sein de nos mursl'échafaud politique ; 6+6 a
Et l'esclavage expireaux bords de l'Atlantique, 6+6 a
Et le droit triomphantvenge un droit outragé. 6+6 b
D'un poids d'iniquitéle monde est allégé ! 6+6 b
L'avenir est conquis !l'humanité respire !… 6+6 a
430 Gloire au législateurque la clémence inspire ! 6+6 a
De la cité nouvelleil n'a rien rejeté, 6+6 b
Rien, — l'exil, le bourreau,l'esclavage excepté ! 6+6 b
Trois mois, l'âme impassibleaux assauts de la houle, 6+6 a
Il conseille, il grandit,il mène à Dieu la foule 6+6 a
435 Quand l'orage est vaincu,de son règne il descend, 6+6 b
Le cœur pur de remords,les mains pures de sang ! 6+6 b
X
D'autres temps sont venus.Un bandit taciturne 6+6 a
A mis le sceau dans l'ombreà sa gloire nocturne. 6+6 a
La liberté frappée,un parlement détruit, 6+6 b
440 Et le pouvoir volé,sont l'œuvre d'une nuit. 6+6 b
Et pour mieux assurerce vol à main armée, 6+6 a
D'or, de vin et de sangil a slé l'armée 6+6 a
Au jour de ton triomphe,ô mère ! ô liberté ! 6+6 b
De la nuit du néanttu l'as ressuscité ; 6+6 b
445 Et parricide ingrat,ce fourbe éclos d'un crime, 6+6 a
Nouveau Macbeth, au litégorge sa victime, 6+6 a
Et dit — du meurtre encorles bras tout ruisselants — 6+6 b
Qu'elle est morte frappéeau cœur par ses enfants ! 6+6 b
Et la fouleô stupeur !ô tourbe misérable ! — 6+6 a
450 L'applaudit et l'absoutde ce meurtre exécrable, 6+6 a
Et dans l'infâme auteurd'un infâme attentat, 6+6 b
Inepte, elle sait voirle sauveur de l'État… 6+6 b
Et quand chacun sous luise tait courbant la tête, 6+6 a
Qui se redresse encoreet le juge ? Un poète ! 6+6 a
455 Tant qu'à la Républiqueun seul souffle est resté, 6+6 b
Du glaive et de la voixle poète a lutté. 6+6 b
Mais quand il vit un peupleentier, qui se renie, 6+6 a
Se coucher dans sa fangeet son ignominie, 6+6 a
Et de ses fers léchantl'enclume et les marteaux, 6+6 b
460 Cynique, se vautrerdans ses instincts brutaux, 6+6 b
Il connut cette angoisse,entre toutes amère, 6+6 a
Qu'endure un fils, hélas !à rougir de sa mère. 6+6 a
Devant tant de misèreet tant d'abaissement 6+6 b
Son cœur s'emplit de honteet de ressentiment. 6+6 b
465 Subir un tel forfait,c'est en être complice ! 6+6 a
L'opprobre du silence !Il vaut mieux le supplice 6+6 a
De l'exil !… Il partit,mais au front du pervers, 6+6 b
Comme Dante, il laissala marque de son vers ! 6+6 b
L'impérial Caïnsur sa face trtresse 6+6 a
470 Porte à jamais le sceaud'une main vengeresse ; 6+6 a
Et le suprême arrêtque ta bouche a dicté, 6+6 b
Ô Muse ! Dieu l'imposeà la postérité ! 6+6 b
XI
Toi, peuple trois fois vil,interroge ton mtre ! 6+6 a
Si le vrai peut sortirde la bouche d'un trtre, 6+6 a
475 Lui-même il te diraquel âpre châtiment 6+6 b
Garde la Muse à quiput trahir son serment ; 6+6 b
De quelles visionsla Voix inexorable 6+6 a
Emplit incessammentson esprit misérable. 6+6 a
De ses remords secretscette Voix est l'écho : 6+6 b
480 Inflexible, pareilleà l'ombre de Banquo, 6+6 b
Elle assiège sa table,elle hante sa couche ; 6+6 a
Et sans cesse il entendcette invincible bouche 6+6 a
Lui crier : « Lève-toi,fourbe ! et d'un sceptre d'or 6+6 b
Dans le sang ramassécharge ta droite encor ! 6+6 b
485 Le sein qui t'accueillitne bat plus, ô couleuvre ! 6+6 a
C'est bien ! Mais hâte-toi !vite, achève ton œuvre ! 6+6 a
Le siècle est ton compliceet l'abîme est content : 6+6 b
Vite, sois empereur,bandit ! l'enfer t'attend ! 6+6 b
Ainsi que pour Judas,le juif au cœur sordide, 6+6 a
490 Il n'est point de pardonpour le liberticide ! » 6+6 a
XII
Poètes ! sur vos frontspèse un siècle de fer. 6+6 b
Il est dur en ses chantsde voir s'ouvrir l'enfer, 6+6 b
Et d'y plonger vivants,et d'un vers implacable, 6+6 a
Ceux-là qu'à réprouvésla Muse irrévocable. 6+6 a
495 Même contre le malla haine est un tourment. 6+6 b
Inflexible est l'esprit,mais le cœur le dément. 6+6 b
Votre orage est pareil,ô natures aimantes ! 6+6 a
À ces climats de flammeaux subites tourmentes : 6+6 a
Le sol tremble, l'abîmeouvre un gouffre effrayant, 6+6 b
500 Mais regardez le ciel !il pleure en foudroyant. 6+6 b
Pleurez ! c'est le destin,mais chantez dans l'orage ! 6+6 a
Plus grand est le péril,plus grand est le courage. 6+6 a
Soyez, puisqu'il le faut,voix faites pour bénir, 6+6 b
Soyez l'écho vengeurde l'intègre avenir !… 6+6 b
505 De trop aimer le bienje sais ce qu'il en cte, 6+6 a
Mais, qu'on le veuille ou non,il faut marcher sa route. 6+6 a
Marchez ! luttez ! buvezdans la gloire ou l'oubli 6+6 b
L'austère voluptédu devoir accompli ! 6+6 b
Certes, le Mal est grand,il est puissant, il règne, 6+6 a
510 Des pouvoirs de la terreil n'est plus rien qu'il craigne ; 6+6 a
Le monde est son complice,et, roi prédestiné, 6+6 b
Trône, au nom de Satan,Claudius couronné. 6+6 b
Mais, si puissant qu'il soit,son règne est transitoire ; 6+6 a
À l'Invisible, un jour,reviendra la victoire ! 6+6 a
515 Songez au Dieu caché,toujours lent à punir, 6+6 b
Mais dont le pied tardifà la fin va venir ! 6+6 b
Comme le noble Hamletque l'inconnu travaille, 6+6 a
D'un fatidique appelvotre âme en vous tressaille. 6+6 a
Esprits nés pour le jour,de lumière affamés, 6+6 b
520 Précurseurs ! répandezvos espoirs enflammés ! 6+6 b
Même à travers l'angoisseet la mélancolie, 6+6 a
Même au prix du bonheur,hélas ! et d'Ophélie, 6+6 a
Marchant à votre but,et prêts à tout souffrir, 6+6 b
Frappez au cœur le Mal,dussiez-vous en mourir ! 6+6 b
525 Oui, plus qu'en d'autres jours,aux jours d'apostasie, 6+6 a
Frères, il est amer,le don de poésie ! 6+6 a
Est-ce un malheur de plus ?une expiation ? 6+6 b
vers les cieux promisune âpre ascension ? 6+6 b
Je ne sais ; mais je saisque ton œuvre est auguste, 6+6 a
530 Muse ! et qu'un Dieu bénitqui saigne au nom du juste. 6+6 a
Si ton culte est mortelà l'esprit inspiré, 6+6 b
Le martyre est fécond !le supplice est sacré ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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