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LAC_2/LAC99
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
LXVIII
Les Soleils de Juillet
A Elle.
Les voici revenus, les jours que vous aimez, 6+6 a
Les longs jours bleus et clairs sous des cieux sans nuage. 6+6 b
La vallée est en fleur, et les bois embaumés 6+6 a
Ouvrent sur les gazons leur balsamique ombrage. 6+6 b
5 Tandis que le soleil, roi du splendide été, 6+6 a
Verse tranquillement sa puissante clarté, 6+6 a
Au pied de ce grand chêne aux ramures superbes, 6+6 a
Amie, asseyons-nous dans la frcheur des herbes ; 6+6 a
Et là, nos longs regards perdus au bord des cieux, 6+6 a
10 Allant des prés fleuris dans l'éther spacieux, 6+6 a
Ensemble contemplons ces beaux coteaux, ces plaines 6+6 a
Où les vents de midi, sous leurs lentes haleines, 6+6 a
Font des blés mûrissants ondoyer les moissons. 6+6 a
Avec moi contemplez ces calmes horizons, 6+6 a
15 Ce transparent azur que la noire hirondelle 6+6 a
Emplit de cris joyeux et franchit d'un coup d'aile ; 6+6 a
Et là-bas ces grands bœufs ruminants et couchés, 6+6 a
Et plus loin ces hameaux d'où montent les clochers, 6+6 a
Et ce château désert, ces croulantes tourelles, 6+6 a
20 Qu'animent de leur vol les blanches tourterelles, 6+6 a
Et ce fleuve paisible au nonchalant détour, 6+6 a
Et ces ravins ombreux, frais abris du pâtour, 6+6 a
Et tout ce paysage, heureux et pacifique, 6+6 a
Où s'épanche à flots d'or un soleil magnifique !… 6+6 a
25 O soleils de juillet ! ô lumière ! ô splendeurs ! 6+6 a
Radieux firmament ! sereines profondeurs ! 6+6 a
Mois puissants qui versez tant de sèves brûlantes 6+6 a
Dans les veines de l'homme et les veines des plantes, 6+6 a
Mois créateurs ! beaux mois ! je vous aime et bénis. 6+6 a
30 Par vous les bois chargés de feuilles et de nids, 6+6 a
S'emplissent de chansons, de tiédeurs et d'arômes. 6+6 a
Les arbres, dans l'azur ouvrant leurs larges dômes, 6+6 a
Balancent sur nos fronts avec l'encens des fleurs 6+6 a
Les voix de la fauvette et des merles siffleurs. 6+6 a
35 Tout est heureux, tout chante, ô saison radieuse ! 6+6 a
Car tout aspire et boit ta flamme glorieuse. 6+6 a
Par toi nous vient la vie, et ta chaude clarté 6+6 a
Mûrit pour le bonheur et pour la volupté 6+6 a
La vierge, cette fleur divine et qui s'ignore. 6+6 a
40 Dans les vallons d'Éden, sereine et pure encore, 6+6 a
Sous tes rayons rêvant son rêve maternel, 6+6 a
A l'ombre des palmiers Ève connût Abel. 6+6 a
Abel dans ses enfants en garde souvenance. 6+6 a
Aussi, quand brûle au ciel ta féconde puissance, 6+6 a
45 O mère des longs jours ! lumineuse saison ! 6+6 a
Oubliant tout, Caïn, l'ombre, la trahison, 6+6 a
La race enfant d'Abel, fille de la lumière, 6+6 a
Race aimante et fidèle à sa bonté première, 6+6 a
Avec l'onde et la fleur, avec le rossignol, 6+6 a
50 Ce qui chante dans l'air ou fleurit sur le sol, 6+6 a
S'en va disant partout devant ta clarté blonde : 6+6 a
« Combien tous les bons cœurs sont heureux d'être au monde ! » 6+6 a
Et moi, je suis des leurs ! Épris d'azur et d'air, 6+6 a
Quand ton astre me luit dans le firmament clair, 6+6 a
55 Avant midi j'accours, sous l'arbre où tu m'accueilles, 6+6 a
Saluer en plein bois la jeunesse des feuilles ! 6+6 a
Là, dans l'herbe caché, seul avec mes pensers, 6+6 a
J'ai bien vite oublié les mauvais jours passés. 6+6 a
Sous les rameaux lustrés où ta clarté ruisselle, 6+6 a
60 Je bois en paix ma part de vie universelle. 6+6 a
Les sens enveloppés de tes tièdes réseaux, 6+6 a
J'écoute autour de moi mes frères les oiseaux ; 6+6 a
Avec l'herbe et l'insecte, avec l'onde et la brise, 6+6 a
Sympathique rêveur, mon esprit fraternise. 6+6 a
65 Voilé d'ombre dorée et les yeux entr'ouverts, 6+6 a
L'âme pleine d'accords, je médite des vers. 6+6 a
Mais si, comme aujourd'hui, ma pâle bien-aie 6+6 a
M'a voulu suivre au bois, sous la haute rae, 6+6 a
Si ma charmante amie aux regards veloutés 6+6 a
70 A voulu tout un jour, pensive à mes côtés, 6+6 a
Oubliant et la ville et la vie et nos chaînes, 6+6 a
Boire avec moi la paix qui tombe des grands chênes ; 6+6 a
Sur les mousses assis, mon front sur ses genoux, 6+6 a
Plongeant mes longs regards dans ses regards si doux, 6+6 a
75 Ah ! je ne rêve plus de vers !… Sous son sourire 6+6 a
Chante au fond de mon âme une ineffable lyre ; 6+6 a
Et des arbres, des fleurs, des grâces de l'été, 6+6 a
Mon œil ne voit, mon cœur ne sent que sa beauté ! 6+6 a
Et dans ses noirs cheveux glissant un doigt timide, 6+6 a
80 J'y pose en frémissant quelque beau lys humide ; 6+6 a
Et, muet à ses pieds, et sa main sur ma main, 6+6 a
J'effeuille vaguement des tiges de jasmin ; 6+6 a
Et leur vive senteur m'enivre, et sur notre âme 6+6 a
Comme un vent tiède passe une haleine de flamme !… 6+6 a
85 O flammes de juillet ! soleils de volupté ! 6+6 a
Saveur des baisers pris dans le bois écarté ! 6+6 a
O chevelure moite et sous des mains aies 6+6 a
S'épandant sur mon front en grappes parfues ! 6+6 a
Des fleurs sous la forêt pénétrante senteur, 6+6 a
90 Arbres de feux baignés, heures de molle ardeur, 6+6 a
Heures où sur notre âme, ivre de solitude, 6+6 a
Le calme des grands bois règne avec plénitude ; 6+6 a
Tranquillité de l'air, soupirs mystérieux, 6+6 a
Dialogue muet des yeux parlant aux yeux ; 6+6 a
95 Longs silences coupés de paroles plus douces 6+6 a
Que les murmures frais de l'eau parmi les mousses ; 6+6 a
O souvenirs cueillis au pied des chênes verts, 6+6 a
Vous vivez dans mon cœur. Vous vivrez dans mes vers ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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