Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_9/HUG774
Victor HUGO
L'année terrible
1872
JUILLET
XII
Terre et cieux ! si le malrégnait, si tout n'était 6+6 a
Qu'un dur labeur, suivid'un infâme protêt, 6+6 a
Si le passé devaitrevenir, si l'eau noire, 6+6 b
Vomie, était rendueà l'homme pour la boire, 6+6 b
5 Si la nuit pouvait faireun affront à l'azur, 6+6 a
Si rien n'était fidèleet si rien n'était sûr, 6+6 a
Dieu devrait se cacherde honte, la nature 6+6 b
Ne serait qu'une lâcheet lugubre imposture, 6+6 b
Les constellationsresplendiraient en vain ! 6+6 a
10 Que l'empyrée abriteun scélérat divin, 6+6 a
Que derrière le voileétoilé de l'abîme 6+6 b
Il se cache quelqu'unqui prémédite un crime, 6+6 b
Que l'homme donnant tout,ses jours, ses pleurs, son sang, 6+6 a
Soit l'auguste jouetd'un lâche Tout-Puissant, 6+6 a
15 Que l'avenir soit faitde méchanceté noire, 6+6 b
C'est ce que pour ma partje refuse de croire. 6+6 b
Non, ce ne serait pasla peine que les vents 6+6 a
Remuassent le flotorageux des vivants, 6+6 a
Que le matin sortîtdes mers, semant des pluies 6+6 b
20 De diamants aux fleursvaguement éblouies, 6+6 b
Et que l'oiseau chantât,et que le monde fût, 6+6 a
Si le destin n'étaitqu'un chasseur à l'affût, 6+6 a
Si tout l'effort de l'hommeenfantait la chimère, 6+6 b
Si l'ombre était sa filleet la cendre sa mère, 6+6 b
25 S'il ramait nuit et jour,voulant, saignant, créant, 6+6 a
Pour une épouvantablearrivée auant ! 6+6 a
Non, je ne consens pasà cette banqueroute. 6+6 b
Zéro somme de tout !Rien au bout de la route ! 6+6 b
Non, l'Infini n'est pointcapable de cela. 6+6 a
30 Quoi, pour berceau Charybdeet pour tombeau Scylla ? 6+6 a
Non, Paris, grand lutteur,France, grande vedette, 6+6 b
En faisant ton devoir,tu fais à Dieu sa dette. 6+6 b
Debout ! combats !
Je saisque Dieu semble incertain 6+6 a
Vu par la claire-voieaffreuse du destin. 6+6 a
35 Ce Dieu, je le redis,a souvent dans les âges 6+6 b
Subi le hochementde tête des vieux sages, 6+6 b
Je sais que l'Inconnune répond à l'appel 6+6 a
Ni du calcul moroseet lourd, ni du scalpel ; 6+6 a
Soit. Mais j'ai foi. La foi,c'est la lumière haute. 6+6 b
40 Ma conscience en moi,c'est Dieu que j'ai pour hôte. 6+6 b
Je puis, par un faux cercle,avec un faux compas, 6+6 a
Le mettre hors du ciel ;mais hors de moi, non pas. 6+6 a
Il est mon gouvernaildans l'écume je vogue. 6+6 b
Si j'écoute mon cœur,j'entends un dialogue. 6+6 b
45 Nous sommes deux au fondde mon esprit, lui, moi. 6+6 a
Il est mon seul espoiret mon unique effroi. 6+6 a
Si par hasard je rêveune faute que j'aime, 6+6 b
Un profond grondements'élève dans moi-même ; 6+6 b
Je dis : Qui donc est là ?l'on me parle ? Pourquoi ? 6+6 a
50 Et mon âme en tremblantme dit : C'est Dieu. Tais-toi. 6+6 a
Quoi ! nier le progrèsterrestre auquel adhère 6+6 b
Le vaste mouvementdu monde solidaire ? 6+6 b
Non, non ! s'il arrivaitque ce Dieu me trompât, 6+6 a
Et qu'il mit l'espéranceen moi comme un appât 6+6 a
55 Pour m'attirer au piège,et me prendre, humble atome, 6+6 b
Entre le présent, songe,et l'avenir, fantôme ; 6+6 b
S'il n'avait d'autre butqu'une dérision ; 6+6 a
Moi l'œil sincère et luila fausse vision, 6+6 a
S'il me leurrait de quelqueexécrable mirage ; 6+6 b
60 S'il offrait la boussoleet donnait le naufrage ; 6+6 b
Si par ma conscienceil faussait ma raison ; 6+6 a
Moi qui ne suis qu'un peud'ombre sur l'horizon, 6+6 a
Moi, néant, je seraisson accusateur sombre ; 6+6 b
Je prendrais à témoinles firmaments sans nombre, 6+6 b
65 J'aurais tout l'infinicontre ce Dieu, je croi 6+6 a
Que les gouffres prendraientfait et cause pour moi ; 6+6 a
Contre ce malfaiteurj'attesterais les astres ; 6+6 b
Je lui rejetteraisnos maux et nos désastres ; 6+6 b
J'aurais tout l'Océanpour m'en laver les mains ; 6+6 a
70 Il ferait mes erreurs,ayant fait mes chemins ; 6+6 a
Je serais l'innocent,il serait le coupable. 6+6 b
Cet être inaccessible,invisible, impalpable, 6+6 b
J'irais, je le verrais,et je le saisirais 6+6 a
Dans les cieux, comme on prendun loup dans les forêts, 6+6 a
75 Et terrible, indigné,calme, extraordinaire, 6+6 b
Je le dénonceraisà son propre tonnerre ! 6+6 b
Oh ! si le mal devaitdemeurer seul debout, 6+6 a
Si le mensonge immenseétait le fond de tout, 6+6 a
Tout se révolterait !Oh ! ce n'est plus un temple 6+6 b
80 Qu'aurait sous les yeux l'hommeen ce ciel qu'il contemple, 6+6 b
Dans la créationpleine d'un vil secret, 6+6 a
Ce n'est plus un pilierde gloire qu'on verrait ; 6+6 a
Ce serait un poteaude bagne et de misère. 6+6 b
A ce poteau seraitadossé le faussaire, 6+6 b
85 A qui tout jetteraitl'opprobre, et que d'en bas 6+6 a
Insulteraient nos deuils,nos haillons, nos grabats, 6+6 a
Notre faim, notre soif,nos vices et nos crimes ; 6+6 b
Vers lui se tourneraientnos bourreaux ses victimes, 6+6 b
Et la guerre et la haine,et les yeux du savoir 6+6 a
90 Crevés, et le moignonsanglant du désespoir ; 6+6 a
Des champs, des bois, des monts,des fleurs empoisonnées, 6+6 b
Du chaos furieuxet fou des destinées, 6+6 b
De tout ce qui parait,dispart, repart, 6+6 a
Une accusationlugubre sortirait ; 6+6 a
95 Le réel suinteraitpar d'affreuses fêlures ; 6+6 b
Les comètes viendraienttordre leurs chevelures ; 6+6 b
L'air dirait : Il me livreaux souffles pluvieux ! 6+6 a
Le ver dirait à l'astre :Il est ton envieux, 6+6 a
Et, pour t'humilier,il nous fait tous deux luire ! 6+6 b
100 L'écueil dirait : C'est luiqui m'ordonne de nuire ! 6+6 b
La mer dirait : Mon fiel,c'est lui. J'en fais l'aveu ! 6+6 a
Et l'univers seraitle pilori de Dieu ! 6+6 a
Ah ! la réalité,c'est un paiement sublime, 6+6 b
Je suis le créanciertranquille de l'abîme ; 6+6 b
105 Mon œil ouvert d'avanceattend les grands réveils. 6+6 a
Non, je ne doute pasdu gouffre des soleils ! 6+6 a
Moi croire vide l'ombre je vois l'astre éclore ! 6+6 b
Quoi, le grand azur noir,quoi, le puits de l'aurore 6+6 b
Serait sans loyauté,promettrait sans tenir ! 6+6 a
110 Non, d' sort le matinsortira l'avenir. 6+6 a
La nature s'engageenvers la destinée ; 6+6 b
L'aube est une paroleéternelle donnée. 6+6 b
Les ténèbres là-hautéclipsent les rayons ; 6+6 a
C'est dans la nuit qu'errantset pensifs, nous croyons ; 6+6 a
115 Le ciel est trouble, obscur,mystérieux ; qu'importe ! 6+6 b
Rien de juste ne frappeen vain à cette porte. 6+6 b
La plainte est un vain cri,le mal est un mot creux ; 6+6 a
J'ai rempli mon devoir,c'est bien, je souffre heureux, 6+6 a
Car toute la justiceest en moi, grain de sable. 6+6 b
120 Quand on fait ce qu'on peuton rend Dieu responsable, 6+6 b
Et je vais devant moi,sachant que rien ne ment, 6+6 a
Sûr de l'honnêtetédu profond firmament ! 6+6 a
Et je crie : Espérez !à quiconque aime et pense ; 6+6 b
Et j'affirme que l'Êtreinconnu qui dépense, 6+6 b
125 Sans compter, les splendeurs,les fleurs, les univers, 6+6 a
Et, comme s'il vidaitdes sacs toujours ouverts, 6+6 a
Les astres, les saisons,les vents, et qui prodigue 6+6 b
Aux monts peant la nue,aux mers rongeant la digue, 6+6 b
Sans relâche, l'azur,l'éclair, le jour, le ciel ; 6+6 a
130 Que celui qui répandun flot torrentiel 6+6 a
De lumière, de vieet d'amour dans l'espace, 6+6 b
J'affirme que celuiqui ne meurt ni ne passe, 6+6 b
Qui fit le monde, un livre le prêtre a mal lu, 6+6 a
Qui donne la beautépour forme à l'absolu, 6+6 a
135 Réel malgré le douteet vrai malgré la fable, 6+6 b
L'éternel, l'infini,Dieu, n'est pas insolvable ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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