Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_9/HUG725
Victor HUGO
L'année terrible
1872
FÉVRIER
V
LOI DE FORMATION DU PROGRÈS
Une dernière guerre !hélas, il la faut ! oui. 6+6 a
Quoi ! le deuil triomphant,le meurtre épanoui, 6+6 a
Sont les conditionsde nos progrès ! Mystère ! 6+6 b
Quel est donc ce travailétrange de la terre ? 6+6 b
5 Quelle est donc cette loidu développement 6+6 a
De l'homme par l'enfer,la peine et le tourment ? 6+6 a
Pour quelque but finaldont notre humble prunelle 6+6 b
N'apeoit même pasla lueur éternelle, 6+6 b
L'être des profondeursa-t-il donc décrété, 6+6 a
10 Dans les azurs sans fondde la sublimité, 6+6 a
Que l'homme ne doit pointfaire un pas qui n'enseigne 6+6 b
De quel pied il chancelleet de quel flanc il saigne, 6+6 b
Que la douleur est l'ordont se paie ici-bas 6+6 a
Le bonheur achetépar tant d'âpres combats ; 6+6 a
15 Que toute Rome doitcommencer par un antre ; 6+6 b
Que tout enfantementdoit déchirer le ventre ; 6+6 b
Qu'en ce monde l'idéeaussi bien que la chair 6+6 a
Doit saigner, et, touchéeen naissant par le fer, 6+6 a
Doit avoir, pour le deuilcomme pour l'espérance, 6+6 b
20 Son mystérieux sceaude vie et de souffrance 6+6 b
Dans cette cicatriceauguste, le nombril ; 6+6 a
Que l'œuf de l'avenir,pour éclore en avril, 6+6 a
Doit être déposédans une chose morte ; 6+6 b
Qu'il faut que le bien naisseet que l'épi mûr sorte 6+6 b
25 De cette plaie en fleurqu'on nomme le sillon, 6+6 a
Que le cri jaillit mieuxen mordant le bâillon ; 6+6 a
Que l'homme doit atteindreà des édens suprêmes, 6+6 b
Dont la porte déjà,dans l'ombre des problèmes, 6+6 b
Appart radieuseà ses yeux enflammés, 6+6 a
30 Mais que les deux battantsen resteront fermés, 6+6 a
Malgré le saint, le christ,le prophète et l'apôtre, 6+6 b
Si Satan n'ouvre l'un,si Caïn n'ouvre l'autre ? 6+6 b
O contradictionsterribles ! d'un côté 6+6 a
On voit la loi de paix,de vie et de bonté 6+6 a
35 Par-dessus l'infinidans les prodiges luire ; 6+6 b
Et de l'autre on écouteune voix triste dire : 6+6 b
— Penseurs, réformateurs,porte-flambeaux, esprits, 6+6 a
Lutteurs, vous atteindrezl'idéal ! à quel prix ? 6+6 a
Au prix du sang, des fers,du deuil, des hécatombes. 6+6 b
40 La route du progrès,c'est le chemin des tombes. — 6+6 b
Voyez : le genre humain,à cette heure opprimé 6+6 a
Par les forces sans yeuxdont ce globe est formé, 6+6 a
Doit vaincre la matière,et, c'est là le problème, 6+6 b
L'enchner, pour se mettreen liberté lui-même. 6+6 b
45 L'homme prend la natureénorme corps à corps ; 6+6 a
Mais comme elle résiste !elle abat les plus forts. 6+6 a
Derrière l'inconnula nuit se barricade ; 6+6 b
Le monde entier n'est plusqu'une vaste embuscade ; 6+6 b
Tout est piège ; le sphinx,avant d'être dompté, 6+6 a
50 Empreint son ongle au flancde l'homme épouvanté ; 6+6 a
Par moments il souritet fait des offres trtres ; 6+6 b
Les savants, les songeurs,ceux qui sont les seuls prêtres, 6+6 b
Cèdent à ces appelsfunèbres et moqueurs ; 6+6 a
L'énigme invite, embrasseet brise ses vainqueurs ; 6+6 a
55 Les éléments, du moinsce qu'ainsi l'erreur nomme, 6+6 b
Ont des attractionsredoutables sur l'homme ; 6+6 b
La terre au flanc profondtente Empédocle, et l'eau 6+6 a
Tente Jason, Diaz,Gama, Marco Polo, 6+6 a
Et Colomb que dirigeau fond des flots sonores 6+6 b
60 Le doigt du cavaliersinistre des Açores ; 6+6 b
Le feu tente Fulton,l'air tente Montgolfier ; 6+6 a
L'homme fait pour tout vaincreose tout défier. 6+6 a
Maintenant regardezles cadavres. La somme 6+6 b
De tous les combattantsque le progrès consomme 6+6 b
65 Étonne le sépulcreet fait rêver la mort. 6+6 a
Combien d'infortunésnoyés dans leur effort 6+6 a
Pour atteindre à des bordsnouveaux et fécondables ! 6+6 b
Les découvertes sontdes filles formidables 6+6 b
Qui dans leur lit tragiqueétouffent leurs amants. 6+6 a
70 O loi ! tous les tombeauxcontiennent des aimants ; 6+6 a
Les grands cœurs ont l'amourlugubre du martyre, 6+6 b
Et le rayonnementdu précipice attire. 6+6 b
Ceux-ci sacrifiant,ceux-là sacrifiés. 6+6 a
Cette croissance humaine vous vous confiez 6+6 a
75 Sur nos difformitésse développe et monte. 6+6 b
Destin terrifiant !tout sert, même la honte ; 6+6 b
La prostitutiona sa fécondité ; 6+6 a
Le crime a son emploidans la fatalité ; 6+6 a
Étant corruption,un germe y peut éclore. 6+6 b
80 Ceci qu'on aime ntde ceci qu'on déplore. 6+6 b
Ce qu'on voit clairement,c'est qu'on souffre. Pourquoi ? 6+6 a
On entre dans le mieuxavec des cris d'effroi ; 6+6 a
On sort presque à regretdu pire l'on séjourne. 6+6 b
Le genre humain gravitun escalier qui tourne 6+6 b
85 Et plonge dans la nuitpour rentrer dans le jour ; 6+6 a
On perd le bien de vueet le mal tour à tour ; 6+6 a
Le meurtre est bon ; la mortsauve ; la loi morale 6+6 b
Se courbe et dispartdans l'obscure spirale. 6+6 b
A de certains moments,à Tyr comme à Sion, 6+6 a
90 Ce qu'on prend pour le crimeest la punition ; 6+6 a
Punition utileet féconde, surnage 6+6 b
On ne sait quelle vieéclose du carnage. 6+6 b
Les dalles de l'histoire,avec leurs affreux tas 6+6 a
De trahisons, de vols,d'ordures, d'attentats, 6+6 a
95 Avec leur effroyableencombrement de boue 6+6 b
de tous les Césarson voit passer la roue, 6+6 b
Avec leurs Tigellins,avec leurs Borgias, 6+6 a
Ne seraient que l'étableinfâme d'Augias, 6+6 a
La latrine et l'égoutdu sort, sans le lavage 6+6 b
100 De sang que par instantsDieu fait sur ce pavage. 6+6 b
C'est dans le sang que Romeet Venise ont fleuri. 6+6 a
Du sang ! et l'on entenddans l'histoire ce cri : 6+6 a
Une aile sort du veret l'un engendre l'autre. 6+6 b
L'âge qui plane est filsdu siècle qui se vautre. — 6+6 b
105 Le monde reverditdans le deuil, dans l'horreur ; 6+6 a
Champ sombre dont Nemrodest le dur laboureur ! 6+6 a
Toute fleur est d'abordfumier, et la nature 6+6 b
Commence par mangersa propre pourriture ; 6+6 b
La raison n'a raisonqu'après avoir eu tort ; 6+6 a
110 Pour avancer d'un pasle genre humain se tord ; 6+6 a
Chaque évolutionqu'il fait dans la tourmente 6+6 b
Semble une apocalypse quelqu'un se lamente. 6+6 b
Ouvrage lumineux,ténébreux ouvrier. 6+6 a
Sitôt que le char marcheil se met à crier. 6+6 a
115 L'esclavage est un passur l'anthropophagie ; 6+6 b
La guillotine, affreuseet de meurtres rougie, 6+6 b
Est un pas sur le croc,le pal et le bûcher ; 6+6 a
La guerre est un bergertout autant qu'un boucher ; 6+6 a
Cyrus crie : en avant !tous les grands chefs d'armées, 6+6 b
120 Trouant le genre humainde routes enflammées, 6+6 b
Ont une tache d'aubeau front, noirs éclaireurs ; 6+6 a
Ils refoulent la nuit,les brouillards, les erreurs, 6+6 a
L'ombre, et le conquérantest le missionnaire 6+6 b
Terrible du rayonqui contient le tonnerre. 6+6 b
125 Sésostris vivifieen tuant, Gengiskan 6+6 a
Est la lave fécondeet sombre du volcan, 6+6 a
Alexandre ensemence,Attila fertilise. 6+6 b
Ce monde que l'effortdouloureux civilise, 6+6 b
Cette création l'aube pleure et luit, 6+6 a
130 rien n'éclôt qu'aprèsavoir été détruit, 6+6 a
les accouplementsrésultent des divorces, 6+6 b
Dieu semble engloutisous le chaos des forces, 6+6 b
le bourgeon jaillitdu nœud qui l'étouffait, 6+6 a
C'est du mal qui travailleet du bien qui se fait. 6+6 a
135 Mais quelle ombre ! quels flotsde fumée et d'écume ! 6+6 b
Quelles illusionsd'optique en cette brume ! 6+6 b
Est-ce un libérateur,ce tigre qui bondit ? 6+6 a
Ce chef, est-ce un hérosou bien est-ce un bandit ? 6+6 a
Devinez. Qui le sait ?dans ces profondeurs faites 6+6 b
140 De crime et de vertu,de meurtres et de fêtes, 6+6 b
Trompé par ce qu'on voitet par ce qu'on entend, 6+6 a
Comment retrouver l'astreen tant d'horreur flottant ? 6+6 a
De là vient qu'autrefoistout semblait vain et trouble ; 6+6 b
Tout semblait de la nuitqui monte et qui redouble ; 6+6 b
145 Le vaste écroulementdes faits tumultueux, 6+6 a
Les combats, les assautstrtres et tortueux, 6+6 a
Les Carthages, les Tyrs,les Byzances, les Romes, 6+6 b
Les catastrophes, chuteépouvantable d'hommes, 6+6 b
Avaient l'air d'un tourmentstérile, et, se suivant 6+6 a
150 Comme la grêle suitles colères du vent 6+6 a
Et comme la chaleursuccède à la froidure, 6+6 b
Semblaient ne dégagerqu'une loi : Rien ne dure. 6+6 b
Les nations, courbantla tête, n'avaient plus 6+6 a
D'autre philosophieen ces flux et reflux 6+6 a
155 Que la rapiditédes chars passant sur elles ; 6+6 b
Nul ne voyait le butde ces vaines querelles ; 6+6 b
Et Flaccus s'écriait :— Puisque tout fuit, aimons, 6+6 a
Vivons, et regardonstomber l'ombre des monts ; 6+6 a
Riez, chantez, cueillezdes grappes dans les treilles 6+6 b
160 Pour les pendre, ô Lydé,derrière vos oreilles ; 6+6 b
Ce peu de chose est tout.Par Bacchus, sur le poids 6+6 a
Des héros, des glandeurs,de la gloire et des rois, 6+6 a
Je questionneraiCaron, le passeur d'ombres ! — 6+6 b
Depuis on a compris.Les foules et les nombres 6+6 b
165 Ont perdu leur aspectde chaos par degrés, 6+6 a
Laissant vaguement voirquelques points éclairés. 6+6 a
Quoi ! la guerre, le chocalternatif et rude 6+6 b
Des batailles tombantsur l'âpre multitude, 6+6 b
Sur le choc triste et brutdes fauves nations, 6+6 a
170 Quoi ! ces frémissementset ces commotions 6+6 a
Que donne au droit qui nt,au peuple qui se lève, 6+6 b
La rencontre sonoreet féroce du glaive, 6+6 b
Ce vaste tourbillond'étincelles qui sort 6+6 a
Des combats, des héross'entre-heurtant, du sort, 6+6 a
175 Ce tumulte insensédes camps et des tueries, 6+6 b
Quoi ! le piétinementde ces cavaleries, 6+6 b
Les escadrons couvrantd'éclairs les régiments, 6+6 a
Quoi ! ces coups de canonbattant ces murs fumants, 6+6 a
Ces coups d'épieux, ces coupsd'estocs, ces coups de piques, 6+6 b
180 Le retentissementdes cuirasses épiques, 6+6 b
Ces victoires broyantles hommes, cet enfer, 6+6 a
Quoi ! les sabres sonnantsur les casques de fer, 6+6 a
L'épouvante, les crisdes mourants qu'on égorge 6+6 b
— C'est le bruit des marteauxdu progrès dans la forge. 6+6 b
— Hélas
185 En même temps,l'infini, qui connt 6+6 a
L'endroit chaque causeaboutit, et qui n'est 6+6 a
Qu'une incommensurableet haute conscience, 6+6 b
Faite d'immensité,de paix, de patience, 6+6 b
Laisse, sachant le but,choisissant le moyen, 6+6 a
190 Souvent, hélas ! le malse faire avec du bien ; 6+6 a
Telle est la profondeurde l'ordre ; obscur, suprême, 6+6 b
Tranquille, et s'affirmantpar ses démentis même. 6+6 b
C'est ainsi qu'un banditde Marc-Auréle est né ; 6+6 a
C'est ainsi que, hideux,devant l'homme étonné, 6+6 a
195 Le ciel y consentant,avec le Christ auguste, 6+6 b
Avec la loi d'un saint,avec la mort d'un juste, 6+6 b
Avec ces mots si doux :— Nourris quiconque a faim. 6+6 a
Aime autrui comme toi.— Ne fais pas au prochain 6+6 a
Ce que tu ne veux pasqu'à toi-même on te fasse. — 6+6 b
200 Avec cette morale tout est vie et grâce, 6+6 b
Avec ces dogmes prisau plus serein des cieux, 6+6 a
Loyola construisitson piège monstrueux ; 6+6 a
Sombre araignée à quiDieu, pour tisser sa toile, 6+6 b
Donnait des fils d'auroreet des rayons d'étoile. 6+6 b
205 Et même, en regardantplus haut, quel est celui 6+6 a
Qui s'écriera : — Je suisl'astre, et j'ai toujours lui ; 6+6 a
Je n'ai jamais failli,jamais péché ; j'ignore 6+6 b
Les coups du tentateurà ma vitre sonore ; 6+6 b
Je suis sans faute. — Est-ilun juste audacieux 6+6 a
210 Qui s'ose affirmer purdevant l'azur des cieux ? 6+6 a
L'homme a beau faire, il fautqu'il cède à sa nature ; 6+6 b
Une femme l'émeut,dénouant sa ceinture, 6+6 b
Il boit, il mange, il dort,il a froid, il a chaud ; 6+6 a
Parfois la plus grande âmeet le cœur le plus haut 6+6 a
215 Succombe aux appétitsd'en bas ; et l'esprit quête 6+6 b
Les satisfactionsimmondes de la bête, 6+6 b
Regarde à la fenêtreobscène, et va, les soirs, 6+6 a
Rôder de honte en honteau seuil des bouges noirs. 6+6 a
— Oui, c'est la porte abjecte,et cependant j'y passe, 6+6 b
220 Dit Caton à voix hauteet Jean-Jacque à voix basse. 6+6 b
La Syrienne chanteà Virgile évohé ; 6+6 a
Socrate aime Aspasie,Horace suit Chloé ; 6+6 a
Tout homme est le sujetde la chair misérable ; 6+6 b
Le corps est condamné,le sang est incurable ; 6+6 b
225 Pas un sage n'a puse dire, en vérité, 6+6 a
Guéri de la natureet de l'humanité. 6+6 a
Mal, bien, tel est le tristeet difforme mélange. 6+6 b
Le bien est un linceulen même temps qu'un lange ; 6+6 b
Si le mal est sépulcre,il est aussi berceau ; 6+6 a
230 Ils naissent l'un de l'autre,et la vie est leur sceau. 6+6 a
Les philosophes pleinsde crainte ou d'espérance 6+6 b
Songent et n'ont entre euxpas d'autre différence, 6+6 b
En révélant l'éden,et même en le prouvant, 6+6 a
Que le voir en arrièreou le voir en avant. 6+6 a
235 Les sages du passédisent : — L'homme recule ; 6+6 b
Il sort de la lumière,il entre au crépuscule, 6+6 b
L'homme est parti de toutpour naufrager dans rien. 6+6 a
Ils disent : bien et mal.Nous disons : mal et bien. 6+6 a
Mal et bien, est-ce làle mot ? le chiffre unique ? 6+6 b
240 Le dogme ? est-ce d'Isisla dernière tunique ? 6+6 b
Mal et bien, est-ce làtoute la loi ? — La loi ! 6+6 a
Qui la connt ? Quelqu'unparmi nous, hors de soi 6+6 a
Comme en soi, sous l'amasde farts, d'époques, d'âges, 6+6 b
A-t-il percé ce gouffreet fait ces grands sondages ? 6+6 b
245 Quelqu'un démêle-t-ille germe originel ? 6+6 a
Quelqu'un voit-il le pointextrême du tunnel ? 6+6 a
Quelqu'un voit-il la baseet voit-il la toiture ? 6+6 b
Avons-nous seulementpénétré la nature ? 6+6 b
Qu'est-ce que la lumièreet qu'est-ce que l'aimant ? 6+6 a
250 Qu'est le cerveau ? de quoise fait le mouvement ? 6+6 a
D' vient que la chaleurmanque aux rayons de lune ? 6+6 b
O nuit, qu'est-ce qu'une âme ?un astre en est-il une ? 6+6 b
Le parfum est-il l'âmeerrante du pistil ? 6+6 a
Une fleur souffre-t-elle ?un rocher pense-t-il ? 6+6 a
255 Qu'est-ce que l'Onde ? Etnas,Cotopaxis, Vésuves, 6+6 b
D' vient le flamboiementde vos énormes cuves ? 6+6 b
donc est la poulieet la corde et le seau 6+6 a
Qui pendent dans ton puits,ô noir Chimborazo ? 6+6 a
Vivants ! distinguons-nousune chose d'un être ? 6+6 b
260 Qu'est-ce que mourir ? dis,mortel ! qu'est-ce que ntre ? 6+6 b
Vous demandez d'un fait :Est-ce toute la loi ? 6+6 a
Voyons, qui que tu sois,toi qui parles, dis-moi, 6+6 a
Qu'es-tu ? Tu veux sonderl'abîme ? Es-tu de force 6+6 b
A scruter le travaildes sèves sous l'écorce ; 6+6 b
265 A guetter, dans la nuitdes filons souterrains, 6+6 a
L'hymen de l'eau terrestreavec les flots marins 6+6 a
Et la formationdes métaux ; à poursuivre 6+6 b
Dans leurs antres le plomb,le mercure et le cuivre, 6+6 b
Si bien que tu pourraisdire : Voici comment 6+6 a
270 L'or se fait dans la terreet l'aube au firmament ! 6+6 a
Le peux-tu ? parle. Non.Eh bien, sois économe 6+6 b
D'axiomes sur Dieu,de sentences sur l'homme, 6+6 b
Et ne prononce pasd'arrêts dans l'infini. 6+6 a
Et qui donc ici-bas,qui, maudit ou béni, 6+6 a
275 Peut de quoi que ce soit,farce, âme, esprit, matière, 6+6 b
Dire : — Ce que j'ai là,c'est la loi tout entière ; 6+6 b
Ceci, c'est Dieu, complet,avec tous ses rayons ; 6+6 a
Mettez-le-moi bien viteen vos collections, 6+6 a
Et tirez le verroude peur qu'il ne s'échappe. — 6+6 b
280 Savant dans son usineou prêtre sous sa chape, 6+6 b
Qui donc nous montrerale sort des deux côtés ? 6+6 a
Qui se promèneradans les éternités, 6+6 a
Comme dans les jardinsde Versailles Lenôtre ? 6+6 b
Qui donc mesureral'ombre d'un bout à l'autre, 6+6 b
285 Et la vie et la tombe,espaces inouïs 6+6 a
le monceau des joursmeurt sous l'amas des nuits, 6+6 a
de vagues éclairsdans les ténèbres glissent, 6+6 b
les extrémitésdes lois s'évanouissent ! 6+6 b
Que cette obscure loidu progrès dans le deuil, 6+6 a
290 Du succès dans la chuteet du port dans l'écueil, 6+6 a
Soit vraie ou fausse, absurdeet folle, ou démontrée ; 6+6 b
Que, dragon, de l'édenelle garde l'entrée, 6+6 b
Ou ne soit qu'un mirageinforme, le certain 6+6 a
C'est que, devant l'énigmeet devant le destin, 6+6 a
295 Les plus fermes parfoiss'étonnent et fléchissent. 6+6 b
A peine dans la nuitquelques cimes blanchissent 6+6 b
Que la brume a déjàrepris d'autres sommets ; 6+6 a
De grands monts, qui semblaientlumineux à jamais, 6+6 a
Qu'on croyait délivrésde l'abîme, s'y dressent, 6+6 b
300 Mais noirs, et, lentementeffacés, disparaissent. 6+6 b
Toutes les véritésse montrent un moment, 6+6 a
Puis se voilent ; le verbeavorte en bégaiement ; 6+6 a
Le jour, si c'est du jourque cette clarté sombre, 6+6 b
N'a l'air de se leverque pour regarder l'ombre ; 6+6 b
305 On ne voit plus le phare ;on ne sait que penser ; 6+6 a
Vient-on de reculer,ou vient-on d'avancer ? 6+6 a
Oh ! dans l'ascensionhumaine, que la marche 6+6 b
Est lente, et comme on sentla pesanteur de l'arche ! 6+6 b
Comme ceux qui de tousportent les intérêts 6+6 a
310 Ont l'épaule meurtrieaux angles du progrès ! 6+6 a
Comme tout se défaitet retombe à mesure ! 6+6 b
Pas de principe acquis ;pas de conquête sûre ; 6+6 b
A l'instant l'on croitl'édifice achevé, 6+6 a
Il s'écroule, écrasantcelui qui l'a rêvé ; 6+6 a
315 Le plus grand siècle peutavoir son heure immonde ; 6+6 b
Parfois sur tous les pointsdu globe un fléau gronde, 6+6 b
Et l'homme semble prisd'un accès de fureur. 6+6 a
L'européen, ce frèrené, joute d'honneur 6+6 a
Avec le caraïbe,avec le malabare ; 6+6 b
320 L'anglais civilisépasse l'indou barbare ; 6+6 b
O pugilat hideuxde Londre et de Delhy ! 6+6 a
Le but humain s'éclipseen un infâme oubli. 6+6 a
Il est nuit du Danubeau Nil, du Gange à l'Èbre. 6+6 b
Fête au nord ; c'est la mortdu midi qu'on célèbre. 6+6 b
325 Europe, dit Berlin,ris, la France n'est plus ! 6+6 a
O genre humain, malgrétant d'âges révolus, 6+6 a
Ta vieille loi de haineest toujours la plus forte ; 6+6 b
L'évangile est toujoursla grande clarté morte, 6+6 b
Le jour fuit, la paix saigne,et l'amour est proscrit, 6+6 a
330 Et l'on n'a pas encordécloué Jésus-Christ. 6+6 a
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