Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_9/HUG713
Victor HUGO
L'année terrible
1872
JANVIER 1871
VI
UNE BOMBE AUX FEUILLANTINES
Qu'es-tu ? quoi, tu descends | de là-haut, misérable ! 6+6 a
Quoi ! toi, le plomb, le feu, | la mort, l'inexorable, 6+6 a
Reptile de la guerre | au sillon tortueux, 6+6 b
Quoi ! toi, l'assassinat | cynique et monstrueux 6+6 b
5 Que les princes du fond | des nuits jettent aux hommes, 6+6 a
Toi, crime, toi, ruine | et deuil, toi qui te nommes 6+6 a
Haine, effroi, guet-apens, | carnage, horreur, courroux, 6+6 b
C'est à travers l'azur | que tu t'abats sur nous ! 6+6 b
Chute affreuse de fer, | éclosion infâme, 6+6 a
10 Fleur de bronze éclatée | en pétales de flamme, 6+6 a
O vile foudre humaine, | ô toi par qui sont grands 6+6 b
Les bandits, et par qui | sont divins les tyrans, 6+6 b
Servante des forfaits | royaux, prostituée, 6+6 a
Par quel prodige as-tu | jailli de la nuée ? 6+6 a
15 Quelle usurpation | sinistre de l'éclair ! 6+6 b
Comment viens-tu du ciel, | toi qui sors de l'enfer ! 6+6 b
L'homme que tout à l'heure | effleura ta morsure, 6+6 a
S'était assis pensif | au coin d'une masure. 6+6 a
Ses yeux cherchaient dans l'ombre | un rêve qui brilla ; 6+6 b
20 Il songeait ; il avait, | tout petit, joué là ; 6+6 b
Le passé devant lui, | plein de voix enfantines, 6+6 a
Apparaissait ; c'est là | qu'étaient les Feuillantines ; 6+6 a
Ton tonnerre idiot | foudroie un paradis. 6+6 b
Oh ! que c'était charmant ! | comme on riait jadis ! 6+6 b
25 Vieillir, c'est regarder | une clarté décrue. 6+6 a
Un jardin verdissait | où passe cette rue. 6+6 a
L'obus achève, hélas, | ce qu'a fait le pavé. 6+6 b
Ici les passereaux | pillaient le sénevé, 6+6 b
Et les petits oiseaux | se cherchaient des querelles ; 6+6 a
30 Les lueurs de ce bois | étaient surnaturelles ; 6+6 a
Que d'arbres ! quel air pur | dans les rameaux tremblants ! 6+6 b
On fut la tête blonde, | on a des cheveux blancs ; 6+6 b
On fut une espérance | et l'on est un fantôme. 6+6 a
Oh ! comme on était jeune | à l'ombre du vieux dôme ! 6+6 a
35 Maintenant on est vieux | comme lui. Le voilà. 6+6 b
Ce passant rêve. Ici | son âme s'envola 6+6 b
Chantante, et c'est ici | qu'à ses vagues prunelles 6+6 a
Apparurent des fleurs | qui semblaient éternelles. 6+6 a
Ici la vie était | de la lumière ; ici 6+6 b
40 Marchait, sous le feuillage | en avril épaissi, 6+6 b
Sa mère qu'il tenait | par un pan de sa robe. 6+6 a
Souvenirs ! comme tout | brusquement se dérobe ! 6+6 a
L'aube ouvrant sa corolle | à ses regards a lui 6+6 b
Dans ce ciel où flamboie | en ce moment sur lui 6+6 b
45 L'épanouissement | effroyable des bombes. 6+6 a
O l'ineffable aurore | où volaient des colombes ! 6+6 a
Cet homme, que voici | lugubre, était joyeux. 6+6 b
Mille éblouissements | émerveillaient ses yeux. 6+6 b
Printemps ! en ce jardin | abondaient les pervenches, 6+6 a
50 Les roses, et des tas | de pâquerettes blanches 6+6 a
Qui toutes semblaient rire | au soleil se chauffant, 6+6 b
Et lui-même était fleur, | puisqu'il était enfant. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université