Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_9/HUG709
Victor HUGO
L'année terrible
1872
JANVIER 1871
II
LETTRE A UNE FEMME
(PAR BALLON MONTÉ, 10 JANVIER)
Paris terrible et gaicombat. Bonjour, madame. 6+6 a
On est un peuple, on estun monde, on est une âme. 6+6 a
Chacun se donne à touset nul ne songe à soi. 6+6 b
Nous sommes sans soleil,sans appui, sans effroi. 6+6 b
5 Tout ira bien pourvuque jamais on ne dorme. 6+6 a
Schmitz fait des bulletinsplats sur la guerre énorme ; 6+6 a
C'est Eschyle traduitpar le père Brumoy. 6+6 b
J'ai payé quinze francsquatre œufs frais, non pour moi, 6+6 b
Mais pour mon petit Georgeet ma petite Jeanne. 6+6 a
10 Nous mangeons du cheval,du rat, de l'ours, de l'âne. 6+6 a
Paris est si bien pris,cerné, muré, noué, 6+6 b
Gardé, que notre ventreest l'arche de Noé ; 6+6 b
Dans nos flancs toute bête,honnête ou mal famée, 6+6 a
Pénètre, et chien et chat,le mammon, le pygmée, 6+6 a
15 Tout entre, et la sourisrencontre l'éléphant. 6+6 b
Plus d'arbres ; on les coupe,on les scie on les fend ; 6+6 b
Paris sur ses chenetsmet les Champs-Élysées. 6+6 a
On a l'onglée aux doigtset le givre aux croisées. 6+6 a
Plus de feu pour sécherle linge des lavoirs, 6+6 b
20 Et l'on ne change plusde chemise. Les soirs 6+6 b
Un grand murmure sombreabonde au coin des rues, 6+6 a
C'est la foule ; tantôtce sont des voix bourrues, 6+6 a
Tantôt des chants, parfoisde belliqueux appels. 6+6 b
La Seine lentementtrne des archipels 6+6 b
25 De glaçons hésitants,lourds, la canonnière 6+6 a
Court, laissant derrière elleune écumante ornière. 6+6 a
On vit de rien, on vitde tout, on est content. 6+6 b
Sur nos tables sans nappe, la faim nous attend, 6+6 b
Une pomme de terrearrachée à sa crypte 6+6 a
30 Est reine, et les oignonssont dieux comme en Égypte. 6+6 a
Nous manquons de charbon,mais notre pain est noir. 6+6 b
Plus de gaz ; Paris dortsous un large éteignoir ; 6+6 b
A six heures du soir,ténèbres. Des tempêtes 6+6 a
De bombes font un bruitmonstrueux sur nos têtes. 6+6 a
35 D'un bel éclat d'obusj'ai fait mon encrier. 6+6 b
Paris assassinéne daigne pas crier. 6+6 b
Les bourgeois sont de gardeautour de la muraille ; 6+6 a
Ces pères, ces maris,ces frères qu'on mitraille, 6+6 a
Coiffés de leurs képis,roulés dans leurs cabans, 6+6 b
40 Guettent, ayant pour litla planche de leurs bancs. 6+6 b
Soit. Moltke nous canonneet Bismarck nous affame. 6+6 a
Paris est un héros,Paris est une femme ; 6+6 a
Il sait être vaillantet charmant ; ses yeux vont, 6+6 b
Souriants et pensifs,dans le grand ciel profond, 6+6 b
45 Du pigeon qui revientau ballon qui s'envole. 6+6 a
C'est beau ; le formidableest sorti du frivole. 6+6 a
Moi, je suis là, joyeuxde ne voir rien plier. 6+6 b
Je dis à tous d'aimer,de lutter, d'oublier, 6+6 b
De n'avoir d'ennemique l'ennemi ; je crie : 6+6 a
50 Je ne sais plus mon nom,je m'appelle Patrie ! 6+6 a
Quant aux femmes, soyeztrès fière, en ce moment 6+6 b
tout penche, elles sontsublimes simplement. 6+6 b
Ce qui fit la beautédes Romaines antiques* 6+6 a
C'étaient leurs humbles toits,leurs vertus domestiques, 6+6 a
55 Leurs doigts que l'âpre laineavait faits noirs et durs, 6+6 b
Leurs courts sommeils, leur calme,Annibal près des murs, 6+6 b
Et leurs maris deboutsur la porte Colline. 6+6 a
Ces temps sont revenus.La géante féline, 6+6 a
La Prusse tient Paris,et, tigresse, elle mord 6+6 b
60 Ce grand cœur palpitantdu monde à moitié mort. 6+6 b
Eh bien, dans ce Paris,sous l'étreinte inhumaine, 6+6 a
L'homme n'est que Français,et la femme est Romaine. 6+6 a
Elles acceptent tout,les femmes de Paris, 6+6 b
Leur âtre éteint, leurs piedspar le verglas meurtris, 6+6 b
65 Au seuil noir des bouchersles attentes nocturnes, 6+6 a
La neige et l'ouraganvidant leurs froides urnes, 6+6 a
La famine, l'horreur,le combat, sans rien voir 6+6 b
Que la grande pairieet que le grand devoir ; 6+6 b
Et Juvénal au fondde l'ombre est content d'elles. 6+6 a
70 Le bombardement faitgronder nos citadelles. 6+6 a
Dès l'aube, le tambourparle au clairon lointain ; 6+6 b
La diane réveille,au vent frais du matin, 6+6 b
La grande ville pâleet dans l'ombre apparue ; 6+6 a
Une vague fanfareerre de rue en rue. 6+6 a
75 On fraternise, on rêveun succès ; nous offrons 6+6 b
Nos cœurs à l'espérance,à la foudre nos fronts. 6+6 b
La ville par la gloireet le malheur élue 6+6 a
Voit arriver les joursterribles et salue. 6+6 a
Eh bien, on aura froid !eh bien, on aura faim ! 6+6 b
80 Qu'est cela ? C'est la nuit.Et que sera la fin ? 6+6 b
L'aurore. Nous souffrons,mais avec certitude. 6+6 a
La Prusse est le cachotet Paris est Latude. 6+6 a
Courage ! on referal'effort des jours anciens. 6+6 b
Paris avant un moischassera les Prussiens. 6+6 b
85 Ensuite nous comptons,mes deux fils et moi, vivre 6+6 a
Aux champs, auprès de vous,qui voulez bien nous suivre, 6+6 a
Madame, et nous ironsen mars vous en prier 6+6 b
Si nous ne sommes pastués en février. 6+6 b
Praestabat castas humilis fortunas Latinas,
Casulae, somnique breves, et vellere tusco
Vexatae duraeque manus, et proximus urbis
Annibal, et stantes Collina in turre mariti.
JUVÉNAL.
mètre profil métrique : 6+6
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