Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_9/HUG695
Victor HUGO
L'année terrible
1872
NOVEMBRE
VII
Je ne sais si je vais | sembler étrange à ceux 6+6 a
Qui pensent que devant | le sort trouble et chanceux, 6+6 a
Devant Sedan, devant | le flamboiement du glaive, 6+6 b
Il faut brûler un cierge | à Sainte-Geneviève, 6+6 b
5 Qu'on serait sûr d'avoir | le secours le plus vrai 6+6 a
En redorant à neuf | Notre-Dame d'Auray, 6+6 a
Et qu'on arrête court | l'obus, le plomb qui tonne, 6+6 b
Et la mitraille, avec | une oraison bretonne ; 6+6 b
Je paraîtrai sauvage | et fort mal élevé 6+6 a
10 Aux gens qui dans des coins | chuchotent des Ave 6+6 a
Pendant que le sang coule | à flots de notre veine, 6+6 b
Et qui contre un canon | braquent une neuvaine ; 6+6 b
Mais je dis qu'il est temps | d'agir et de songer 6+6 a
A la levée en masse, | à l'abîme, au danger 6+6 a
15 Qui, lorsqu'autour de nous | son cercle se resserre, 6+6 b
A ce mérite, étant | hideux, d'être sincère, 6+6 b
D'être franchement fauve | et sombre, et de t'offrir, 6+6 a
France, une occasion | sublime de mourir ; 6+6 a
J'affirme que le camp | monstrueux des barbares, 6+6 b
20 Que les ours de leur cage | ayant brisé les barres, 6+6 b
Approchent, que d'horreur | les peuples sont émus, 6+6 a
Que nous ne sommes plus | au temps des oremus, 6+6 a
Que les hordes sont là, | que Paris est leur cible, 6+6 b
Et que nous devons tous | pousser un cri terrible ! 6+6 b
25 Aux armes, citoyens ! | aux fourches, paysans ! 6+6 a
Jette là ton psautier | pour les agonisants, 6+6 a
Général, et faisons | en hâte une trouée ! 6+6 b
La Marseillaise n'est | pas encore enrouée, 6+6 b
Le cheval que montait | Kléber n'est pas fourbu. 6+6 a
30 Tout le vin de l'audace | immense n'est pas bu, 6+6 a
Et Danton nous en laisse | assez au fond du verre 6+6 b
Pour donner à la Prusse | une chasse sévère, 6+6 b
Et pour épouvanter | le vieux monde aux abois 6+6 a
De la réception | que nous faisons aux rois ! 6+6 a
35 Dussions-nous succomber | d'ailleurs, la mort est grande. 6+6 b
Quand un trop bon chrétien | dans la cité commande, 6+6 b
Quand je crois qu'on a peur, | quand je vois qu'on attend, 6+6 a
Qu'est-ce que vous voulez, | je ne suis pas content. 6+6 a
Ce chef vers son curé | tourne un œil trop humide ; 6+6 b
40 Je le vois soldat brave | et général timide ; 6+6 b
Comme le vieil Entelle | et le vieux d'Aubigné, 6+6 a
J'ai des frémissements, | je frissonne indigné ; 6+6 a
Nous sommes dans Paris, | volcan, fournaise d'âmes, 6+6 b
Près de deux millions | d'hommes, d'enfants, de femmes, 6+6 b
45 Pas un n'entend céder, | pas une ; et nous voulons 6+6 a
La colère plus prompte | et les discours moins longs ; 6+6 a
Et je l'irais demain | dire à l'hôtel de ville 6+6 b
Si je ne sentais poindre | une guerre civile, 6+6 b
O patrie accablée, | et si je ne craignais 6+6 a
50 D'ajouter cette corde | affreuse à tes poignets, 6+6 a
Et de te voir traînée | autour du mur en flamme, 6+6 b
Dans la fange et le sang, | derrière un char infâme, 6+6 b
D'abord par tes vainqueurs, | ensuite par tes fils ! 6+6 a
Ces fiers Parisiens | bravent tous les défis ; 6+6 a
55 Ils acceptent le froid, | la faim, rien ne les dompte, 6+6 b
Ne trouvant d'impossible | à porter que la honte ; 6+6 b
On mange du pain noir | n'ayant plus de pain bis ; 6+6 a
Soit ; mais se laisser prendre | ainsi que des brebis, 6+6 a
Ce n'est pas leur humeur, | et tous veulent qu'on sorte, 6+6 b
60 Et nous voulons nous-même | enfoncer notre porte, 6+6 b
Et, s'il le faut, le front | levé vers l'orient, 6+6 a
Nous mettre en liberté | dans la tombe, en criant : 6+6 a
Concorde ! en attestant | l'avenir, l'espérance, 6+6 b
L'aurore ; et c'est ainsi | qu'agonise la France ! 6+6 b
65 C'est pourquoi je déclare | en cette extrémité 6+6 a
Que l'homme a pour bien faire | un cœur illimité, 6+6 a
Qu'il faut copier Sparte | et Rome notre aïeule, 6+6 b
Et qu'un peuple est borné | par sa lâcheté seule ; 6+6 b
J'écarte le mauvais | exemple, ce lépreux ; 6+6 a
70 A cette heure il nous faut | mieux que les anciens preux 6+6 a
Qui souvent s'attardaient | trop longtemps aux chapelles ; 6+6 b
Je dis qu'à ton secours, | France, tu nous appelles ; 6+6 b
Qu'un courage qui chante | au lutrin est bâtard, 6+6 a
Qu'il sied de tout risquer, | et qu'il est déjà tard ! 6+6 a
75 C'est mon avis, devant | les trompettes farouches, 6+6 b
Devant les ouragans | gonflant leurs noires bouches, 6+6 b
Devant le Nord féroce | attaquant le Midi, 6+6 a
Que nous avons besoin | de quelqu'un de hardi ; 6+6 a
Et que, lorsqu'il s'agit | de chasser les Vandales, 6+6 b
80 De refouler le flot | des bandes féodales, 6+6 b
De délivrer l'Europe | en délivrant Paris, 6+6 a
Et d'en finir avec | ceux qui nous ont surpris, 6+6 a
Avec tant d'épouvante, | avec tant de misère, 6+6 b
Il nous faut une épée | et non pas un rosaire. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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