Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_8/HUG41
Victor HUGO
Odes et Ballades
1826
ODES
LIVRE TROISIÈME
1824-1828
ODE CINQUIÈME
AU COLONEL G.-A. GUSTAFFSON
Habet sua sidera tellus.
Ancienne devise.
I
Ce siècle, jeune encore,est déjà pour l'histoire 6+6 a
Presque une éternitéde malheurs et de gloire. 6+6 a
Tous ceux qu'il a vus ntreont vieilli dans vingt ans. 6+6 b
Il semble, tant sa placeest vaste en leur mémoire, 6+6 a
5 Qu'il ne peut acheverses destins éclatants 6+6 b
Sans fermer avec luile grand cercle des temps. 6+6 b
Chez des peuples fameux,en des jours qu'on renomme, 6+6 a
Pour un siècle de gloireil suffisait d'un homme. 6+6 a
Le nôtre a déjà vupasser bien des flambeaux ! 6+6 b
10 Il peut lutter sans crainteavec Athène et Rome : 6+6 a
Que lui fait la grandeurdes âges les plus beaux ? 6+6 b
Il les domine tous,rien que par ses tombeaux ! 6+6 b
À peine il était né,que d'Enghien sur la poudre 6+6 a
Mourut, sous un arrêtque rien ne peut absoudre. 6+6 a
15 Il vit périr Moreau ;Byron, nouveau Rhiga. 6+6 b
Il vit des cieux vengéstomber avec sa foudre 6+6 a
Cet aigle dont le voldouze ans se fatigua 6+6 b
Du Caire au Capitoleet du Tage au Volga ! 6+6 b
— « Qu'importe ? dit la foule.Ah ! laissons les tempêtes 6+6 a
20 Ntre, grossir, tonnersur ces sublimes têtes ; 6+6 a
Pourvu que chaque jouramène son festin, 6+6 b
Que toujours le soleilrayonne pour nos fêtes, 6+6 a
Et qu'on nous laisse en paixcouler notre destin, 6+6 b
Oublier jusqu'au soir,dormir jusqu'au matin ! 6+6 b
25 « Que le crime s'élèveet que l'innocent tombe, 6+6 a
Qu'importe ? — Des hérossont morts ? paix à leur tombe ! 6+6 a
Et nous-mêmes ?… qui saitsi demain nous vivrons ? 6+6 b
Quand nous aurons atteintle terme tout succombe, 6+6 a
Nous dirons : Le temps passe !et nous ignorerons 6+6 b
30 Quels vents ont amenél'orage sur nos fronts. » 6+6 b
II
 Ce ne sont point là tes paroles, 8 a
 Toi dont nul n'a jamais douté, 8 b
 Toi qui sans relâche t'immoles 8 a
 Au culte de la Vérité ! 8 b
35  Victime, et vengeur des victimes, 8 c
 Ton cœur aux dévouements sublimes 8 c
 S'offrit en tout temps, en tout lieu ; 8 d
 Toute ta vie est un exemple, 8 e
 Et ta grande âme est comme un temple 8 e
40  D' ne sort que la voix d'un Dieu ! 8 d
 Il suffit de ton témoignage 8 a
 Pour que tout mortel, incliné, 8 b
 Aille rendre un public hommage 8 a
 À ce qu'il avait profané. 8 b
45  Ta bouche, pareille au temps même, 8 c
 N'a besoin que d'un mot suprême 8 c
 Pour récompenser ou punir ; 8 d
 Et, parlant plus haut dans notre âge 8 e
 Que la flatterie et l'outrage, 8 e
50  Dicte l'histoire à l'avenir ! 8 d
 Puisqu'il n'est plus d'autres miracles 8 a
 Que les hommes nés parmi nous, 8 b
 Tu succèdes aux vieux oracles 8 a
 Que l'on écoutait à genoux. 8 b
55  À ta voix, qui juge les races, 8 c
 Nos demi-dieux changent de places ; 8 c
 Comme, à des chants mystérieux, 8 d
 Quand la nuit déroulait ses voiles, 8 e
 Jadis on voyait les étoiles 8 e
60  Descendre ou monter dans les cieux ! 8 d
 Pour mériter ce rang auguste 8 a
 Aux vertus par le ciel offert, 8 b
 Qui plus que lui fut noble et juste ? 8 a
 Et qui, surtout, a plus souffert ? 8 b
65  Cet homme a payé tant de gloire 8 c
 Par des malheurs que la mémoire 8 c
 Ne peut rappeler sans effroi ; 8 d
 C'est un enfant des Scandinaves, 8 e
 C'est Gustave, fils des Gustaves ; 8 e
70  C'est un exilé ; c'est un roi ! 8 d
III
Il avait un amidans ses frches années, 6+6 a
Comme lui tout empreintdu sceau des destinées. 6+6 a
C'est ce jeune d'Enghienqui fut assassiné ! 6+6 b
Gustave à ce forfaitse jeta sur ses armes ; 6+6 c
75 Mais, quand il vit l'Europeinsensible à ses larmes, 6+6 c
Calme et stoïque, il dit :« Pourquoi donc suis-je né ? 6+6 b
« Puisque du meurtrierles nations vassales 6+6 a
Courbent leurs fronts tremblantssous ses mains colossales ; 6+6 a
Puisque sa volontédes princes est la loi ; 6+6 b
80 Puisqu'il est le soleilqui domine leur sphère ; 6+6 c
Sur un trône aujourd'huije n'ai plus rien à faire, 6+6 c
 Moi qui voudrais régner en roi ! » 8 b
Il céda. — Dieu montrait,par cet exemple insigne, 6+6 a
Qu'il refuse parfoisla victoire au plus digne ; 6+6 a
85 Que plus tard, pour punir,il appart soudain ; 6+6 b
Qu'il fait seul ici-bastomber ce qu'il élève ; 6+6 c
Et que, pour balancerBonaparte et son glaive, 6+6 c
Il fallait déjà plusque le sceptre d'Odin ! 6+6 b
Gustave, jeune encor,quitta le diadème, 6+6 a
90 Pour que rien ne manquâtà sa grandeur suprême ; 6+6 a
Et, tant que de l'Europe,en proie aux longs revers, 6+6 b
Sous les pas du géantvacilla l'équilibre, 6+6 c
Plus haut que tous les roisil leva son front libre, 6+6 c
 Échappé du trône et des fers ! 8 b
IV
95  Combien d'un tel exil diffère 8 a
 Le malheur du tyran banni, 8 b
 Lorsqu'au fond de l'autre hémisphère 8 a
 Il tomba, confus et puni ! 8 b
 Quand sous la haine universelle 8 c
100  L'usurpateur enfin chancelle, 8 c
 Dans sa chute il est insulté ; 8 d
 En vain il lutte, opiniâtre, 8 e
 Et de sa pourpre de théâtre 8 e
 Rien ne reste à sa nudité ! 8 d
105  Sa morne infortune est pareille 8 a
 À la mer aux bords détestés, 8 b
 Dont l'eau morte à jamais sommeille 8 a
 Sur de fastueuses cités. 8 b
 Ce lac, noir vengeur de leurs crimes, 8 c
110  Du ciel, qui maudit ses abîmes, 8 c
 Ne peut réfléchir les tableaux ; 8 d
 Et l'œil cherche en vain quelque dôme 8 e
 De l'éblouissante Sodome, 8 e
 Sous les ténèbres de ses flots. 8 d
115  Gustave ! âme forte et loyale ! 8 a
 Si parfois, d'un bras raffermi, 8 b
 Tu reprends ta robe royale, 8 a
 C'est pour couvrir quelque ennemi. 8 b
 Dans ta retraite que j'envie, 8 c
120  Tu portes sur ta noble vie 8 c
 Un souvenir calme et sans fiel ; 8 d
 Reine, comme toi sans asile, 8 e
 La Vertu, que la terre exile, 8 e
 Dans ton grand cœur retrouve un ciel ! 8 d
V
125 Ah ! laisse crtre l'herbeen tes cours solitaires ! 6+6 a
Que t'importe, au milieude tes pensers austères, 6+6 a
Qu'on n'ose, de nos jours,saluer un héros ; 6+6 b
Et que, chez d'autres rois,puissants, heureux encore, 6+6 c
Une foule de charsébranle dès l'aurore 6+6 c
130 Les grands pavés de marbreet l'azur des vitraux ! 6+6 b
Tu règnes cependant !tu règnes sur toute âme 6+6 a
Dont ce siècle glacén'a pas éteint la flamme ; 6+6 a
Sur tout cœur né pour croire,aimer et secourir ; 6+6 b
Sur tous ces chevaliersque tant d'oubli protège, 6+6 c
135 Étranges courtisansdont le rare cortège 6+6 c
N'accourt au seuil des roisqu'à l'heure d'y mourir ! 6+6 b
En tous lieux la foi,l'honneur et le génie 6+6 a
Rendent un libre hommageà la vertu bannie, 6+6 a
Ton nom règne, entouréd'un éclat immortel. 6+6 b
140 Par un beau dévouementtoute vie animée, 6+6 c
Toute gloire nouvelle,en notre âge allumée, 6+6 c
Est un flambeau de plusbrûlant sur ton autel ! 6+6 b
Ni mtre ! ni sujet !— Seul homme sur la terre 6+6 a
Qui d'un pouvoir humainne soit pas tributaire, 6+6 a
145 Dieu seul sur tes destinsa de suprêmes droits ; 6+6 b
Et, comme la comèteaux clartés vagabondes 6+6 c
Marche libre à traversles soleils et les mondes, 6+6 c
Tu passes à côtédes peuples et des rois ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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