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12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_5/HUG894
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
DERNIÈRE SÉRIE
1883
XVII
LE CERCLE DES TYRANS
Aux Rois
I
Est-ce que vous croyezque nous qui sommes là, 6+6 a
Nous que de tout son poidstoujours l'ombre accabla, 6+6 a
Nous le noir genre humainfarouche, nous la plèbe, 6+6 a
Nous, les foats du sol,les captifs de la glèbe, 6+6 a
5 Nous qui, de lassitudeexpirants, n'avons droit 6+6 a
Qu'à la faim, à la soif,à l'indigence, au froid, 6+6 a
Qui, tués de travail,agonisons pour vivre, 6+6 a
Nous qu'à force d'horreurle destin sombre enivre ; 6+6 a
Est-ce que vous croyezque nous vous aimons, vous. 6+6 a
10 Nous vassaux, vous les rois !nous moutons, vous les loups 6+6 a
Ah ! vraiment, ce seraitcurieux que des hommes 6+6 a
Hideux, désespérés,hagards comme nous sommes, 6+6 a
Nus sous leurs toits infectset leurs haillons crasseux, 6+6 a
Se prissent de tendresseet d'extase pour ceux 6+6 a
15 Qui les mangent, pour ceuxdont leur chair est la proie, 6+6 a
Qui construisent avecleur douleur de la joie, 6+6 a
Et qui, repus, gorgés,triomphants, gais, charmants, 6+6 a
Bâtissent des palaisavec leurs ossements ! 6+6 a
Vous fourmillez sur nous !vous pullulez horribles ! 6+6 a
20 Ce serait un miracleà mettre dans les bibles 6+6 a
Que nous vous bénissionspour être dévorants 6+6 a
A nos dépens ; qu'un peuplet le gt des tyrans, 6+6 a
Qu'une nation fûtde sa honte complice, 6+6 a
Que la suppliciéeadmirât le supplice 6+6 a
25 Comme une femme adoreet baise son époux, 6+6 a
Et qu'un lion devîntamoureux de ses poux ! 6+6 a
Vos vices, ô tyrans,ont pour lustre vos crimes ; 6+6 a
Quand les rois, débauchés,ivrognes, bas, infimes, 6+6 a
Se sentent dégradéset vils à tous les yeux, 6+6 a
30 Vite en guerre ! et voilàdes hommes glorieux ! 6+6 a
C'est avec notre sangque leur fange se lave. 6+6 a
Par vous l'homme est reptileet le peuple est esclave ; 6+6 a
C'est par vous, j'en attesteici le bleu matin, 6+6 a
J'en atteste l'affreuxmystère du destin 6+6 a
35 Qui pèse sur nous touset qui nous environne, 6+6 a
Par vous, les porte-sceptreet les porte-couronne, 6+6 a
Par vous, les tout-puissantset les forts, c'est par vous 6+6 a
Que nous avons l'infâmeécorchure aux genoux, 6+6 a
Que nous sommes abjects,sinistres, incurables, 6+6 a
40 Et que notre misèreest faite, ô misérables ! 6+6 a
Aussi, je vous le dis,rois, nous vous détestons ! 6+6 a
Nous rampons dans la caveéternelle à tâtons, 6+6 a
Notre prunelle luit,nous sommes dans nos antres. 6+6 a
Maigres, pensifs, avecnos petits sous nos ventres, 6+6 a
45 Et nous songeons à vous,les rois et les barons, 6+6 a
Et nous vous exécronset nous vous abhorrons ! 6+6 a
Mais nous sommes pourtantfaçonnés de la sorte 6+6 a
Que demain, s'il advient,rois, que l'un de vous sorte 6+6 a
Tout à coup de la nuitavec un astre au front, 6+6 a
50 S'il est pour secourirson pays brave et prompt, 6+6 a
Ou s'il chante, toujoursjeune et beau, malgré l'âge, 6+6 a
S'il est le roi David,s'il est le roi Pélage, 6+6 a
Nous sommes éblouis !les oublis, les pardons, 6+6 a
Nous remplissent le cœur,et nous ne demandons 6+6 a
55 Rien à celui-là, rien !Malgré notre souffrance, 6+6 a
S'il est grand par l'idéeou par la délivrance, 6+6 a
Nous l'aimons ! nous aimonssa lyre ! nous aimons 6+6 a
Son glaive flamboyantdans l'ombre sur les monts ! 6+6 a
Nous pourrions lui garderrancune de vous autres 6+6 a
60 Mais non, nous devenonsses soldats, ses apôtres, 6+6 a
Ses légions, son camp,sa tribu, ses amis. 6+6 a
Nous lui sommes acquis,nous lui sommes soumis, 6+6 a
Il peut faire de nousce qu'il veut. Dans notre âme 6+6 a
Nous voyons nos citéset nos hameaux en flamme 6+6 a
65 Sauvés par ce vengeurqui chasse l'étranger ; 6+6 a
Ou nous sentons au fondde nos haines plonger 6+6 a
L'hymne de paix sortid'une bouche divine, 6+6 a
Notre cœur s'ouvre au chantsublime l'on devine 6+6 a
Tout cet immense amourpar qui le monde vit ; 6+6 a
70 Et nous suivons Pélageet nous suivons David ! 6+6 a
Oui, pour que l'un de vous,bien qu'en nous tout réclame, 6+6 a
Fasse fondre l'hiverque nous avons dans l'âme, 6+6 a
Pour qu'un de nos tyransdevienne un de nos dieux, 6+6 a
Pour que nous, qui souffronssous le ciel radieux, 6+6 a
75 Nous fils du désespoiret fils de la patrie, 6+6 a
Nous servions l'un de vousavec idolâtrie, 6+6 a
Une chose suffit,c'est qu'on lui voie au poing 6+6 a
Le fer que l'étrangerinsolent n'attend point, 6+6 a
Ou que sa grande voixverse au cœur l'harmonie ; 6+6 a
80 C'est qu'il soit un hérosou qu'il soit un génie ! 6+6 a
Rois, nous ne sommes pasplus méchants que cela. 6+6 a
C'est pourtant vrai ! toujours,quand un prince brilla, 6+6 a
Quand il eut un rayonquelconque sur la tête, 6+6 a
L'immense peuple altier,puissant, auguste, et bête, 6+6 a
85 S'est fait son serviteur,son chien, son courtisan. 6+6 a
Mais celui-ci, qu'est-il ?qu'a-t-il fait ? parlons-en. 6+6 a
Il est né. Bien. Non, mal.C'est mal ntre qu'entendre 6+6 a
Tout petit vous parleravec une voix tendre 6+6 a
Ceux que l'homme conntpar leur rugissement ; 6+6 a
90 C'est mal ntre, c'est ntreépouvantablement 6+6 a
Qu'être dans son berceauléché d'une tigresse ; 6+6 a
Par sa croissance, hélas !donner de l'allégresse 6+6 a
A l'hyène, et donnerde la crainte à l'agneau, 6+6 a
C'est mal crtre ; être faitde bronze, être un anneau 6+6 a
95 De la chne de roisque l'humanité trne, 6+6 a
C'est triste ; et ce n'est point,certe, une aube sereine 6+6 a
Que celle qui voit ntreun tyran ! Celui-ci, 6+6 a
Donc, mal né, vécut mal.Les gueux ont pour souci 6+6 a
De voler des liards,il vola des provinces. 6+6 a
100 Il a fait ce que fontà peu près tous les princes ; 6+6 a
Il a mangé, dormi,bu, tué devant lui ; 6+6 a
Il a régné féroceau hasard de l'ennui ; 6+6 a
Il fut l'homme qui frappe,opprime, égorge, exile ; 6+6 a
Ce fut un scélérat,ce fut un imbécile. 6+6 a
105 J'en parle simplementcomme on en doit parler. 6+6 a
La mort savait son nomet vient de l'appeler ; 6+6 a
Il est là. Le tombeau,c'est l'endroit difficile ; 6+6 a
Ce n'est point un cachot,ce n'est point un asile ; 6+6 a
C'est le lieu sombre nuln'est plus en sûreté ; 6+6 a
110 Le rendez-vous du fourbeavec la vérité, 6+6 a
Le rendez-vous de l'hommeavec la conscience. 6+6 a
C'est là que l'inconnuperd enfin patience. 6+6 a
Vous autres vous vivez ;mais l'âme, sans le corps, 6+6 a
Est nue et tremble ; il fautqu'elle écoute. En dehors 6+6 a
115 Des bonnes actionsqu'ils peuvent avoir faites, 6+6 a
S'ils ne sont ni docteurs,ni mages, ni prophètes, 6+6 a
Je n'ai pas de raisonpour respecter les morts. 6+6 a
Honte aux vils trépassésque hante le remords, 6+6 a
Mêlé dans leur sépulcreau miasme insalubre ! 6+6 a
120 Le fantôme est là seulsous le plafond lugubre ; 6+6 a
Je m'ajoute aux vautours,je m'ajoute aux corbeaux. 6+6 a
Je sais que ce n'est pointun de ces grands tombeaux 6+6 a
Rachel songe, Jeanmédite, pleure Électre, 6+6 a
Je me dresse, et je cracheà la face du spectre. 6+6 a
II
125  N'opposez à ce qui se passe 8 a
 Ni vos néants, ni vos grandeurs. 8 b
 Laissez en paix les profondeurs. 8 b
 L'ombre travaille dans l'espace. 8 a
 Que fait-elle ? Vous le saurez. 8 a
130  Derrière l'horizon, la nue 8 b
 Monte, et l'on entend la venue 8 b
 D'événements démesurés. 8 a
 L'humanité marche et s'éclaire ; 8 a
 Le progrès est l'immense aimant ; 8 b
135  A ce qui vient tranquillement 8 b
 N'ajoutez pas de la colère. 8 a
 N'irritez pas le peuple obscur, 8 a
 Aveugles rois, tourbe inquiète ! 8 b
 Ne soyez pas l'enfant qui jette 8 b
140  Des pierres par-dessus le mur. 8 a
 Dieu, sous les faits, qui sont ses voiles, 8 a
 Continue un dessein béni. 8 b
 Montrer le poing à l'infini, 8 b
 Cela ne fait rien aux étoiles. 8 a
145  Dieu ne s'interrompt pas pour vous. 8 a
 Ce qu'il fait, il faut qu'il le fasse. 8 b
 Son travail, rude à la surface, 8 b
 Dur pour vous, pour le peuple est doux. 8 a
 Rois, respect au progrès sublime ; 8 a
150  Rois, craignez ces reflux grondants ; 8 b
 Ne faites pas, rois imprudents, 8 b
 Perdre patience à l'abîme. 8 a
 Sait-on ses courroux, ses sanglots, 8 a
 Ses chocs, son but, ses lois, ses formes ? 8 b
155  Connt-on les ordres énormes 8 b
 Que le tonnerre donne aux flots ? 8 a
 Ne vous mêlez pas de ces choses. 8 a
 Votre vain souffle aérien 8 b
 Agite l'eau, mais ne peut rien 8 b
160  Sur l'immobilité des causes. 8 a
 Hélas ! tâchez de bien finir. 8 a
 Redoutez l'onde soulevée, 8 b
 Et ne troublez pas l'arrivée 8 b
 Formidable de l'avenir. 8 a
165  Ah ! prenez garde ! les marées 8 a
 Qu'on nomme révolutions 8 b
 Et qu'il faut que nous apaisions, 8 b
 Par vous, princes, sont effarées ; 8 a
 Et les gouffres sont plus amers, 8 a
170  Et la vague est plus écumante, 8 b
 Quand l'orage insensé tourmente 8 b
 La sombre liberté des mers. 8 a
mètre profils métriques : 8, 6+6
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