Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_5/HUG877
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
DERNIÈRE SÉRIE
1883
IX
Le Lapidé
Celui qui parle icimarchait dans une plaine 6+6 a
Sombre au point qu'un sentiers'y distinguait à peine ; 6+6 a
On entendait un bruitde foudre à l'horizon. 6+6 b
Il vit on ne sait quoid'affreux dans le gazon. 6+6 b
5 Un monceau d'ossements,noir sous un tas de pierres. 6+6 a
Alors, lui, le marcheurqui baisse les paupières 6+6 a
Il s'arrêta, sévèreet triste, et dit à Dieu : 6+6 b
— Dieu ! sous votre ciel calmeet dans cet âpre lieu 6+6 b
le vent vient gronderet l'apôtre se taire, 6+6 a
10 Dans ce désert voisind'Horeb, je vois à terre 6+6 a
Quelque chose qui futun homme et qui vivait. 6+6 b
C'était un mage ; il eutdebout à son chevet, 6+6 b
Tout le temps qu'il vécut,votre esprit formidable ; 6+6 a
Et votre esprit parlaità son âme ; et le sable, 6+6 a
15 Et la poussière, et l'eauqui coule du rocher, 6+6 b
N'ont jamais empêchéses pieds nus de marcher ; 6+6 b
Il passait les torrentset traversait les plaines ; 6+6 a
Il était sur la terreune de vos haleines ; 6+6 a
Il parlait au pontife,au scribe, au juge, au roi, 6+6 b
20 Et sa bouche soufflaitsur eux le vaste effroi ; 6+6 b
Il ne ménageait pasnon plus la sombre foule, 6+6 a
Il passait, dispersantsa parole, et la houle 6+6 a
A le même frissonsous la trombe, et le bois 6+6 b
Sous l'orage indigné,que l'homme sous sa voix. 6+6 b
25 Du moins ce fut ainsitant que vécut ce mage. 6+6 a
En bas son âme, en hautl'astre, étaient du même âge. 6+6 a
Et le peuple à ses piedssongeait dans la cité 6+6 b
Quand il parlait au gouffreavec fraternité. 6+6 b
Si bien que maintenantle voici dans cette herbe. 6+6 a
30 Le peuple est trop obscur,le prêtre est trop superbe 6+6 a
Pour se laisser longtempscrier par un passant 6+6 b
Qu'il faut aider le faibleet bénir l'innocent, 6+6 b
Qu'il faut craindre l'augureet son sceptre d'érable, 6+6 a
Mais que la véritésurtout est vénérable, 6+6 a
35 Et que les fils d'Adamdoivent se dire entre eux 6+6 b
Qu'il s'agit d'être justeet non pas d'être heureux. 6+6 b
Cet homme était sublimeet pur dans ses prières ; 6+6 a
C'est pourquoi, je le dis,le voilà sous ces pierres. 6+6 a
Ce mage a cet amasd'affreux cailloux pour lit, 6+6 b
40 Qui le tua vivantet mort l'ensevelit. 6+6 b
Certes, l'arbre qui prèsdu cadavre s'élève 6+6 a
A plus d'ombrage ayantà ses pieds plus de sève ; 6+6 a
L'herbe est belle, et les versde terre sont contents ; 6+6 b
Les loups ont, j'en conviens,à manger pour longtemps ; 6+6 b
45 L'hyène après la chairrongera le squelette ; 6+6 a
J'entends se réjouirdans l'ombre la belette, 6+6 a
Et le corbeau, qui haitvotre soleil divin ; 6+6 b
Et l'églantier sauvageen fleur dans ce ravin 6+6 b
A pu boire le sangdont ses roses sont faites. 6+6 a
50 Est-ce donc à celaque servent les prophètes ? 6+6 a
Et Dieu lui répondit :
— D'abord, c'est à cela. 6+6 b
Il faut que la fleur diseà l'aube : me voilà ! 6+6 b
L'arbre existe ; il est bonque l'herbe soit épaisse 6+6 a
Afin que la brebisjoyeuse s'en repaisse ; 6+6 a
55 Le ver de terre a droitde vivre ; et le vautour 6+6 b
Dans le banquet du jouret de l'ombre à son tour ; 6+6 b
Le grand ordre ignorén'exclut pas la belette 6+6 a
De ceux que la mamelleuniverselle allaite ; 6+6 a
Et moi qui sais que touta pour racine tout, 6+6 b
60 Que, si l'un est couché,c'est que l'autre est debout, 6+6 b
Que l'être nt de l'être,et sans fin se transforme, 6+6 a
Et que l'éternitétourne en ce cercle énorme, 6+6 a
Sans quoi dans l'azur noirles soleils s'éteindraient, 6+6 b
Je ne vois pas pourquoiles prophètes seraient 6+6 b
65 Dispensés de donnerleur chair pour nourriture 6+6 a
A l'affamée immenseet sombre, la nature. 6+6 a
Et puis ce lapidésert encore à ceci : 6+6 b
C'est qu'il te fait songer.L'homme passe, obscurci 6+6 b
Par la nuit, par l'hiver,par l'ombre, et par son âme, 6+6 a
70 Car il met de la cendre j'ai mis de la flamme ; 6+6 a
Eh bien, puisqu'il est sourd,et puisqu'il est haineux 6+6 b
A ceux qu'il voit venirayant mon souffle en eux, 6+6 b
Puisqu'il a son plaisirpour loi, pour dieu son ventre, 6+6 a
Il est bon qu'en venantde jouer dans quelque antre 6+6 a
75 Ses jours, son bien, son cœur,tout, sur un coup de dé, 6+6 b
Soudain il voie à terreun sage lapidé, 6+6 b
Et qu'il compare, émud'une terreur sacrée, 6+6 a
Les cadavres qu'il faitaux esprits que je crée. 6+6 a
Et, poursuivit l'Espritimmense, écoute encor. 6+6 b
80 Quand, tels que des chasseursmenant au son du cor 6+6 b
Leur meute dans le boissinistre des ténèbres, 6+6 a
Les peuples, devant euxpoussant ces chiens funèbres, 6+6 a
Haine, Ignorance, Envie,Orgueil, Rébellion, 6+6 b
Ont traqué mon prophèteainsi que le lion, 6+6 b
85 Quand ils boivent le sanget le vin dans leurs salles, 6+6 a
Adorant, nains hideux,leurs fautes colossales, 6+6 a
Quand le brûleur, soufflantsur un tas de charbon, 6+6 b
Se dit mon prêtre, et quandle mal leur semble bon, 6+6 b
Les mages aspirésparlent aux multitudes, 6+6 a
90 Comme le sombre vent,du fond des solitudes ; 6+6 a
Mais je n'ignore pasque ce n'est point assez. 6+6 b
Le prophète est bien grand,mais ne peut, je le sais, 6+6 b
Dire les mots divinsqu'avec la langue humaine ; 6+6 a
Il sied que le prodigeet que le phénomène 6+6 a
95 Apparaisse, et me nommeaux peuples, oublieux 6+6 b
De tout ce que j'ai misd'obscur sur les hauts lieux ; 6+6 b
Il faut faire entrevoirà l'homme mon mystère, 6+6 a
L'ordre silencieuxdoit cesser de se taire, 6+6 a
Et, pour le ciel profond,c'est le moment d'avoir 6+6 b
100 La clameur rappelantles peuples au devoir ; 6+6 b
Un avertissementfarouche est nécessaire ; 6+6 a
Votre terre a besoinqu'un verbe altier, sincère, 6+6 a
Innocent, prenne l'ombreeffrayante à témoin ; 6+6 b
Alors il faut quelqu'unqu'on entende de loin 6+6 b
105 Et qui parle plus hautque la voix ordinaire, 6+6 a
Et c'est un des emploisque je donne au tonnerre. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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