Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_4/HUG837
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
XVIII
LE GROUPE DES IDYLLES
L'Idylle du vieillard
La voix d'un enfant d'un an
Que dit-il ? Croyez-vousqu'il parle ? J'en suis sûr. 6+6 a
Mais à qui parle-t-il ?A quelqu'un dans l'azur ; 6+6 a
A ce que nous nommonsles esprits ; à l'espace, 6+6 b
Au doux battement d'aileinvisible qui passe, 6+6 b
5 A l'ombre, au vent, peut-êtreau petit frère mort. 6+6 a
L'enfant apporte un peude ce ciel dont il sort ; 6+6 a
Il ignore, il arrive ;homme, tu le recueilles. 6+6 b
Il a le tremblementdes herbes et des feuilles. 6+6 b
La jaserie avantle langage est la fleur 6+6 a
10 Qui précède le fruit,moins beau qu'elle, et meilleur, 6+6 a
Si c'est être meilleurqu'être plus nécessaire. 6+6 b
L'enfant candide, au seuilde l'humaine misère, 6+6 b
Regarde cet étrangeet redoutable lieu, 6+6 a
Ne comprend pas, s'étonne,et, n'y voyant pas Dieu, 6+6 a
15 Balbutie, humble voixconfiante et touchante ; 6+6 b
Ce qui pleure finitpar être ce qui chante ; 6+6 b
Ses premiers mots ont peurcomme ses premiers pas. 6+6 a
Puis il espère.
Au ciel notre œil n'atteint pas 6+6 a
Il est on ne sait quelnuage de figures 6+6 b
20 Que les enfants, jadisvénérés des augures, 6+6 b
Apeoivent d'en baset qui les fait parler. 6+6 a
Ce petit voit peut-êtreun œil étinceler ; 6+6 a
Il l'interroge ; il voitdans de claires nuées, 6+6 b
Des faces resplendirsans fin diminuées, 6+6 b
25 Et, fantômes réelsqui pour nous seraient vains, 6+6 a
Le regarder, avecdes sourires divins ; 6+6 a
L'obscurité sereineétend sur lui ses branches ; 6+6 b
Il rit, car de l'enfantles ténèbres sont blanches. 6+6 b
C'est là, dans l'ombre, au fonddes éblouissements, 6+6 a
30 Qu'il dialogue avecdes inconnus charmants. 6+6 a
L'enfant fait la demandeet l'ange la réponse ; 6+6 b
Le babil puérildans le ciel bleu s'enfonce, 6+6 b
Puis s'en revient, avecles hésitations 6+6 a
Du moineau qui verraitplaner les alcyons. 6+6 a
35 Nous appelons celabégaiement ; c'est l'abîme 6+6 b
, comme un être ailéqui va de cime en cime, 6+6 b
La parole, mêléeà l'éden, au matin, 6+6 a
Essayant de saisirlà-haut un mot lointain, 6+6 a
Le prend, le lâche, chercheet trouve, et s'inquiète. 6+6 b
40 Dans ce que dit l'enfantle ciel profond s'émiette. 6+6 b
Quand l'enfant jase avecl'ombre qui le bénit, 6+6 a
La fauvette, attentive,au rebord de son nid 6+6 a
Se dresse, et ses petitspassent, pensifs et frêles, 6+6 b
Leurs têtes à traversles plumes de ses ailes ; 6+6 b
45 La mère semble direà sa couvée : Entends, 6+6 a
Et tâche de parleraussi bien. — Le printemps, 6+6 a
L'aurore, le jour bleudu paradis paisible, 6+6 b
Les rayons, flèches d'ordont la terre est la cible, 6+6 b
Se fondent, en un rythmeobscur, dans l'humble chant 6+6 a
50 De l'âme chancelanteet du cœur trébuchant. 6+6 a
Trébucher, chanceler,bégayer, c'est le charme 6+6 b
De cet âge le rireéclôt dans une larme. 6+6 b
O divin clair-obscurdu langage enfantin ! 6+6 a
L'enfant semble pouvoirdésarmer le destin ; 6+6 a
55 L'enfant sans le savoirenseigne la nature ; 6+6 b
Et cette bouche roseest l'auguste ouverture 6+6 b
D' tombe, ô majestéde l'être faible et nu ! 6+6 a
Sur le gouffre ignoréle logos inconnu. 6+6 a
L'innocence au milieude nous, quelle largesse ! 6+6 b
60 Quel don du ciel ! Qui saitles conseils de sagesse, 6+6 b
Les éclairs de bonté,qui sait la foi, l'amour, 6+6 a
Que versent, à traversleur tremblant demi-jour, 6+6 a
Dans la querelle amèreet sinistre nous sommes, 6+6 b
Les âmes des enfantssur les âmes des hommes ? 6+6 b
65 Le voit-on jusqu'au fondce langage l'on sent 6+6 a
Passer tout ce qui faittressaillir l'innocent ? 6+6 a
Non. Les hommes émusécoutent ces mêlées 6+6 b
De syllabes dans l'aubeadorable envolées, 6+6 b
Idiome le ciellaisse un reste d'accent, 6+6 a
70 Mais ne comprennent pas,et s'en vont en disant : 6+6 a
— Ce n'est rien ; c'est un souffle,une haleine, un murmure ; 6+6 b
Le mot n'est pas completquand l'âme n'est pas mûre. — 6+6 b
Qu'en savez-vous ? Ce cri,ce chant qui sort d'un nid, 6+6 a
C'est l'homme qui commenceet l'ange qui finit. 6+6 a
75 Vénérez-le. Le bruitmélodieux, la gamme 6+6 b
Dénouée et flottante l'enfance amalgame 6+6 b
Le parfum de sa lèvreet l'azur de ses yeux, 6+6 a
Ressemble, ô vent du ciel,aux mots mystérieux 6+6 a
Que, pour exprimer l'ombreou le jour, tu proposes 6+6 b
80 A la grande âme obscureéparse dans les choses. 6+6 b
L'être qui vient d'écloreen ce monde tout ment, 6+6 a
Dit comme il peut son tristeet doux étonnement. 6+6 a
Pour l'animal perdudans l'énigme profonde, 6+6 b
Tout vient de l'homme. L'hommeébauche dans ce monde 6+6 b
85 Une explicationdu mystère, et par lui 6+6 a
Au fond du noir problèmeun peu de jour a lui. 6+6 a
Oui, le gazouillement,musique molle et vague, 6+6 b
Brouillard de mots divinsconfus comme la vague, 6+6 b
Chant dont les nouveau-nésont le charmant secret, 6+6 a
90 Et qui de la maisonpasse dans la forêt, 6+6 a
Est tout un verbe, touteune langue, un échange 6+6 b
De l'aube avec étoileet de l'âme avec l'ange, 6+6 b
Idiome des nids,truchement des berceaux, 6+6 a
Pris aux petits enfantspar les petits oiseaux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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