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| = césure
HUG_4/HUG778
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
NOUVELLE SÉRIE
1877
I
LA TERRE
Hymne
Elle est la terre, elle est la plaine, elle est le champ. 6+6 a
Elle est chère à tous ceux qui sèment en marchant ; 6+6 a
Elle offre un lit de mousse au pâtre ; 8 b
Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel, 6+6 c
5 Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel 6+6 c
Comme des sœurs autour de l'âtre. 8 b
Elle aime le rayon propice aux blés mouvants, 6+6 a
Et l'assainissement formidable des vents, 6+6 a
Et les souffles, qui sont des lyres, 8 b
10 Et l'éclair, front vivant qui, lorsqu'il brille et fuit, 6+6 c
Tout ensemble épouvante et rassure la nuit 6+6 c
A force d'effrayants sourires. 8 b
Gloire à la terre ! Gloire à l'aube où Dieu paraît ! 6+6 a
Au fourmillement d'yeux ouverts dans la forêt, 6+6 a
15 Aux fleurs, aux nids que le jour dore ! 8 b
Gloire au blanchissement nocturne des sommets ! 6+6 c
Gloire au ciel bleu qui peut, sans s'épuiser jamais, 6+6 c
Faire des dépenses d'aurore ! 8 b
La terre aime ce ciel tranquille, égal pour tous, 6+6 a
20 Dont la sérénité ne dépend pas de nous, 6+6 a
Et qui mêle à nos vils désastres, 8 b
A nos deuils, aux éclats de rires effrontés, 6+6 c
A nos méchancetés, à nos rapidités, 6+6 c
La douceur profonde des astres. 8 b
25 La terre est calme auprès de l'océan grondeur ; 6+6 a
La terre est belle ; elle a la divine pudeur 6+6 a
De se cacher sous les feuillages ; 8 b
Le printemps son amant vient en mai la baiser ; 6+6 c
Elle envoie au tonnerre altier pour l'apaiser 6+6 c
30 La fumée humble des villages. 8 b
Ne frappe pas, tonnerre. Ils sont petits ceux-ci. 6+6 a
La terre est bonne ; elle est grave et sévère aussi ; 6+6 a
Les roses sont pures comme elle ; 8 b
Quiconque pense, espère et travaille lui plaît, 6+6 c
35 Et l'innocence offerte à tout homme est son lait, 6+6 c
Et la justice est sa mamelle. 8 b
La terre cache l'or et montre les moissons ; 6+6 a
Elle met dans le flanc des fuyantes saisons 6+6 a
Le germe des saisons prochaines, 8 b
40 Dans l'azur les oiseaux qui chuchotent : aimons ! 6+6 a
Et les sources au fond de l'ombre, et sur les monts 6+6 a
L'immense tremblement des chênes. 8 b
L'harmonie est son œuvre auguste sous les cieux ; 6+6 a
Elle ordonne aux roseaux de saluer, joyeux 6+6 a
45 Et satisfaits, l'arbre superbe ; 8 b
Car l'équilibre, c'est le bas aimant le haut ; 6+6 c
Pour que le cèdre altier soit dans son droit, il faut 6+6 c
Le consentement du brin d'herbe. 8 b
Elle égalise tout dans la fosse, et confond 6+6 a
50 Avec les bouviers morts la poussière que font 6+6 a
Les Césars et les Alexandres ; 8 b
Elle envoie au ciel l'âme et garde l'animal ; 6+6 c
Elle ignore, en son vaste effacement du mal, 6+6 c
La différence des deux cendres. 8 b
55 Elle paie à chacun sa dette, au jour la nuit, 6+6 a
A la nuit le jour, l'herbe aux rocs, aux fleurs le fruit ; 6+6 a
Elle nourrit ce qu'elle crée, 8 b
Et l'arbre confiant quand l'homme est incertain ; 6+6 c
O confrontation qui fait honte au destin, 6+6 c
60 O grande nature sacrée ! 8 b
Elle fut le berceau d'Adam et de Japhet, 6+6 a
Et puis elle est leur tombe ; et c'est elle qui fait 6+6 a
Dans Tyr qu'aujourd'hui l'on ignore, 8 b
Dans Sparte et Rome en deuil, dans Memphis abattu, 6+6 c
65 Dans tous les lieux où l'homme a parlé, puis s'est tu, 6+6 c
Chanter la cigale sonore. 8 b
Pourquoi ? Pour consoler les sépulcres dormants. 6+6 a
Pourquoi ? Parce qu'il faut faire aux écroulements 6+6 a
Succéder les apothéoses, 8 b
70 Aux voix qui disent Non les voix qui disent Oui, 6+6 c
Aux disparitions de l'homme évanoui 6+6 c
Le chant mystérieux des choses. 8 b
La terre a pour amis les moissonneurs ; le soir, 6+6 a
Elle voudrait chasser du vaste horizon noir 6+6 a
75 L'âpre essaim des corbeaux voraces, 8 b
A l'heure où le bœuf las dit : Rentrons maintenant ; 6+6 c
Quand les bruns laboureurs s'en reviennent traînant 6+6 c
Les socs pareils à des cuirasses. 8 b
Elle enfante sans fin les fleurs qui durent peu : 6+6 a
80 Les fleurs ne font jamais de reproches à Dieu ; 6+6 a
Des chastes lys, des vignes mûres, 8 b
Des myrtes frissonnant au vent, jamais un cri 6+6 c
Ne monte vers le ciel vénérable, attendri 6+6 c
Par l'innocence des murmures. 8 b
85 Elle ouvre un livre obscur sous les rameaux épais ; 6+6 a
Elle fait son possible, et prodigue la paix 6+6 a
Au rocher, à l'arbre, à la plante, 8 b
Pour nous éclairer, nous, fils de Cham et d'Hermès, 6+6 a
Qui sommes condamnés à ne lire jamais 6+6 a
90 Qu'à de la lumière tremblante. 8 b
Son but, c'est la naissance et ce n'est pas la mort 6+6 a
C'est la bouche qui parle et non la dent qui mord ; 6+6 a
Quand la guerre infâme se rue 8 b
Creusant dans l'homme un vil sillon de sang baigné, 6+6 c
95 Farouche, elle détourne un regard indigné 6+6 c
De cette sinistre charrue. 8 b
Meurtrie, elle demande aux hommes : A quoi sert 6+6 a
Le ravage ? Quel fruit produira le désert ? 6+6 a
Pourquoi tuer la plaine verte ? 8 b
100 Elle ne trouve pas utiles les méchants, 6+6 c
Et pleure la beauté virginale des champs 6+6 c
Déshonorés en pure perte. 8 b
La terre fut jadis Cérès, Alma Cérès, 6+6 a
Mère aux yeux bleus des blés, des prés et des forêts 6+6 a
105 Et je l'entends qui dit encore : 8 b
Fils, je suis Démèter, la déesse des dieux ; 6+6 c
Et vous me bâtirez un temple radieux 6+6 c
Sur la colline Callichore. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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