Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_3/HUG592
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
PREMIÈRE SÉRIE
1859
XII
DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
LES MERCENAIRES
Le Régiment du baron Madruce
(garde impériale suisse)
I
Lorsque le régimentdes hallebardiers passe, 6+6 a
L'aigle à deux têtes, l'aigleà la griffe rapace, 6+6 a
L'aigle d'Autriche, dit :
— Voilà le régiment 6+6 b
De mes hallebardiersqui va superbement. 6+6 b
5 Leurs plumets font venirles filles aux fenêtres ; 6+6 a
Ils marchent droits, tendantla pointe de leurs guêtres ; 6+6 a
Leur pas est si correct,sans tarder ni courir, 6+6 b
Qu'on croit voir des ciseauxse fermer et s'ouvrir. 6+6 b
Et la belle musique,ardente et militaire ! 6+6 a
10 Leur clairon fait sortirune rumeur de terre. 6+6 a
Tout cet éclat de rireorgueilleux et vainqueur 6+6 b
Que le soldat muetrefoule dans son cœur, 6+6 b
Étouffé dans les rangs,s'échappe et se délivre 6+6 a
Sous le chapeau, chinoisaux clochettes de cuivre ; 6+6 a
15 Le tambour roule avecun faste oriental, 6+6 b
Et vibre, tout tremblantde plaques de métal ; 6+6 b
Si bien qu'on croit entendreen sa voix claire et gaie 6+6 a
Sonner allègrementles sequins de la paie ; 6+6 a
La fanfare s'envoleen bruyant falbala. 6+6 b
20 Quels bons autrichiensque ces étrangers-là ! 6+6 b
Gloire aux hallebardiers !Ils n'ont point de scrupule 6+6 a
Contre la populaceet contre la crapule, 6+6 a
Corrigeant dans les gueuxmal vêtus la fureur 6+6 b
De venir regarderde trop près l'empereur ; 6+6 b
25 Autour des archiducsleur pertuisane veille, 6+6 a
Et souvent d'une fêteelle revient vermeille, 6+6 a
Ayant fait en passantquelques trous dans la chair 6+6 b
Du bas peuple en haillonsqui trouve le pain cher ; 6+6 b
Ils ont un air fâchéqui tient la foule en bride ; 6+6 a
30 Le grand soleil leur creuseaux sourcils une ride ; 6+6 a
Ce régiment est beausous les armes, rêvant 6+6 b
A la terreur qui suitson drapeau dans le vent ; 6+6 b
Il a, comme un palais,ses tours et sa façade ; 6+6 a
Tous sont hardis et forts,du fifre à l'anspessade ; 6+6 a
35 Gloire aux hallebardierssplendides ! ces piquiers 6+6 b
Sont une rude pièceaux royaux échiquiers ; 6+6 b
On sent que ces gaillardssortent des avalanches 6+6 a
Qui des cols du Malpasroulent jusqu'à Sallanches ; 6+6 a
En guerre, au feu, ce sontdes tigres pour l'élan ; 6+6 b
40 A Schoenbrunn, chacun d'euxa l'air d'un chambellan ; 6+6 b
Auprès de leur cocardeils piquent une rose ; 6+6 a
Et tous, en même temps,graves, ont quelque chose 6+6 a
De froid, de sépulcral,d'altier, de solennel, 6+6 b
Le grand baron Madruceétant leur colonel ! 6+6 b
45 Leur hallebarde est longueet s'ajoute à leur taille ; 6+6 a
Quant ce dur régimentest dans une bataille, 6+6 a
— Lâchât-on contre luiles mamelouks du Nil, — 6+6 b
La meute des plus fiersescadrons, le chenil 6+6 b
Des bataillons les plushideux, les plus épiques, 6+6 a
50 Regarde en reculantce sanglier de piques. 6+6 a
Ils sont silencieuxcomme un nuage noir ; 6+6 b
Ils laissent seulementpar instants entrevoir 6+6 b
Une lueur tragiqueaux multitudes viles ; 6+6 a
Parfois leur humeur change,ils entrent dans les villes, 6+6 a
55 Ivres et gais, frappantleurs marmites de fer, 6+6 b
Et font devant le seuildes maisons un bruit fier, 6+6 b
Heureux, vainqueurs, sanglants,chantant à pleine bouche 6+6 a
La noce de la joieet du sabre farouche ; 6+6 a
Ils ont nommé, tuant,mourant pour de l'argent, 6+6 b
60 Trépas leur capitaine,et Danger leur sergent ; 6+6 b
Ils trnent dans leurs rangs,avec gloire et furie, 6+6 a
Comme un trophée utileà mettre en batterie, 6+6 a
Six canons qu'a pleurésmonsieur de Brandebourg. 6+6 b
Comme ils vous font jappercela contre un faubourg ! 6+6 b
65 Comme ils en ont crachénaguère la volée 6+6 a
Sur Comorn, la Hongrieétant démuselée ! 6+6 a
Et comme ils ont trouéde boulets le manteau 6+6 b
De Vérone, livréeau feu par Colato ! 6+6 b
Les déclarationsde guerre les font rire ; 6+6 a
70 Ils signent ce qu'il pltà l'empereur d'écrire, 6+6 a
Sous les puissants édits,sous les rescrits altiers, 6+6 b
Au bas des hauts décrets,ils mettent volontiers 6+6 b
Ce grand paraphe obscurqu'on nomme la mêlée ; 6+6 a
Leur bannière à longs plis,toute bariolée, 6+6 a
75 Est une glorieuseet fait claquer son fouet ; 6+6 b
Walstein, comme une foudreau poing, les secouait ; 6+6 b
Leur mode est d'envoyerla bombe en ambassade ; 6+6 a
Ils sont pour l'ennemide mine si maussade 6+6 a
Que s'ils allaient un jour,sur la terre ou la mer, 6+6 b
80 Guerroyer quelque princeallié de l'enfer, 6+6 b
Rien qu'en apercevantleurs profils sous le feutre, 6+6 a
Satan se sentiraitle gt de rester neutre. 6+6 a
Aussi, lourde est la soldeet riche est le loyer. 6+6 b
Quand on veut des héros,il faut les bien payer. 6+6 b
85 On n'a point vu, depuisBoleslas Lèvre-Torte, 6+6 a
Une bande de gensde bataille plus forte 6+6 a
Et des alignementsd'estafiers plus hagards ; 6+6 b
Max en fait cas, Tillypour eux a des égards, 6+6 b
Fritz les aime ; en voyantces moustaches féroces, 6+6 a
90 Les femmes de la couront peur dans leurs carrosses 6+6 a
Et disent : « Qu'ils sont beaux !» Leurs os sont de granit ; 6+6 b
L'électeur de Mayenceen passant les bénit, 6+6 b
Et l'abbé de Fuldaleur rit dans sa simarre ; 6+6 a
Leur habit est d'un drapcramoisi, que chamarre 6+6 a
95 Un galon triomphal,auguste, étincelant ; 6+6 b
Ils ont deux frocs de guerre,un jaune et l'autre blanc, 6+6 b
Sur le jaune, l'or brilleet largement éclate ; 6+6 a
Quand ils portent le blancsur la veste écarlate, 6+6 a
Car la pompe des coursaime ce train changeant, 6+6 b
100 On leur voit sur le corpsruisseler tant d'argent 6+6 b
Que ces fils des glacierssemblent couverts de givre. 6+6 a
Une troupe d'enfantss'extasie à les suivre. 6+6 a
Ils gardent à Schoenbrunnle secret corridor. 6+6 b
Sur l'épaule, en brocartbrodé de pourpre et d'or, 6+6 b
105 Ils ont, quoique plus d'unsoit hérétique en somme, 6+6 a
Le blason de l'empireet le blason de Rome ; 6+6 a
Mais leur cœur huguenotsans courroux le subit, 6+6 b
Et, quand l'âge ou la guerreont usé leur habit 6+6 b
Et qu'il faut au Praterdevant des rois partre, 6+6 a
110 Chacun d'eux, devenubon tailleur de bon rtre, 6+6 a
S'accroupit, prend l'aiguilleet remet en état 6+6 b
L'écusson orthodoxeà son dos apostat. 6+6 b
Ce sont de braves gens.Jamais ils ne vacillent. 6+6 a
En longs buissons mouvantsleurs hallebardes brillent. 6+6 a
115 A Prague, à Parme, à Pesth,devant Mariendal, 6+6 b
Ils soutiennent le vasteempereur féodal ; 6+6 b
La révolte autour d'euxse brise, échoue et sombre ; 6+6 a
Ils ont le flamboiement,l'ordre et l'épaisseur sombre ; 6+6 a
Le vertige me prendmoi-même dans les airs 6+6 b
120 En regardant marchercette forêt d'éclairs. 6+6 b
II
Lorsque le régimentdes hallebardiers passe, 6+6 a
L'aigle montagnard, l'aigleorageux de l'espace, 6+6 a
Qui parle au précipiceet que le gouffre entend, 6+6 b
Et qui plane au-dessusdes trônes, emportant 6+6 b
125 Dans le ciel son pays,la liberté, sa proie ; 6+6 a
Le sublime témoindu soleil qui flamboie, 6+6 a
L'aigle des Alpes, roidu pic et du hallier, 6+6 b
Dresse la tête au bruitde ce pas régulier, 6+6 b
Et crie, et jusqu'au cielsa voix hautaine monte : 6+6 a
130 O chute ! ignominie !inexprimable honte ! 6+6 a
Ces marcheurs alignés,ces êtres qui vont là 6+6 b
En pompe impériale,en housse de gala, 6+6 b
Ce sont de libres filsde ma libre montagne ! 6+6 a
Ah ! les bassets en laisseet les foats au bagne 6+6 a
135 Sont grands, sont purs, sont fiers,sont beaux et glorieux 6+6 b
Près de ceux-ci, qui, nésdans les lieux sérieux 6+6 b
comme des roseauxles hauts mélèzes ploient, 6+6 a
Fils des rochers sacréset terribles, emploient 6+6 a
La fermeté du pieddans les cols périlleux, 6+6 b
140 Le mystérieux sangdes mères aux yeux bleus, 6+6 b
L'audace dont l'autanvous emplit les narines, 6+6 a
Le divin gonflementde l'air dans les poitrines, 6+6 a
La grâce des ravinscouronnés de bouquets, 6+6 b
Et la force des monts,à se faire laquais ! 6+6 b
145 La contrée affranchieet joyeuse, matrice 6+6 a
De l'idée indomptable,âpre et libératrice, 6+6 a
La patrie au flanc rude,aux bons pics arrogants, 6+6 b
Qui portait les hérosmêlés aux ouragans, 6+6 b
Douce, délivrant l'hommeet délivrant la bête, 6+6 a
150 Sauvage, ayant le bruitdes chutes d'eau pour fête 6+6 a
Et la sereine horreurdes antres pour palais, 6+6 b
La terre qui nous montreau milieu des chalets 6+6 b
Le fier archer d'Altorftenant son arbalète, 6+6 a
Et, titan, au-dessusdu lac qui le reflète, 6+6 a
155 Enjambant les grands montscomme des escaliers, 6+6 b
La voilà maintenantnourrice de geôliers, 6+6 b
Et l'on voit pendre ensembleà ses sombres mamelles 6+6 a
La honte avec la gloire,ainsi que deux jumelles ! 6+6 a
L'aigle à deux fronts, marquéde son double soufflet 6+6 b
160 A cette heure à traversnos pâtres boit son lait ! 6+6 b
Quoi ! la trompe d'Urisonnant de roche en roche, 6+6 a
La couronne de fer,qu'un montagnard décroche, 6+6 a
Les baillis jetés bas,le fôhn soufflant dix mois, 6+6 b
Ces pentes de granit saute le chamois 6+6 b
165 Et qui firent glisserCharles le Téméraire, 6+6 a
Le mont Blanc qui ne ditqu'à l'Himalaya : Frère ! 6+6 a
Ces sommets, éclatantscomme d'énormes lys ; 6+6 b
Quoi ! le Pilate, quoi !le Rigi, quoi ! Titlis, 6+6 b
Ce triangle hideuxde géants noirs, qui cerne 6+6 a
170 Et qui garde le lactragique de Lucerne ; 6+6 a
Quoi ! la vaste gtédes nuages, des fleurs, 6+6 b
Des eaux, des ouraganspuissants et querelleurs ; 6+6 b
Quoi ! l'honneur, quoi ! l'épieude Sempach, la cognée 6+6 a
De Morat bondissanthors des bois indignée, 6+6 a
175 La faulx de Morgarten,la fourche de Granson ; 6+6 b
La rudesse du roc,la fierté du buisson ; 6+6 b
Ces cris, ces feux de pailleallumés sur les ftes ; 6+6 a
Quoi ! sur l'affreux faisceaudes lances stupéfaites 6+6 a
L'immense éventrementde Winkelried joyeux ; 6+6 b
180 Quoi ! les filles d'Albis,anges aux chastes yeux 6+6 b
Les grandes mers de glaceet leurs ondes muettes, 6+6 a
Les porches d'ombre fuitle vol des gypaètes, 6+6 a
Quoi ! l'homme affranchi, quoi !ces serments, cette foi, 6+6 b
Le bâton paysanbrisant le glaive roi, 6+6 b
185 Quoi ! dans l'altier sursautde la vengeance austère, 6+6 a
Comme la vieille Francea chassé l'Angleterre, 6+6 a
L'Helvétie en fureurchassant l'autrichien, 6+6 b
Et l'empereur, cet ours,et l'archiduc, ce chien, 6+6 b
T'ayant pour Jeanne d'Arc,ô Jungfrau formidable ; 6+6 a
190 Quoi ! toute cette histoireauguste, inabordable, 6+6 a
Escarpée, au front hautau chant libre, à l'œil clair, 6+6 b
Blanche comme la neige,âpre comme l'hiver, 6+6 b
Et du farouche ventdes cimes enivrée, 6+6 a
Terre et cieux ! aboutità la Suisse en livrée ? 6+6 a
195 Est-ce que le mont Blancne va pas se lever ? 6+6 b
Ah ! ceci va plus loinqu'on ne pourrait rêver ! 6+6 b
Plus loin qu'on ne pourraitcalomnier ! Oui, certes, 6+6 a
L'indépendance errantdans nos gorges désertes, 6+6 a
Franche et vraie, et riantsous le ciel pluvieux, 6+6 b
200 A des ennemis ; certeelle a des envieux ; 6+6 b
Ces menteurs ont construitbien des choses contre elle ; 6+6 a
Chaque jour, leur amèreet lugubre querelle 6+6 a
Imagine une boueà lui jeter au front, 6+6 b
Et cherche quelque formehorrible de l'affront ; 6+6 b
205 Ils ont contre sa vieilleet vénérable gloire 6+6 a
Tout fait, tout publié,tout dit, tout semblé croire, 6+6 a
Ils ont tout supposé,tout vomi, tout bavé, 6+6 b
Mais cela, cependant,ils ne l'ont pas trouvé ; 6+6 b
Non, il n'en est pas unqui, dans sa rage, invente 6+6 a
210 La Liberté s'offrantaux rois comme servante ! 6+6 a
Qu'est-ce que nous allonsdevenir maintenant ? 6+6 b
Devant ce résultatlugubre et surprenant, 6+6 b
Qu'est-ce qu'on va penserde vous, chênes, mélèzes, 6+6 a
Lacs qui vous insurgezsous les rudes falaises, 6+6 a
215 Granits qui des géantssemblez le dur talon ? 6+6 b
Qu'est-ce qu'on va penserde toi, fauve aquilon ? 6+6 b
Qu'est-ce qu'on va penserde votre miel, abeilles ? 6+6 a
Comme vous aurez honte,ô douces fleurs vermeilles, 6+6 a
Œillets, jasmins, d'avoirconnu ces hommes-ci ! 6+6 b
220 Puisque l'opprobre richeest par vos cœurs choisi, 6+6 b
Puisque c'est vous qu'on voitvêtus de l'or des princes, 6+6 a
Superbement hideuxet gardeurs de provinces, 6+6 a
Pâtres, soyez maudits.Oh ! vous étiez si beaux, 6+6 b
Honnêtes, en haillons,et libres, en sabots ! 6+6 b
225 Auriez-vous donc besoinde faste ? Est-ce la pompe 6+6 a
Des parades, des cours,des galas qui vous trompe ? 6+6 a
Mais alors, regardez.Est-ce que mes vallons 6+6 b
N'ont pas les torrents blancsd'écume pour galons ? 6+6 b
Mai brode à mes rochersla passementerie 6+6 a
230 Des perles de roséeet des fleurs de prairie ; 6+6 a
Mes vieux monts pour dorureont le soleil levant ; 6+6 b
Et chacun d'eux brumeux,branle un panache au vent 6+6 b
D' sort le roulementsinistre des tonnerres, 6+6 a
S'il vous faut, au milieudes forêts centenaires, 6+6 a
235 Une livrée, à vousles voisins du ciel bleu, 6+6 b
Pourquoi celle des rois,ayant celle de Dieu ? 6+6 b
Ah ! vous raccommodezvos habits ! vos aiguilles, 6+6 a
Sœurs des sabres vendus,indigneraient des filles ! 6+6 a
Ah ! vous raccommodezvos habits ! Venez voir, 6+6 b
240 Quand la saison commenceà venter, à pleuvoir, 6+6 b
Comme l'altier Pelvoux,vieillard à tête blanche, 6+6 a
Sait, tout déguenilléde grêle et d'avalanche, 6+6 a
Mettre à ses cieux trouésune pièce d'azur, 6+6 b
Et, croisant les genouxdans quelque gouffre obscur, 6+6 b
245 Tranquille, se servirde l'éclair pour recoudre 6+6 a
Sa robe de nuéeet son manteau de foudre ! 6+6 a
Sur la terre tout jetteun miasme empoisonneur, 6+6 b
même cet instinctqu'on appelle l'honneur 6+6 b
De pente en pente au fondde la bassesse glisse, 6+6 a
250 Il n'est qu'un peuple libre,un montagnard, la Suisse ; 6+6 a
Tous les autres, ramantl'ombre des deux côtés, 6+6 b
Sont les galériensdes blêmes royautés ; 6+6 b
Or, les rois ont eu l'artde mettre en équilibre 6+6 a
Les pauvres peuples serfsavec le peuple libre, 6+6 a
255 Et font garder, afinque l'ordre soit complet, 6+6 b
Les esclaves, foats,par le libre, valet. 6+6 b
Et dire que la Suisseeut jadis l'envergure 6+6 a
D'un peuple qui se lèveet qui se transfigure ! 6+6 a
O vils marchands d'eux-même !immonde abaissement ! 6+6 b
260 Leur enfance a reçuce haut enseignement 6+6 b
Qu'un peuple s'affranchit,c'est-à-dire se crée, 6+6 a
Par la révolte sainteet l'émeute sacrée, 6+6 a
Qu'il faut rompre ses fers,vaincre, et que le lion, 6+6 b
Superbe, pour crinièrea la rébellion. 6+6 b
265 C'est leur dogme. A cette heure,ils ont dans leur service 6+6 a
De punir dans autruileur vertu comme un vice ; 6+6 a
Ils le font. Les voiciprêtant main-forte aux rois 6+6 b
Contre un Sempach lombard,contre un Morat hongrois ! 6+6 b
Si bien que, maintenant,c'est fini. Nous en sommes 6+6 a
270 A cette indignitéqu'en tout pays les hommes 6+6 a
Entendent l'Helvétie,en des coins ténébreux, 6+6 b
Chuchoter, proposantà leurs mtres contre eux 6+6 b
Ses archers, d'autant pluslâches qu'ils sont plus braves, 6+6 a
Fille publique auprèsdes nations esclaves ; 6+6 a
275 Et que le despotisme,habile à tout plier, 6+6 b
Met au monde un carcan,à la Suisse un collier ! 6+6 b
Donc, César vous admetdans ses royaux repaires ; 6+6 a
César daigne oublierque vous avez pour pères 6+6 a
Tous nos vieux héros, purscomme le firmament ; 6+6 b
280 Même un peu de pardonse mêle à son paiement ; 6+6 b
L'iniquité, le dol,le mal, la tyrannie, 6+6 a
Vous font grâce, et riant,vous laissent l'ironie 6+6 a
De leur porte à défendre,et d'un tambour honteux 6+6 b
Et d'un clairon abjectà sonner devant eux ! 6+6 b
285 Hélas ! n't-on pas cruces monts invulnérables ? 6+6 a
Oh ! comme nous voilàfourvoyés, misérables ! 6+6 a
D' venez-vous ? de Pesth.Et qu'avez-vous fait là ? 6+6 b
L'aigle à deux fronts, sur quiGuillaume Tell souffla, 6+6 b
Suivait vos bataillonsde son regard oblique ; 6+6 a
290 Trois ans d'atrocitésur la place publique, 6+6 a
Trois ans de coups de hacheet de barres de fer, 6+6 b
Les billots, les bûchers,les fourches, tout l'enfer, 6+6 b
Les supplices hurlantdans la brume hagarde, 6+6 a
C'est là ce que l'Autrichea mis sous votre garde. 6+6 a
295 Devant vous, on tuaitle juste et l'innocent, 6+6 b
Les coudes des bourreauxétaient rouges de sang, 6+6 b
Les glaives s'ébréchaientsur les nuques, la corde 6+6 a
Coupait d'un hoquet noirle cri : Miséricorde ! 6+6 a
On prodiguait au boisen feu plus de vivants 6+6 b
300 Qu'il n'en pouvait brûler,même aidé par les vents ; 6+6 b
On mêlait le hérosdans la flamme à l'apôtre, 6+6 a
L'un n'était pas finique l'on commençait l'autre ; 6+6 a
Les têtes des plus saintset des plus vénérés 6+6 b
Pourrissaient au soleilau bout des pieux ferrés ; 6+6 b
305 On marquait d'un fer chaudle sein fumant des femmes, 6+6 a
On rouait des vieillards,et vous êtes infâmes. 6+6 a
Voilà ce que je dis,moi, l'aigle pour de bon. 6+6 b
Le fourbe Gaïnaset le louche Bourbon 6+6 b
N'ont trahi que des roisdans leur noirceur profonde, 6+6 a
310 Mais vous, vous trahissezla liberté du monde ; 6+6 a
Votre fanfare sortdu charnier, vos tambours 6+6 b
Sont pleins du cri des mortsdénonçant les Habsbourgs ; 6+6 b
Et, lorsque vous croyezchanter dans la trompette, 6+6 a
Ce chant joyeux, la tombeen sanglot le répète. 6+6 a
315 Foant Mantoue, à Pesthaidant le coutelas, 6+6 b
Buquoy, Mozellani,Londorone, Galas, 6+6 b
Sont vos chefs ; vous avez,rtres, fait une espèce 6+6 a
De hauts faits et d'exploitsdont la fange est épaisse ; 6+6 a
A Bergame, à Paris,à Crème, à Guastalla, 6+6 b
320 Vous témoins, vous présents,vous mettant le holà, 6+6 b
A la sainte Italieon lisait sa sentence ; 6+6 a
On promenait de rueen rue une potence, 6+6 a
Et vous, vous escortiezla charrette ; et ceci 6+6 b
Ne vous quittera plus,et sans fin ni merci 6+6 b
325 Ce souvenir vous suit,étant de la nuit noire ; 6+6 a
O malheureux ! vos nomstraverseront l'histoire 6+6 a
A jamais balafréspar l'ombre qui tombait 6+6 b
Sur vos drapeaux des brasdifformes du gibet. 6+6 b
Deuil sans fond ! c'est l'honneurde leur pays qu'ils tuent ; 6+6 a
330 En se prostituant,c'est moi qu'ils prostituent ; 6+6 a
Nos vieux pins ont fournileurs piques, dont l'acier 6+6 b
Apporte dans l'égoutle reflet du glacier ; 6+6 b
Ils trnent avec euxla Suisse, quoi qu'on dise, 6+6 a
Et les pâles aïeuxsont dans leur bâtardise ; 6+6 a
335 Nos héros sont mêlésà leurs rangs, nos grands noms 6+6 b
Sont de leurs lâchetésparents et compagnons, 6+6 b
De sorte que, dans l'ombre César supplicie 6+6 a
Le Salzbourg, la Hongrieaux fers, la Dalmatie, 6+6 a
Quand Fritz jette au bûcherle Tyrol prisonnier, 6+6 b
340 Quand Jean lie au poteaul'Alsace, quand Reynier 6+6 b
Bat de verges Crémoneéchevelée et nue, 6+6 a
Quand Rodolphe après Jeanet Reynier continue, 6+6 a
Quand Mathias livre Ancôneau sabre du hulan, 6+6 b
Quand Albrecht Dent-de-ferexécute Milan, 6+6 b
345 Autour des nationsqui râlent sur la claie, 6+6 a
Fürst, et Guillaume Tell,et Melchthal font la haie ! 6+6 a
Est-ce qu'ils oserontrentrer sur nos hauteurs, 6+6 b
Ces anciens laboureurset ces anciens pasteurs 6+6 b
Que l'Autriche aujourd'huicaserne dans ses bouges ? 6+6 a
350 Est-ce qu'ils reviendrontavec leurs habits rouges, 6+6 a
Portant sur leur front morneet dans leur œil fatal 6+6 b
La domesticitémonstrueuse du mal ? 6+6 b
S'ils osent revenir,si, pour faveur dernière, 6+6 a
L'Autriche leur permetd'emporter sa bannière, 6+6 a
355 S'ils rentrent dans nos montsavec cet étendard 6+6 b
Dont l'ombre fait d'un hommeet d'un pâtre un soudard, 6+6 b
Oh ! quelle auge de porcs,quelle cuve de fange, 6+6 a
Quelle étable inouïe,épouvantable, étrange, 6+6 a
Femmes, essuierez-vousavec ce drapeau-là ? 6+6 b
360 Jamais dans plus de nuitun peuple ne croula. 6+6 b
Désespoir ! désespoirde voir les Alpes sombres, 6+6 a
Honteuses, projeterleurs gigantesques ombres 6+6 a
Jusque dans l'antichambreinfâme des tyrans ! 6+6 b
Cieux profonds, purs azurssacrés et fulgurants, 6+6 b
365 Laissez-moi m'en allerdans vos gouffres sublimes ! 6+6 a
Que je perde de vue,au fond des clairs abîmes, 6+6 a
La terre, et l'homme, acteurféroce ou vil témoin ! 6+6 b
O sombre immensité,laisse-moi fuir si loin 6+6 b
Que je voie, à traverstes prodigieux voiles, 6+6 a
370 Décrtre le soleilet grandir les étoiles ! — 6+6 a
Aigle, ne t'en va pas ;reste aux Alpes uni, 6+6 b
*
Et reprends confiance,au seuil de l'infini, 6+6 b
Aigle, dans la candeurdes neiges éternelles ; 6+6 a
Ne t'en va pas ; et laisseen tes glauques prunelles 6+6 a
375 Les foudres apaisésredevenir rayons ; 6+6 b
Penchons-nous, moins amers,sur ce que nous voyons ; 6+6 b
La faute est sur le tempset n'est pas sur les hommes. 6+6 a
Un flamboiement sinistreemporte les Sodomes, 6+6 a
Tout est dit. Mais la Suisseau-dessus de l'affront 6+6 b
380 Gardera l'auréolealtière de son front ; 6+6 b
Car c'est la roche avecde la bonté pétrie, 6+6 a
C'est la grande montagneet la grande patrie, 6+6 a
C'est la terre sereineassise près du ciel ; 6+6 b
C'est elle qui, gardantpour les pâtres le miel, 6+6 b
385 Fit conntre l'abeilleaux rois par les piqûres ; 6+6 a
C'est elle qui, parmiles nations obscures, 6+6 a
La première allumasa lampe dans la nuit ; 6+6 b
Le cri de délivranceest fait avec son bruit ; 6+6 b
Le mot Liberté sembleune voix naturelle 6+6 a
390 De ses prés sous l'azur,de ses lacs sous la grêle, 6+6 a
Et tout dans ses monts, l'air,la terre, l'eau, le feu, 6+6 b
Le dit avec l'accentdont le prononce Dieu ! 6+6 b
Au-dessus des palaisde tous les rois ensemble, 6+6 a
La pauvre vieille Suisse, le rameau seul tremble, 6+6 a
395 Tranquille, élèveratoujours sur l'horizon 6+6 b
Les pignons effrayantsde sa haute maison. 6+6 b
Rien ne ternit ces picsque la tempête lave, 6+6 a
Volcans de neige ayantla lumière pour lave, 6+6 a
Qui versent sur l'Europeun long ruissellement 6+6 b
400 De courage, de foi,d'honneur, de dévouement, 6+6 b
Et semblent sur la terreune chne d'exemples ; 6+6 a
Toujours ces monts aurontdes figures de temples. 6+6 a
Qu'est-ce qu'un peu de fangehumaine jaillissant 6+6 b
Vers ces sublimitésd' la clarté descend ? 6+6 b
405 Ces pics sont la ruineénorme des vieux âges 6+6 a
les hommes vivaientbons, aimants, simples, sages ; 6+6 a
Débris du chaste édenpar la paix habité, 6+6 b
Ils sont beaux ; de l'auroreet de la vérité 6+6 b
Ils sont la colossaleet splendide masure ; 6+6 a
410 tombe le floconque fait l'éclaboussure ? 6+6 a
Qu'importe un jour de deuilquand, sous l'œil éternel, 6+6 b
Ce que noircit la terreest blanchi par le ciel ? 6+6 b
L'homme s'est vendu. Soit.A-t-on dans le louage 6+6 a
Compris le lac, le bois,la ronce, le nuage ? 6+6 a
415 La nature revient,germe, fleurit, dissout, 6+6 b
Féconde, crt, décrt,rit, passe, efface tout. 6+6 b
La Suisse est toujours là,libre. Prend-on au piège 6+6 a
Le précipice, l'ombreet la bise et la neige ? 6+6 a
Signe-t-on des marchésdans lesquels il soit dit 6+6 b
420 Que l'Ortheler s'enrôleet devient un bandit ? 6+6 b
Quel poing cyclopéen,dites, ô roches noires, 6+6 a
Pourra briser la dentde Morcle en vos mâchoires ? 6+6 a
Quel assembleur de bœufspourra former un joug 6+6 b
Qui du pic de Glarisaille au piton de Zoug ? 6+6 b
425 C'est naturellementque les monts sont fidèles 6+6 a
Et purs, ayant la formeâpre des citadelles, 6+6 a
Ayant reçu de Dieudes créneaux le soir, 6+6 b
L'homme peut, d'embrasureen embrasure, voir 6+6 b
Étinceler le ferde lance des étoiles. 6+6 a
430 Est-il une araignée,aigle, qui dans ses toiles 6+6 a
Puisse prendre la trombeet la rafale et toi ? 6+6 b
Quel chef recruterale Salèze ? à quel roi 6+6 b
Le Mythen dira-t-il :Sire, je vais descendre ? 6+6 a
Qu'après avoir domptél'Athos, quelque Alexandre, 6+6 a
435 Sorte de héros monstreaux cornes de taureau, 6+6 b
Aille donc releversa robe à la Jungfrau ! 6+6 b
Comme la vierge, ayantl'ouragan sur l'épaule, 6+6 a
Crachera l'avalancheà la face du drôle ! 6+6 a
Aigle, ne maudis pas,au nom des clairs torrents, 6+6 b
440 Les tristes hommes, fous,aveugles, ignorants. 6+6 b
Puis, est-ce pour jamaisqu'on embauche les hommes ? 6+6 a
Non, non. Les Alpes sontplus fortes que les Romes ; 6+6 a
Le pays tire à luil'humble pâtre pleurant ; 6+6 b
Et si César l'a pris,le mont Blanc le reprend. 6+6 b
445 Non, rien n'est mort ici.Tout grandit, et s'en vante. 6+6 a
L'Helvétie est sacrée,et la Suisse est vivante ; 6+6 a
Ces monts sont des héroset des religieux ; 6+6 b
Cette nappe de neigeaux plis prodigieux 6+6 b
D' jaillit, lorsqu'en maila tiède brise ondoie, 6+6 a
450 Toute une floraisonfolle d'air et de joie, 6+6 a
Et d' sortent des lacset des flots murmurants, 6+6 b
N'est le linceul de rien,excepté des tyrans. 6+6 b
Gloire aux monts ! leur front brilleet la nuit se dissipe ; 6+6 a
C'est plus que le matinqui luit ; c'est un principe ! 6+6 a
455 Ces mystérieux joursblanchissant les hauteurs, 6+6 b
Qu'on prend pour des rayons,sont des libérateurs ; 6+6 b
Toujours aux fiers sommetsces aubes sont données 6+6 a
Aux Alpes Stauffacher,Pélage aux Pyrénées ! 6+6 a
La Suisse dans l'histoireaura le dernier mot 6+6 b
460 Puisqu'elle est deux fois grande,étant pauvre, et là-haut ; 6+6 b
Puisqu'elle a sa montagneet qu'elle a sa cabane. 6+6 a
La houlette de Schwitzqu'une vierge enrubanne, 6+6 a
Fière, et, quand il le faut,se hérissant de clous, 6+6 b
Chasse les rois ainsiqu'elle chasse les loups. 6+6 b
465 Gloire au chaste paysque le Léman arrose ! 6+6 a
A l'ombre de Melchthal,à l'ombre du mont Rose, 6+6 a
La Suisse trait sa vacheet vit paisiblement. 6+6 b
Sa blanche libertés'adosse au firmament. 6+6 b
Le soleil, quand il vientdorer une chaumière, 6+6 a
470 Fait que le toit de pailleest un toit de lumière ; 6+6 a
Telle est la Suisse, ayantl'honneur dans ses prés verts, 6+6 b
Et de son indigenceéclairant l'univers. 6+6 b
Tant que les nationsgarderont leurs frontières, 6+6 a
La Suisse éclateraparmi les plus altières ; 6+6 a
475 Quand les peuples rirontet s'embrasseront tous, 6+6 b
La Suisse sera douceau milieu des plus doux. 6+6 b
Suisse ! à l'heure l'Europeenfin marchera seule, 6+6 a
Tu verras accourirvers toi, sévère aïeule, 6+6 a
La jeune Humanitésous son chapeau de fleurs ; 6+6 b
480 Tes hommes bons serontchers aux hommes meilleurs ; 6+6 b
Les fléaux disparus,faux dieu, faux roi, faux prêtre, 6+6 a
Laisseront le front blancde la paix appartre ; 6+6 a
Et les peuples viendronten foule te bénir, 6+6 b
Quand la guerre mourra,quand, devant l'avenir, 6+6 b
485 On verra, dans l'horreurdes tourbillons funèbres, 6+6 a
Se hâter pêle-mêleau milieu des ténèbres, 6+6 a
Comme d'affreux oiseauxheurtant leurs ailerons, 6+6 b
Une fuite effrénéeet noire de clairons ! 6+6 b
En attendant, la Suissea dit au monde : Espère ! 6+6 a
490 Elle a de la vieille hydreeffrayé le repaire ; 6+6 a
Ce qu'elle a fait jadispour les siècles est fait ; 6+6 b
La façon dont la Suisseà Sempach triomphait 6+6 b
Reste la grande audaceet la grande manière 6+6 a
D'attaquer une bêteau fond de sa tanière. 6+6 a
495 Tous ses nuages, blancsou noirs, sont des drapeaux. 6+6 b
L'exemple, c'est le faitdans sa gloire, au repos, 6+6 b
Qui charge lentementles cœurs et recommence ; 6+6 a
Melchthal, grave et penchésur le monde, ensemence. 6+6 a
Un jour, à Bâle, Albrecht,l'empereur triomphant, 6+6 b
500 Vit une jeune mèreauprès d'un jeune enfant ; 6+6 b
La mère était charmante ;elle semblait encore, 6+6 a
Comme l'enfant, sortieà peine de l'aurore ; 6+6 a
L'empereur écoutade près leurs doux ébats, 6+6 b
Et la mère disaità son enfant tout bas : 6+6 b
505 « Fils, quand tu seras grand,meurs pour la bonne cause. » 6+6 a
Oh ! rien ne flétriracette feuille de rose ! 6+6 a
Toujours le despotismeen sentira le pli ; 6+6 b
Toujours les mains prêtantle serment de Grutli 6+6 b
Appartront en rêveau peuple en léthargie ; 6+6 a
510 Toujours les oppresseursauront, dans leur orgie, 6+6 a
Sur la lividitéde leur face l'effroi 6+6 b
Du tocsin qu'Unterwaldcache dans son beffroi, 6+6 b
Tant que les nationsau joug seront nouées, 6+6 a
Tant que l'aigle à deux becssera dans les nuées, 6+6 a
515 Tant que dans le brouillarddes montagnes l'éclair 6+6 b
Ébauchera le spectreinsolent de Gessler, 6+6 b
On verra Tell songerdans quelque coin terrible. 6+6 a
Et les iniquités,la violence horrible, 6+6 a
La fraude, le pouvoirdu vainqueur meurtrier, 6+6 b
520 Cibles noires, craindrontcet arbalétrier. 6+6 b
Assis à leur souper,car c'est leur crépuscule, 6+6 a
Et le jour qui pour nousmonte, pour eux recule, 6+6 a
Les satrapes serontéblouissants à voir, 6+6 b
Raillant la conscience,insultant le devoir, 6+6 b
525 Mangeant dans les plats d'oret les coupes d'opales, 6+6 a
Joyeux ; mais par instantils deviendront tout pâles, 6+6 a
Feront taire l'orchestre,et, la sueur au front, 6+6 b
Penchés, se parlant bas,tremblants, regarderont 6+6 b
S'il n'est pas quelque part,là, derrière la table, 6+6 a
530 Calme, et serrant l'écroude son arc redoutable. 6+6 a
Pourtant il se pourraqu'à de certains moments, 6+6 b
Dans les satiétéset les enivrements, 6+6 b
Ils se disent : « Les yeuxn'ont plus rien de sévère ; 6+6 a
Guillaume Tell est mort.» Ils rempliront leur verre, 6+6 a
535 Et le monde comme euxoubliera. Tout à coup, 6+6 b
A travers les fléauxet les crimes debout, 6+6 b
Et l'ombre, et l'esclavage,et les hontes sans nombre, 6+6 a
On entendra sifflerla grande flèche sombre. 6+6 a
Oui, c'est là la foi sainte,et, quand nous étouffons, 6+6 b
540 Dieu nous fait respirerpar ces pensers profonds. 6+6 b
Au-dessus des tyransl'histoire est abondante 6+6 a
En spectres que du doigtTacite montre à Dante ; 6+6 a
Tous ces fantômes sontla liberté planant, 6+6 b
Et toujours prête à direaux hommes : Maintenant ! 6+6 b
545 Et, depuis PadronaKalil aux jambes nues 6+6 a
Jusqu'à Franklin ôtantle tonnerre des nues, 6+6 a
Depuis Léonidasjusqu'à Kosciuszko, 6+6 b
Le cri des uns du crides autres est l'écho. 6+6 b
Oui, sur vos actions,de tant de deuil mêlées, 6+6 a
550 Multipliez les plisdes pourpres étoilées, 6+6 a
Ayez pour vous l'oracle,et Delphe avec Endor, 6+6 b
Mtres ; riez le frontcoiffé du laurier d'or, 6+6 b
Au pied de la fortuneinfâme et colossale ; 6+6 a
Tout à coup Botzarisentrera dans la salle, 6+6 a
555 Byron se dressera,le poète héros, 6+6 b
Tzavellas, indignédu succès des bourreaux, 6+6 b
Soufflettera le groupeeffaré des victoires ; 6+6 a
Et l'on verra surgirau-dessus de vos gloires 6+6 a
L'effrayant avoyerGundoldingen, cassant 6+6 b
560 Sur César le sapindes Alpes teint de sang ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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