Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_3/HUG571
Victor HUGO
LA LÉGENDE DES SIÈCLES
PREMIÈRE SÉRIE
1859
III
L'ISLAM
L'An neuf de l'Hégire
Comme s'il pressentaitque son heure était proche, 6+6 a
Grave, il ne faisait plusà personne un reproche ; 6+6 a
Il marchait en rendantaux passants leur salut ; 6+6 b
On le voyait vieillirchaque jour, quoiqu'il t 6+6 b
5 A peine vingt poils blancsà sa barbe encor noire ; 6+6 a
Il s'arrêtait parfoispour voir les chameaux boire, 6+6 a
Se souvenant du tempsqu'il était chamelier. 6+6 b
Il songeait longuementdevant le saint pilier ; 6+6 b
Par moments, il faisaitmettre une femme nue 6+6 a
10 Et la regardait, puisil contemplait la nue, 6+6 a
Et disait : La beautésur terre, au ciel le jour. 6+6 b
Il semblait avoir vul'éden, l'âge d'amour, 6+6 b
Les temps antérieurs,l'ère immémoriale. 6+6 a
Il avait le front haut,la joue impériale, 6+6 a
15 Le sourcil chauve, l'œilprofond et diligent, 6+6 b
Le cou pareil au cold'une amphore d'argent, 6+6 b
L'air d'un Noé qui saitle secret du déluge. 6+6 a
Si des hommes venaientle consulter, ce juge 6+6 a
Laissait l'un affirmer,l'autre rire et nier, 6+6 b
20 Écoutait en silenceet parlait le dernier. 6+6 b
Sa bouche était toujoursen train d'une prière ; 6+6 a
Il mangeait peu, serrantsur son ventre une pierre ; 6+6 a
Il s'occupait lui-mêmeà traire ses brebis ; 6+6 b
Il s'asseyait à terreet cousait ses habits. 6+6 b
25 Il jnait plus longtempsqu'autrui les jours de jne, 6+6 a
Quoiqu'il perdît sa forceet qu'il ne fût plus jeune. 6+6 a
A soixante-trois ansune fièvre le prit. 6+6 b
Il relut le korande sa main même écrit, 6+6 b
Puis il remit au filsde Séid la bannière, 6+6 a
30 En lui disant : — Je toucheà mon aube dernière. 6+6 a
Il n'est pas d'autre Dieuque Dieu. Combats pour lui. — 6+6 b
Et son œil, voilé d'ombre,avait ce morne ennui 6+6 b
D'un vieux aigle forcéd'abandonner son aire. 6+6 a
Il vint à la mosquéeà son heure ordinaire, 6+6 a
35 Appuyé sur Ali,le peuple le suivant ; 6+6 b
Et l'étendard sacrése déployait au vent. 6+6 b
Là, pâle, il s'écria,se tournant vers la foule : 6+6 a
— Peuple, le jour s'éteint,l'homme passe et s'écoule ; 6+6 a
La poussière et la nuit,c'est nous. Dieu seul est grand. 6+6 b
40 Peuple, je suis l'aveugleet je suis l'ignorant. 6+6 b
Sans Dieu je serais vilplus que la bête immonde. — 6+6 a
Un scheik lui dit : — O chefdes vrais croyants ! le monde, 6+6 a
Sitôt qu'il t'entendit,en ta parole crut ; 6+6 b
Le jour tu naquisune étoile apparut, 6+6 b
45 Et trois tours du palaisde Chosroès tombèrent. — 6+6 a
Lui reprit : — Sur ma mortles anges délibèrent ; 6+6 a
L'heure arrive. Écoutez.Si j'ai de l'un de vous 6+6 b
Mal parlé, qu'il se lève,ô peuple, et devant tous 6+6 b
Qu'il m'insulte et m'outrageavant que je m'échappe ; 6+6 a
50 Si j'ai frappé quelqu'un,que celui-là me frappe. — 6+6 a
Et, tranquille, il tenditaux passants son bâton. 6+6 b
Une vieille, tondantla laine d'un mouton, 6+6 b
Assise sur un seuil,lui cria : — Dieu t'assiste ! 6+6 a
Il semblait regarderquelque vision triste, 6+6 a
55 Et songeait ; tout à coup,pensif, il dit : — Voilà, 6+6 b
Vous tous, je suis un motdans la bouche d'Allah ; 6+6 b
Je suis cendre comme hommeet feu comme prophète. 6+6 a
J'ai complété d'Issala lumière imparfaite. 6+6 a
Je suis la force, enfants ;Jésus fut la douceur. 6+6 b
60 Le soleil a toujoursl'aube pour précurseur. 6+6 b
Jésus m'a précédé,mais il n'est pas la Cause. 6+6 a
Il est né d'une viergeaspirant une rose. 6+6 a
Moi, comme être vivant,retenez bien ceci, 6+6 b
Je ne suis qu'un limonpar les vices noirci ; 6+6 b
65 J'ai de tous les péchéssubi l'approche étrange ; 6+6 a
Ma chair a plus d'affrontqu'un chemin n'a de fange. 6+6 a
Et mon corps par le malest tout déshonoré ; 6+6 b
O vous tous, je seraibien vite dévoré, 6+6 b
Si dans l'obscuritédu cercueil solitaire 6+6 a
70 Chaque faute de l'hommeengendre un ver de terre. 6+6 a
Fils, le damné rentau fond du froid caveau, 6+6 b
Pour être par les versdévoré de nouveau ; 6+6 b
Toujours sa chair revit,jusqu'à ce que la peine, 6+6 a
Finie, ouvre à son voll'immensité sereine. 6+6 a
75 Fils, je suis le champ vildes sublimes combats, 6+6 b
Tantôt l'homme d'en haut,tantôt l'homme d'en bas, 6+6 b
Et le mal dans ma boucheavec le bien alterne 6+6 a
Comme dans le désertle sable et la citerne ; 6+6 a
Ce qui n'empêche pasque je n'aie, ô croyants ! 6+6 b
80 Tenu tête dans l'ombreaux anges effrayants 6+6 b
Qui voudraient replongerl'homme dans les ténèbres ; 6+6 a
J'ai parfois dans mes poingstordu leurs bras funèbres ; 6+6 a
Souvent, comme Jacob,j'ai la nuit, pas à pas, 6+6 b
Lutté contre quelqu'unque je ne voyais pas ; 6+6 b
85 Mais les hommes surtoutont fait saigner ma vie ; 6+6 a
Ils ont jeté sur moileur haine et leur envie, 6+6 a
Et, comme je sentaisen moi la vérité, 6+6 b
Je les ai combattus,mais sans être irrité ; 6+6 b
Et, pendant le combat,je criais : « Laissez faire ! 6+6 a
90 Je suis seul, nu, sanglant,blessé ; je le préfère. 6+6 a
Qu'ils frappent sur moi tous !que tout leur soit permis ! 6+6 b
Quand même, se ruantsur moi, mes ennemis 6+6 b
Auraient, pour m'attaquerdans cette voie étroite, 6+6 a
Le soleil à leur gaucheet la lune à leur droite, 6+6 a
95 Ils ne me feraient pointreculer ! » C'est ainsi 6+6 b
Qu'après avoir luttéquarante ans, me voici 6+6 b
Arrivé sur le bordde la tombe profonde, 6+6 a
Et j'ai devant moi Dieu,derrière moi le monde. 6+6 a
Quant à vous qui m'avezdans l'épreuve suivi, 6+6 b
100 Comme les grecs Hermèset les hébreux Lévi, 6+6 b
Vous avez bien souffert,mais vous verrez l'aurore. 6+6 a
Après la froide nuit,vous verrez l'aube éclore ; 6+6 a
Peuple, n'en doutez pas ;celui qui prodigua 6+6 b
Les lions aux ravinsdu Jebel-Kronnega, 6+6 b
105 Les perles à la meret les astres à l'ombre, 6+6 a
Peut bien donner un peude joie à l'homme sombre. — 6+6 a
Il ajouta : — Croyez,veillez courbez le front. 6+6 b
Ceux qui ne sont ni bonsni mauvais resteront 6+6 b
Sur le mur qui sépareÉden d'avec l'abîme, 6+6 a
110 Étant trop noirs pour Dieu,mais trop blancs pour le crime ; 6+6 a
Presque personne n'estassez pur de péchés 6+6 b
Pour ne pas mériterun châtiment ; tâchez, 6+6 b
En priant, que vos corpstouchent partout la terre ; 6+6 a
L'enfer ne brûleradans son fatal mystère 6+6 a
115 Que ce qui n'aura pointtouché la cendre, et Dieu 6+6 b
A qui baise la terreobscure, ouvre un ciel bleu ; 6+6 b
Soyez hospitaliers ;soyez saints ; soyez justes ; 6+6 a
Là-haut sont les fruits pursdans les arbres augustes, 6+6 a
Les chevaux sellés d'or,et, pour fuir aux sept cieux, 6+6 b
120 Les chars vivants ayantdes foudres pour essieux ; 6+6 b
Chaque houri, sereine,incorruptible, heureuse, 6+6 a
Habite un pavillonfait d'une perle creuse ; 6+6 a
Le Gehennam attendles réprouvés ; malheur ! 6+6 b
Ils auront des souliersde feu dont la chaleur 6+6 b
125 Fera bouillir leur têteainsi qu'une chaudière. 6+6 a
La face des élussera charmante et fière. — 6+6 a
Il s'arrêta, donnantaudience à l'esprit. 6+6 b
Puis, poursuivant sa marcheà pas lents, il reprit : 6+6 b
O vivants ! je répèteà tous que voici l'heure 6+6 a
130 je vais me cacherdans une autre demeure ; 6+6 a
Donc, hâtez-vous. Il faut,le moment est venu, 6+6 b
Que je sois dénoncépar ceux qui m'ont connu, 6+6 b
Et que, si j'ai des torts,on me crache au visage. — 6+6 a
La foule s'écartaitmuette à son passage. 6+6 a
135 Il se lava la barbeau puits d'Aboulféia. 6+6 b
Un homme réclamatrois drachmes, qu'il paya, 6+6 b
Disant : — Mieux vaut payerici que dans la tombe. — 6+6 a
L'œil du peuple était douxcomme un œil de colombe 6+6 a
En regardant cet hommeauguste, son appui ; 6+6 b
140 Tous pleuraient ; quand, plus tard,il fut rentré chez lui, 6+6 b
Beaucoup restèrent làsans fermer la paupière, 6+6 a
Et passèrent la nuitcouchés sur une pierre. 6+6 a
Le lendemain matin,voyant l'aube arriver : 6+6 b
Aboubèkre, dit-il,je ne puis me lever, 6+6 b
145 Tu vas prendre le livreet faire la prière. — 6+6 a
Et sa femme Aïschase tenait en arrière ; 6+6 a
Il écoutait pendantqu'Aboubèkre lisait, 6+6 b
Et souvent à voix basseachevait le verset ; 6+6 b
Et l'on pleurait pendantqu'il priait de la sorte. 6+6 a
150 Et l'ange de la mortvers le soir à la porte 6+6 a
Apparut, demandantqu'on lui permît d'entrer. 6+6 b
— Qu'il entre. — On vit alorsson regard s'éclairer 6+6 b
De la même clartéqu'au jour de sa naissance ; 6+6 a
Et l'ange lui dit : — Dieudésire ta présence. 6+6 a
155 — Bien, dit-il. Un frissonsur ses tempes courut, 6+6 b
Un souffle ouvrit sa lèvre,et Mahomet mourut. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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