I |
XIX |
LE VIEUX DE BRISACH |
(Paraissant sur le haut de sa cour) |
|
Je me dis en moi-même et depuis un moment |
12 |
|
Voilà bien du vacarme et bien de l'aboiement. |
12 |
|
|
........................................................................... |
|
|
J'ai puni les barons voleurs, les noirs burgraves |
12 |
5 |
Qui remplissaient le Rhin de leurs forfaits hardis. |
12 |
|
Rois, j'ai frappé les coups ; j'ai fait sur ces bandits |
12 |
|
Luire ce vieil estoc qui maintenant se rouille ; |
12 |
|
Vous vous êtes rués, vous rois, sur la dépouille, |
12 |
|
Partageant tout ainsi que des associés ; |
12 |
10 |
De tout ce qui restait de ces suppliciés, |
12 |
|
Princes, je vous ai vus vous faire un héritage ; |
12 |
|
Je n'ai pas trouvé bon d'entrer dans le partage, |
12 |
|
N'ayant pas pour métier d'ôter les clous aux croix, |
12 |
|
Et d'aller décrocher, la nuit, au fond des bois, |
12 |
15 |
Pour les revendre aux juifs les chaînes des potences ; |
12 |
|
Sans cela, si j'avais usé des circonstances, |
12 |
|
Si j'eusse, comme vous, mis la main dans le sac, |
12 |
|
Je serais aujourd'hui, moi, le vieux de Brisach, |
12 |
|
Riche à voir les abbés m'offrir leurs politesses, |
12 |
20 |
Et, si bon m'eût semblé, roi comme vos altesses ; |
12 |
|
Je n'eusse eu pour cela, vous le savez bien tous, |
12 |
|
Qu'à brocanter son peuple à quelqu'un d'entre vous ; |
12 |
|
Car tous, petits et grands, vous êtes à l'enchère, |
12 |
|
Et, pour quitter ces monts, pour faire bonne chère |
12 |
25 |
Ailleurs qu'en vos donjons aux sauvages créneaux, |
12 |
|
Pour aller vivre à Rome auprès des cardinaux |
12 |
|
Et du Saint-Père avec quelque drôlesse vile, |
12 |
|
Il n'est pas un de vous qui n'eût vendu sa ville. |
12 |
|
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
|
Princes, jusqu'à mes pieds quand jadis vous rampâtes, |
12 |
30 |
Était-ce sur le ventre ? était-ce à quatre pattes ? |
12 |
|
Je ne m'en souviens plus. Aujourd'hui, c'est fort bien, |
12 |
|
Vous me montrez les dents quand je ne suis plus rien |
12 |
|
Qu'un bonhomme qui songe et qu'une barbe grise ; |
12 |
|
Et vous me déchirez, et j'ai peu de surprise |
12 |
35 |
De vous trouver renards et loups, vous sachant rois. |
12 |
|
Votre courage est fait de vos anciens exploits. |
12 |
|
Et je n'en dirai rien, sinon que je vous brave, |
12 |
|
Et vous défie, ô rois, toi marquis, toi landgrave, |
12 |
|
Toi duc, troupeau hurlant à ma piste attaché, |
12 |
40 |
De mordre aucune place où vous n'ayez léché. |
12 |
|