Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_24/HUG1282
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
IV
XXIX
Thiers raille Mazzini ; | Pitt raille Washington ; 6+6 a
Juvénal à Nisard | semble de mauvais ton, 6+6 a
Shakspeare fait hausser | à Planche les épaules ; 6+6 b
Avant que la vapeur | eût conquis les deux pôles, 6+6 b
5 Les savants bafouaient | Fulton ; monsieur Pouillet, 6+6 a
Qui naguère au zénith | de l'Institut brillait, 6+6 a
Niait le télégraphe | électrique, folie ! 6+6 b
L'esprit noué déteste. |un esprit qui délie 6+6 b
Celui qui voit de près | et bas méprise un peu 6+6 a
10 L'Himalaya ; le ciel, | ce précipice bleu, 6+6 a
Ce noir puits des éclairs, | déplaît à ces bonshommes 6+6 b
Qui ne savent jamais | au juste où nous en sommes, 6+6 b
Et qui, fort dédaigneux : | d'Euler et de Newton, 6+6 a
Ne marchent qu'en tâtant | le chemin-du bâton ; 6+6 a
15 Essayez donc de faire | admirer aux myopes 6+6 b
Le regard étoilé | des sombres Calliopes 6+6 b
Assises sur le Pinde | et sondant l'infini ! 6+6 a
Eschyle ; ce proscrit, | et Dante, ce banni, 6+6 a
Radotent, et leur — vue | est par l'exil faussée ; 6+6 b
20 L'âme de Job paraît | à Prudhomme insensée, 6+6 b
Car c'est aux envieux | et c'est aux impuissants 6+6 a
Qu'appartient cette chose | auguste, le bon sens ; 6+6 a
L'époux que se choisit | la foule, c'est l'eunuque ; 6+6 b
Le chef incontesté | sous qui.courbent la nuque 6+6 b
25 Tous les traîneurs de sabre | et les porte-rabats, 6+6 a
C'est un Midas à qui | Zoïle parle bas. 6+6 a
Quand il rôde au milieu | des villes, Isaïe 6+6 b
Sent par les noirs vivants | sa grande âme haïe, 6+6 b
Et marche sans trouver | un cœur qui le comprend ; 6+6 a
30 Les blêmes insulteurs | suivent Corneille errant ; 6+6 a
Derrière. Milton gronde | une meute livide. 6+6 b
Quiconque a le talent | d'être lourd étant vide 6+6 b
Est sûr d'être admiré | des fats et des jaloux, 6+6 a
Ces chiens qui pour les grands | et les forts sont des loups ; 6+6 a
35 Voyez-les se jeter | sur les talons d'Homère ! 6+6 b
Voyez-les vénérer | le crétin éphémère, 6+6 b
Le zéro solennel | qui, pour l'instant, prévaut — 6+6 a
Chez-la gent soldatesque | ou dans le clan dévot ! 6+6 a
Un idiot étant | l'étui d'un personnage, 6+6 b
40 Il suffit qu'un grimaud | soit plus vieux que son âge 6+6 b
Et qu'il se taise avec' |l'air d'un niais profond 6−6 a
Pour qu'on l'estime ; et ceux | qui font et qui défont 6+6 a
Tous les noms de hasard | mêlés à nos orages, 6+6 b
L'acclament de leur voix | enrouée aux outrages, 6+6 b
45 Sachant qu'on ne peut mieux | compléter les assauts 6+6 a
Aux grands hommes raillés | qu'en admirant les sots. 6+6 a
Si vous faites le bien | on vous fera la guerre, 6+6 b
Et, sans savoir pourquoi, | le stupide vulgaire 6+6 b
Est furieux autour | du prophète pensif. 6+6 a
50 Voir le gouffre de haut, | voir de loin le récif, 6+6 a
C'est un-tort. Être grand, | c'est être ridicule. 6+6 b
Pygmée est fier, étant | pygmée ; il toise Hercule ; 6+6 b
Myrmidon ne prend pas | Titan au sérieux. 6+6 a
Tous ces géants qui sont | debout sur les hauts lieux 6+6 a
55 Font rire Lilliput, | fourmilière féroce. 6+6 b
Le nain se sent un poids | sur le dos, et sa bosse 6+6 b
Dont il est satisfait, | bien qu'en-somme un peu las, 6+6 a
Lui fait le même effet | qu'à toi le monde, Atlas ! 6+6 a
Il te vaut. Qu'a-t-il donc | de moins que toi ? Tu portes 6+6 b
Ton fardeau comme lui | le sien.
60 Barrez vos portes 6+6 b
Et fermez vos volets, | de peur que la raison 6+6 a
Et que la vérité | n'entrent dans la maison, 6+6 a
O bourgeois ! Homme docte, | homme grave, mollusque, 6+6 b
Qui que tu sois, prends garde | à l'irruption brusque 6+6 b
65 Des clartés, des penseurs, | des esprits, dans le trou 6+6 a
Où la nuit sombre a mis | ton cœur sous le verrou. 6+6 a
Tu végètes ; — prends garde | à ce grand — danger, vivre. 6+6 b
L'huître doit se, fermer | dès que s'ouvre le livre 6+6 b
Car il suffit d'un mot | dans une âme jeté 6+6 a
70 Pour y creuser un gouffre | et l'emplir de clarté. 6+6 a
De la stupidité | l'ignorance est l'asile. 6+6 b
Ne lis rien, si tu tiens | à rester imbécile. 6+6 b
Comme il sied.
L'oison glousse | et boite, radieux ; 6+6 a
Semblable au paon, l'orgueil, | bien qu'il ait beaucoup d'yeux, 6+6 a
75 Ne s'en sert pas pour voir, | mais pour être superbe ; 6+6 b
Le faux sage a sa queue | épanouie en gerbe 6+6 b
Qui le suit, vit par lui, | l'aime, le croit divin, 6+6 a
Et le rend plus inepte | en le rendant plus vain ; 6+6 a
C'est le public des sots | qui fait cortège au cuistre ; 6+6 b
80 Le pédant idiot, | arrogant et sinistre, 6+6 b
Qu'il soit homme d'église | ou bien homme d'état, 6+6 a
Ignore tout, sait tout, | et tient pour attentat 6+6 a
Le génie, et Guizot | ne veut pas de Voltaire. 6+6 b
Silence, Mirabeau ! | Danton, veux-tu te taire ! 6+6 b
85 Ce Galilée est-il | assez impertinent 6+6 a
Avec son soleil fixe | et sa terre tournant ! 6+6 a
Peut-on se, figurer | rien de plus chimérique 6+6 b
Que ce Colomb faisant | ce rêve, l'Amérique ! 6+6 b
Contre ces fiers croyants | on prend à témoin Dieu. 6+6 a
90 Les églises, les rois | qui sont grands de si peu, 6+6 a
Ces lourdes légions | tardigrades, s'indignent 6+6 b
Contre ceux qui vont vite, | et qui ne se résignent 6+6 b
Jamais à ce qui ment, | jamais à ce qui nuit. 6+6 a
Ces hommes parlent haut | et font peur.à la nuit. 6+6 a
95 À bas ces amoureux | terribles de l'aurore ! 6+6 b
Les grands penseurs sacrés | qu'une flamme dévore, 6+6 b
Les poëtes, les forts | esprits, les fiers rêveurs 6+6 a
Savent que l'infini | ne fait pas de faveurs — 6+6 a
Mais ne fait pas non plus | d'injustices ; ils songent, 6+6 b
100 Méditant les destins | d'en bas qui se prolongent 6+6 b
Dans le profond destin | d'en haut, abîme obscur ; 6+6 a
C'est pourquoi leur regard | ne quitte point l'azur, 6+6 a
Et s'emplit, dans l'espace | où flotte la science, 6+6 b
D'un éblouissement | d'où naît la clairvoyance. 6+6 b
105 Sitôt que, se levant | sur notre monde noir, 6+6 a
L'astre dieu de l'aurore | apparaît, faisant voir 6+6 a
À l'immense chaos | l'énormité de l'âme, 6+6 b
Dès que ce monstre d'ombre | à crinière de flamme, 6+6 b
Dès que cet inconnu | splendide, le soleil, 6+6 a
110 Effrayant, rassurant, | masqué d'éclairs, vermeil, 6+6 a
Surgit, égalisant | sous sa lueur superbe 6+6 b
Les grands monts, la rondeur | de la mer, le brin d'herbe, 6+6 b
Et l'horreur des forêts | d'où sort un vague chant, 6+6 a
Dès que, fertilisant, | achevant, ébauchant, 6+6 a
115 Vie et mystère, énigme | expliquant les problèmes, 6+6 b
Faisant les gouffres clairs, | faisant les ,astres blêmes, 6+6 b
Aidant le cœur à croire | et l'esprit à prier, 6+6 a
Il s'est mis au travail | comme un bon ouvrier, 6+6 a
Dès qu'il a commencé | sa tâche de lumière, 6+6 b
120 Dès que, lié lui-même | à la cause première, 6+6 b
Il a blanchi les cieux, | profonde vision, 6+6 a
Et jeté dans la nuit | ce plongeur, le rayon, 6+6 a
Prompt comme le tonnerre | et droit comme la règle, 6+6 b
La taupe lui dénonce | un aveugle, c'est l'aigle. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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