Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_23/HUG977
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
I
LE LIVRE SATIRIQUE
— LE SIÈCLE —
IV
ÉCLIPSE
La terre par moments | doute ; on ne comprend plus. 6+6 a
L'homme a devant les yeux | de la brume, un reflux, 6+6 a
On ne sait quoi de pâle | et de crépusculaire ; 6+6 b
On n'a plus d'allégresse, | on n'a plus de colère ; 6+6 b
5 La disparition | produit l'effarement. 6+6 a
L'œil fauve du hibou | regarde affreusement. 6+6 a
Toutes sortes d'éclairs | inexplicables brillent. 6+6 b
L'autel penche, et les vers | du sépulcre y fourmillent. 6+6 b
Tout se mêle ; Irmensul | ressemble à Jéhovah ; 6+6 a
10 Le sage stupéfait | balbutie et s'en va ; 6+6 a
Le mal semble identique | au bien dans la pénombre ; 6+6 b
On ne voit que le pied | de l'échelle du Nombre 6+6 b
Et l'on n'ose monter | vers l'obscur infini. 6+6 a
Dodone vaguement | parle à Gethsémani, 6+6 a
15 L'Œta fume non loin | du Sinaï qui tonne ; 6+6 b
On fouille, on rêve, on nie, | on querelle, on s'étonne ; 6+6 b
Des aveugles entr'eux | se montrent le chemin ; 6+6 a
Le divin ciel a tort | devant l'esprit humain ; 6+6 a
Le penseur est croyant, | le savant est athée ; 6+6 b
20 La conscience écoute, | essaye, et, déroutée, 6+6 b
Prend le faux pour le vrai | dans ces tâtonnements. 6+6 a
Où l'un voit des védas, | l'autre voit des romans. 6+6 a
Les choses qu'on nommait | vertus perdent leurs formes. 6+6 b
Les monstruosités | font des ombres énormes 6+6 b
25 Jusque sur l'âme humaine | et sur le firmament. 6+6 a
Plus d'honneur, plus de foi, | plus rien, plus de serment. 6+6 a
On voit encor la cime, | on ne voit plus le phare. 6+6 b
Une lueur de torche | empourpre la tiare. 6+6 b
On cherche à voir, on rôde, | on va, le cou tendu. 6+6 a
30 L'amour au fond des cœurs | bat de l'aile éperdu 6+6 a
Comme s'il n'était plus | en sûreté dans l'homme. 6+6 b
La route est noire ; on crie, | on s'appelle, on se nomme. 6+6 b
Qui donc est là ? Parlez. | On tâte son voisin. 6+6 a
La foule éparse flotte | avec un bruit d'essaim ; 6+6 a
35 On se touche, on se voit, | mais on n'est plus ensemble. 6+6 b
Le mal est empereur, | la nuit est reine. On tremble. 6+6 b
Un trône d'ombre est là. | Les misérables font 6+6 a
Des groupes effrayants | dans l'abîme profond ; 6+6 a
On croit voir des glaçons | que les gouffres charrient ; 6+6 b
40 Tout est confus et blême ; | et les ténèbres rient. 6+6 b
Le fond du ciel est trouble, | horrible et pluvieux ; 6+6 a
Et le petit enfant | qui passe paraît vieux. 6+6 a
Il semble que la vie | éternelle décroisse. 6+6 b
L'âme alors est sinistre, | et voit avec angoisse 6+6 b
45 Ces occultations | redoutables de Dieu. 6+6 a
Naît-on ? Meurt-on ? Quel est | le temps ? Quel est le lieu ? 6+6 a
Les peuples sont hagards ; | ces brins d'herbe frissonnent ; 6+6 b
On entend des tocsins | et des clairons qui sonnent ; 6+6 b
Le vent est lourd, l'espace | est froid, le globe est nu ; 6+6 a
50 Le démon souriant | dit : Je suis méconnu. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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