Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_23/HUG1071
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
III
LE LIVRE LYRIQUE
— LA DESTINÉE —
XLVIII
PROMENADES DANS LES ROCHERS
PREMIÈRE PROMENADE
Un tourbillon d’écume,│au centre de la baie 6+6 a
Formé par de secrets│et profonds entonnoirs, 6+6 b
Se berce mollement│sur l’onde qu’il égaie, 6+6 a
Vasque immense d’albâtre│au milieu des flots noirs. 6+6 b
5 Seigneur ! Que faites-vous│de cette urne de neige ? 6+6 a
Qu’y versez-vous dès l’aube│et qu’en sort-il la nuit ? 6+6 b
La mer lui jette en vain│sa vague qui l’assiège, 6+6 a
Le nuage sa brume│et l’ouragan son bruit. 6+6 b
L’orage avec son bruit,│le flot avec sa fange, 6+6 a
10 Passent ; le tourbillon,│vénéré du pêcheur, 6+6 b
Reparaît, conservant,│dans l’abîme où tout change, 6+6 a
Toujours la même place│et la même blancheur. 6+6 b
Le pêcheur dit : — C’est là,│qu’en une onde bénie, 6+6 a
Les petits enfants morts,│chaque nuit de Noël, 6+6 b
15 Viennent blanchir leur aile│au souffle humain ternie, 6+6 a
Avant de s’envoler│pour être anges au ciel. — 6+6 b
Moi je dis : — Dieu mit là│cette coupe si pure, 6+6 a
Blanche en dépit des flots│et des rochers penchants, 6+6 b
Pour être, dans le sein│de la grande nature, 6+6 a
20 La figure du juste│au milieu des méchants. 6+6 b
DEUXIÈME PROMENADE
La mer donne l’écume│et la terre le sable. 6+6 a
L’or se mêle à l’argent│dans les plis du flot vert. 6+6 b
J’entends le bruit que fait│l’éther infranchissable, 6+6 a
Bruit immense et lointain,│de silence couvert. 6+6 b
25 Un enfant chante auprès│de la mer qui murmure. 6+6 a
Rien n’est grand, ni petit.│Vous avez mis, mon Dieu, 6+6 b
Sur la création│et sur la créature 6+6 a
Les mêmes astres d’or│et le même ciel bleu. 6+6 b
Notre sort est chétif ;│nos visions sont belles. 6+6 a
30 L’esprit saisit le corps│et l’enlève au grand jour. 6+6 b
L’homme est un point qui vole│avec deux grandes ailes, 6+6 a
Dont l’une est la pensée│et dont l’autre est l’amour. 6+6 b
Sérénité de tout !│Majesté ! Force et grâce ! 6+6 a
La voile rentre au port│et les oiseaux aux nids. 6+6 b
35 Tout va se reposer,│et j’entends dans l’espace 6+6 a
Palpiter vaguement│des baisers infinis. 6+6 b
Le vent courbe les joncs│sur le rocher superbe, 6+6 a
Et de l’enfant qui chante│il emporte la voix. 6+6 b
Ô vent ! Que vous courbez│à la fois de brins d’herbe ! 6+6 a
40 Et que vous emportez│de chansons à la fois ! 6+6 b
Qu’importe ! Ici tout berce,│et rassure, et caresse. 6+6 a
Plus d’ombre dans le cœur !│Plus de soucis amers ! 6+6 b
Une ineffable paix│monte et descend sans cesse 6+6 a
Du bleu profond de l’âme│au bleu profond des mers. 6+6 b
TROISIÈME PROMENADE
45 Le soleil déclinait ;│le soir prompt à le suivre 6+6 a
Brunissait l’horizon ;│sur la pierre d’un champ 6+6 b
Un vieillard, qui n’a plus│que peu de temps à vivre, 6+6 a
S’était assis pensif,│tourné vers le couchant. 6+6 b
C’était un vieux pasteur,│berger dans la montagne, 6+6 a
50 Qui jadis, jeune et pauvre,│heureux, libre et sans lois, 6+6 b
À l’heure où le mont fuit│sous l’ombre qui le gagne, 6+6 a
Faisait gaîment chanter│sa flûte dans les bois. 6+6 b
Maintenant riche et vieux,│l’âme du passé pleine, 6+6 a
D’une grande famille│aïeul laborieux, 6+6 b
55 Tandis que ses troupeaux│revenaient de la plaine, 6+6 a
Détaché de la terre,│il contemplait les cieux. 6+6 b
Le jour qui va finir│vaut le jour qui commence. 6+6 a
Le vieux pasteur rêvait│sous cet azur si beau. 6+6 b
L’océan devant lui│se prolongeait, immense 6+6 a
60 Comme l’espoir du juste│aux portes du tombeau. 6+6 b
Ô moment solennel !│Les monts, la mer farouche, 6+6 a
Les vents, faisaient silence│et cessaient leur clameur. 6+6 b
Le vieillard regardait│le soleil qui se couche ; 6+6 a
Le soleil regardait│le vieillard qui se meurt. 6+6 b
QUATRIÈME PROMENADE
65 Dieu ! Que les monts sont beaux│avec ces taches d’ombre ! 6+6 a
Que la mer a de grâce│et le ciel de clarté ! 6+6 b
De mes jours passagers│que m’importe le nombre ! 6+6 a
Je touche l’infini,│je vois l’éternité. 6+6 b
Orages ! Passions !│Taisez-vous dans mon âme ! 6+6 a
70 Jamais si près de Dieu│mon cœur n’a pénétré. 6+6 b
Le couchant me regarde│avec ses yeux de flamme, 6+6 a
La vaste mer me parle,│et je me sens sacré. 6+6 b
Béni soit qui me hait│et béni soit qui m’aime ! 6+6 a
À l’amour, à l’esprit│donnons tous nos instants. 6+6 b
75 Fou qui poursuit la gloire│ou qui creuse un problème ! 6+6 a
Moi, je ne veux qu’aimer,│car j’ai si peu de temps ! 6+6 b
L’étoile sort des flots│où le soleil se noie ; 6+6 a
Le nid chante ; la vague│à mes pieds retentit ; 6+6 b
Dans toute sa splendeur│le soleil se déploie. 6+6 a
80 Mon Dieu, que l’âme est grande│et que l’homme est petit ! 6+6 b
Tous les objets créés,│feu qui luit, mer qui tremble, 6+6 a
Ne savent qu’à demi│le grand nom du Très-Haut. 6+6 b
Ils jettent vaguement│des sons que seul j’assemble ; 6+6 a
Chacun dit sa syllabe,│et moi je dis le mot. 6+6 b
85 Ma voix s’élève aux cieux,│comme la tienne, abîme ! 6+6 a
Mer, je rêve avec toi !│Monts, je prie avec vous ! 6+6 b
La nature est l’encens,│pur, éternel, sublime ; 6+6 a
Moi je suis l’encensoir│intelligent et doux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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