Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_2/HUG552
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE SIXIÈME
AU BORD DE L'INFINI
XIX
Voyage de nuit
On conteste, on dispute, | on proclame, on ignore. 6+6 a
Chaque religion | est une tour sonore ; 6+6 a
Ce qu'un prêtre édifie, | un prêtre le détruit ; 6+6 b
Chaque temple, tirant | sa corde dans la nuit, 6+6 b
5 Fait, dans l'obscurité | sinistre et solennelle, 6+6 a
Rendre un son différent | à la cloche éternelle. 6+6 a
Nul ne connaît le fond, | nul ne voit le sommet. 6+6 b
Tout l'équipage humain | semble en démence ; on met 6+6 b
Un aveugle en vigie, | un manchot à la barre, 6+6 a
10 À peine a-t-on passé | du sauvage au barbare, 6+6 a
À peine a-t-on franchi | le plus noir de l'horreur, 6+6 b
À peine a-t-on, parmi | le vertige et l'erreur, 6+6 b
Dans ce brouillard où l'homme | attend, songe et soupire, 6+6 a
Sans sortir du mauvais, | fait un pas hors du pire, 6+6 a
15 Que le vieux temps revient | et nous mord les talons, 6+6 b
Et nous crie : Arrêtez ! | Socrate dit : Allons ! 6+6 b
Jésus-Christ dit : Plus loin ! | et le sage et l'apôtre 6+6 a
S'en vont se demander | dans le ciel l'un à l'autre 6+6 a
Quel goût a la ciguë | et quel goût a le fiel. 6+6 b
20 Par moments, voyant l'homme | ingrat, fourbe et cruel, 6+6 b
Satan lui prend la main | sous le linceul de l'ombre. 6+6 a
Nous appelons science | un tâtonnement sombre. 6+6 a
L'abîme, autour de nous, | lugubre tremblement, 6+6 b
S'ouvre et se ferme ; et l'œil | s'effraie également 6+6 b
25 De ce qui s'engloutit | et de ce qui surnage. 6+6 a
Sans cesse le progrès, | roue au double engrenage, 6+6 a
Fait marcher quelque chose | en écrasant quelqu'un. 6+6 b
Le mal peut être joie, | et le poison parfum. 6+6 b
Le crime avec la loi, | morne et mélancolique, 6+6 a
30 Lutte ; le poignard parle, | et l'échafaud réplique. 6+6 a
Nous entendons, sans voir | la source ni la fin, 6+6 b
Derrière notre nuit, | derrière notre faim, 6+6 b
Rire l'ombre Ignorance | et la larve Misère. 6+6 a
Le lys a-t-il raison ? | et l'astre est-il sincère ? 6+6 a
35 Je dis oui, tu dis non. | Ténèbres et rayons 6+6 b
Affirment à la fois. | Doute, Adam ! nous voyons 6+6 b
De la nuit dans l'enfant, | de la nuit dans la femme ; 6+6 a
Et sur notre avenir | nous querellons notre âme ; 6+6 a
Et, brûlé, puis glacé, | chaos, semoun, frimas, 6+6 b
40 L'homme de l'infini | traverse les climats. 6+6 b
Tout est brume ; le vent | souffle avec des huées, 6+6 a
Et de nos passions | arrache des nuées ; 6+6 a
Rousseau dit : L'homme monte ; | et de Maistre : Il descend ! 6+6 b
Mais, ô Dieu ! le navire | énorme et frémissant, 6+6 b
45 Le monstrueux vaisseau | sans agrès et sans voiles, 6+6 a
Qui flotte, globe noir, | dans la mer des étoiles, 6+6 a
Et qui porte nos maux, | fourmillement humain, 6+6 b
Va, marche, vogue et roule, | et connaît son chemin ; 6+6 b
Le ciel sombre, où parfois | la blancheur semble éclore, 6+6 a
50 À l'effrayant roulis | mêle un frisson d'aurore, 6+6 a
De moment en moment | le sort est moins obscur, 6+6 b
Et l'on sent bien qu'on est | emporté vers l'azur. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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