Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_2/HUG504
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE QUATRIÈME
PAUCA MEAE
XV
À Villequier
Maintenant que Paris,ses pavés et ses marbres, 6+6 a
Et sa brume et ses toitssont bien loin de mes yeux ; 6+6 b
Maintenant que je suissous les branches des arbres, 6+6 a
Et que je puis songerà la beauté des cieux ; 6+6 b
5 Maintenant que du deuilqui m'a fait l'âme obscure 6+6 a
 Je sors, pâle et vainqueur, 6 b
Et que je sens la paixde la grande nature 6+6 a
 Qui m'entre dans le cœur ; 6 b
Maintenant que je puis,assis au bord des ondes, 6+6 a
10 Ému par ce superbeet tranquille horizon, 6+6 b
Examiner en moiles vérités profondes 6+6 a
Et regarder les fleursqui sont dans le gazon ; 6+6 b
Maintenant, ô mon Dieu !que j'ai ce calme sombre 6+6 a
 De pouvoir désormais 6 b
15 Voir de mes yeux la pierre je sais que dans l'ombre 6+6 a
 Elle dort pour jamais ; 6 b
Maintenant qu'attendripar ces divins spectacles, 6+6 a
Plaines, forêts, rochers,vallons, fleuve argenté, 6+6 b
Voyant ma petitesseet voyant vos miracles, 6+6 a
20 Je reprends ma raisondevant l'immensité ; 6+6 b
Je viens à vous, Seigneur,père auquel il faut croire ; 6+6 a
 Je vous porte, apaisé, 6 b
Les morceaux de ce cœurtout plein de votre gloire 6+6 a
 Que vous avez brisé ; 6 b
25 Je viens à vous, Seigneur !confessant que vous êtes 6+6 a
Bon, clément, indulgentet doux, ô Dieu vivant ! 6+6 b
Je conviens que vous seulsavez ce que vous faites, 6+6 a
Et que l'homme n'est rienqu'un jonc qui tremble au vent ; 6+6 b
Je dis que le tombeauqui sur les morts se ferme 6+6 a
30  Ouvre le firmament ; 6 b
Et que ce qu'ici-basnous prenons pour le terme 6+6 a
 Est le commencement ; 6 b
Je conviens à genouxque vous seul, père auguste, 6+6 a
Possédez l'infini,le réel, l'absolu ; 6+6 b
35 Je conviens qu'il est bon,je conviens qu'il est juste 6+6 a
Que mon cœur ait saigné,puisque Dieu l'a voulu ! 6+6 b
Je ne résiste plusà tout ce qui m'arrive 6+6 a
 Par votre volonté. 6 b
L'âme de deuils en deuils,l'homme de rive en rive, 6+6 a
40  Roule à l'éternité. 6 b
Nous ne voyons jamaisqu'un seul côté des choses ; 6+6 a
L'autre plonge en la nuitd'un mystère effrayant. 6+6 b
L'homme subit le jougsans conntre les causes. 6+6 a
Tout ce qu'il voit est court,inutile et fuyant. 6+6 b
45 Vous faites revenirtoujours la solitude 6+6 a
 Autour de tous ses pas. 6 b
Vous n'avez pas vouluqu'il t la certitude 6+6 a
 Ni la joie ici-bas ! 6 b
Dès qu'il possède un bien,le sort le lui retire. 6+6 a
50 Rien ne lui fut donné,dans ses rapides jours, 6+6 b
Pour qu'il s'en puisse faireune demeure, et dire : 6+6 a
C'est ici ma maison,mon champ et mes amours ! 6+6 b
Il doit voir peu de tempstout ce que ses yeux voient ; 6+6 a
 Il vieillit sans soutiens. 6 b
55 Puisque ces choses sont,c'est qu'il faut qu'elles soient ; 6+6 a
 J'en conviens, j'en conviens ! 6 b
Le monde est sombre, ô Dieu !l'immuable harmonie 6+6 a
Se compose des pleursaussi bien que des chants ; 6+6 b
L'homme n'est qu'un atomeen cette ombre infinie, 6+6 a
60 Nuit montent les bons, tombent les méchants. 6+6 b
Je sais que vous avezbien autre chose à faire 6+6 a
 Que de nous plaindre tous, 6 b
Et qu'un enfant qui meurt,désespoir de sa mère, 6+6 a
 Ne vous fait rien, à vous ! 6 b
65 Je sais que le fruit tombeau vent qui le secoue ; 6+6 a
Que l'oiseau perd sa plumeet la fleur son parfum ; 6+6 b
Que la créationest une grande roue 6+6 a
Qui ne peut se mouvoirsans écraser quelqu'un ; 6+6 b
Les mois, les jours, les flotsdes mers, les yeux qui pleurent, 6+6 a
70  Passent sous le ciel bleu ; 6 b
Il faut que l'herbe pousseet que les enfants meurent ; 6+6 a
 Je le sais, ô mon Dieu ! 6 b
Dans vos cieux, au delàde la sphère des nues, 6+6 a
Au fond de cet azurimmobile et dormant, 6+6 b
75 Peut-être faites-vousdes choses inconnues 6+6 a
la douleur de l'hommeentre comme élément. 6+6 b
Peut-être est-il utileà vos desseins sans nombre 6+6 a
 Que des êtres charmants 6 b
S'en aillent, emportéspar le tourbillon sombre 6+6 a
80  Des noirs événements. 6 b
Nos destins ténébreuxvont sous des lois immenses 6+6 a
Que rien ne déconcerteet que rien n'attendrit. 6+6 b
Vous ne pouvez avoirde subites clémences 6+6 a
Qui dérangent le monde,ô Dieu, tranquille esprit ! 6+6 b
85 Je vous supplie, ô Dieu !de regarder mon âme, 6+6 a
 Et de considérer 6 b
Qu'humble comme un enfantet doux comme une femme, 6+6 a
 Je viens vous adorer ! 6 b
Considérez encorque j'avais, dès l'aurore, 6+6 a
90 Travaillé, combattu,pensé, marché, lutté, 6+6 b
Expliquant la natureà l'homme qui l'ignore, 6+6 a
Éclairant toute choseavec votre clarté ; 6+6 b
Que j'avais, affrontantla haine et la colère, 6+6 a
 Fait ma tâche ici-bas, 6 b
95 Que je ne pouvais pasm'attendre à ce salaire, 6+6 a
 Que je ne pouvais pas 6 b
Prévoir que, vous aussi,sur ma tête qui ploie, 6+6 a
Vous appesantiriezvotre bras triomphant, 6+6 b
Et que, vous qui voyiezcomme j'ai peu de joie, 6+6 a
100 Vous me reprendriezsi vite mon enfant ! 6+6 b
Qu'une âme ainsi frappéeà se plaindre est sujette, 6+6 a
 Que j'ai pu blasphémer, 6 b
Et vous jeter mes criscomme un enfant qui jette 6+6 a
 Une pierre à la mer ! 6 b
105 Considérez qu'on doute,ô mon Dieu ! quand on souffre, 6+6 a
Que l'œil qui pleure tropfinit par s'aveugler, 6+6 b
Qu'un être que son deuilplonge au plus noir du gouffre, 6+6 a
Quand il ne vous voit plus,ne peut vous contempler, 6+6 b
Et qu'il ne se peut pasque l'homme, lorsqu'il sombre 6+6 a
110  Dans les afflictions, 6 b
Ait présente à l'espritla sérénité sombre 6+6 a
 Des constellations ! 6 b
Aujourd'hui, moi qui fusfaible comme une mère, 6+6 a
Je me courbe à vos piedsdevant vos cieux ouverts. 6+6 b
115 Je me sens éclairédans ma douleur amère 6+6 a
Par un meilleur regardjeté sur l'univers. 6+6 b
Seigneur, je reconnaisque l'homme est en délire, 6+6 a
 S'il ose murmurer ; 6 b
Je cesse d'accuser,je cesse de maudire, 6+6 a
120  Mais laissez-moi pleurer ! 6 b
Hélas ! laissez les pleurscouler de ma paupière, 6+6 a
Puisque vous avez faitles hommes pour cela ! 6+6 b
Laissez-moi me penchersur cette froide pierre 6+6 a
Et dire à mon enfant :Sens-tu que je suis là ? 6+6 b
125 Laissez-moi lui parler,incliné sur ses restes, 6+6 a
 Le soir, quand tout se tait, 6 b
Comme si, dans sa nuitrouvrant ses yeux célestes, 6+6 a
 Cet ange m'écoutait ! 6 b
Hélas ! vers le passétournant un œil d'envie, 6+6 a
130 Sans que rien ici-baspuisse m'en consoler, 6+6 b
Je regarde toujoursce moment de ma vie 6+6 a
je l'ai vue ouvrirson aile et s'envoler ! 6+6 b
Je verrai cet instantjusqu'à ce que je meure, 6+6 a
 L'instant, pleurs superflus ! 6 b
135 je criai : L'enfantque j'avais tout à l'heure, 6+6 a
 Quoi donc ! je ne l'ai plus ! 6 b
Ne vous irritez pasque je sois de la sorte, 6+6 a
O mon Dieu ! cette plaiea si longtemps saigné ! 6+6 b
L'angoisse dans mon âmeest toujours la plus forte, 6+6 a
140 Et mon cœur est soumis,mais n'est pas résigné. 6+6 b
Ne vous irritez pas !fronts que le deuil réclame, 6+6 a
 Mortels sujets aux pleurs, 6 b
Il nous est malaiséde retirer notre âme 6+6 a
 De ces grandes douleurs. 6 b
145 Voyez-vous, nos enfantsnous sont bien nécessaires, 6+6 a
Seigneur ; quand on a vudans sa vie, un matin, 6+6 b
Au milieu des ennuis,des peines, des misères, 6+6 a
Et de l'ombre que faitsur nous notre destin, 6+6 b
Appartre un enfant,tête chère et sacrée, 6+6 a
150  Petit être joyeux, 6 b
Si beau, qu'on a cru voirs'ouvrir à son entrée 6+6 a
 Une porte des cieux ; 6 b
Quand on a vu, seize ans,de cet autre soi-même 6+6 a
Crtre la grâce aimableet la douce raison, 6+6 b
155 Lorsqu'on a reconnuque cet enfant qu'on aime 6+6 a
Fait le jour dans notre âmeet dans notre maison, 6+6 b
Que c'est la seule joieici-bas qui persiste 6+6 a
 De tout ce qu'on rêva, 6 b
Considérez que c'estune chose bien triste 6+6 a
160  De le voir qui s'en va ! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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