Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_14/HUG221
Victor HUGO
Les Chants du Crépuscule
1835
XXXVII
À MADEMOISELLE LOUISE B.
I
L'année en s'enfuyant | par l'année est suivie. 6+6 a
Encore une qui meurt! | encore un pas du temps ; 6+6 b
Encore une limite | atteinte dans la vie ! 6+6 a
Encore un sombre hiver | jeté sur nos printemps ! 6+6 b
5 Le temps ! les ans ! les jours ! | mots que la foule ignore ! 6+6 a
Mots profonds qu'elle croit | à d'autres mots pareils ! 6+6 b
Quand l'heure tout-à-coup | lève sa voix sonore, 6+6 a
Combien peu de mortels | écoutent ses conseils ! 6+6 b
L'homme les use, hélas ! | ces fugitives heures, 6+6 a
10 En folle passion, | en folle volupté, 6+6 b
Et croit que Dieu n'a pas | fait de choses meilleures 6+6 a
Que les chants, les banquets, | le rire et la beauté ! 6+6 b
Son temps dans les plaisirs | s'en va sans qu'il y pense. 6+6 a
Imprudent ! est-il sûr | de demain ? d'aujourd'hui ? 6+6 b
15 En dépensant ses jours, | sait-il ce qu'il dépense ? 6+6 a
Le nombre en est compté | par un autre que lui. 6+6 b
A peine lui vient-il | une grave pensée 6+6 a
Quand, au sein d'un festin | qui satisfait ses vœux, 6+6 b
Ivre, il voit tout-à-coup | de sa tête affaissée 6+6 a
20 Tomber en même temps | les fleurs et les cheveux ; 6+6 b
Quand ses projets hâtifs | l'un sur l'autre s'écroulent ; 6+6 a
Quand ses illusions | meurent à son côté ; 6+6 b
Quand il sent le niveau | de ses jours qui s'écoulent, 6+6 a
Baisser rapidement | comme un torrent d'été. 6+6 b
25 Alors en chancelant | il s'écrie, il réclame, 6+6 a
Il dit : Ai-je donc bu | toute cette liqueur ? 6+6 b
Plus de vin pour ma soif! | plus d'amour pour mon âme ! 6+6 a
Qui donc vide à la fois | et ma coupe et mon cœur ? 6+6 b
Mais rien rie lui répond. | — Et triste, et le front blême, 6+6 a
30 De ses débiles mains, | de son souffle glacé, 6+6 b
Vainement il remue, | en s'y cherchant lui-même, 6+6 a
Ce tas de cendre éteint | qu'on nomme le passé ! 6+6 b
II
Ainsi nous allons tous. | — Mais vous dont l'âme est forte, 6+6 a
Vous dont le cœur est grand, | vous dites : — Que m'importe 6+6 a
35 Si le temps fuit toujours, 6 b
Et si toujours un souffle | emporte quand il passe, 6+6 c
Pêle-mêle à travers | la durée et l'espace, 6+6 c
Les hommes et les jours ! — 6 b
Car vous avez le goût | de ce qui seul peut vivre; 6+6 a
40 Sur Dante et sur Mozart, | sur la note et le livre, 6+6 a
Votre front est courbé. 6 b
Car vous avez l'amour | des choses immortelles ; 6+6 c
Rien de ce que le temps | emporte sur ses ailes 6+6 c
Des vôtres n'est tombé ! 6 b
45 Quelquefois, quand l'esprit | vous presse et vous réclame, 6+6 a
Une musique en feu | s'échappe de votre âme, 6+6 a
Musique aux chants vainqueurs, 6 b
Au souffle pur, plus doux | que l'aile des zéphires, 6+6 c
Qui palpite et qui fait | vibrer comme des lyres 6+6 c
50 Les fibres de nos cœurs ! 6 b
Dans ce siècle où l'éclair | reluit sur chaque tête, 6+6 a
Où le monde, jeté | de tempête en tempête, 6+6 a
S'écrie avec frayeur, 6 b
Vous avez su vous faire, | en la nuit qui redouble, 6+6 c
55 Une sérénité | qui traverse sans trouble 6+6 c
L'orage extérieur ! 6 b
Soyez toujours ainsi ! | l'amour d'une famille ; 6+6 a
Le centre autour duquel | tout gravite et tout brille ; 6+6 a
La sœur qui nous défend ; 6 b
60 Prodigue d'indulgence | et de blâme économe ; 6+6 c
Femme au cœur grave et doux ; | sérieuse avec l'homme, 6+6 c
Folâtre avec l'enfant ! 6 b
Car pour garder toujours | la beauté de son âme, 6+6 a
Pour se remplir le cœur, | riche ou pauvre, homme ou femme, 6+6 a
65 De pensers bienveillants, 6 b
Vous avez ce qu'on peut, | après Dieu, sur la terre, 6+6 c
Contempler de plus saint | et de plus salutaire, 6+6 c
Un père en cheveux blancs! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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