Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_14/HUG212
Victor HUGO
Les Chants du Crépuscule
1835
XXVIII
AU BORD DE LA MER
Vois, ce spectacle est beau.— Ce paysage immense 6+6 a
Qui toujours devant nousfinit et recommence ; 6+6 a
Ces blés, ces eaux, ces prés;ce bois charmant aux yeux 6+6 b
Ce chaume l'on entendrire un groupe joyeux ; 6+6 b
5 L'océan qui s'ajouteà la plaine nous sommes 6+6 a
Ce golfe, fait par Dieu,puis refait par les hommes, 6+6 a
Montrant la double mainempreinte en ses contours, 6+6 b
Et des amas de rocssous des monceaux de tours; 6+6 b
Ces landes, ces forêts,ces crêtes déchirées ; 6+6 a
10 Ces antres à fleur d'eauqui boivent les marées; 6+6 a
Cette montagne, au frontde nuages couvert, 6+6 b
Qui dans un de ses plisporte un beau vallon vert, 6+6 b
Comme un enfant des fleursdans un pan de sa robe ; 6+6 a
La ville que la brumeà demi nous dérobe, 6+6 a
15 Avec ses mille toitsbourdonnants et pressés ; 6+6 b
Ce bruit de pas sans nombreet de rameaux froissés, 6+6 b
De voix et de chansonsqui par moments s'élève ; 6+6 a
Ces lames que la meramincit sur la grève, 6+6 a
les longs cheveux vertsdes sombres goémons 6+6 b
20 Tremblent dans l'eau moiréeavec l'ombre des monts; 6+6 b
Cet oiseau qui voyageet cet oiseau qui joue ; 6+6 a
Ici, cette charrue,et là-bas, cette proue, 6+6 a
Traçant en même tempschacune leur sillon 6+6 b
Ces arbres et ces mâts,jouets de l'aquilon 6+6 b
25 Et là-bas, par-delàles collines lointaines, 6+6 a
Ces horizons remplisde formes incertaines ; 6+6 a
Tout ce que nous voyons,brumeux ou transparent, 6+6 b
Flottant dans les clartés,dans les ombres errant, 6+6 b
Fuyant, debout, penché,fourmillant, solitaire, 6+6 a
30 Vagues, rochers, gazons,— regarde, c'est la terre ! 6+6 a
Et là-haut, sur ton front,ces nuages si beaux 6+6 a
pend et se déchireune pourpre en lambeaux ; 6+6 a
Cet azur, qui ce soirsera l'ombre infinie ; 6+6 b
Cet espace qu'emplitl'éternelle harmonie ; 6+6 b
35 Ce merveilleux soleil,ce soleil radieux, 6+6 a
Si puissant à changertoute forme à nos yeux 6+6 a
Que parfois, transformanten métaux les bruines, 6+6 b
On ne voit plus dans l'airque splendides ruines, 6+6 b
Entassements confus,amas étincelants 6+6 a
40 De cuivres et d'airainsl'un sur l'autre croulants, 6+6 a
Cuirasses, boucliers,armures dénouées, 6+6 b
Et caparaçons d'oraux croupes des nuées, 6+6 b
L'éther, cet océansi liquide et si bleu, 6+6 a
Sans rivage et sans fond,sans borne et sans milieu, 6+6 a
45 Que l'oscillationde toute haleine agite, 6+6 b
tout ce qui respire,ou remue, ou gravite, 6+6 b
A sa vague et son flot,à d'autres flots uni, 6+6 a
passent à la fois,mêlés dans l'infini, 6+6 a
Air tiède et vents glacés,aubes et crépuscules, 6+6 b
50 Brises d'hiver, ardeurdes chaudes canicules, 6+6 b
Les parfums de la fleuret ceux de l'encensoir, 6+6 a
Les astres scintillantsur la robe du soir, 6+6 a
Et les brumes de gaze,et la douteuse étoile, 6+6 b
Paillette qui se perddans les plis noirs du voile, 6+6 b
55 La clameur des soldatsqu'enivre le tambour, 6+6 a
Le froissement du nidqui tressaille d'amour, 6+6 a
Les souffles, les échos,les brouillards, les fumées, 6+6 b
Mille choses que l'hommeencor n'a pas nommées, 6+6 b
Les flots de la lumièreet les ondes du bruit, 6+6 a
60 Tout ce qu'on voit le jour,tout ce qu'on sent la nuit ; 6+6 a
Eh bien ! nuage, azur,espace, éther, abîmes, 6+6 b
Ce fluide océan,ces régions sublimes 6+6 b
Toutes pleines de feux,de lueurs, de rayons, 6+6 a
l'âme emporte l'homme, tous deux nous fuyons, 6+6 a
65 volent sur nos fronts,selon des lois profondes, 6+6 b
Près de nous les oiseauxet loin de nous les mondes, 6+6 b
Cet ensemble ineffable,immense, universel, 6+6 a
Formidable et charmant,— contemple, c'est le ciel ! 6+6 a
Oh oui ! la terre est belleet le ciel est superbe ; 6+6 a
70 Mais quand ton sein palpiteet quand ton œil reluit, 6+6 b
Quand ton pas gracieuxcourt si léger sur l'herbe, 6+6 a
Que le bruit d'une lyreest moins doux que son bruit ; 6+6 b
Lorsque ton frais sourire,aurore de ton âme, 6+6 a
Se lève rayonnantsur moi qu'il rajeunit, 6+6 b
75 Et de ta bouche rose, nt sa douce flamme, 6+6 a
Monte jusqu'à ton frontcomme l'aube au zénith ; 6+6 b
Quand, parfois, sans te voir,ta jeune voix m'arrive, 6+6 a
Disant des mots confusqui m'échappent souvent, 6+6 b
Bruit d'une eau qui se perdsous l'ombre de sa rive, 6+6 a
80 Chanson d'oiseau cachéqu'on écoute en rêvant ; 6+6 b
Lorsque ma poésie,insultée et proscrite, 6+6 a
Sur ta tête un momentse repose en chemin ; 6+6 b
Quand ma pensée en deuilsous la tienne s'abrite, 6+6 a
Comme un flambeau de nuitsous une blanche main ; 6+6 b
85 Quand nous nous asseyonstous deux dans la vallée ; 6+6 a
Quand ton âme, soudainapparue en tes yeux, 6+6 b
Contemple, avec les pleursd'une sœur exilée, 6+6 a
Quelque vertu sur terreou quelque étoile aux cieux ; 6+6 b
Quand brille sous tes cils,comme un feu sous les branches, 6+6 a
90 Ton beau regard ternipar de longues douleurs ; 6+6 b
Quand sur les maux passéstout-à-coup tu te penches, 6+6 a
Que tu veux me sourireet qu'il te vient des pleurs ; 6+6 b
Quand mon corps et ma vieà ton souffle résonnent, 6+6 a
Comme un tremblant clavierqui vibre à tout moment ; 6+6 b
95 Quant tes doigts, se posantsur mes doigts qui frissonnent, 6+6 a
Font chanter dans mon cœurun céleste instrument ; 6+6 b
Lorsque je te contemple,ô mon charme suprême! 6+6 a
Quand ta noble nature,épanouie aux yeux, 6+6 b
Comme l'ardent buissonqui contenait Dieu même, 6+6 a
100 Ouvre toutes ses fleurset jette tous ses feux ; 6+6 b
Ce qui sort à la foisde tant de douces choses, 6+6 a
Ce qui de ta beautés'exhale nuit et jour, 6+6 b
Comme un parfum formédu souffle de cent roses, 6+6 a
C'est bien plus que la terreet le ciel, — c'est l'amour ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université