Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_14/HUG199
Victor HUGO
Les Chants du Crépuscule
1835
XV
CONSEIL
Rien encor n'a germéde vos rameaux flottants 6+6 a
Sur notre jeune terre, depuis quarante ans, 6+6 a
 Tant d'âmes se sont échouées, 8 a
Doctrines aux fruits d'or,espoir des nations, 6+6 b
5 Que la hâtive maindes révolutions 6+6 b
 Sur nos têtes a secouées ! 8 a
Nous attendons toujours !Seigneur, prenez pitié 6+6 a
Des peuples qui, toujourssatisfaits à moitié, 6+6 a
 Vont d'espérance en espérance; 8 a
10 Et montrez-nous enfinl'homme de votre choix 6+6 b
Parmi tous ces tribunset parmi tous ces rois 6+6 b
 Que vous essayez à la France! 8 a
Qui peut se croire fort,puissant et souverain ? 6+6 a
Qui peut dire en scellantdes barrières d'airain : 6+6 a
15  Jamais vous ne serez franchies ! 8 a
Dans ce siècle de bruit,de gloire et de revers, 6+6 b
les roseaux penchésau bord des étangs verts 6+6 b
 Durent plus que les monarchies ! 8 a
Rois ! la bure est souventjalouse du velours. 6+6 a
20 Le peuple a froid l'hiver,le peuple a faim toujours. 6+6 a
 Rendez-lui son sort plus facile. 8 a
Le peuple souvent porteun bien rude collier. 6+6 b
Ouvrez l'école aux fils,aux pères l'atelier, 6+6 b
 A tous vos bras, auguste asile ! 8 a
25 Par la bonté des roisrendez les peuples bons. 6+6 a
Sous d'étranges malheurssouvent nous nous courbons ; 6+6 a
 Songez que Dieu seul est le mtre. 8 a
Un bienfait par quelqu'unest toujours ramassé. 6+6 b
Songez-y, rois minéssur qui pèse un passé 6+6 b
30  Gros du même avenir peut-être ! 8 a
Donnez à tous. Peut-êtreun jour tous vous rendront ! 6+6 a
Donnez, — on ne sait pasquels épis germeront 6+6 a
 Dans notre siècle autour des trônes ! — 8 a
De la main droite aux bons,de la gauche aux méchants ! 6+6 b
35 Comme le laboureursème sa graine aux champs, 6+6 b
 Ensemencez les cœurs d'aumônes ! 8 a
※ ※ ※
O Rois ! le pain qu'on porteau vieillard desséché, 6+6 a
La pauvre adolescenteenlevée au marché, 6+6 a
Le bienfait souriant,toujours prêt à toute heure, 6+6 a
40 Qui vient, riche et voilé,partout quelqu'un pleure, 6+6 a
Le cri reconnaissantd'une mère à genoux, 6+6 a
L'enfant sauvé qui lèveentre le peuple et vous 6+6 a
Ses deux petites mainssincères et joyeuses, 6+6 a
Sont la meilleure digueaux foules furieuses. 6+6 a
45 Hélas ! je vous le dis,ne vous endormez pas, 6+6 a
Tandis que l'avenirs'amoncèle là-bas ! 6+6 a
Il arrive parfois,dans le siècle nous sommes, 6+6 a
Qu'un grand vent tout-à-coupsoulève à flots les hommes ; 6+6 a
Vent de malheur, formé,comme tous les autans, 6+6 a
50 De souffles quelque partcomprimés trop long-temps ; 6+6 a
Vent qui de tout foyerdisperse la fumée ; 6+6 a
Dont s'attise l'idéeà cette heure allumée ; 6+6 a
Qui passe sur tout homme,et, torche ou flot amer, 6+6 a
Le fait étincelerou le fait écumer; 6+6 b
55 Ébranle toute digueet toute citadelle ; 6+6 c
Dans la sociétémet à nu d'un coup d'aile 6+6 c
Des sommets jusqu'alorspar des brumes voilés, 6+6 b
Des gouffres ténébreuxou des coins étoilés ; 6+6 a
Vent fatal qui confondles meilleurs et les pires, 6+6 a
60 Arrache mainte tuileau vieux toit des empires, 6+6 a
Et prenant dans l'état,en haut, en bas, partout, 6+6 a
Tout esprit qui dériveet toute âme qui bout, 6+6 a
Tous ceux dont un zéphyrfait remuer les têtes, 6+6 a
Tout ce qui devient ondeà l'heure des tempêtes, 6+6 a
65 Amoncelant dans l'ombreet chassant à la fois 6+6 a
Ces flots, ces bruits, ce peuple,et ces pas, et ces voix, 6+6 a
Et les groupes sans formeet les rumeurs sans nombre, 6+6 a
Pousse tout cet orageau seuil d'un palais sombre ! 6+6 a
Palais sombre en effet,et plongé dans la nuit ! 6+6 a
70 D' les illusionss'envolent à grand bruit, 6+6 a
Quelques-unes en pleurs,d'autres qu'on entend rire ! 6+6 a
C'en est fait. L'heure vient !le voile se déchire, 6+6 a
Adieu les songes d'or !On se réveille, on voit 6+6 a
Un spectre aux mains de chairqui vous touche du doigt. 6+6 a
75 C'est la réalité,— qu'on sent là, qui vous pèse. 6+6 a
On rêvait Charlemagne,on pense à Louis seize ! 6+6 a
Heure grande et terrible, doutant des canons, 6+6 a
La royauté, nommant —ses amis par leurs noms, 6+6 a
Recueillant tous les bruitsque la tempête apporte, 6+6 a
80 Attend, l'œil à la vitreet l'oreille à la porte ! 6+6 a
l'on voit dans un coin,ses filles dans ses bras, 6+6 a
La reine qui pâlit,pauvre étrangère, hélas ! 6+6 a
les petits enfantsdes familles royales 6+6 a
De quelque vieux soldatpressent les mains loyales, 6+6 a
85 Et demandent, avecdes sanglots superflus, 6+6 a
Aux valets qui déjàne leur répondent plus, 6+6 a
D' viennent ces rumeurs,ces terreurs, ce mystère, 6+6 a
Et les ébranlementsde cette affreuse terre 6+6 a
Qu'ils sentent remuercomme la mer aux vents, 6+6 a
90 Et qui ne tremble passous les autres enfants ! 6+6 a
Hélas ! vous crénelezvos mornes Tuileries ; 6+6 a
Vous encombrez les pontsde vos artilleries ; 6+6 a
Vous gardez chaque rueavec un régiment; 6+6 a
A quoi bon ? à quoi bon ?De moment en moment 6+6 a
95 La tourbe s'épaissit,grosse et désespérée 6+6 a
Et terrible : et qu'importeà l'heure leur marée 6+6 a
Sort et monte en hurlantdu fond du gouffre amer, 6+6 a
La mitraille à la fouleet la grêle à la mer ! 6+6 a
O redoutable époque !et quels temps que les nôtres ! 6+6 a
100 , rien qu'en se serrantles uns contre les autres, 6+6 a
Les hommes dans leurs plisécrasent tours, châteaux, 6+6 a
Donjons que les captifsrayaient de leurs couteaux, 6+6 a
Créneaux, portes d'airaincomme un carton ployées, 6+6 a
Et, sur leurs boulevardsvainement appuyées, 6+6 a
105 Les pâles garnisons,et les canons de fer 6+6 a
Broyés avec le murcomme l'os dans la chair ! 6+6 a
Comment se défendrace roi qu'un peuple assiège ? 6+6 a
Plus léger sur ce flotque sur l'onde un vain liège, 6+6 a
Plus vacillant que l'ombreaux approches du soir, 6+6 a
110 Écoutant sans entendreet regardant sans voir, 6+6 a
Il est là qui frissonne,impuissant, infertile. 6+6 a
Sa main tremble, et sa têteest un crible inutile, 6+6 a
Hélas ! hélas ! les roisen ont seuls de pareils ! 6+6 a
Qui laisse tout passer,hors les mauvais conseils ! 6+6 a
115 Que servent maintenantces sabres, ces épées, 6+6 a
Ces lignes de soldatspar des caissons coupées ; 6+6 a
Ces bivouacs, allumésdans les jardins profonds, 6+6 a
Dont la lueur sinistreempourpre les plafonds ; 6+6 a
Ce général choisi,qui déjà, vaine garde, 6+6 a
120 Sent peut-être à son frontsourdre une autre cocarde ; 6+6 a
Et tous ces cuirassiers,soldats vieux et nouveaux, 6+6 a
Qui plantent dans la courdes pieux pour leurs chevaux ? 6+6 a
Que sert la grille closeet la mèche allumée ? 6+6 a
Il faudrait une têteet tu n'as qu'une armée ! 6+6 a
125 Que faire de ce peupleà l'immense roulis, 6+6 a
Mer qui trne du moinsune idée en ses plis, 6+6 a
Vaste inondationd'hommes, d'enfants, de femmes, 6+6 a
Flots qui tous ont des yeux,vagues qui sont des âmes ! 6+6 a
Malheur alors ! O Dieu !faut-il que nous voyions 6+6 a
130 Le côté monstrueuxdes révolutions ! 6+6 a
Qui peut dompter la mer ?Seigneur ! qui peut répondre 6+6 a
Des ondes de Pariset des vagues de Londre, 6+6 a
Surtout lorsque la villeameutée aux tambours 6+6 a
Sent ramper dans ses flotsl'hydre de ses faubourgs ! 6+6 a
135 Dans ce palais fatal l'empire s'écroule, 6+6 a
Dont la porte bientôtva ployer sous la foule, 6+6 a
l'on parle tout basde passages secrets, 6+6 a
le roi sent déjàqu'on le sert de moins près, 6+6 a
la mère en tremblantrit à l'enfant qui pleure, 6+6 a
140 O mon Dieu ! que va-t-ilse passer tout à l'heure ? 6+6 a
Comment vont-ils joueravec ce nid de rois ? 6+6 a
Pourquoi faut-il qu'aux jours le pauvre aux abois 6+6 a
Sent sa haine des grandsde ce qu'il souffre accrue, 6+6 a
Notre faute ou la leurle lâchent dans la rue ? 6−6 a
145 Temps de deuil l'émeuteen fureur sort de tout ! 6+6 a
le peuple devientdifforme tout-à-coup! 6+6 a
Malheur donc ! c'est fini.Plus de barrière au trône ! 6+6 a
Mais Dieu garde un trésorà qui lui fit l'aumône. 6+6 a
Si le prince a laissé,dans des temps moins changeants, 6+6 a
150 L'empreinte de ses pasà des seuils indigents, 6+6 a
Si des bienfaits cachésil fut parfois complice,— 6+6 a
S'il a souvent dit : grâce ! la loi dit : supplice ! 6+6 a
Ne désespérez pas.Le peuple aux mauvais jours 6+6 a
A pu tout oublier,Dieu se souvient toujours »! 6+6 a
155 Souvent un cri du cœursorti d'une humble bouche 6+6 a
Désarme, impérieux,une foule farouche 6+6 a
Qui tenait une proieen ses poings triomphants. 6+6 a
Les mères aux lionsfont rendre les enfants ! 6+6 a
Oh ! dans cet instant même le naufrage gronde, 6+6 a
160 l'on sent qu'un bouletne peut rien contre une onde, 6+6 a
, liquide, et fangeuse,et pleine de courroux, 6+6 a
La populace à l'œil —stupide, aux cheveux roux, 6+6 a
Aboyant sur le seuilcomme un chien pour qu'on ouvre, 6+6 a
Arrive, éclaboussantles chapiteaux du Louvre, 6+6 a
165 Océan qui n'a pointd'heure pour son reflux ; 6+6 a
Au moment l'on voitque rien n'arrête plus 6+6 a
Ce flot toujours grossique chaque instant apporte, 6+6 a
Qui veut monter, qui hurleet qui mouille la porte ; 6+6 a
C'est un spectacle augusteet que j'ai vu déjà 6+6 a
170 Souvent, quand mon regarddans l'histoire plongea, 6+6 a
Qu'une bonne action,cachée en un coin sombre, 6+6 a
Qui sort subitementtoute blanche de l'ombre, 6+6 a
Et comme autrefois Dieuqu'elle prend à témoin, 6+6 a
Dit au peuple écumant :Tu n'iras pas plus loin ! 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6−6
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