Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_13/HUG1085
Victor HUGO
La Fin de Satan
1886
HORS DE LA TERRE II
LA PLUME DE SATAN
La plume, seul débris | qui restât des deux ailes 6+6 a
De l'archange englouti | dans les nuits éternelles, 6+6 a
Était toujours au bord | du gouffre ténébreux. 6+6 b
Les morts laissent ainsi | quelquefois derrière eux 6+6 b
5 Quelque chose d'eux-même | au seuil de la nuit triste, 6+6 a
Sorte de lueur vague | et sombre, qui persiste. 6+6 a
Cette plume avait-elle | une âme ? qui le sait ? 6+6 b
Elle avait un aspect | étrange ; elle gisait 6+6 b
Et rayonnait ; c'était | de la clarté tombée. 6+6 a
10 Les anges la venaient | voir à la dérobée. 6+6 a
Elle leur rappelait | le grand Porte-Flambeau ; 6+6 b
Ils l'admiraient, pensant | à cet être si beau 6+6 b
Plus hideux maintenant | que l'hydre et le crotale ; 6+6 a
Ils songeaient à Satan | dont la blancheur fatale, 6+6 a
15 D'abord ravissement, | puis terreur du ciel bleu, 6+6 b
Fut monstrueuse au point | de s'égaler à Dieu. 6+6 b
Cette plume faisait | revivre l'envergure 6+6 a
De l'Ange, colossale | et hautaine figure ; 6+6 a
Elle couvrait d'éclairs | splendides le rocher ; 6+6 b
20 Parfois les séraphins, | effarés d'approcher 6+6 b
De ces bas-fonds où l'âme | en dragon se transforme, 6+6 a
Reculaient, aveuglés | par sa lumière énorme ; 6+6 a
Une flamme semblait | flotter dans son duvet ; 6+6 b
On sentait, à la voir | frissonner, qu'elle avait 6+6 b
25 Fait partie autrefois | d'une aile révoltée ; 6+6 a
Le jour, la nuit, la foi | tendre, l'audace athée, 6+6 a
La curiosité | des gouffres, les essors 6+6 b
Démesurés, bravant | les hasards et les sorts, 6+6 b
L'onde et l'air, la sagesse | auguste, la démence, 6+6 a
30 Palpitaient vaguement | dans cette plume immense ; 6+6 a
Mais dans son ineffable | et sourd frémissement, 6+6 b
Au souffle de l'abîme, | au vent du firmament, 6+6 b
On sentait plus d'amour | encor que de tempête. 6+6 a
Et sans cesse, tandis | que sur l'éternel faîte 6+6 a
35 Celui qui songe à tous | pensait dans sa bonté, 6+6 b
La plume du plus grand | des anges, rejeté 6+6 b
Hors de la conscience | et hors de l'harmonie, 6+6 a
Frissonnait, près du puits | de la chute infinie, 6+6 a
Entre l'abîme plein | de noirceur et les cieux. 6+6 b
40 Tout à coup un rayon | de l'œil prodigieux 6+6 b
Qui fit le monde avec | du jour, tomba sur elle. 6+6 a
Sous ce rayon, lueur | douce et surnaturelle, 6+6 a
La plume tressaillit, | brilla, vibra, grandit, 6+6 b
Prit une forme et fut | vivante, et l'on eût dit 6+6 b
45 Un éblouissement | qui devient une femme. 6+6 a
Avec le glissement | mystérieux d'une âme, 6+6 a
Elle se souleva | debout, et, se dressant, 6+6 b
Éclaira l'infini | d'un sourire innocent. 6+6 b
Et les anges tremblants | d'amour la regardèrent. 6+6 a
50 Les chérubins jumeaux | qui l'un à l'autre adhèrent, 6+6 a
Les groupes constellés | du matin et du soir, 6+6 b
Les Vertus, les Esprits, | se penchèrent pour voir 6+6 b
Cette sœur de l'enfer | et du paradis naître. 6+6 a
Jamais le ciel sacré | n'avait contemplé d'être 6+6 a
55 Plus sublime au milieu | des souffles et des voix. 6+6 b
En la voyant si fière | et si pure à la fois, 6+6 b
La pensée hésitait | entre l'aigle et la vierge ; 6+6 a
Sa face, défiant | le gouffre qui submerge, 6+6 a
Mêlant l'embrasement | et le rayonnement, 6+6 b
60 Flamboyait, et c'était , | sous un sourcil charmant, 6+6 b
Le regard de la foudre | avec l'œil de l'aurore. 6+6 a
L'archange du soleil, | qu'un feu céleste dore, 6+6 a
Dit : — De quel nom faut-il | nommer cet ange, ô Dieu ? 6+6 b
Alors, dans l'absolu | que l'Être a pour milieu, 6+6 b
65 On entendit sortir | des profondeurs du Verbe 6+6 a
Ce mot qui, sur le front | du jeune ange superbe 6+6 a
Encor vague et flottant | dans la vaste clarté, 6+6 b
Fit tout à coup éclore | un astre : — Liberté. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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