Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_12/HUG925
Victor HUGO
l'Art d'être grand-père
1877
IV
LE POËME DU JARDIN DES PLANTES
VIII
C'est une émotionétrange pour mon âme 6+6 a
De voir l'enfant, encordans les bras de la femme, 6+6 a
Fleur ignorant l'hiver,ange ignorant Satan, 6+6 b
Secouant un hochetdevant Léviathan, 6+6 b
5 Approcher doucementla nature terrible. 6+6 a
Les beaux séraphins bleusqui passent dans la bible, 6+6 a
Envolés d'on ne saitquel ciel mystérieux, 6+6 b
N'ont pas une plus pureaurore dans les yeux 6+6 b
Et n'ont pas sur le frontune plus sainte flamme 6+6 a
10 Que l'enfant innocentriant au monstre infâme. 6+6 a
Ciel noir ! Quel vaste crique le rugissement ! 6+6 b
Quand la bête, âme aveugleet visage écumant, 6+6 b
Lance au loin, n'importe ,dans l'étendue hostile 6+6 a
Sa voix lugubre, ainsiqu'un sombre projectile, 6+6 a
15 C'est tout le gouffre affreuxdes forces sans clarté 6+6 b
Qui hurle ; c'est l'obscèneet sauvage Astarté, 6+6 b
C'est la nature abjecteet maudite qui gronde ; 6+6 a
C'est Némée, et Stymphale,et l'Afrique profonde 6+6 a
C'est le féroce Atlas,c'est l'Athos plus hanté 6+6 b
20 Par les foudres qu'un lacpar les mouches d'été ; 6+6 b
C'est Lerne, Pélion,Ossa, c'est Érymanthe, 6+6 a
C'est Calydon funesteet noir, qui se lamente. 6+6 a
L'enfant regarde l'ombre sont les lions roux. 6+6 b
La bête grince ; à quis'adresse ce courroux ? 6+6 b
25 L'enfant jase ; sait-onqui les enfants appellent ? 6+6 a
Les deux voix, la tragiqueet la douce se mêlent 6+6 a
L'enfant est l'espéranceet la bête est la faim ; 6+6 b
Et tous deux sont l'attente ;il gazouille sans fin 6+6 b
Et chante, et l'animalécume sans relâche ; 6+6 a
30 Ils ont chacun en euxun mystère qui tâche 6+6 a
De dire ce qu'il saitet d'avoir ce qu'il veut 6+6 b
Leur langue est prise et chercheà dénouer le nœud. 6+6 b
Se parlent-ils ? Chacunfait son essai, l'un triste 6+6 a
L'autre charmant ; l'enfantjoyeusement existe ; 6+6 a
35 Quoique devant lui l'Êtreeffrayant soit debout 6+6 b
Il a sa mère, il asa nourrice, il a tout ; 6+6 b
Il rit.
De quelle nuitsortent ces deux ébauches ? 6+6 a
L'une sort de l'azur ;l'autre de ces débauches, 6+6 a
De ces accouplementsdu nain et duant, 6+6 b
40 De ce hideux baiserde l'abîme auant 6+6 b
Qu'on nomme le chaos.
Oui, cette cave immonde, 6+6 a
Dont le soupirail blêmeappart sous le monde, 6+6 a
Le chaos, ces chocs noirs,ces danses d'ouragans, 6+6 b
Les éléments gâtéset devenus brigands 6+6 b
45 Et changés en fléauxdans le cloaque immense, 6+6 a
Le rut universelépousant la démence, 6+6 a
La fécondationde Tout produisant Rien, 6+6 b
Cet engloutissementdu vrai, du beau, du bien, 6+6 b
Qu'Orphée appelle Hadès,qu'Homère appelle Érèbe, 6+6 a
50 Et qui rend fixe l'œilfatal des sphinx de Thèbe, 6+6 a
C'est cela, c'est la folleet mauvaise action 6+6 b
Qu'en faisant le chaosfit la création, 6+6 b
C'est l'attaque de l'ombreau soleil vénérable, 6+6 a
C'est la convulsiondu gouffre misérable 6+6 a
55 Essayant d'opposerl'informe à l'idéal, 6+6 b
C'est Tisiphone offrantson ventre à Bélial, 6+6 b
C'est cet ensemble obscurde forces échappées 6+6 a
les éclairs font rageet tirent leurs épées, 6+6 a
périrent Janus,l'âge d'or et Rhéa, 6+6 b
60 Qui, si nous en croyonsles mages, procréa 6+6 b
L'animal ; et la bêteaffreuse fut rugie 6+6 a
Et vomie au milieudes nuits par cette orgie. 6+6 a
C'est de là que nous vientle monstre inquiétant. 6+6 b
L'enfant, lui, pur songeurrassurant et content, 6+6 b
65 Est l'autre énigme ; il sortde l'obscurité bleue. 6+6 a
Tous les petits oiseaux,mésange, hochequeue, 6+6 a
Fauvette, passereau,bavards aux frches voix, 6+6 b
Sont ses frères, tandisque ces marmots des bois 6+6 b
Sentent pousser leur aile,il sent crtre son âme 6+6 a
70 Des azurs embaumésde myrrhe et de cinname, 6+6 a
Des entre-croisementsde fleurs et de rayons, 6+6 b
Ces éblouissementssacrés que nous voyons 6+6 b
Dans nos profonds sommeilsquand nous sommes des justes, 6+6 a
Un pêle-mêle obscurde branchages augustes 6+6 a
75 Dont les anges au voldivin sont les oiseaux, 6+6 b
Une lueur pareilleau clair reflet des eaux 6+6 b
Quand, le soir, dans l'étangles arbres se renversent, 6+6 a
Des lys vivants, un cielqui rit, des chants qui bercent, 6+6 a
Voilà ce que l'enfant,rose, a derrière lui. 6+6 b
80 Il s'éveille ici-bas,vaguement ébloui ; 6+6 b
Il vient de voir l'édenet Dieu ; rien ne l'effraie, 6+6 a
Il ne croit pas au mal ;ni le loup, ni l'orfraie, 6+6 a
Ni le tigre, démontaché, ni ce trompeur, 6+6 b
Le renard, ne le fonttrembler ; il n'a pas peur, 6+6 b
85 Il chante ; et quoi de plustouchant pour la pensée 6+6 a
Que cette confianceau paradis, poussée 6+6 a
Jusqu'à venir tout prèssourire au sombre enfer ! 6+6 b
Quel ange que l'enfant !Tout, le mal, sombre mer, 6+6 b
Les hydres qu'en leurs flotsroulent les vils avernes, 6+6 a
90 Les griffes, ces forêts,les gueules, ces cavernes, 6+6 a
Les cris, les hurlements,les râles, les abois, 6+6 b
Les rauques visions,la fauve horreur des bois, 6+6 b
Tout, Satan, et sa morneet féroce puissance, 6+6 a
S'évanouit au fonddu bleu de l'innocence ! 6+6 a
95 C'est beau. Voir Calibanet rester Ariel ! 6+6 b
Avoir dans son humble âmeun si merveilleux ciel 6+6 b
Que l'apparitionindignée et sauvage 6+6 a
Des êtres de la nuitn'y fasse aucun ravage, 6+6 a
Et se sentir si pleinde lumière et si doux 6+6 b
100 Que leur souffle n'éteigneaucune étoile en vous ! 6+6 b
Et je rêve. Et je croisentendre un dialogue 6+6 a
Entre la tragédieeffroyable et l'églogue ; 6+6 a
D'un côté l'épouvante,et de l'autre l'amour ; 6+6 b
Dans l'une ni dans l'autreil ne fait encor jour ; 6+6 b
105 L'enfant semble vouloirexpliquer quelque chose ; 6+6 a
La bête gronde, et, monstreincliné sur la rose, 6+6 a
Écoute… — Et qui pourraitcomprendre, ô firmament, 6+6 b
Ce que le bégaiementdit au rugissement ? 6+6 b
Quel que soit le secret,tout se dresse et médite, 6+6 a
110 La fleur bénie ainsique l'épine maudite ; 6+6 a
Tout devient attentif ;tout tressaille ; un frisson 6+6 b
Agite l'air, le flot,la branche, le buisson, 6+6 b
Et dans les clairs-obscurset dans les crépuscules, 6+6 a
Dans cette ombre jadiscombattaient les Hercules, 6+6 a
115 les Bellérophonss'envolaient, planait 6+6 b
L'immense Amos criant :Un nouveau monde nt ! 6+6 b
On sent on ne sait quelleémotion sacrée, 6+6 a
Et c'est, pour la nature l'éternel Dieu crée, 6+6 a
C'est pour tout le mystèreun attendrissement 6+6 b
120 Comme si l'on voyaitl'aube au rayon calmant 6+6 b
S'ébaucher par-dessusd'informes promontoires, 6+6 a
Quand l'âme blanche vientparler aux âmes noires. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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