Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_12/HUG906
Victor HUGO
l'Art d'être grand-père
1877
I
A GUERNESEY
VI
GEORGES ET JEANNE
Moi qu'un petit enfantrend tout à fait stupide, 6+6 a
J'en ai deux ; George et Jeanne ;et je prends l'un pour guide 6+6 a
Et l'autre pour lumière,et j'accours à leur voix, 6+6 b
Vu que George a deux anset que Jeanne a dix mois. 6+6 b
5 Leurs essais d'existersont divinement gauches ; 6+6 a
On croit, dans leur parole tremblent des ébauches, 6+6 a
Voir un reste de cielqui se dissipe et fuit ; 6+6 b
Et moi qui suis le soir,et moi qui suis la nuit, 6+6 b
Moi dont le destin pâleet froid se décolore, 6+6 a
10 J'ai l'attendrissementde dire : Ils sont l'aurore. 6+6 a
Leur dialogue obscurm'ouvre des horizons ; 6+6 b
Ils s'entendent entr'eux,se donnent leurs raisons. 6+6 b
Jugez comme celadisperse mes pensées. 6+6 a
En moi, désirs, projets,les choses insensées, 6+6 a
15 Les choses sages, tout,à leur tendre lueur, 6+6 b
Tombe, et je ne suis plusqu'un bonhomme rêveur. 6+6 b
Je ne sens plus la troubleet secrète secousse 6+6 a
Du mal qui nous attireet du sort qui nous pousse. 6+6 a
Les enfants chancelantssont nos meilleurs appuis. 6+6 b
20 Je les regarde, et puisje les écoute, et puis 6+6 b
Je suis bon, et mon cœurs'apaise en leur présence ; 6+6 a
J'accepte les conseilssacrés de l'innocence, 6+6 a
Je fus toute ma vieainsi ; je n'ai jamais 6+6 b
Rien connu, dans les deuilscomme sur les sommets, 6+6 b
25 De plus doux que l'oubliqui nous envahit l'âme 6+6 a
Devant les êtres pursd' monte une humble flamme ; 6+6 a
Je contemple, en nos tempssouvent noirs et ternis, 6+6 b
Ce point du jour qui sortdes berceaux et des nids. 6+6 b
Le soir je vais les voirdormir. Sur leurs fronts calmes. 6+6 a
30 Je distingue éblouil'ombre que font les palmes 6+6 a
Et comme une clartéd'étoile à son lever, 6+6 b
Et je me dis : À quoipeuvent-ils donc rêver ? 6+6 b
Georges songe aux gâteaux,aux beaux jouets étranges, 6+6 a
Au chien, au coq, au chat ;et Jeanne pense aux anges. 6+6 a
35 Puis, au réveil, leurs yeuxs'ouvrent, pleins de rayons. 6+6 b
Ils arrivent, hélas !à l'heure nous fuyons. 6+6 b
Ils jasent. Parlent-ils ?Oui, comme la fleur parle 6+6 a
A la source des bois ;comme leur père Charle, 6+6 a
Enfant, parlait jadisà leur tante Dédé ; 6+6 b
40 Comme je vous parlais,de soleil inondé, 6+6 b
Ô mes frères, au temps mon père, jeune homme, 6+6 a
Nous regardait jouerdans la caserne, à Rome, 6+6 a
A cheval sur sa grandeépée, et tout petits. 6+6 b
Jeanne qui dans les yeuxa le myosotis, 6+6 b
45 Et qui, pour saisir l'ombreentr'ouvrant ses doigts frêles, 6+6 a
N'a presque pas de brasayant encor des ailes, 6+6 a
Jeanne harangue, avecdes chants flotte un mot, 6+6 b
Georges beau comme un dieuqui serait un marmot. 6+6 b
Ce n'est pas la parole,ô ciel bleu, c'est le verbe ; 6+6 a
50 C'est la langue infinie,innocente et superbe 6+6 a
Que soupirent les vents,les forêts et les flots ; 6+6 b
Les pilotes Jason,Palinure et Typhlos 6+6 b
Entendaient la sirèneavec cette voix douce 6+6 a
Murmurer l'hymne obscurque l'eau profonde émousse ; 6+6 a
55 C'est la musique éparseau fond du mois de mai 6+6 b
Qui fait que l'un dit : J'aime,et l'autre, hélas : J'aimai ; 6+6 b
C'est le langage vagueet lumineux des êtres 6+6 a
Nouveau-nés, que la vieattire à ses fenêtres, 6+6 a
Et qui, devant avril,éperdus, hésitants, 6+6 b
60 Bourdonnent à la vitreimmense du printemps. 6+6 b
Ces mots mystérieuxque Jeanne dit à George, 6+6 a
C'est l'idylle du cygneavec le rouge-gorge, 6+6 a
Ce sont les questionsque les abeilles font, 6+6 b
Et que le lys naïfpose au moineau profond ; 6+6 b
65 C'est ce dessous divinde la vaste harmonie, 6+6 a
Le chuchotement, l'ombreineffable et bénie 6+6 a
Jasant, balbutiantdes bruits de vision, 6+6 b
Et peut-être donnantune explication ; 6+6 b
Car les petits enfantsétaient hier encore 6+6 a
70 Dans le ciel, et savaientce que la terre ignore. 6+6 a
Ô Jeanne ! Georges ! voixdont j'ai le cœur saisi ! 6+6 b
Si les astres chantaient,ils bégaieraient ainsi. 6+6 b
Leur front tourné vers nousnous éclaire et nous dore. 6+6 a
Oh ! d' venez-vous donc,inconnus qu'on adore ? 6+6 a
75 Jeanne a l'air étonné ;George a les yeux hardis. 6+6 b
Ils trébuchent, encoreivres du paradis. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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