Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_11/HUG259
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
IV
REGARD JETÉ DANS UNE MANSARDE
I
L'église est vaste et haute.À ses clochers superbes 6+6 a
L'ogive en fleur suspendses trèfles et ses gerbes ; 6+6 a
Son portail resplendit,de sa rose pourvu ; 6+6 b
Le soir fait fourmillersous la voussure énorme 6+6 c
5 Anges, vierges, le ciel,l'enfer sombre et difforme, 6+6 c
Tout un monde effrayantcomme un rêve entrevu. 6+6 b
Mais ce n'est pas l'église,et ses vtes sublimes, 6+6 a
Ses porches, ses vitraux,ses lueurs, ses abîmes, 6+6 a
Sa façade et ses tours,qui fascinent mes yeux ; 6+6 b
10 Non ; c'est, tout près, dans l'ombre l'âme aime à descendre 6+6 c
Cette chambre d' sortun chant sonore et tendre, 6+6 c
Posée au bord d'un toitcomme un oiseau joyeux. 6+6 b
Oui, l'édifice est beau,mais cette chambre est douce. 6+6 a
J'aime le chêne altiermoins que le nid de mousse ; 6+6 a
15 J'aime le vent des présplus que l'âpre ouragan ; 6+6 b
Mon cœur, quand il se perdvers les vagues béantes, 6+6 c
Préfère l'algue obscureaux falaises géantes. 6+6 c
Et l'heureuse hirondelleau splendide océan. 6+6 b
II
Frais réduit ! à traversune claire feuillée 6+6 a
20 Sa fenêtre petiteet comme émerveillée 6+6 a
S'épanouit auprèsdu gothique portail. 6+6 b
Sa verte jalousieà trois clous accrochée, 6+6 a
Par un bout s'échappant,par l'autre rattachée, 6+6 a
S'ouvre coquettementcomme un grand éventail. 6+6 b
25 Au-dehors un beau lys,qu'un prestige environne, 6+6 a
Emplit de sa racineet de sa fleur couronne 6+6 a
— Tout près de la gouttière dort un chat sournois — 6+6 b
Un vase à forme étrangeen porcelaine bleue 6+6 c
brille, avec des paonsouvrant leur large queue, 6+6 c
30 Ce beau pays d'azurque rêvent les Chinois. 6+6 b
Et dans l'intérieurpar moments luit et passe 6+6 a
Une ombre, une figure,une fée, une grâce, 6+6 a
Jeune fille du peupleau chant plein de bonheur, 6+6 b
Orpheline, dit-on,et seule en cet asile, 6+6 c
35 Mais qui parfois a l'air,tant son front est tranquille, 6+6 c
De voir distinctementla face du Seigneur. 6+6 b
On sent, rien qu'à la voir,sa dignité profonde. 6+6 a
De ce cœur sans limonnul vent n'a troublé l'onde. 6+6 a
Ce tendre oiseau qui jaseignore l'oiseleur. 6+6 b
40 L'aile du papillona toute sa poussière. 6+6 c
L'âme de l'humble viergea toute sa lumière. 6+6 c
La perle de l'auroreest encor dans la fleur. 6+6 b
À l'obscure mansardeil semble que l'œil voie 6+6 a
Aboutir doucementtout un monde de joie, 6+6 a
45 La place, les passants,les enfants, leurs ébats, 6+6 b
Les femmes sous l'égliseà pas lents disparues, 6+6 c
Des fronts épanouispar la chanson des rues, 6+6 c
Mille rayons d'en haut,mille reflets d'en bas. 6+6 b
Fille heureuse ! autour d'elleainsi qu'autour d'un temple, 6+6 a
50 Tout est modeste et doux,tout donne un bon exemple. 6+6 a
L'abeille fait son miel,la fleur rit au ciel bleu, 6+6 b
La tour répand de l'ombre,et, devant la fenêtre, 6+6 c
Sans faute, chaque soir,pour obéir au mtre, 6+6 c
L'astre allume humblementsa couronne de feu. 6+6 b
55 Sur son beau col, empreintde virginité pure, 6+6 a
Point d'altière dentelleou de riche guipure ; 6+6 a
Mais un simple mouchoirnoué pudiquement. 6+6 b
Pas de perle à son front,mais aussi pas de ride, 6+6 c
Mais un œil chaste et vif,mais un regard limpide. 6+6 c
60 brille le regardque sert le diamant ? 6+6 b
III
L'angle de la celluleabrite un lit paisible. 6+6 a
Sur la table est ce livre Dieu se fait visible, 6+6 a
La légende des saints,seul et vrai panthéon. 6+6 b
Et dans un coin obscur,près de la cheminée, 6+6 c
65 Entre la bonne Viergeet le buis de l'année, 6+6 c
Quatre épingles au murfixent Napoon. 6+6 b
Cet aigle en cette cage !et pourquoi non ? dans l'ombre 6+6 a
De cette chambre étroiteet calme, rien n'est sombre, 6+6 a
dort la belle enfant,douce comme son lys, 6+6 b
70 tant de paix, de grâceet de joie est versée, 6+6 c
Je ne hais pas d'entendreau fond de ma pensée 6+6 c
Le bruit des lourds canonsroulant vers Austerlitz. 6+6 b
Et près de l'empereurdevant qui tout s'incline, 6+6 a
Ô légitime orgueilde la pauvre orpheline ! — 6+6 a
75 Brille une croix d'honneur,signe humble et triomphant, 6+6 b
Croix d'un soldat, tombécomme tout héros tombe, 6+6 c
Et qui, père endormi,fait du fond de sa tombe 6+6 c
Veiller un peu de gloireauprès de son enfant. 6+6 b
IV
Croix de Napoléon !joyau guerrier ! pensée ! 6+6 a
80 Couronne de laurierde rayons traversée ! 6+6 a
Quand il menait ses preuxaux combats acharnés, 6+6 b
Il la laissait, afinde conquérir la terre, 6+6 c
Pendre sur tous les frontsdurant toute la guerre ; 6+6 c
Puis, la grande œuvre faite,il leur disait : Venez ! 6+6 b
85 Puis il donnait sa croixà ces hommes stoïques, 6+6 a
Et des larmes coulaientde leurs yeux héroïques ; 6+6 a
Muets, ils admiraientleur demi-dieu vainqueur ; 6+6 b
On t dit qu'allumantleur âme avec son âme, 6+6 c
En touchant leur poitrineavec son doigt de flamme, 6+6 c
90 Il leur faisait jaillircette étoile du cœur ! 6+6 b
V
Le matin elle chanteet puis elle travaille, 6+6 a
Sérieuse, les piedssur sa chaise de paille, 6+6 a
Cousant, taillant, brodantquelques dessins choisis ; 6+6 b
Et, tandis que, songeantà Dieu, simple et sans crainte, 6+6 c
95 Cette vierge accomplitsa tâche auguste et sainte, 6+6 c
Le silence rêveurà sa porte est assis. 6+6 b
Ainsi, Seigneur, vos mainscouvrent cette demeure. 6+6 a
Dans cet asile obscur,qu'aucun souci n'effleure, 6+6 a
Rien qui ne soit sacré,rien qui ne soit charmant ! 6+6 b
100 Cette âme, en vous priantpour ceux dont la nef sombre, 6+6 c
Peut monter chaque soirvers vous sans faire d'ombre 6+6 c
Dans la sérénitéde votre firmament ! 6+6 b
Nul danger ! nul écueil !— Si ! l'aspic est dans l'herbe ! 6+6 a
Hélas ! hélas ! le verest dans le fruit superbe ! 6+6 a
105 Pour troubler une vieil suffit d'un regard. 6+6 b
Le mal peut se montrermême aux clartés d'un cierge. 6+6 c
La curiositéqu'a l'esprit de la vierge 6+6 c
Fait une plaie au cœurde la femme plus tard. 6+6 b
Plein de ces chants honteux,dégt de la mémoire, 6+6 a
110 Un vieux livre est là-hautsur une vieille armoire, 6+6 a
Par quelque vil passantdans cette ombre oublié ; 6+6 b
Roman du dernier siècle !œuvre d'ignominie ! 6+6 c
Voltaire alors régnait,ce singe de génie 6+6 c
Chez l'homme en missionpar le diable envoyé. 6+6 b
VI
115 Époque qui gardas,de vin, de sang rougie, 6+6 a
Même en agonisant,l'allure de l'orgie ! 6+6 a
Ô dix-huitième siècle,impie et châtié ! 6+6 b
Société sans dieu,par qui Dieu fus frappée ! 6+6 c
Qui, brisant sous la hacheet le sceptre et l'épée, 6+6 c
120 Jeune offensas l'amour,et vieille la pitié ! 6+6 b
Table d'un long festinqu'un échafaud termine ! 6+6 a
Monde, aveugle pour Christ,que Satan illumine ! 6+6 a
Honte à tes écrivainsdevant les nations ! 6+6 b
L'ombre de tes forfaitsest dans leur renommée 6+6 c
125 Comme d'une chaudièreil sort une fumée, 6+6 c
Leur sombre gloire sortdes révolutions ! 6+6 b
VII
Frêle barque assoupieà quelques pas d'un gouffre ! 6+6 a
Prends garde, enfant ! cœur tendre rien encor ne souffre ! 6+6 a
Ô pauvre fille d'Ève !ô pauvre jeune esprit ! 6+6 b
130 Voltaire, le serpent,le doute, l'ironie, 6+6 c
Voltaire est dans un coinde ta chambre bénie ! 6+6 c
Avec son œil de flammeil t'espionne, et rit. 6+6 b
Oh ! tremble ! ce sophistea sondé bien des fanges ! 6+6 a
Oh ! tremble ! ce faux sagea perdu bien des anges ! 6+6 a
135 Ce démon, noir milan,fond sur les cœurs pieux, 6+6 b
Et les brise, et souvent,sous ses griffes cruelles, 6+6 c
Plume à plume j'ai vutomber ces blanches ailes 6+6 c
Qui font qu'une âme voleet s'enfuit dans les cieux ! 6+6 b
Il compte de ton seinles battements sans nombre. 6+6 a
140 Le moindre mouvementde ton esprit dans l'ombre, 6+6 a
S'il penche un peu vers lui,fait resplendir son œil. 6+6 b
Et, comme un loup rôdant,comme un tigre qui guette, 6+6 c
Par moments, de Satan,visible au seul poète, 6+6 c
La tête monstrueuseappart à ton seuil ! 6+6 b
VIII
145 Hélas ! si ta main chasteouvrait ce livre infâme, 6+6 a
Tu sentirais soudainDieu mourir dans ton âme. 6+6 a
Ce soir tu pencheraiston front triste et boudeur 6+6 b
Pour voir passer au loindans quelque verte allée 6+6 c
Les chars étincelantsà la roue étoilée, 6+6 c
150 Et demain tu riraisde la sainte pudeur ! 6+6 b
Ton lit, troublé la nuitde visions étranges, 6+6 a
Ferait fuir le sommeil,le plus craintif des anges ! 6+6 a
Tu ne dormirais plus,tu ne chanterais plus, 6+6 b
Et ton esprit, tombédans l'océan des rêves, 6+6 c
155 Irait, déracinécomme l'herbe des grèves, 6+6 c
Du plaisir à l'opprobreet du flux au reflux ! 6+6 b
IX
Oh ! la croix de ton pèreest là qui te regarde ! 6+6 a
La croix du vieux soldatmort dans la vieille garde ! 6+6 a
Laisse-toi conseillerpar elle, ange tenté ! 6+6 b
160 Laisse-toi conseiller,guider, sauver peut-être 6+6 c
Par ce lys fraternelpenché sur ta fenêtre, 6+6 c
Qui mêle son parfumà ta virginité ! 6+6 b
Par toute ombre qui passeen baissant la paupière ! 6+6 a
Par les vieux saints rangéssous le portail de pierre ! 6+6 a
165 Par la blanche colombeaux rapides adieux ! 6+6 b
Par l'orgue ardent dont l'hymneen longs sanglots se brise ! 6+6 c
Laisse-toi conseillerpar la pensive église ! 6+6 c
Laisse-toi conseillerpar le ciel radieux ! 6+6 b
Laisse-toi conseillerpar l'aiguille ouvrière, 6+6 a
170 Présente à ton labeur,présente à ta prière, 6+6 a
Qui dit tout bas : Travaille !Oh ! crois-la ! — Dieu, vois-tu, 6+6 b
Fit ntre du travail,que l'insensé repousse, 6+6 c
Deux filles, la vertu,qui fait la gté douce, 6+6 c
Et la gté, qui rendcharmante la vertu ! 6+6 b
175 Entends ces mille voix,d'amour accentuées, 6+6 a
Qui passent dans le vent,qui tombent des nuées, 6+6 a
Qui montent vaguementdes seuils silencieux, 6+6 b
Que la rosée apporteavec ses chastes gouttes, 6+6 c
Que le chant des oiseauxte répète, et qui toutes 6+6 c
180 Te disent à la fois :Sois pure sous les cieux ! 6+6 b
Sois pure sous les cieux !comme l'onde et l'aurore, 6+6 a
Comme le joyeux nid,comme la tour sonore, 6+6 a
Comme la gerbe blonde,amour du moissonneur, 6+6 b
Comme l'astre incliné,comme la fleur penchante, 6+6 c
185 Comme tout ce qui rit,comme tout ce qui chante, 6+6 c
Comme tout ce qui dortdans la paix du Seigneur ! 6+6 b
Sois calme. Le reposva du cœur au visage ; 6+6 a
La tranquillité faitla majesté du sage. 6+6 a
Sois joyeuse. La foivit sans l'austérité ; 6+6 b
190 Un des reflets du ciel,c'est le rire des femmes ; 6+6 c
La joie est la chaleurque jette dans les âmes 6+6 c
Cette clarté d'en hautqu'on nomme Vérité. 6+6 b
La joie est pour l'espritune riche ceinture. 6+6 a
La joie adoucit toutdans l'immense nature. 6+6 a
195 Dieu sur les vieilles tourspose le nid charmant 6+6 b
Et la broussaille en fleurqui luit dans l'herbe épaisse ; 6+6 c
Car la ruine mêmeautour de sa tristesse 6+6 c
A besoin de jeunesseet de rayonnement ! 6+6 b
Sois bonne. La bontécontient les autres choses. 6+6 a
200 Le Seigneur indulgentsur qui tu te reposes 6+6 a
Compose de bontéle penseur fraternel. 6+6 b
La bonté, c'est le fonddes natures augustes. 6+6 c
D'une seule vertuDieu fait le cœur des justes, 6+6 c
Comme d'un seul saphirla coupole du ciel. 6+6 b
205 Ainsi, tu resteras,comme un lys, comme un cygne, 6+6 a
Blanche entre les fronts pursmarqués d'un divin signe 6+6 a
Et tu seras de ceuxqui, sans peur, sans ennuis, 6+6 b
Des saintes actionsamassant la richesse, 6+6 c
Rangent leur barque au port,leur vie à la sagesse 6+6 c
210 Et, priant tous les soirs,dorment toutes les nuits ! 6+6 b
LE POÈTE À LUI-MÊME
Tandis que sur les bois,les prés et les charmilles, 6+6 a
S'épanchent la lumièreet la splendeur des cieux, 6+6 b
Toi, poète serein,répands sur les familles, 6+6 a
Répands sur les enfantset sur les jeunes filles, 6+6 a
215 Répands sur les vieillardston chant religieux ! 6+6 b
Montre du doigt la riveà tous ceux qu'une voile 6+6 a
Trne sur le flot noirpar les vents agité ; 6+6 b
Aux vierges, l'innocence,heureuse et noble étoile ; 6+6 a
À la foule, l'autelque l'impiété voile ; 6+6 a
220 Aux jeunes, l'avenir ;aux vieux, l'éternité ! 6+6 b
Fais filtrer ta raisondans l'homme et dans la femme. 6+6 a
Montre à chacun le vraidu côté saisissant. 6+6 b
Que tout penseur en toitrouve ce qu'il réclame. 6+6 a
Plonge Dieu dans les cœurs,et jette dans chaque âme 6+6 a
225 Un mot révélateur,propre à ce qu'elle sent. 6+6 b
Ainsi, sans bruit, dans l'ombre,ô songeur solitaire, 6+6 a
Ton esprit, d' jaillitton vers que Dieu bénit, 6+6 b
Du peuple sous tes piedsperce le crâne austère ; — 6+6 a
Comme un coin lent et sûr,dans les flancs de la terre 6+6 a
230 La racine du chêneentr'ouvre le granit. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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