Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_11/HUG289
Victor HUGO
Les Rayons et les Ombres
1840
XXXIV
TRISTESSE D'OLYMPIO
Les champs n'étaient point noirs,les cieux n'étaient pas mornes. 6+6 a
Non, le jour rayonnaitdans un azur sans bornes 6+6 a
 Sur la terre étendu, 6 b
L'air était plein d'encenset les prés de verdures 6+6 c
5 Quand il revit ces lieux par tant de blessures 6+6 c
 Son cœur s'est répandu ! 6 b
L'automne souriait ;les coteaux vers la plaine 6+6 a
Penchaient leurs bois charmantsqui jaunissaient à peine ; 6+6 a
 Le ciel était doré ; 6 b
10 Et les oiseaux, tournésvers celui que tout nomme, 6+6 c
Disant peut-être à Dieuquelque chose de l'homme, 6+6 c
 Chantaient leur chant sacré ! 6 b
Il voulut tout revoir,l'étang près de la source, 6+6 a
La masure l'aumôneavait vidé leur bourse, 6+6 a
15  Le vieux frêne plié, 6 b
Les retraites d'amourau fond des bois perdues, 6+6 c
L'arbre dans les baisersleurs âmes confondues 6+6 c
 Avaient tout oublié ! 6 b
Il chercha le jardin,la maison isolée, 6+6 a
20 La grille d' l'œil plongeen une oblique allée, 6+6 a
 Les vergers en talus. 6 b
Pâle, il marchait. — Au bruitde son pas grave et sombre, 6+6 c
Il voyait à chaque arbre,hélas ! se dresser l'ombre 6+6 c
 Des jours qui ne sont plus ! 6 b
25 Il entendait frémirdans la forêt qu'il aime 6+6 a
Ce doux vent qui, faisanttout vibrer en nous-même, 6+6 a
 Y réveille l'amour, 6 b
Et, remuant le chêneou balançant la rose, 6+6 c
Semble l'âme de toutqui va sur chaque chose 6+6 c
30  Se poser tour à tour ! 6 b
Les feuilles qui gisaientdans le bois solitaire, 6+6 a
S'effoant sous ses pasde s'élever de terre, 6+6 a
 Couraient dans le jardin ; 6 b
Ainsi, parfois, quand l'âmeest triste, nos pensées 6+6 c
35 S'envolent un momentsur leurs ailes blessées, 6+6 c
 Puis retombent soudain. 6 b
Il contempla longtempsles formes magnifiques 6+6 a
Que la nature prenddans les champs pacifiques ; 6+6 a
 Il rêva jusqu'au soir ; 6 b
40 Tout le jour il errale long de la ravine, 6+6 c
Admirant tour à tourle ciel, face divine, 6+6 c
 Le lac, divin miroir ! 6 b
Hélas ! se rappelantses douces aventures, 6+6 a
Regardant, sans entrer,par-dessus les clôtures, 6+6 a
45  Ainsi qu'un paria, 6 b
Il erra tout le jour.Vers l'heure la nuit tombe, 6+6 c
Il se sentit le cœurtriste comme une tombe, 6+6 c
 Alors il s'écria : 6 b
« Ô douleur ! j'ai voulu,moi dont l'âme est troublée, 6+6 a
50 Savoir si l'urne encorconservait la liqueur, 6+6 b
Et voir ce qu'avait faitcette heureuse vallée 6+6 a
De tout ce que j'avaislaissé là de mon cœur ! 6+6 b
« Que peu de temps suffitpour changer toutes choses ! 6+6 a
Nature au front serein,comme vous oubliez ! 6+6 b
55 Et comme vous brisezdans vos métamorphoses 6+6 a
Les fils mystérieux nos cœurs sont liés ! 6+6 b
« Nos chambres de feuillageen halliers sont changées ! 6+6 a
L'arbre fut notre chiffreest mort ou renversé ; 6+6 b
Nos roses dans l'enclosont été ravagées 6+6 a
60 Par les petits enfantsqui sautent le fossé ! 6+6 b
« Un mur clôt la fontaine, par l'heure échauffée, 6+6 a
Folâtre, elle buvaiten descendant des bois ; 6+6 b
Elle prenait de l'eaudans sa main, douce fée, 6+6 a
Et laissait retomberdes perles de ses doigts ! 6+6 b
65 « On a pavé la routeâpre et mal aplanie, 6+6 a
, dans le sable purse dessinant si bien, 6+6 b
Et de sa petitesseétalant l'ironie, 6+6 a
Son pied charmant semblaitrire à côté du mien ! 6+6 b
« La borne du chemin,qui vit des jours sans nombre, 6+6 a
70 jadis pour m'attendreelle aimait à s'asseoir, 6+6 b
S'est usée en heurtant,lorsque la route est sombre, 6+6 a
Les grands chars gémissantsqui reviennent le soir. 6+6 b
« La forêt ici manqueet là s'est agrandie. 6+6 a
De tout ce qui fut nouspresque rien n'est vivant ; 6−6 b
75 Et, comme un tas de cendreéteinte et refroidie, 6+6 a
L'amas des souvenirsse disperse à tout vent ! 6+6 b
« N'existons-nous donc plus ?Avons-nous eu notre heure ? 6+6 a
Rien ne la rendra-t-ilà nos cris superflus ? 6+6 b
L'air joue avec la brancheau moment je pleure ; 6+6 a
80 Ma maison me regardeet ne me connt plus. 6+6 b
« D'autres vont maintenantpasser nous passâmes. 6+6 a
Nous y sommes venus,d'autres vont y venir ; 6+6 b
Et le songe qu'avaientébauché nos deux âmes, 6+6 a
Ils le continuerontsans pouvoir le finir ! 6+6 b
85 « Car personne ici-basne termine et n'achève ; 6+6 a
Les pires des humainssont comme les meilleurs ; 6+6 b
Nous nous réveillons tousau même endroit du rêve. 6+6 a
Tout commence en ce mondeet tout finit ailleurs. 6+6 b
« Oui, d'autres à leur tourviendront, couples sans tache, 6+6 a
90 Puiser dans cet asileheureux, calme, enchanté, 6+6 b
Tout ce que la natureà l'amour qui se cache 6+6 a
Mêle de rêverieet de solennité ! 6+6 b
« D'autres auront nos champs,nos sentiers, nos retraites ; 6+6 a
Ton bois, ma bien-aimée,est à des inconnus. 6+6 b
95 D'autres femmes viendront,baigneuses indiscrètes, 6+6 a
Troubler le flot sacréqu'ont touché tes pieds nus ! 6+6 b
« Quoi donc ! c'est vainementqu'ici nous nous aimâmes ! 6+6 a
Rien ne nous resterade ces coteaux fleuris 6+6 b
nous fondions notre êtreen y mêlant nos flammes ! 6+6 a
100 L'impassible naturea déjà tout repris. 6+6 b
« Oh ! dites-moi, ravins,frais ruisseaux, treilles mûres, 6+6 a
Rameaux chargés de nids,grottes, forêts, buissons, 6+6 b
Est-ce que vous ferezpour d'autres vos murmures ? 6+6 a
Est-ce que vous direzà d'autres vos chansons ? 6+6 b
105 « Nous vous comprenions tant !doux, attentifs, austères, 6+6 a
Tous nos échos s'ouvraientsi bien à votre voix ! 6+6 b
Et nous prêtions si bien,sans troubler vos mystères, 6+6 a
L'oreille aux mots profondsque vous dites parfois ! 6+6 b
« Répondez, vallon pur,répondez, solitude, 6+6 a
110 Ô nature abritéeen ce désert si beau, 6+6 b
Lorsque nous dormironstous deux dans l'attitude 6+6 a
Que donne aux morts pensifsla forme du tombeau ; 6+6 b
« Est-ce que vous serezà ce point insensible 6+6 a
De nous savoir couchés,morts avec nos amours, 6+6 b
115 Et de continuervotre fête paisible, 6+6 a
Et de toujours sourireet de chanter toujours ? 6+6 b
« Est-ce que, nous sentanterrer dans vos retraites, 6+6 a
Fantômes reconnuspar vos monts et vos bois, 6+6 b
Vous ne nous direz pasde ces choses secrètes 6+6 a
120 Qu'on dit en revoyantdes amis d'autrefois ? 6+6 b
« Est-ce que vous pourriez,sans tristesse et sans plainte, 6+6 a
Voir nos ombres flotter marchèrent nos pas, 6+6 b
Et la voir m'entrner,dans une morne étreinte, 6+6 a
Vers quelque source en pleursqui sanglote tout bas ? 6+6 b
125 « Et s'il est quelque part,dans l'ombre rien ne veille, 6+6 a
Deux amants sous vos fleursabritant leurs transports, 6+6 b
Ne leur irez-vous pasmurmurer à l'oreille : 6+6 a
— Vous qui vivez, donnezune pensée aux morts ! 6+6 b
« Dieu nous prête un momentles prés et les fontaines, 6+6 a
130 Les grands bois frissonnants,les rocs profonds et sourds 6+6 b
Et les cieux azuréset les lacs et les plaines, 6+6 a
Pour y mettre nos cœurs,nos rêves, nos amours ! 6+6 b
« Puis il nous les retire.Il souffle notre flamme ; 6+6 a
Il plonge dans la nuitl'antre nous rayonnons ; 6+6 b
135 Et dit à la vallée, s'imprima notre âme, 6+6 a
D'effacer notre traceet d'oublier nos noms. 6+6 b
« Eh bien ! oubliez-nous,maison, jardin, ombrages ! 6+6 a
Herbe, use notre seuil !ronce, cache nos pas ! 6+6 b
Chantez, oiseaux ! ruisseaux,coulez ! croissez, feuillages ! 6+6 a
140 Ceux que vous oubliezne vous oublieront pas. 6+6 b
« Car vous êtes pour nousl'ombre de l'amour même ! 6+6 a
Vous êtes l'oasisqu'on rencontre en chemin ! 6+6 b
Vous êtes, ô vallon,la retraite suprême 6+6 a
nous avons pleurénous tenant par la main ! 6+6 b
145 « Toutes les passionss'éloignent avec l'âge, 6+6 a
L'une emportant son masqueet l'autre son couteau, 6+6 b
Comme un essaim chantantd'histrions en voyage 6+6 a
Dont le groupe décrtderrière le coteau. 6+6 b
« Mais toi, rien ne t'efface,amour ! toi qui nous charmes, 6+6 a
150 Toi qui, torche ou flambeau,luis dans notre brouillard ! 6+6 b
Tu nous tiens par la joie,et surtout par les larmes ; 6+6 a
Jeune homme on te maudit,on t'adore vieillard. 6+6 b
« Dans ces jours la têteau poids des ans s'incline, 6+6 a
l'homme, sans projets,sans but, sans visions, 6+6 b
155 Sent qu'il n'est déjà plusqu'une tombe en ruine 6+6 a
gisent ses vertuset ses illusions ; 6+6 b
« Quand notre âme en rêvantdescend dans nos entrailles, 6+6 a
Comptant dans notre cœur,qu'enfin la glace atteint, 6+6 b
Comme on compte les mortssur un champ de batailles, 6+6 a
160 Chaque douleur tombéeet chaque songe éteint, 6+6 b
« Comme quelqu'un qui chercheen tenant une lampe, 6+6 a
Loin des objets réels,loin du monde rieur, 6+6 b
Elle arrive à pas lentspar une obscure rampe 6+6 a
Jusqu'au fond désolédu gouffre intérieur ; 6+6 b
165 « Et là, dans cette nuitqu'aucun rayon n'étoile, 6+6 a
L'âme, en un repli sombre tout semble finir, 6+6 b
Sent quelque chose encorpalpiter sous un voile 6+6 a
C'est toi qui dors dans l'ombre,ô sacré souvenir ! » 6+6 b
mètre profils métriques : 6, 6−6
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