Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_10/HUG180
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XXXVII
LA PRIÈRE POUR TOUS
Ora pro nobis !
I
Ma fille, va prier ! — Vois, la nuit est venue. 6+6 a
Une planète d'or là-bas perce la nue ; 6+6 a
La brume des coteaux fait trembler le contour ; 6+6 b
À peine un char lointain glisse dans l'ombre… Écoute ! 6+6 c
5 Tout rentre et se repose ; et l'arbre de la route 6+6 c
Secoue au vent du soir la poussière du jour ! 6+6 b
Le crépuscule, ouvrant la nuit qui les recèle, 6+6 a
Fait jaillir chaque étoile en ardente étincelle ; 6+6 a
L'occident amincit sa frange de carmin ; 6+6 b
10 La nuit de l'eau dans l'ombre argente la surface ; 6+6 c
Sillons, sentiers, buissons, tout se mêle et s'efface ; 6+6 c
Le passant inquiet doute de son chemin. 6+6 b
Le jour est pour le mal, la fatigue et la haine. 6+6 a
Prions, voici la nuit ! la nuit grave et sereine ! 6+6 a
15 Le vieux pâtre, le vent aux brèches de la tour, 6+6 b
Les étangs, les troupeaux avec leur voix cassée, 6+6 c
Tout souffre et tout se plaint. La nature lassée 6+6 c
A besoin de sommeil, de prière et d'amour ! 6+6 b
C'est l'heure où les enfants parlent avec les anges. 6+6 a
20 Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges, 6+6 a
Tous les petits enfants, les yeux levés au ciel, 6+6 b
Mains jointes et pieds nus, à genoux sur la pierre, 6+6 c
Disant à la même heure une même prière, 6+6 c
Demandent pour nous grâce au père universel ! 6+6 b
25 Et puis ils dormiront.Alors, épars dans l'ombre, 6+6 a
Les rêves d'or, essaim tumultueux, sans nombre, 6+6 a
Qui naît aux derniers bruits du jour à son déclin, 6+6 b
Voyant de loin leur souffle et leurs boucles vermeilles, 6+6 c
Comme volent aux fleurs de joyeuses abeilles, 6+6 c
30 Viendront s'abattre en foule à leurs rideaux de lin ! 6+6 b
Ô sommeil du berceau ! prière de l'enfance ! 6+6 a
Voix qui toujours caresse et qui jamais n'offense ! 6+6 a
Douce religion, qui s'égaye et qui rit ! 6+6 b
Prélude du concert de la nuit solennelle ! 6+6 c
35 Ainsi que l'oiseau met sa tête sous son aile, 6+6 c
L'enfant dans la prière endort son jeune esprit ! 6+6 b
II
Ma fille, va prier ! — D'abord, surtout, pour celle 6+6 a
Qui berça tant de nuits ta couche qui chancelle, 6+6 a
Pour celle qui te prit jeune âme dans le ciel, 6+6 b
40 Et qui te mit au monde, et depuis, tendre mère, 6+6 c
Faisant pour toi deux parts dans cette vie amère, 6+6 c
Toujours a bu l'absinthe et t'a laissé le miel ! 6+6 b
Puis ensuite pour moi ! j'en ai plus besoin qu'elle ! 6+6 a
Elle est, ainsi que toi, bonne, simple et fidèle ! 6+6 a
45 Elle a le cœur limpide et le front satisfait. 6+6 b
Beaucoup ont sa pitié, nul ne lui fait envie ; 6+6 c
Sage et douce, elle prend patiemment la vie ; 6+6 c
Elle souffre le mal sans savoir qui le fait. 6+6 b
Tout en cueillant des fleurs, jamais sa main novice 6+6 a
50 N'a touché seulement à l'écorce du vice ; 6+6 a
Nul piège ne l'attire à son riant tableau ; 6+6 b
Elle est pleine d'oubli pour les choses passées ; 6+6 c
Elle ne connaît pas les mauvaises pensées 6+6 c
Qui passent dans l'esprit comme une ombre sur l'eau. 6+6 b
55 Elle ignore — à jamais ignore-les comme elle ! — 6+6 a
Ces misères du monde où notre âme se mêle, 6+6 a
Faux plaisirs, vanités, remords, soucis rongeurs, 6+6 b
Passions sur le cœur flottant comme une écume, 6+6 c
Intimes souvenirs de honte et d'amertume 6+6 c
60 Qui font monter au front de subites rougeurs ! 6+6 b
Moi, je sais mieux la vie ; et je pourrai te dire, 6+6 a
Quand tu seras plus grande et qu'il faudra t'instruire, 6+6 a
Que poursuivre l'empire et la fortune et l'art, 6+6 b
C'est folie et néant ; que l'urne aléatoire 6+6 c
65 Nous jette bien souvent la honte pour la gloire, 6+6 c
Et que l'on perd son âme à ce jeu de hasard ! 6+6 b
L'âme en vivant s'altère ; et, quoique en toute chose 6+6 a
La fin soit transparente et laisse voir la cause, 6+6 a
On vieillit sous le vice et l'erreur abattu ; 6+6 b
70 À force de marcher l'homme erre, l'esprit doute. 6+6 c
Tous laissent quelque chose aux buissons de la route, 6+6 c
Les troupeaux leur toison, et l'homme sa vertu ! 6+6 b
Va donc prier pour moi ! — Dis pour toute prière : 6+6 a
— Seigneur, Seigneur mon Dieu, vous êtes notre père, 6+6 a
75 Grâce, vous êtes bon ! grâce, vous êtes grand ! — 6+6 b
Laisse aller ta parole où ton âme l'envoie ; 6+6 c
Ne t'inquiète pas, toute chose a sa voie, 6+6 c
Ne t'inquiète pas du chemin qu'elle prend ! 6+6 b
Il n'est rien ici-bas qui ne trouve sa pente. 6+6 a
80 Le fleuve jusqu'aux mers dans les plaines serpente ; 6+6 a
L'abeille sait la fleur qui recèle le miel. 6+6 b
Toute aile vers son but incessamment retombe, 6+6 c
L'aigle vole au soleil, le vautour à la tombe, 6+6 c
L'hirondelle au printemps, et la prière au ciel ! 6+6 b
85 Lorsque pour moi vers Dieu ta voix s'est envolée, 6+6 a
Je suis comme l'esclave, assis dans la vallée, 6+6 a
Qui dépose sa charge aux bornes du chemin ; 6+6 b
Je me sens plus léger ; car ce fardeau de peine, 6+6 c
De fautes et d'erreurs qu'en gémissant je traîne, 6+6 c
90 Ta prière en chantant l'emporte dans sa main ! 6+6 b
Va prier pour ton père !Afin que je sois digne 6+6 a
De voir passer en rêve un ange au vol de cygne, 6+6 a
Pour que mon âme brûle avec les encensoirs ! 6+6 b
Efface mes péchés sous ton souffle candide, 6+6 c
95 Afin que mon cœur soit innocent et splendide 6+6 c
Comme un pavé d'autel qu'on lave tous les soirs ! 6+6 b
III
Prie encor pour tous ceux qui passent 8 a
Sur cette terre des vivants ! 8 b
Pour ceux dont les sentiers s'effacent 8 a
100 À tous les flots, à tous les vents ! 8 b
Pour l'insensé qui met sa joie 8 c
Dans l'éclat d'un manteau de soie, 8 c
Dans la vitesse d'un cheval ! 8 d
Pour quiconque souffre et travaille, 8 e
105 Qu'il s'en revienne ou qu'il s'en aille, 8 e
Qu'il fasse le bien ou le mal ! 8 d
Pour celui que le plaisir souille 8 a
D'embrassements jusqu'au matin, 8 b
Qui prend l'heure où l'on s'agenouille 8 a
110 Pour sa danse et pour son festin, 8 b
Qui fait hurler l'orgie infâme 8 c
Au même instant du soir où l'âme 8 c
Répète son hymne assidu, 8 d
Et, quand la prière est éteinte, 8 e
115 Poursuit, comme s'il avait crainte 8 e
Que Dieu ne l'ait pas entendu ! 8 d
Enfant ! pour les vierges voilées ! 8 a
Pour le prisonnier dans sa tour ! 8 b
Pour les femmes échevelées 8 a
120 Qui vendent le doux nom d'amour ! 8 b
Pour l'esprit qui rêve et médite ! 8 c
Pour l'impie à la voix maudite 8 c
Qui blasphème la sainte loi ! — 8 d
Car la prière est infinie ! 8 e
125 Car tu crois pour celui qui nie ! 8 e
Car l'enfance tient lieu de foi ! 8 d
Prie aussi pour ceux que recouvre 8 a
La pierre du tombeau dormant, 8 b
Noir précipice qui s'entrouvre 8 a
130 Sous notre foule à tout moment ! 8 b
Toutes ces âmes en disgrâce 8 c
Ont besoin qu'on les débarrasse 8 c
De la vieille rouille du corps. 8 d
Souffrent-elles moins pour se taire ? 8 e
135 Enfant ! regardons sous la terre ! 8 e
Il faut avoir pitié des morts ! 8 d
IV
À genoux, à genoux, à genoux sur la terre 6+6 a
Où ton père a son père, où ta mère a sa mère, 6+6 a
Où tout ce qui vécut dort d'un sommeil profond ! 6+6 b
140 Abîme où la poussière est mêlée aux poussières, 6+6 c
Où sous son père encore on retrouve des pères, 6+6 c
Comme l'onde sous l'onde en une mer sans fond ! 6+6 b
Enfant ! quand tu t'endors, tu ris ! L'essaim des songes 6+6 a
Tourbillonne, joyeux, dans l'ombre où tu te plonges, 6+6 a
145 S'effarouche à ton souffle, et puis revient encor ; 6+6 b
Et tu rouvres enfin tes yeux divins que j'aime, 6+6 c
En même temps que l'aube, œil céleste elle-même, 6+6 c
Entrouvre à l'horizon sa paupière aux cils d'or ! 6+6 b
Mais eux, si tu savais de quel sommeil ils dorment ! 6+6 a
150 Leurs lits sont froids et lourds à leurs os qu'ils déforment. 6+6 a
Les anges autour d'eux ne chantent pas en chœur. 6+6 b
De tout ce qu'ils ont fait le rêve les accable. 6+6 c
Pas d'aube pour leur nuit ; le remords implacable 6+6 c
S'est fait ver du sépulcre et leur ronge le cœur. 6+6 b
155 Tu peux avec un mot, tu peux d'une parole 6+6 a
Faire que le remords prenne une aile et s'envole ! 6+6 a
Qu'une douce chaleur réjouisse les os ! 6+6 b
Qu'un rayon touche encor leur paupière ravie, 6+6 c
Et qu'il leur vienne un bruit de lumière et de vie, 6+6 c
160 Quelque chose des vents, des forêts et des eaux ! 6+6 b
Oh ! dis-moi, quand tu vas, jeune et déjà pensive, 6+6 a
Errer au bord d'un flot qui se plaint sur sa rive, 6+6 a
Sous des arbres dont l'ombre emplit l'âme d'effroi, 6+6 b
Parfois, dans les soupirs de l'onde et de la brise, 6+6 c
165 N'entends-tu pas de souffle et de voix qui te dise : 6+6 c
Enfant ! quand vous prierez, prierez-vous pas pour moi ? — 6+6 b
C'est la plainte des morts ! — Les morts pour qui l'on prie 6+6 a
Ont sur leur lit de terre une herbe plus fleurie. 6+6 a
Nul démon ne leur jette un sourire moqueur. 6+6 b
170 Ceux qu'on oublie, hélas ! — leur nuit est froide et sombre, 6+6 c
Toujours quelque arbre affreux, qui les tient sous son ombre, 6+6 c
Leur plonge sans pitié des racines au cœur ! 6+6 b
Prie ! afin que le père, et l'oncle, et les aïeules, 6+6 a
Qui ne demandent plus que nos prières seules, 6+6 a
175 Tressaillent dans leur tombe en s'entendant nommer, 6+6 b
Sachent que sur la terre on se souvient encore, 6+6 c
Et, comme le sillon qui sent la fleur éclore, 6+6 c
Sentent dans leur œil vide une larme germer ! 6+6 b
V
Ce n'est pas à moi, ma colombe, 8 a
180 De prier pour tous les mortels, 8 b
Pour les vivants dont la foi tombe, 8 a
Pour tous ceux qu'enferme la tombe, 8 a
Cette racine des autels ! 8 b
Ce n'est pas moi, dont l'âme est vaine, 8 a
185 Pleine d'erreurs, vide de foi, 8 b
Qui prierais pour la race humaine, 8 a
Puisque ma voix suffit à peine, 8 a
Seigneur, à vous prier pour moi ! 8 b
Non, si pour la terre méchante 8 a
190 Quelqu'un peut prier aujourd'hui, 8 b
C'est toi, dont la parole chante, 8 a
C'est toi ! ta prière innocente, 8 a
Enfant, peut se charger d'autrui ! 8 b
Ah ! demande à ce père auguste 8 a
195 Qui sourit à ton oraison 8 b
Pourquoi l'arbre étouffe l'arbuste, 8 a
Et qui fait du juste à l'injuste 8 a
Chanceler l'humaine raison ? 8 b
Demande-lui si la sagesse 8 a
200 N'appartient qu'à l'éternité ? 8 b
Pourquoi son souffle nous abaisse ? 8 a
Pourquoi dans la tombe sans cesse 8 a
Il effeuille l'humanité ? 8 b
Pour ceux que les vices consument, 8 a
205 Les enfants veillent au saint lieu , 8 b
Ce sont des fleurs qui le parfument, 8 a
Ce sont des encensoirs qui fument, 8 a
Ce sont des voix qui vont à Dieu ! 8 b
Laissons faire ces voix sublimes, 8 a
210 Laissons les enfants à genoux. 8 b
Pécheurs ! nous avons tous nos crimes, 8 a
Nous penchons tous sur les abîmes, 8 a
L'enfance doit prier pour tous ! 8 b
VI
Comme une aumône, enfant, donne donc ta prière 6+6 a
215 À ton père, à ta mère, aux pères de ton père ; 6+6 a
Donne au riche à qui Dieu refuse le bonheur, 6+6 b
Donne au pauvre, à la veuve, au crime, au vice immonde. 6+6 c
Fais en priant le tour des misères du monde ; 6+6 c
Donne à tous ! donne aux morts !Enfin donne au Seigneur ! 6+6 b
220 « Quoi ! murmure ta voix qui veut parler et n'ose. 6+6 a
Au Seigneur, au Très-Haut manque-t-il quelque chose ? 6+6 a
Il est le saint des saints, il est le roi des rois ! 6+6 b
Il se fait des soleils un cortège suprême ! 6+6 c
Il fait baisser la voix à l'océan lui-même ! 6+6 c
225 Il est seul ! Il est tout ! à jamais ! à la fois ! » 6+6 b
Enfant, quand tout le jour vous avez en famille, 6+6 a
Tes deux frères et toi, joué sous la charmille, 6+6 a
Le soir vous êtes las, vos membres sont pliés, 6+6 b
Il vous faut un lait pur et quelques noix frugales, 6+6 c
230 Et, baisant tour à tour vos têtes inégales, 6+6 c
Votre mère à genoux lave vos faibles pieds. 6+6 b
Eh bien ! il est quelqu'un dans ce monde où nous sommes 6+6 a
Qui tout le jour aussi marche parmi les hommes, 6+6 a
Servant et consolant, à toute heure, en tout lieu, 6+6 b
235 Un bon pasteur qui suit sa brebis égarée, 6+6 c
Un pèlerin qui va de contrée en contrée. 6+6 c
Ce passant, ce pasteur, ce pèlerin, c'est Dieu ! 6+6 b
Le soir il est bien las ! il faut, pour qu'il sourie, 6+6 a
Une âme qui le serve, un enfant qui le prie, 6+6 a
240 Un peu d'amour ! Ô toi, qui ne sais pas tromper, 6+6 b
Porte-lui ton cœur plein d'innocence et d'extase, 6+6 c
Tremblante et l'œil baissé, comme un précieux vase 6+6 c
Dont on craint de laisser une goutte échapper ! 6+6 b
Porte-lui ta prière ! et quand, à quelque flamme 6+6 a
245 Qui d'une chaleur douce emplira ta jeune âme, 6+6 a
Tu verras qu'il est proche, alors, ô mon bonheur, 6+6 b
Ô mon enfant ! sans craindre affront ni raillerie, 6+6 c
Verse, comme autrefois Marthe, sœur de Marie, 6+6 c
Verse tout ton parfum sur les pieds du Seigneur ! 6+6 b
VII
250 Ô myrrhe ! ô cinname ! 5 a
Nard cher aux époux ! 5 b
Baume ! éther ! dictame ! 5 a
De l'eau, de la flamme, 5 a
Parfums les plus doux ! 5 b
255 Prés que l'onde arrose ! 5 a
Vapeurs de l'autel ! 5 b
Lèvres de la rose 5 a
Où l'abeille pose 5 a
Sa bouche de miel ! 5 b
260 Jasmin ! asphodèle ! 5 a
Encensoirs flottants ! 5 b
Branche verte et frêle 5 a
Où fait l'hirondelle 5 a
Son nid au printemps ! 5 b
265 Lis que fait éclore 5 a
Le frais arrosoir ! 5 b
Ambre que Dieu dore ! 5 a
Souffle de l'aurore, 5 a
Haleine du soir ! 5 b
270 Parfum de la sève 5 a
Dans les bois mouvants ! 5 b
Odeur de la grève 5 a
Qui la nuit s'élève 5 a
Sur l'aile des vents ! 5 b
275 Fleurs dont la chapelle 5 a
Se fait un trésor ! 5 b
Flamme solennelle, 5 a
Fumée éternelle 5 a
Des sept lampes d'or ! 5 b
280 Tiges qu'a brisées 5 a
Le tranchant du fer ! 5 b
Urnes embrasées ! 5 a
Esprits des rosées 5 a
Qui flottez dans l'air ! 5 b
285 Fêtes réjouies 5 a
D'encens et de bruits ! 5 b
Senteurs inouïes ! 5 a
Fleurs épanouies 5 a
Au souffle des nuits ! 5 b
290 Odeurs immortelles 5 a
Que les Ariel, 5 b
Archanges fidèles, 5 a
Prennent sur leurs ailes 5 a
En venant du ciel ! 5 b
295 Ô couche première 5 a
Du premier époux ! 5 b
De la terre entière, 5 a
Des champs de lumière 5 a
Parfums les plus doux ! 5 b
300 Dans l'auguste sphère, 5 a
Parfums, qu'êtes-vous, 5 b
Près de la prière 5 a
Qui dans la poussière 5 a
S'épanche à genoux ! 5 b
305 Près du cri d'une âme 5 a
Qui fond en sanglots, 5 b
Implore et réclame, 5 a
Et s'exhale en flamme, 5 a
Et se verse à flots ! 5 b
310 Près de l'humble offrande 5 a
D'un enfant de lin 5 b
Dont l'extase est grande 5 a
Et qui recommande 5 a
Son père orphelin ! 5 b
315 Bouche qui soupire, 5 a
Mais sans murmurer ! 5 b
Ineffable lyre ! 5 a
Voix qui fait sourire 5 a
Et qui fait pleurer ! 5 b
VIII
320 Quand elle prie, un ange est debout auprès d'elle, 6+6 a
Caressant ses cheveux des plumes de son aile, 6+6 a
Essuyant d'un baiser son œil de pleurs terni, 6+6 b
Venu pour l'écouter sans que l'enfant l'appelle, 6+6 a
Esprit qui tient le livre où l'innocente épèle, 6+6 a
325 Et qui pour remonter attend qu'elle ait fini. 6+6 b
Son beau front incli semble un vase qu'il penche 6+6 a
Pour recevoir les flots de ce cœur qui s'épanche ; 6+6 a
Il prend tout, pleurs d'amour et soupirs de douleur ; 6+6 b
Sans changer de nature il s'emplit de cette âme, 6+6 c
330 Comme le pur cristal que notre soif réclame 6+6 c
S'emplit d'eau jusqu'aux bords sans changer de couleur. 6+6 b
Ah ! c'est pour le Seigneur sans doute qu'il recueille 6+6 a
Ces larmes goutte à goutte et ce lis feuille à feuille ! 6+6 a
Et puis il reviendra se ranger au saint lieu, 6+6 b
335 Tenant prêts ces soupirs, ces parfums, cette haleine, 6+6 c
Pour étancher le soir, comme une coupe pleine, 6+6 c
Ce grand besoin d'amour, la seule soif de Dieu ! 6+6 b
Enfant ! dans ce concert qui d'en bas le salue, 6+6 a
La voix par Dieu lui-même entre toutes élue, 6+6 a
340 C'est la tienne, ô ma fille ! elle a tant de douceur, 6+6 b
Sur des ailes de flamme elle monte si pure, 6+6 c
Elle expire si bien en amoureux murmure, 6+6 c
Que les vierges du ciel disent : c'est une sœur ! 6+6 b
IX
Oh ! bien loin de la voie 6 a
345 Où marche le pécheur, 6 b
Chemine où Dieu t'envoie ! 6 a
Enfant, garde ta joie ! 6 a
Lis, garde ta blancheur ! 6 b
Sois humble ! que t'importe 6 a
350 Le riche et le puissant ! 6 b
Un souffle les emporte. 6 a
La force la plus forte 6 a
C'est un cœur innocent ! 6 b
Bien souvent Dieu repousse 6 a
355 Du pied les hautes tours ; 6 b
Mais dans le nid de mousse 6 a
Où chante une voix douce 6 a
Il regarde toujours ! 6 b
Reste à la solitude ! 6 a
360 Reste à la pauvreté ! 6 b
Vis sans inquiétude, 6 a
Et ne te fais étude 6 a
Que de l'éternité ! 6 b
Il est, loin de nos villes 6 a
365 Et loin de nos douleurs, 6 b
Des lacs purs et tranquilles, 6 a
Et dont toutes les îles 6 a
Sont des bouquets de fleurs ! 6 b
Flots d'azur où l'on aime 6 a
370 À laver ses remords ! 6 b
D'un charme si suprême 6 a
Que l'incrédule même 6 a
S'agenouille à leurs bords ! 6 b
L'ombre qui les inonde 6 a
375 Calme et nous rend meilleurs ; 6 b
Leur paix est si profonde 6 a
Que jamais à leur onde 6 a
On n'a mêlé de pleurs ! 6 b
Et le jour, que leur plaine 6 a
380 Reflète éblouissant, 6 b
Trouve l'eau si sereine 6 a
Qu'il y hasarde à peine 6 a
Un nuage en passant ! 6 b
Ces lacs que rien n'altère, 6 a
385 Entre des monts géants 6 b
Dieu les met sur la terre, 6 a
Loin du souffle adultère 6 a
Des sombres océans, 6 b
Pour que nul vent aride, 6 a
390 Nul flot mêlé de fiel 6 b
N'empoisonne et ne ride 6 a
Ces gouttes d'eau limpide 6 a
Où se mire le ciel ! 6 b
Ô ma fille, âme heureuse ! 6 a
395 Ô lac de pureté ! 6 b
Dans la vallée ombreuse, 6 a
Reste où ton Dieu te creuse 6 a
Un lit plus abrité ! 6 b
Lac que le ciel parfume ! 6 a
400 Le monde est une mer ; 6 b
Son souffle est plein de brume, 6 a
Un peu de son écume 6 a
Rendrait ton flot amer ! 6 b
X
Et toi, céleste ami qui gardes son enfance, 6+6 a
405 Qui le jour et la nuit lui fais une défense 6+6 a
De tes ailes d'azur ! 6 b
Invisible trépied où s'allume sa flamme ! 6+6 c
Esprit de sa prière, ange de sa jeune âme, 6+6 c
Cygne de ce lac pur ! 6 b
410 Dieu te l'a confiée et je te la confie ! 6+6 a
Soutiens, relève, exhorte, inspire et fortifie 6+6 a
Sa frêle humanité ! 6 b
Qu'elle garde à jamais, réjouie ou souffrante, 6+6 c
Cet œil plein de rayons, cette âme transparente, 6+6 c
415 Cette sérénité 6 b
Qui fait que tout le jour, et sans qu'elle te voie, 6+6 a
Écartant de son cœur faux désirs, fausse joie, 6+6 a
Mensonge et passion, 6 b
Prosternant à ses pieds ta couronne immortelle, 6+6 c
420 Comme elle devant Dieu, tu te tiens devant elle 6+6 c
En adoration ! 6 b
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