Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
HUG_10/HUG158
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XV
Sinite parvulos venire ad me.
JÉSUS.
Laissez. — Tous ces enfants | sont bien là. — Qui vous dit 6+6 a
Que la bulle d'azur | que mon souffle agrandit 6+6 a
À leur souffle indiscret s'écroule ? 8 b
Qui vous dit que leurs voix, | leurs pas, leurs jeux, leurs cris, 6+6 c
5 Effarouchent la muse | et chassent les péris ? … — 6+6 c
Venez, enfants, venez en foule ! 8 b
Venez autour de moi. | Riez, chantez, courez ! 6+6 a
Votre œil me jettera | quelques rayons dorés, 6+6 a
Votre voix charmera mes heures. 8 b
10 C'est la seule en ce monde | où rien ne nous sourit 6+6 c
Qui vienne du dehors | sans troubler dans l'esprit 6+6 c
Le chœur des voix intérieures ! 8 b
Fâcheux ! qui les vouliez | écarter ! — Croyez-vous 6+6 a
Que notre cœur n'est pas | plus serein et plus doux 6+6 a
15 Au sortir de leurs jeunes rondes ? 8 b
Croyez-vous que j'ai peur | quand je vois au milieu 6+6 c
De mes rêves rougis | ou de sang ou de feu 6+6 c
Passer toutes ces têtes blondes ? 8 b
La vie est-elle donc | si charmante à vos yeux 6+6 a
20 Qu'il faille préférer | à tout ce bruit joyeux 6+6 a
Une maison vide et muette ? 8 b
N'ôtez pas, la pitié | même vous le défend, 6+6 c
Un rayon de soleil, | un sourire d'enfant, 6+6 c
Au ciel sombre, au cœur du poète ! 8 b
25 — Mais ils s'effaceront | à leurs bruyants ébats 6+6 a
Ces mots sacrés que dit | une muse tout bas, 6+6 a
Ces chants purs d'où l'âme se noie ?… — 8 b
Eh ! que m'importe à moi, | muse, chants, vanité, 6+6 c
Votre gloire perdue | et l'immortalité, 6+6 c
30 Si j'y gagne une heure de joie ! 8 b
La belle ambition | et le rare destin ! 6+6 a
Chanter ! toujours chanter | pour un écho lointain, 6+6 a
Pour un vain bruit qui passe et tombe ! 8 b
Vivre abreuvé de fiel, | d'amertume et d'ennuis ! 6+6 c
35 Expier dans ses jours | les rêves de ses nuits ! 6+6 c
Faire un avenir à sa tombe ! 8 b
Oh ! que j'aime bien mieux | ma joie et mon plaisir, 6+6 a
Et toute ma famille | avec tout mon loisir, 6+6 a
Dût la gloire ingrate et frivole, 8 b
40 Dussent mes vers, troublés | de ces ris familiers, 6+6 c
S'enfuir, comme devant | un essaim d'écoliers 6+6 c
Une troupe d'oiseaux s'envole ! 8 b
Mais non. Au milieu d'eux | rien ne s'évanouit. 6+6 a
L'orientale d'or | plus riche épanouit 6+6 a
45 Ses fleurs peintes et ciselées ; 8 b
La ballade est plus fraîche, | et dans le ciel grondant 6+6 c
L'ode ne pousse pas | d'un souffle moins ardent 6+6 c
Le groupe des strophes ailées ! 8 b
Je les vois reverdir | dans leurs jeux éclatants, 6+6 a
50 Mes hymnes, parfumés | comme un champ de printemps. 6+6 a
Ô vous, dont l'âme est épuisée, 8 b
Ô mes amis ! l'enfance | aux riantes couleurs 6+6 c
Donne la poésie | à nos vers, comme aux fleurs 6+6 c
L'aurore donne la rosée ! 8 b
55 Venez, enfants ! — À vous | jardins, cours, escaliers ! 6+6 a
Ébranlez et planchers, | et plafonds, et piliers ! 6+6 a
Que le jour s'achève ou renaisse, 8 b
Courez et bourdonnez | comme l'abeille aux champs ! 6+6 c
Ma joie et mon bonheur | et mon âme et mes chants 6+6 c
60 Iront où vous irez, jeunesse ! 8 b
Il est pour les cœurs sourds | aux vulgaires clameurs 6+6 a
D'harmonieuses voix, | des accords, des rumeurs, 6+6 a
Qu'on n'entend que dans les retraites, 8 b
Notes d'un grand concert | interrompu souvent, 6+6 c
65 Vents, flots, feuilles des bois, | bruits dont l'âme en rêvant 6+6 c
Se fait des musiques secrètes ! 8 b
Moi, quel que soit le monde | et l'homme et l'avenir, 6+6 a
Soit qu'il faille oublier | ou se ressouvenir, 6+6 a
Que Dieu m'afflige ou me console, 8 b
70 Je ne veux habiter | la cité des vivants 6+6 c
Que dans une maison | qu'une rumeur d'enfants 6+6 c
Fasse toujours vivante et folle. 8 b
De même, si jamais | enfin je vous revois, 6+6 a
Beau pays dont la langue | est faite pour ma voix, 6+6 a
75 Dont mes yeux aimaient les campagnes, 8 b
Bords où mes pas enfants | suivaient Napoléon, 6+6 c
Fortes villes du Cid ! | ô Valence, ô Léon, 6+6 c
Castille, Aragon, mes Espagnes ! 8 b
Je ne veux traverser | vos plaines, vos cités, 6+6 a
80 Franchir vos ponts d'une arche | entre deux monts jetés, 6+6 a
Voir vos palais romains ou maures, 8 b
Votre Guadalquivir | qui serpente et s'enfuit, 6+6 c
Que dans ces chars dorés | qu'emplissent de leur bruit 6+6 c
Les grelots des mules sonores. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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