Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
HUG_10/HUG146
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
III
RÊVERIE D'UN PASSANT
À PROPOS D'UN ROI
Praebete aures, vos qui continetis multitudines
et placetis vobis in turbis nationum, quoniam
non custodistis legem justitiae, neque secundum
voluntatem Dei ambulastis.
SAP., 6.
Voitures et chevauxà grand bruit, l'autre jour, 6+6 a
Menaient le roi de Napleau gala de la cour. 6+6 a
J'étais au Carrousel,passant avec la foule 6+6 b
Qui par ses trois guichetsincessamment s'écoule 6+6 b
5 Et traverse ce lieuquatre cents fois par an 6+6 a
Pour regarder un princeou voir l'heure au cadran. 6+6 a
Je suivais lentement,comme l'onde suit l'onde, 6+6 b
Tout ce peuple, songeantqu'il était dans le monde, 6+6 b
Certes, le fils nédu vieux peuple romain, 6+6 a
10 Et qu'il avait un jour,d'un revers de sa main, 6+6 a
Déraciné du solles tours de la Bastille. 6+6 b
Je m'arrêtai : le suisseavait fermé la grille. 6+6 b
Et le tambour battait,et parmi les bravos 6+6 a
Passait chaque voitureavec ses huit chevaux. 6+6 a
15 La fanfare emplissaitla vaste cour, jonchée 6+6 b
D'officiers redressantleur tête empanachée ; 6+6 b
Et les royaux coursiersmarchaient sans s'étonner, 6+6 a
Fiers de voir devant euxdes drapeaux s'incliner. 6+6 a
Or, attentive au bruit,une femme, une vieille, 6+6 b
20 En haillons, et portantau bras quelque corbeille, 6+6 b
Branlant son chef ridé,disait à haute voix : 6+6 a
Un roi ! sous l'empereur,j'en ai tant vu, des rois ! 6+6 a
Alors je ne vis plusdes voitures dorées 6+6 b
La haute impérialeet les rouges livrées, 6+6 b
25 Et, tandis que passaitet repassait cent fois 6+6 a
Tout ce peuple inquiet,plein de confuses voix, 6+6 a
Je rêvai. Cependantla vieille vers la Grève 6+6 b
Poursuivait son cheminen me laissant mon rêve, 6+6 b
Comme l'oiseau qui va,dans la forêt lâché, 6+6 a
30 Laisse trembler la feuille son aile a touché. 6+6 a
Oh ! disais-je, la mainsur mon front étendue, 6+6 b
Philosophie, au basdu peuple descendue ! 6+6 b
Des petits sur les grandsgrave et hautain regard ! 6+6 a
ce peuple est venu,le peuple arrive tard ; 6+6 a
35 Mais il est arrivé.Le voilà qui dédaigne ! 6+6 b
Il n'est rien qu'il admire,ou qu'il aime, ou qu'il craigne. 6+6 b
Il sait tirer de toutd'austères jugements, 6+6 a
Tant le marteau de ferdes grands événements 6+6 a
A, dans ces durs cerveauxqu'il façonnait sans cesse, 6+6 b
40 Comme un coin dans le chêneenfoncé la sagesse ! 6+6 b
Il s'est dit tant de fois : le monde en est-il ? 6+6 a
Que font les rois ? à quile trône ? à qui l'exil ? 6+6 a
Qu'il médite aujourd'hui,comme un juge suprême, 6+6 b
Sachant la fin de tout,se croyant en soi-même 6+6 b
45 Assez fort pour tout voiret pour tout épargner, 6+6 a
Lui qu'on n'exile paset qui laisse régner ! 6+6 a
La cour est en gala !pendant qu'au-dessous d'elle, 6+6 b
Comme sous le vaisseaul'océan qui chancelle, 6+6 b
Sans cesse remué,gronde un peuple profond 6+6 a
50 Dont nul regard de roine peut sonder le fond. 6+6 a
Démence et trahisonqui disent sans relâche : 6+6 b
Ô rois, vous êtes rois !confiez votre tâche 6+6 b
Aux mille bras dorésqui soutiennent vos pas. 6+6 a
Dormez, n'apprenez pointet ne méditez pas 6+6 a
55 De peur que votre front,qu'un prestige environne, 6+6 b
Fasse en s'élargissantéclater la couronne ! — 6+6 b
Ô rois, veillez, veillez !tâchez d'avoir régné. 6+6 a
Ne nous reprenez pasce qu'on avait gagné ; 6+6 a
Ne faites point, des coupsd'une bride rebelle, 6+6 b
60 Cabrer la libertéqui vous porte avec elle ; 6+6 b
Soyez de votre temps,écoutez ce qu'on dit, 6+6 a
Et tâchez d'être grands,car le peuple grandit. 6+6 a
Écoutez ! écoutez,à l'horizon immense, 6+6 b
Ce bruit qui parfois tombeet soudain recommence, 6+6 b
65 Ce murmure confus,ce sourd frémissement 6+6 a
Qui roule, et qui s'accrtde moment en moment. 6+6 a
C'est le peuple qui vient,c'est la haute marée 6+6 b
Qui monte incessamment,par son astre attirée. 6+6 b
Chaque siècle, à son tour,qu'il soit d'or ou de fer, 6+6 a
70 Dévoré comme un capsur qui monte la mer, 6+6 a
Avec ses lois, ses mœurs,les monuments qu'il fonde, 6+6 b
Vains obstacles qui fontà peine écumer l'onde, 6+6 b
Avec tout ce qu'on vitet qu'on ne verra plus, 6+6 a
Dispart sous ce flotqui n'a pas de reflux. 6+6 a
75 Le sol toujours s'en va,le flot toujours s'élève. 6+6 b
Malheur à qui le soirs'attarde sur la grève, 6+6 b
Et ne demande pasau pêcheur qui s'enfuit 6+6 a
D' vient qu'à l'horizonl'on entend ce grand bruit ! 6+6 a
Rois, hâtez-vous ! rentrezdans le siècle nous sommes, 6+6 b
80 Quittez l'ancien rivage !À cette mer des hommes 6+6 b
Faites place, ou voyezsi vous voulez périr 6+6 a
Sur le siècle passéque son flot doit couvrir ! 6+6 a
Ainsi ce qu'en passantavait dit cette femme 6+6 b
Remuait mes pensersdans le fond de mon âme, 6+6 b
85 Quand un soldat soudain,du poste détaché, 6+6 a
Me cria : — Compagnon,le soleil est couché. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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