Métrique en Ligne
HUG_10/HUG171
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XXVIII
À MES AMIS S.-B. ET L. B.
Buen viage !
GOYA.
Amis, mes deux amis, mon peintre, mon poète ! 12
Vous me manquez toujours, et mon âme inquiète 12
Vous redemande ici. 6
Des deux amis, si chers à ma lyre engourdie, 12
5 Pas un ne m'est resté. Je t'en veux, Normandie, 12
De me les prendre ainsi ! 6
Ils emportent en eux toute ma poésie ; 12
L'un, avec son doux luth de miel et d'ambroisie, 12
L'autre avec ses pinceaux. 6
10 Peinture et poésie où s'abreuvait ma muse, 12
Adieu votre onde ! Adieu l'Alphée et l'Aréthuse 12
Dont je mêlais les eaux ! 6
Adieu surtout ces cœurs et ces âmes si hautes, 12
Dont toujours j'ai trouvé pour mes maux et mes fautes 12
15 Si tendre la pitié ! 6
Adieu toute la joie à leur commerce unie ! 12
Car tous deux, ô douceur ! si divers de génie, 12
Ont la même amitié ! 6
Je crois d'ici les voir, le poète et le peintre. 12
20 Ils s'en vont, raisonnant de l'ogive et du cintre 12
Devant un vieux portail ; 6
Ou, soudain, à loisir, changeant de fantaisie, 12
Poursuivent un œil noir dessous la jalousie, 12
À travers l'éventail. 6
25 Oh ! de la jeune fille et du vieux monastère, 12
Toi, peins-nous la beauté, toi, dis-nous le mystère. 12
Charmez-nous tour à tour. 6
À travers le blanc voile et la muraille grise 12
Votre œil, ô mes amis, sait voir Dieu dans l'église, 12
30 Dans la femme l'amour ! 6
Marchez, frères jumeaux, l'artiste avec l'apôtre ! 12
L'un nous peint l'univers que nous explique l'autre ; 12
Car, pour notre bonheur, 6
Chacun de vous sur terre a sa part qu'il réclame. 12
35 À toi, peintre, le monde ! à toi, poète, l'âme ! 12
À tous deux le Seigneur ! 6
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