Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
HEU_1/HEU17
Gaston HEUX
L'INITIATION DOULOUREUSE
1er cahier
1924
Le livre puéril
VI
L'Initiation du cœur
… et des mots étouffés fait ses seules caresses…
… Des cœurs respectueux farouche duperie !…
RÉVEIL
LE SYMBOLE DU JARDIN ET DE L'AMOUR
Aux pentes où la vie | enseigne à défaillir, 6+6 a
Dès longtemps haletaient | mes forces épuisées, 6+6 b
Quand vint le soir | religieux | s'y recueillir. 4+4+4 a
A l'approche de l'ombre | en perles déposées, 6+6 b
5 Tremblaient aux frondaisons | où s'étouffent les clairs, 6+6 c
D'un semblable frisson | étoiles et rosées. 6+6 b
Ébranlant la nuit bleue | au bruit rauque des flairs, 6+6 c
Des faons, jarrets tendus, | et l'haleine sifflante. 6+6 a
Humaient l'inquiétude | éparse dans les airs. 6+6 c
10 A peine encor | quelque lumière | somnolente… 4+4+4 a
La nocturne marée | en étirant ses flots, 6+6 b
Noyait les rocs, | submergeait l'être, | bête et plante 4+4+4 a
Et brusquement | un midi d'or | en ce jour clos ! 4+4+4 b
Un coin d'exubérance | où palpite un prodige 6+6 c
15 De parterres en fleurs | et de vergers éclos. 6+6 b
Quelle tiédeur ailée | en parfums y voltige !… 6+6 c
Quels pétales partout | d'un élan dépliés, 6+6 a
S'ouvrent au frôlement | d'un souffle de vertige ?… 6+6 c
Du sommeil éternel | tardifs initiés, 6+6 a
20 Seuls les soucis du temps, | seuls les soucis du monde, 6+6 b
Dans cette tombe en fleurs | reposaient oubliés. 6+6 a
Amour, j'ai salué | ta retraite féconde ! 6+6 b
L'inépuisable joie | a cent rythmes divers, 6+6 c
Lustrale dans la flamme | et lustrale dans l'onde. 6+6 b
25 Les fruits se balançaient, | légers de sucs amers ; 6+6 c
Dans leurs roses duvets | on croyait voir revivre 6+6 a
Les tendres chatoiements | et le carmin des chairs. 6+6 c
Des lys montaient vers eux | comme des fleurs de givre 6+6 a
Et, toute pureté | vers la fécondité, 6+6 b
30 Ils exhalaient leurs cœurs | d'où l'encens se délivre. 6+6 a
Et tout s'enveloppait | de flottante beauté, 6+6 b
Et la résine d'or | roulait sur les écorces, 6+6 c
Perle autant que parfum, | sa fleurante clarté. 6+6 b
O geste des semeurs | dont se cambrent les torses 6+6 c
35 Je vous cherchais dans cet | Éden épanoui 6−6 a
Où la vie émanait | d'intarissables forces ! 6+6 c
Et près du seuil clément, | j'hésitais ébloui, 6+6 a
Lorsque me prit la main | quelqu'un de l'invisible 6+6 b
Que nul dans ce jardin, | hors moi, n'avait ouï ! 6+6 a
40 « Tu peux entrer ; atteins | partout l'inaccessible ! 6+6 b
» Tes pas prédestinés | sentent frémir le seuil 6+6 c
» Que d'autres moins heureux | ont pu croire impassible. 6+6 b
» Rejette la froideur | qui te masque d'orgueil ! 6+6 c
» Et reçois de l'Amour, | ô mon frère, ô mon hôte, 6+6 a
45 » Le baiser qu'éternise | un tendre et ferme accueil !… » 6+6 c
Et comme avant les temps | de la première faute, 6+6 a
Les branches fléchissaient | sous l'excès de leur poids, 6+6 b
Et pour m'offrir ses fruits | s'abaissait la plus haute. 6+6 a
Toutes les faims | pour s'assouvir | pressant leur choix 4+4+4 b
50 Toutes les soifs à pleines | lèvres étanchées ! 6−6 c
Toutes les voluptés | promises à la fois ! 6+6 b
N'offrant plus, en secret, | que des pulpes tachées, 6+6 c
Comme haussant la terre | au devant du désir 6+6 a
Des fruits impatients | s'amassaient en jonchées. 6+6 c
55 T'ai-je compris si mal, | emblème du plaisir, 6+6 a
Que, très haut, et, le soir, | bercé près des étoiles, 6+6 b
Le fruit qui me tenta | ne pouvait se saisir ? 6+6 a
Mais l'aile de l'Esprit | transparut sous ses voiles, 6+6 b
Et, promettant l'azur | à mes vœux d'exilé, 6+6 c
60 M'emportait assouvir | le désir de mes moelles. 6+6 b
Plus que la convoitise | un remords m'a troublé, 6+6 c
Et mon geste planait | sur le verger mystique, 6+6 a
Des cent fruits méconnus | vers ce fruit étoilé ! 6+6 c
« Ah ! pourquoi ternirais-je, | en ce soir pacifique 6+6 a
65 » Où se gonfle d'espoir | le cœur universel, 6+6 b
» Les tissus transparents | de sa chaste tunique ? 6+6 a
» Non, non ! qu'en ce printemps | généreux et charnel, 6+6 b
» Comme un gage vermeil | d'éternelle jeunesse, 6+6 c
» Sous ses roses duvets | coule un sang éternel… 6+6 b
70 » Le vent du ciel peut seul, | et seule sa caresse, 6+6 c
» Attarder sur sa chair | leurs baisers délicats… 6+6 a
» Qu'il reste le fruit pur | du jardin d'allégresse ! 6+6 c
» Ces doigts respectueux | ne le cueilleront pas : 6+6 a
» Mes yeux garderont seuls | sa lumineuse image 6+6 b
75 » Par les sentiers futurs | où buteront mes pas ! » 6+6 a
Et déjà, voyageur, | la fièvre du voyage 6+6 b
M'emportait vers la nuit | de l'éternel chemin : 6+6 c
Mais une houle d'ombre | obscurcit le feuillage… 6+6 b
Deux yeux luirent, points d'or | qui dardaient le dédain, 6+6 c
80 Et cinglant mon respect | d'un long spasme de rire, 6+6 a
L'Esprit, d'un brusque coup, | me repoussa la main. 6+6 c
« Du seuil bleu que toi-même | auras su t'interdire, 6+6 a
» Oh ! regarde !… », et des fruits | me montrant le plus beau, 6+6 b
» Désormais sa fraîcheur | est à qui la désire !… » 6+6 a
85 Et le vent qui passait | l'arracha du rameau. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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