Métrique en Ligne
HAR_2/HAR117
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
MIDI
ÆEA
À GEORGES CLAIRIN
Oh ! loin du monde et loin du bruit, 8
Sans voir le jour, sans voir la nuit, 8
Vivre sous la lueur des lampes ! 8
Marcher à pieds nus dans les peaux, 8
5 Suspendre en guise de drapeaux 8
Des chevelures à des hampes ! 8
Mon palais est de marbre gris : 8
Dans l’or ciselé des lambris 8
Glissent des serpents d’émeraude ; 8
10 Le parquet lisse est de santal ; 8
Et vers les plafonds de cristal 8
L’encens monte, se trouble, et rôde… 8
Les piliers vêtus de brocart 8
Se dressent, drapés avec art, 8
15 Comme des Grecs dans leurs chlamydes ; 8
Des cataractes de velours 8
Tombent des frises en plis lourds, 8
Plus lourds que des toiles humides. 8
L’air rose, en courants attiédis, 8
20 Berce des fleurs de paradis 8
Qui coquettent du bout des tiges, 8
Et charrie un flot de poison 8
Qui fait tournoyer ma raison 8
Au bord du gouffre des vertiges. 8
25 Je ne sais rien, je ne veux rien ; 8
J’ai tout perdu, l’amour du bien, 8
Le sens des mots, l’orgueil des phrases ; 8
J’ignore la terre et le ciel 8
Et mon rêve perpétuel 8
30 Compte ses jours par ses extases. 8
Moins qu’une brute et presque un dieu, 8
Je m’épuise et nage au milieu 8
Des réconforts et des dictames ; 8
Puis, dans des bras entrecroisés, 8
35 Frôlé par un vol de baisers, 8
Je m’endors sur des corps de femmes ! 8
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