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P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GRS_1/GRS3
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
LES DEUX RÊVES
I
L'aurais-je donc rêvé, | qu'il était sur la terre 6+6 a
Un peuple qu'enivrait | la fièvre des combats, 6+6 b
Si bien qu'en écoutant | son clairon militaire 6+6 a
Les rois, entre eux, se parlaient bas ? 8 b
5 Que Rome, bien souvent, | la vieille reine altière, 6+6 a
Dans son désert frémit | au bruit de leurs exploits, 6+6 b
Et que les vieux Brutus | dormant dans, sa poussière 6+6 a
Se dirent : « Voici les Gaulois ! » 8 b
Que le Nil les a vus, | dans ses fougueux Numides, 6+6 a
10 Creuser avec le fer | d'effroyables sillons, 6+6 b
Que ses Pharaons morts, | du haut des Pyramides, 6+6 a
Contemplèrent leurs bataillons ? 8 b
Que l'empire germain, | si fier de son histoire, 6+6 a
S'écroula d'un seul bloc | au vent de leurs drapeaux, 6+6 b
15 Que de Vienne à Berlin, | portés par la victoire, 6+6 a
Ils allaient, allaient sans repos ? 8 b
Qu'après Madrid, plus tard, | Grenade l'Andalouse, 6+6 a
Au bruit de leurs tambours | tressaillit et vibra, 6+6 b
Que leurs voix éveillaient | la grande ombre jalouse 6+6 a
20 Des Califes dans l'Alhambra ? 8 b
Que les steppes du Nord, | jusqu'aux glaces des pôles, 6+6 a
Les ont vus déborder | comme Un fleuve trop plein, 6+6 b
Et que Moscou la sainte, | aux splendides coupoles, 6+6 a
Leur livra son royal Kremlin ? 8 b
25 Que, lorsqu'enfin l'Europe | entière, conjurée, 6+6 a
Écrasa dé son poids | leurs bataillons meurtris, 6+6 b
Quand vingt peuples divers, | ardents à la curée, 6+6 a
Sur eux se ruaient à grands cris, 8 b
Ces vaillants, contre tous, | combattirent sans trêve, 6+6 a
30 Comme un lion blessé | reculant pas à pas, 6+6 b
Pour ne tomber que morts ? |… Ah ! si ce n'est qu'un rêve, 6+6 a
Par pitié, ne m'éveillez pas ! 8 b
II
L'aurais-je aussi rêvé ? | Ces preux, ces fils du glaive, 6+6 a
Qui riaient à la mort, | qui volaient au péril, 6+6 b
35 Gais comme l'alouette, | alors qu'elle s'élève, 6+6 a
En chantant, au soleil d'Avril, 8 b
En face d'un seul peuple, | un vaincu de la veille, 6+6 a
Naguère se .rangeaient | les armes à la-main ; 6+6 b
Et voilà que soudain | le monde s'émerveille 6+6 a
40 A leur désastre surhumain ! 8 b
Car le monde, encor plein | de leur vaillante histoire, 6+6 a
Les avait vus combattre ; | il les savait sans peur 6+6 b
Et leur avait d'avance | adjugé la victoire… 6+6 a
Ce fut une immense stupeur ! 8 b
45 Des défaites sans nom, | soudaines, inouïes, 6+6 a
Des phalanges qui vont : | en avant ! en avant ! 6+6 b
Et puis, en un clin d’œil, | plus rien : évanouies 6+6 a
Comme un peu de poussière au vent ! 8 b
Des soldats qu'on disait | les Titans de la guerre, 6+6 a
50 Livrant à l'ennemi | leurs armes par milliers, 6+6 b
Puis, parqués en troupeaux | comme un bétail vulgaire, 6+6 a
De l'exil prenant les sentiers ! 8 b
Puis, l'étranger fondant | sur la France meurtrie, 6+6 a
Trombe humaine qui brise | et ravage en passant, 6+6 b
55 Et ne laisse plus rien, | sur la terre pétrie, 6+6 a
Que des ruines et du sang ! 8 b
Puis, après bien des jours, | des mois de lutte vaine, 6+6 a
La grande nation | gisant, blessée au cœur, 6+6 b
A tout nouvel effort | saignant par chaque veine, 6+6 a
60 Râlant sous le pied du vainqueur ! 8 b
Et quand à se venger | son courage l'invite, 6+6 a
Elle né peut plus rien | que pleurer et souffrir… 6+6 b
Ah ! si ce n'est qu'Un rêve, | éveillez-moi bien vite, 6+6 a
Dussè-je, en m'éveillant, mourir ! 8 b
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