Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GRS_1/GRS2
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
STRASBOURG
I
Je veux me souvenir,et puis, je veux pleurer ! 6+6 a
Les gouttes de la pluieusent enfin la pierre : 6+6 b
Je veux savoir si l'eaucoulant de la paupière 6+6 b
Peut user ma douleuret me faire espérer ! 6+6 a
5 C'est que je t'ai connue,Alsace ! oui ! bien connue, 6+6 a
Avec ton grandioseet paisible horizon, 6+6 b
Et tes fils généreux,faits de, forte raison, 6+6 b
D'austère probité,de vigueur contenue ! 6+6 a
Depuis qu'au milieu d'euxm'a conduit mon chemin, 6+6 a
10 Je sais qu'à leur paroleon peut croire sans crainte, 6+6 b
Qu'on peut, d'une sereineet confiante étreinte, 6+6 b
Rendre la pressionde leur loyale main ! 6+6 a
Noble terre, d'honneuret de bonté pétrie ! 6+6 a
Je voulais dans ton seinme faire un doux séjour, 6+6 b
15 Puis, du dernier sommeily reposer un jour, 6+6 b
Car je voyais en toima seconde patrie ! 6+6 a
Aussi, quand tu tombassous la main du vainqueur, 6+6 a
Je me sentis frémird'une étrange souffrance : 6+6 b
Il me sembla qu'avecun lambeau de la France 6+6 b
20 Ces Germains arrachaientun lambeau de mon cœur ! 6+6 a
Aussi, depuis qu'on aprononcé ta sentence, 6+6 a
Comme homme et citoyenje me sens amoindri ; 6+6 b
Et depuis ce momentje n'ai jamais souri ; 6+6 b
Un voile noir, pour moi,s'étend' sur l'existence ! 6+6 a
25 Et cette plaie au cœur,je ne puis l'effleurer 6+6 a
Sans irriter soudainla cuisante morsure. 6+6 b
Quel baume, cependant,verser à ma blessure ?… 6+6 b
Je veux me souvenir,et puis, je veux pleurer ! 6+6 a
II
O mon vaillant Strasbourg !mon Strasbourg héroïque ! 6+6 a
30 Tu fus grand, tu fus beau,quand tu bravais, stoïque, 6+6 a
  D'effroyables calamités ; 8 b
Et ton front, ravagépar le fer et la flamme, 6+6 c
D'horreur et de respect,à la fois, remplit l'âme, 6+6 c
  O martyre entre les cités ! 8 b
35 Ensemble nous avons,durant ton agonie, 6+6 a
Traversé bien des nuitsde cruelle insomnie, 6+6 a
  Bien des jours tout souillés de sang ; 8 b
Et la fraternitédes douleurs et des larmes 6+6 c
A relié, parmices terribles alarmes, 6+6 c
40   Mon cœur au tien d'un nœud puissant ! 8 b
Quels jours ! et quelles nuits !… Farouches saturnales 6+6 a
De détonationséclatant, infernales, 6+6 a
  A tous les coins de l'horizon ; 8 b
Troupeaux de malheureuxréfugiés sous terre, 6+6 c
45 Tremblant de voir croulerleur toit héréditaire 6+6 c
  Sur les vtes de leur prison ; 8 b
Longs obus regorgeantde meurtre et de ravages, 6+6 a
Déchirant l'air avecdes sifflements sauvages, 6+6 a
  Comme un vol d'énormes vautours, 8 b
50 Puis, sur les durs pavésse brisant en mitraille, 6+6 c
Et, sous des jets stridentsde tranchante ferraille, 6+6 c
  Fauchant la foule aux alentours ; 8 b
Lourdes bombes qu'on voit,sinistrement ronflantes, 6+6 a
Tracer dans le ciel noirleurs courbes rutilantes 6+6 a
55   Et s'élancer jusqu'au zénith, 8 b
Puis, sur un haut pignontout à coup venant fondre, 6+6 c
Éclater en trouantla maison qui s'effondre. 6+6 c
  Broyer en poudre le granit ; 8 b
Puis, d'instants en instants,le sourd tocsin qui gronde, 6+6 a
60 Le lugubre incendieallumant à la ronde 6+6 a
  Son formidable flamboiement, 8 b
Puis, les toits calcinéss'abîmant dans les flammes, 6+6 c
Et des gerbes de feu,comme de fauves lames, 6+6 c
  Jaillissant vers le firmament ; 8 b
65 Hideux brancards, portantsur leurs toiles sanglantes 6+6 a
Des mutilés aux chairsrouges et pantelantes 6+6 a
  Des mourants à l'aspect hagard, 8 b
Des femmes, des. enfantsau front morne et livide, 6+6 c
Aux yeux déjà vitreuxet fixés dans le vide, 6+6 c
70   Horreur et pitié du regard ; 8 b
Puis, la ruine immense,à demi consumée, 6+6 a
Des pans de murs croulantset noircis de fumée, 6+6 a
  Restes à peine refroidis, 8 b
Cadavre d'une ville,étendu sur la terre, 6+6 c
75 Pareil à ces citésmortes, sous le cratère 6+6 c
  Qui les mit en cendres jadis ; 8 b
Puis, enfin, la splendideet noble basilique, 6+6 a
Des âges reculésmerveilleuse relique, 6+6 a
  Parure, orgueil de la Cité, 8 b
80 Étalant aux regardsses douloureuses plaies, 6+6 c
Jonchant au loin le solde pierres mutilées, 6+6 c
  Débris de son front dévasté : 8 b
Telles sont les horreursqui t'ont frappé naguère ; 6+6 a
Car, de tous les fléauxque déchne la guerre, 6+6 a
85   Pas un ne te fut épargné ; 8 b
Et cependant, Strasbourg !durant ce long orage, 6+6 c
Je le jure, jamaisn'a faibli ton courage, 6+6 c
  A tous les malheurs résigné ! 8 b
Et quand, au dernier jour,par la brèche élargie 6+6 a
90 Allaient monter l'assaut,le massacre, l'orgie 6+6 a
  De la fureur et du trépas, 8 b
Comme une explosionjaillit de tes entrailles 6+6 c
Ce cri de la valeur :« Aux armes ! aux murailles ! 6+6 c
  « Mourons et ne nous rendons pas ! » 8 b
95 Plus tard, ô mon Strasbourg !l'impartiale histoire 6+6 a
Nous dira tes revers,plus beaux qu'une victoire, 6+6 a
  Et comment tu les subissais ; 8 b
Mais moi, ton fils de cœur,bien haut je le proclame : 6+6 c
Jusqu'au dernier momenttu n'eus qu'un vœu dans l'âme, 6+6 c
100   Un seul : vivre ou mourir Français ! 8 b
III
Ah ! celui qui, durantcette épreuve abhorrée, 6+6 a
A senti comme moipalpiter sous sa main 6+6 b
Le grand cœur de l'Alsace,et puis, morne, éplorée, 6+6 a
  L'a vue au pouvoir du Germain, 8 b
105 Celui-là vous diraitsi la mère patrie 6+6 a
Compte un seul fils l'aimantd'un amour plus puissant, 6+6 b
Un fils plus prompt, sans mêmeattendre qu'elle prie, 6+6 a
  A verser pour elle son sang ! 8 b
Car, à leurs yeux, la Franceest toujours la première 6+6 a
110 Qui brisa sur le soll'ancienne iniquité, 6+6 b
Et qui des droits nouveauxéleva la bannière 6+6 a
  Aux regards de l'Humanité ! 8 b
Celui-là vous diraitquelle souffrance amère 6+6 a
Fit pleurer ces vaillants,si forts dans le danger, 6+6 b
115 Quand vint les arracherau doux sein de leur mère 6+6 a
  La rude main de l'étranger ! 8 b
Il vous dirait combien,à l'heure douloureuse, 6+6 a
Perd la France en perdantce lambeau de sa chair, 6+6 b
Cette robuste raceà l'âme généreuse, 6+6 a
120    son nom fut toujours si cher ! 8 b
O France, noble Alsace !O sœurs infortunées ! 6+6 a
Est-ce donc bien finipour vous ? Dans l'avenir, 6+6 b
A vous tendre les brasserez-vous condamnées 6+6 a
  Sans pouvoir jamais les unir ! 8 b
125 Et par-dessus les monts,odieuse barrière, 6+6 a
Levant chacune un frontpar le deuil abattu, 6+6 b
Vous direz-vous toujours,des pleurs dans la paupière 6+6 a
  « O ma sœur ! c'est moi… m'entends-tu ? » 8 b
Mais non ! Consolez-vous,ô noble Alsace, ô France ! 6+6 a
130 Les astres ne sont pastous éteints ; dans vos cieux 6+6 b
Il en reste un encore,on le nomme : Espérance 6+6 a
  Ne le perdez jamais des yeux ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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