Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
FRA_2/FRA20
Anatole FRANCE
IDYLLES ET LÉGENDES
1896
La Fille de Caïn
Hark, hark ! the sea-birds cry !…
In the sun’s place a pale and ghastly glare
Hath wound itself around the dying air.
LORD BYRON, Heaven and Earth.
I
Un matin de ces temps des hymens étranges 6+6 a
Aux filles de Caïnmêlaient les pâles Anges, 6+6 a
Azraël quitta Dieupour Oholibama. 6+6 b
Elle le vit pleurerprès du puits, et l’aima. 6+6 b
5 « Ô toi qui souffres, viens,dit la fille des hommes ; 6+6 a
Qu’importe, ange ou démon,le nom dont tu te nommes : 6+6 a
Ton front est triste et fieret tes yeux sont de feu ; 6+6 b
En te voyant si beau,je te préfère à Dieu. 6+6 b
Esprit, puisqu’il te pltd’aimer l’argile aimante, 6+6 a
10 Je livre à ton étreinteeffroyable et charmante, 6+6 a
Ô ma vie et ma mort,fils révolté du jour ! 6+6 b
Tout mon être qui vapérir de ton amour, 6+6 b
Ma terrestre beautédont je marchais si fière, 6+6 a
Ma face que tes yeuxinondent de lumière, 6+6 a
15 Mes bras et leurs anneaux,mon col et ses colliers, 6+6 b
Et ma main refuséeaux fils des chameliers. 6+6 b
Tu sauras, loin de Dieu,me cacher dans tes ailes. 6+6 a
Nos destins seront beauxcomme les nuits sont belles. » 6+6 a
II
Le lendemain, la racehumaine, à son réveil, 6+6 b
20 Vit se lever la mortet non pas le soleil. 6+6 b
La fille de Caïndit, près de la fontaine : 6+6 a
« Azraël, connais-tucette brise lointaine 6+6 a
Qui vient à nos baisersmêler un sel amer ? 6+6 b
N’entends-tu pas crierl’hirondelle de mer ? 6+6 b
25 La mer roule vers nouset c’est Dieu qui la mène. 6+6 a
Nous redonnions Édenà la famille humaine ! 6+6 a
Éden, sous nos baisers,refleurissait plus cher ! 6+6 b
Nous avions rétablila gloire de la chair ! 6+6 b
Mais Dieu !… Réjouis-toi,Caïn, dans ta semence : 6+6 a
30 Entre la femme et Dieula lutte recommence 6+6 a
Sur la terre ébranlée tendent mes genoux 6+6 b
Entends-tu les démonscaptifs rire de nous ? 6+6 b
Quelle effroyable nuitroule de cime en cime ! » 6+6 a
Les eaux avaient rompules sources de l’abîme ; 6+6 a
35 Les antiques granits,de leurs flancs entr’ouverts, 6+6 b
Lançaient des gerbes d’eau,de fumée et d’éclairs ; 6+6 b
Et bientôt, dans l’horreurdes ténèbres compactes, 6+6 a
Le ciel du Dieu jalouxouvrit ses cataractes. 6+6 a
Sur les plaines sontles tentes des pasteurs, 6+6 b
40 Sur les sombres forêtset les pins des hauteurs, 6+6 b
Sur les grandes citésaux enceintes de brique 6+6 a
l’homme rend hommageaux Démons et fabrique, 6+6 a
Près des fleuves fangeux,dans de noirs ateliers, 6+6 b
Les étoffes de lin,les anneaux, les colliers, 6+6 b
45 Les grands couteaux de bronzeet les flèches de pierre, 6+6 a
les fils de Caïn,race maudite et fière, 6+6 a
Lisent au ciel changeantsur le fte des tours, 6+6 b
L’eau, par nappes, tombadurant quarante jours, 6+6 b
Et le vent souffla telque des brisants humides 6+6 a
50 Heurtaient les sept degrésdes hautes pyramides. 6+6 a
Les fauves, les humains,la troupe des vivants 6+6 b
Gagna les pics neigeuxsous la foudre mouvants. 6+6 b
Et les géants deboutet les vierges voilées, 6+6 a
Les mères qui tendaientleurs mamelles gonflées 6+6 a
55 À leurs petits enfantsaux yeux clos, les vieillards 6+6 b
Inertes, et du fondde leurs yeux sans regards 6+6 b
Pleurant leurs jours de paixet leurs longues mémoires, 6+6 a
Les chefs portant la lance,et les esclaves noires, 6+6 a
Les marchands étrangersvenus sur leurs chameaux, 6+6 b
60 Et les prêtres savantsà conjurer les maux, 6+6 b
Sous le choc écumantde la vague profonde, 6+6 a
Priaient ou maudissaientle Destructeur du monde. 6+6 a
Et, quand eurent sombréles sommets des grands monts. 6+6 b
Quand flotta sur les eauxle rire des Démons, 6+6 b
65 Le mammouth, exhalantun gémissement rauque, 6+6 a
Levait sa trompe encorsur l’immensité glauque. 6+6 a
III
Le soleil reparut,rouge et froid dans les cieux. 6+6 b
Pressant entre ses brasle corps silencieux 6+6 b
Et glacé pour jamaisdans une vive étreinte, 6+6 a
70 De celle qui mourutsans regret et sans crainte, 6+6 a
L’Ange flottait, splendideet triste, dans le vent, 6+6 b
Las d’offrir à la foudreun front toujours vivant. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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