Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
FRA_1/FRA4
Anatole FRANCE
Les poèmes dorés
1873
La mort du singe
Dans la serre vitrée | où de rigides plantes, 6+6 a
Filles d'une jeune île | et d'un lointain soleil, 6+6 b
Sous un ciel toujours gris, | sommeillant sans réveil, 6+6 b
Dressent leurs dards aigus | et leurs floraisons lentes, 6+6 a
5 Lui, tremblant, secoué | par la fièvre et la toux, 6+6 a
Tordant son triste corps | sous des lambeaux de laine, 6+6 b
Entre ses longues dents | pousse une rauque haleine 6+6 b
Et sur son sein velu | croise ses longs bras roux. 6+6 a
Ses yeux, vides de crainte | et vides d'espérance, 6+6 a
10 Entre eux et chaque chose | ignorent tout lien ; 6+6 b
Ils sont empreints, ces yeux | qui ne regardent rien, 6+6 b
De la douceur que donne | aux brutes la souffrance. 6+6 a
Ses membres presque humains | sont brûlants et frileux ; 6+6 a
Ses lèvres en s'ouvrant | découvrent les gencives ; 6+6 b
15 Et, comme il va mourir, | ses paumes convulsives 6+6 b
Ont caché pour jamais | ses pouces musculeux. 6+6 a
Mais voici qu'il a vu | le soleil disparaître 6+6 a
Derrière les huniers | assemblés dans le port ; 6+6 b
Il l'a vu : son front bas | se ride sous l'effort 6+6 b
20 Qu'il tente brusquement | pour rassembler son être. 6+6 a
Songe-t-il que, parmi | ses frères forestiers, 6+6 a
Alors qu'un chaud soleil | descendait des cieux calmes, 6+6 b
Repu du lait des noix | et couché sur les palmes, 6+6 b
Il s'endormait heureux | dans ses frais cocotiers, 6+6 a
25 Avant qu'un grand navire, | allant vers des mers froides, 6+6 a
L'emportât au milieu | des clameurs des marins, 6+6 b
Pour qu'un jour, dans le vent, | qui lui mordît les reins, 6+6 b
La toile, au long des mâts, | glaçât ses membres roides ? 6+6 a
À cause de la fièvre | aux souvenirs vibrants 6+6 a
30 Et du jeûne qui donne | aux âmes l'allégeance, 6+6 b
Grâce à cette suprême | et brève intelligence 6+6 b
Qui s'allume si claire | au cerveau des mourants, 6+6 a
Ce muet héritier | d'une race stupide 6+6 a
D'un rêve unique emplit | ses esprits exaltés : 6+6 b
35 Il voit les bons soleils | de ses jeunes étés, 6+6 b
Il abreuve ses yeux | de leur flamme limpide. 6+6 a
Puis une vague nuit | pèse en son crâne épais. 6+6 a
Laissant tomber sa nuque | et ses lourdes mâchoires, 6+6 b
Il râle. Autour de lui | croissent les ombres noires : 6+6 b
40 Minuit, l'heure où l'on meurt, | lui versera la paix. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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