Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DUC_3/DUC103
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
Deuxième Partie
(1870-1871)
Sous une Pluie d'obus
Eh ! bien, quoi de nouveau, | citoyens ? — Sur ma couche 6+6 a
Où la douleur me tient | (1), j'entends le bruit farouche, 6+6 a
Des canons de Guillaume | auxquels sur le rempart 6+6 b
Les nôtres font chorus ; | l'éclair luit, le coup part ; 6+6 b
5 L'obus siffle dans l'air, | décrit sa parabole, 6+6 a
Et je suis du regard | la terrible auréole, 6+6 a
Qu'au front des monuments, | dans l'ombre de la nuit, 6+6 b
Jettent l'obus qui passe | et la bombe qui suit ! 6+6 b
A quoi songent-ils donc, | ces destructeurs de villes ? 6+6 a
10 Ces hordes de bandits ? | A nous vaincre ? — Imbéciles ! 6+6 a
Faites pleuvoir le soufre | et prodiguez le fer, 6+6 b
Comptez sur la famine | et comptez sur l'hiver ; 6+6 b
Le soufre ni le fer, | l'hiver ni la famine, 6+6 a
N'effraieront point Paris, | ce Paris qui s'obstine 6+6 a
15 Et qui vous exaspère. | — Acharnez-vous sur lui ! 6+6 b
Hier c'était Capoue | et c'est Sparte aujourd'hui ! 6+6 b
Il faut que ces gens-là — | ces brutes, veux-je dire, 6+6 a
— Soient saisis de vertige | et frappés du délire, 6+6 a
Pour croire que Paris, | comme Sedan et Metz, 6+6 b
20 Peut tomber un moment | en leur pouvoir ! — Jamais ! 6+6 b
Nos soldats ne sont plus | quand sonnent les dianes, 6+6 a
Des lions valeureux | commandés par des ânes, 6+6 a
Et puis nous n'avons plus | pour livrer nos soldats, 6+6 b
Cartouche-Bonaparte | et Bazaine-Judas ! 6+6 b
25 Croyez-vous, citoyens, | que le sire Guillaume 6+6 a
Reprenne le chemin | qui mène à son royaume ? 6+6 a
Ne va-t-il pas, ainsi | qu'Ulysse aux temps anciens, 6+6 b
Avant que de rejoindre | et retrouver les siens, 6+6 b
Errant, abandonné | par ses frères d'Europe, 6+6 a
30 N'embrasser que bien tard | Augusta-Pénélope, 6+6 a
Qui fait, défait, refait, | en proie à la terreur, 6+6 b
De ses doigts amaigris | un manteau d'Empereur ? 6+6 b
Un manteau d'Empereur ? |… celui de Charlemagne ! 6+6 a
Il est brisé dans l'œuf | l'Empire d'Allemagne ! (2) 6+6 a
35 Tisse, vieille Augusta ; | tisse et retisse encor, 6+6 b
Pour ton César Germain | la pourpre aux franges d'or. 6+6 b
Tisse, tisse toujours ! | — seulement prends bien garde, 6+6 a
Que dans un vain labeur | ton soin ne se hasarde, 6+6 a
Et qu'enfin cette pourpre, | ou ce manteau d'orgueil, 6+6 b
40 Ne serve à ton époux | de funèbre linceuil ! 6+6 b
Tisse donc ! tisse à l'ogre | un rouge et long suaire ! 6+6 a
Il n'aura même pas | sa place à l'ossuaire, 6+6 a
Ni lui ni ses soldats ! | Pas un ne reverra 6+6 b
Le pays des aïeux ; | — la Seine portera 6+6 b
45 Leurs corps morts à la mer | et la mer aux abîmes ! 6+6 a
L'océan sera peu | pour laver tant de crimes ! 6+6 a
En vain les nations | à l'écho du chemin, 6+6 b
Demanderont où fut | la tombe des Germains ! 6+6 b
Ah ! vous êtes entrés | superbes d'assurance 6+6 a
50 Sur le sol généreux, | sur la terre de France ? 6+6 a
Vous n'en sortirez pas | vivants, je vous le dis ! 6+6 b
Vous n'en sortirez pas, | entendez-vous, bandits ? 6+6 b
Vous n'en sortirez pas, | entendez-vous, infâmes ? 6+6 a
Allons, brûlez, tuez | les enfants et les femmes ; 6+6 a
55 Répandez devant vous | l'horreur et le trépas… 6+6 b
Ah ! vous êtes entrés ? |… Vous ne sortirez pas ! 6+6 b
Cette terre vous tient, | vous mange, vous dévore ! 6+6 a
Ah ! si vous le pouviez, | s'il était temps encore, 6+6 a
Comme tournant le dos | vous iriez lâchement 6+6 b
60 Mettre entre vous et nous | votre Rhin Allemand, 6+6 b
Et voir si Bourbaki | vous battant à cette heure, 6+6 a
Ne foule pas du pied | l'Allemagne qui pleure ; 6+6 a
Si Belfort débloqué | n'a pas dans les sillons, 6+6 b
Couché de Meklembourg | les rouges bataillons 6+6 b
65 Tandis que vos obus | viennent trouer un dôme, 6+6 a
Chanzy tient Frédéric | acculé sous Vendôme ; 6+6 a
Faidherbe vous menace | et le jeune Cremer, 6+6 b
Pousse au-devant de vous | une forêt de fer ! 6+6 b
Tel Inverness jadis | vit sa forêt mouvante, 6+6 a
70 Dans le camp de Macbeth | apporter l'épouvante. 6+6 a
Elle avance toujours | et de ses flancs il sort, 6+6 b
Comme un vent de malheur, | comme un souffle de mort ! 6+6 b
Vous êtes condamnés ; | la justice éternelle, 6+6 a
N'aurait en se voilant | qu'à replier son aile, 6+6 a
75 Tigres ! si vous pouviez | avec impunité, 6+6 b
Poursuivre vos complots | de lèse-humanité ! 6+6 b
Non ! par le Dieu vivant ! | pas de miséricorde ! 6+6 a
On lutte avec un peuple ; | on massacre une horde. 6+6 a
Pour le salut commun | qu'importe le moyen ; 6+6 b
80 On égorge et l'on tue | et tout est juste et bien ! 6+6 b
Oui, vous périrez tous ! | ce sera la tuerie, 6+6 a
Le carnage effrayant, | la grande boucherie, 6+6 a
Ni grâce, ni pitié ; | ni merci, ni pardon ; 6+6 b
La pierre, le couteau, | la dent, tout sera bon ! 6+6 b
85 Et nous crierons, après | la sanglante besogne ; 6+6 a
— « Venez, corbeaux ! Mangez ; | voilà de la charogne ! » 6+6 a
J'assistais au bombardement de Paris, de mon lit, où je restai cloué
deux mois par suite d'une fracture à la cuisse étant de grand garde
à la tranchée. J'habitais alors Montmartre et je voyais de ma fenêtre
les bombes germaines pleuvoir sur Paris. — Quel spectacle pour un blessé !
Cet œuf que couvait Bismarck et que l'ineptie des hommes d'État de
l'Empire-fit éclore.
mètre profil métrique : 6+6
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