Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DUC_2/DUC22
Alexandre DUCROS
Les Caresses d'Antan
1896
LES RUBANS DE MARIE
Simple Histoire
I
Ruban blanc
Elle dort ! une lampe | éclaire son visage. 6+6 a
Son front n'est obscurci | par aucun noir nuage. 6+6 a
Rien ne trouble sa paix | ni sa sérénité. 6+6 b
Elle a prié, ce soir, | et maintenant son rêve, 6+6 c
5 De ses travaux du jour | douce et paisible trêve, 6+6 c
Emporte son esprit | dans un monde enchanté. 6+6 b
Du Dieu qu'elle a prié | son regard voit la face. 6+6 a
Parmi les chérubins | il lui montre sa place. 6+6 a
Elle court dans des champs | semés d'or et d'azur, 6+6 b
10 De spacieux jardins | aux fleurs toujours nouvelles, 6+6 c
Qui répandent au sein | des sphères éternelles, 6+6 c
Comme pour louer Dieu | leur parfum le plus pur ! 6+6 b
Son oreille attentive | écoute l'harmonie 6+6 a
Et recueille les sons | de la harpe bénie 6+6 a
15 Qui vibre entre les doigts | de mille séraphins, 6+6 b
A ce concert sacré, | sa voix pure et craintive 6+6 c
Se mêle doucement | et sa prière arrive 6+6 c
A Dieu, sur l'aile d'or | des cantiques divins ! 6+6 b
Rrêve heureux et qui nais | de sa chaste ignorance, 6+6 a
20 Rêve que chaque nuit | achève et recommence, 6+6 a
Non, tu n'es point de ceux | qui viennent abuser ! 6+6 b
L'âme que tu ravis | est comme un lac tranquille ; 6+6 c
Nul remords ne la trouble | et tu la vois docile, 6+6 c
S'endormir, s'éveiller, | au bruit d'un doux baiser ; 6+6 b
25 Un baiser de sa mère ! | — Oh ! c'est tout ce qu'elle aime ! 6+6 a
Pour elle sa tendresse | est unique, suprême ! 6+6 a
Son père, hélas, son père | est mort depuis longtemps… 6+6 b
Alors, tout son amour | est allé vers sa mère ; 6+6 c
Pour elle ses baisers, | pour elle sa prière, 6+6 c
30 Pour elle, — doux trésor ! | les fleurs de son printemps ! 6+6 b
Dans ses cheveux elle a | pour unique parure 6+6 a
Un simple ruban blanc | dont le pli s'aventure 6+6 a
Sur son sein où la soie | et l'or sont inconnus ; 6+6 b
Pour seul et riche atour | sa robe d'indienne, 6+6 c
35 Qui de tant de beautés, | modeste gardienne, 6+6 c
Ne laisse apercevoir | que ses bras demi-nus. 6+6 b
Auprès de la fenêtre, | un oiseau dans la cage, 6+6 a
Par ses chants répétés | égaie ainsi l'ouvrage. 6+6 a
L'aiguille diligente | éloigne le souci 6+6 b
40 De son seuil, où le pauvre | en recevant l'aumône, 6+6 c
Fait qu'une perle encor | s'ajoute à la couronne 6+6 c
Que Dieu garde à cet ange | auquel il dit : Merci ! 6+6 b
Elle est heureuse ainsi, | qui peut troubler son être ? 6+6 a
Elle marche au milieu | du monde sans connaître 6+6 a
45 Ce qu'il a de méchant, | d'égoïste, de froid. 6+6 b
Les cailloux du chemin | pour elle sont de sable. 6+6 c
Sa candeur la défend ; | innocence adorable, 6+6 c
Qui s'ignore elle-même | et que le Seigneur voit ! 6+6 b
Son travail la nourrit, | — travail heureux ! — sa mère 6+6 a
50 Ne peut plus travailler ; | dans une épreuve amère 6+6 a
Une chute laissa | ses membres engourdis. 6+6 b
Elle travaille et chante ! | oui chante ! Dieu te garde, 6+6 c
Chère enfant ! et tes chants | ont fait de ta mansarde 6+6 c
Un nid joyeux et saint, | un nouveau paradis. 6+6 b
55 Ton cœur ignore encor | ce mal qui nous dévore, 6+6 a
Ce mal qu'on nomme amour | et que chacun adore. 6+6 a
Si ton front est rêveur, | certes, ce n'est pas lui 6+6 b
Qui trouble tes instants | et cause tes alarmes ; 6+6 c
A tes yeux si je vois | se balancer deux larmes, 6+6 c
60 C'est que ta mère, hélas, | a souffert aujourd'hui. 6+6 b
L'amour ? — Tu ne connais | ni ses douleurs aiguës, 6+6 a
Ni ses nombreux accès | de fièvres inconnues, 6+6 a
Ni son espoir d'un jour | qu'un autre jour détruit. 6+6 b
Non ! ton sommeil est calme | et ton âme est sereine. 6+6 c
65 Par souffles mesurés | s'échappe ton haleine ; 6+6 c
Non ! tu chantes le jour | et tu rêves la nuit. 6+6 b
L'amour ? Eh ! que t'importe | à toi l'amour ? Pauvre ange ! 6+6 a
Ton cœur en possède un, | un qui jamais ne change, 6+6 a
Un amour que du ciel | Dieu bénit chaque jour. 6+6 b
70 Tu le chéris, enfant, | et lui seul fait ta joie. 6+6 c
Sur un être adoré | tout ton cœur le déploie… 6+6 c
N'est-ce pas, que ta mère | est ton unique amour ? 6+6 b
De ton chaste ruban | la couleur virginale, 6+6 a
Chère enfant, nous le dit, | et l'aube matinale 6+6 a
75 A moins de pureté, | moins de calme profond 6+6 b
Que tes jours oubliés | dans cette paix obscure, 6+6 c
Et, par ton beau ruban, | angélique parure, 6+6 c
L'image de ton cœur | se reflète à ton front. 6+6 b
J e vous l'ai déjà dit, | sur sa chaise de paille, 6+6 a
80 Libre, dès le matin, | elle chante et travaille, 6+6 a
Ses sens dorment encor, | les vives passions 6+6 b
Ne troublent point l'éclat | de cette blonde aurore. 6+6 c
Sa joie est dans sa mère | et ses fleurs qu'elle adore, 6+6 c
Dans son beau ruban blanc | et ses jeunes chansons. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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